1-Above Earth 1.50
2-Debris 4.24
3-The Void 6.15
4-Atlantis 3.43
5-Don't Let Go 11.11
6-Airlock 1.57
7-ISS 2.53
8-Fire 2.57
9-Parachute 7.40
10-In The Blind 3.07
11-Aurora Borealis 1.43
12-Aninqaaq 5.08
13-Soyuz 1.42
14-Tiangong 6.28
15-Shenzou 6.11
16-Gravity 4.35

Musique  composée par:

Steven Price

Editeur:

Silva Screen Records SILCD1441

Album produit par:
Alfonso Cuaron, Steven Price
Préparation musique:
Jill Streater
Chef d'orchestre:
Everton Nelson
Mixage musique:
Gareth Cousins
Monteur musique:
Christopher Benstead
Assistant monteur:
Robin Baynton
Supervision musique:
George Drakoulias
Direction de la musique pour
Warner Bros. Pictures:
Paul Broucek, Niki Sherrod
Direction de la musique
pour Watertower:
Jason Linn
Direction artistique:
Sandeep Sriram
Music business affairs:
Lisa Margolis

Artwork and pictures (c) 2013 Warner Bros. Entertainment, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
GRAVITY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Steven Price
Depuis « Children of Men » sorti en 2006, on attendait avec impatience le retour du très inspiré Alfonso Cuarón au cinéma, le réalisateur mexicain n’ayant rien tourné depuis ce film, préférant produire plusieurs longs-métrages pour le compte d’une nouvelle compagnie nommée Cha Cha Cha Films, aux côtés de ses compatriotes Guillermo Del Toro et Alejandro Gonzalez Inarritu. C’est ainsi que débarque sur nos écrans en 2013 le très attendu « Gravity », thriller spatial claustrophobique entièrement centré sur deux astronautes perdus dans le vide spatial à la suite d’un terrible accident. On suit ainsi tout au long du film le périple de deux astronautes, le commandant Matt Kowalski (George Clooney) de la navette spatiale américaine Explorer, assisté de l’astronaute scientifique Ryan Stone (Sandra Bullock). Tous deux sont en pleine mission de réparation du télescope Hubble, lorsque le centre spatial de Houston les informe qu’un satellite russe a été détruit par un missile, et qu’un nuage de débris spatiaux est en train d’arriver sur eux à toute vitesse, provoquant ainsi une terrible réaction en chaîne baptisée syndrome de Kessler. Obligés de fuir de toute urgence pour regagner la terre, Kowalski et Stone s’apprêtent à regagner la navette spatiale lorsque les débris fondent brutalement sur eux, détruisant une bonne partie de leur équipement et provoquant la mort de leur troisième collègue. Kowalski et Stone se retrouvent alors propulsés dans l’espace, la scientifique étant alors en proie à la panique, perdue dans le vide spatial sans possibilité de se déplacer, et ce contrairement à Kowalski qui dispose d’un MMU lui permettant de réaliser des petits mouvements dans l’espace. Après avoir réussi à rejoindre la scientifique, Kowalski s’arrime à elle à l’aide d’un câble et utilise ensuite son MMU pour se propulser jusqu’à la navette spatiale, rendue alors inutilisable suite à la pluie des débris spatiaux. Seul espoir pour les deux survivants : rejoindre la Station spatiale internationale qui se situe à 100 kilomètres d’ici, où Kowalski espère regagner la Terre à bord d’un vaisseau Soyouz amarré à la station. Mais le parcours semble infini dans l’obscurité et l’immensité spatiale, et les chances d’atteindre la station restent minces. Annoncé depuis février 2010, « Gravity » reste un projet de longue haleine pour Alfonso Cuaron, que le cinéaste mexicain aura mis près de trois ans à concrétiser. Devant l’immense difficulté technique du film (entièrement conçu en images de synthèse avec incrustations des acteurs, qui, pour des questions de réalisme, ne portent aucun maquillage tout au long du film) et le choix délicat des acteurs principaux (Robert Downey Jr. et Angelina Jolie furent initialement prévus), le réalisateur a du faire face à un grand défi technique, probablement le plus important de sa carrière si l’on en croit les dires du cinéaste lors d’interviews récentes.

Si le scénario de « Gravity » reste plutôt mince et un peu creux, le film est un exploit technique quasi inédit dans son genre : voilà enfin un film qui aborde l’espace de façon réaliste sans céder aux clichés habituels des films de science-fiction hollywoodiens ! Ainsi donc, Cuaron décide de respecter quelques règles physiques de base trop souvent ignorées au cinéma, à savoir qu’il n’y a aucun son dans l’espace étant donné l’absence d’oxygène pour propager le son. Les seuls sons entendus dans le film (outre ceux de la musique) proviennent uniquement de l’intérieur des casques des deux astronautes, ou lors des scènes dans les navettes. A noter que la technologie des navettes et de l’équipement spatial décrite dans le film reste là aussi très proche de la réalité. Mais plus que le réalisme saisissant du film, c’est surtout l’incroyable exploration en 3D de l’immensité spatiale que l’on saluera ici, Cuaron étant l’un des rares réalisateurs à avoir compris que la 3D ne peut pas être une valeur ajoutée mais bien un élément inhérent à une expérience cinématographique à part entière. Construit comme une sorte de tour de montagnes russes, « Gravity » s’apprécie avant tout comme une expérience sensorielle et viscérale, entre claustrophobie, isolement, angoisse, suspense, tension mais aussi émerveillement, un spectacle total dans lequel on s’immerge pleinement grâce à une 3D exceptionnelle qui joue sur les effets de reliefs pour nous permettre de mieux partager cette aventure spatiale quasi unique au cinéma. Evidemment, le film de Cuaron n’a pas la prétention philosophique ou métaphysique de ses illustres prédécesseurs comme « 2001 A Space Odyssey » ou « Solaris », car son scénario reste somme toute assez pauvre, « Gravity » se résumant à un simple survival dans l’espace en forme de série-B à suspense comme on en a déjà vu maintes fois auparavant. Ainsi donc, le cinéaste mexicain sacrifie tout ici au profit du visuel et du réalisme, et ce malgré certains écarts nécessaires par rapport à la réalité (notamment dans le problème de l’évaluation des distances, gigantesques dans l’espace). Restent l’interprétation solide de George Clooney et Sandra Bullock, impeccables dans le rôle de ces deux survivants à l’avenir bien incertain. Malgré ses faiblesses scénaristiques évidentes, « Gravity » a été vivement salué par les critiques dès sa sortie en salles, le film ayant reçu une pluie de récompenses diverses tandis que certains le considèrent déjà comme l’un des meilleurs films jamais réalisés sur l’espace.

Soucieux de varier ses collaborations musicales, Alfonso Cuaron a décidé de confier cette fois-ci la partition de « Gravity » à Steven Price, compositeur britannique ayant été assistant de Trevor Jones (« Dark City ») puis monteur pour Howard Shore (« Lord of the Rings ») et Hans Zimmer (« Batman Begins »). Après avoir composé en 2010 la musique additionnelle pour le film « Scott Pilgrim vs. The World » d’Edgar Wright et signé le score de « Attack the Block » en 2011, Steven Price livre enfin pour « Gravity » une partition synthético-orchestrale plutôt sombre, dense et mélancolique, évoquant les thèmes de l’isolement, de la solitude et du danger dans l’immensité spatiale. Dès les premières minutes de la partition, on est d’emblée happé par le son électronique et résolument atmosphérique de la partition, avec une dose supplémentaire de spiritualité à travers l’emploi de sonorités cristallines et de vocalises féminines éthérées, dès la seconde moitié de « Above the Earth ». Ici, Price a la bonne idée de jouer sur l’idée du silence dans le vide spatial, avec un premier crescendo synthétique dissonant qui deviendra l’un des éléments-clé du score de « Gravity » : à noter que le crescendo est d’ailleurs brusquement interrompu par un effet d’edit brut, un truc souvent employé par les compositeurs dans les musiques d’horreur/suspense lorsqu’il s’agit de souligner un effet particulier - malheureusement, le compositeur va un peu trop en abuser tout au long du film ! - Ici, Steven Price se montre à l’aise dans le sound design et le maniement des sons, n’oubliant pas pour autant la partie symphonique dont il dispose, l’orchestre ayant été enregistré à Londres avec un effectif conséquent, le choeur du Metro Voices et quelques solistes additionnels (alto, violoncelle, harmonica de verre, orgue et vocalises de Lisa Hannigan, Haley Glennie-Smith et Katherine Ellis). Les premiers morceaux du score s’articulent essentiellement autour du sound design et de l’électronique, avec l’utilisation constante de glissandi aigus et menaçants des cordes et des synthés, dès le début de « Above Earth » mais surtout lors de la catastrophe au début du film dans « Debris » puis le menaçant et intense « The Void ». Ici, comme dans le film, Steven Price joue sur une sensation d’immersion dans un univers claustrophobique où le danger est omniprésent, idée personnifié par ces montées de tension en glissando progressif intense, et une accumulation de dissonances. La partie orchestrale reste ici mise en retrait, bien souvent limitée aux cordes, en plus des vocalises féminines associées à Ryan Stone dans le film, tandis que « Atlantis » introduit le violoncelle soliste qui apporte un aspect plus humain au récit. Niveau sound design, Price utilise ici un sample récurrent, celui des parasites d’ondes radios que l’on retrouve tout au long du score, pour évoquer les émissions radio en provenance de la terre, samples mixés discrètement en arrière-fond sonore mais très présent notamment au début de « Don’t Let Go » et de « ISS ».

Si les premiers morceaux se limitent à de simples montées de tension menaçantes et agressives, avec ces effets de cuts bruts dont Price abuse malheureusement un peu trop fréquemment à la fin de la plupart des morceaux (une facilité agaçante qui aide le montage dans le film mais gâche complètement l’écoute sur l’album), le très long « Don’t Let Go » introduit la deuxième partie du score, plus mélodique et tonale, à l’aide d’un violoncelle mélancolique élégiaque. Ici, les synthétiseurs trouvent un juste équilibre avec l’orchestre et les vocalises féminines, apportant aux images un sentiment de désolation, de tristesse mais aussi d’espoir et d’humanité. La musique se révèle poignante lorsqu’il est question de la survie, du retour vers la terre. Dommage que « Don’t Let Go » retombe très vite dans l’anarchie musicale de « Debris » ou « The Void », bien que l’on appréciera ici la présence accrue de l’orchestre durant cette nouvelle montée de tension agressive vers la cinquième minute du morceau (qui totalise les 11 minutes !). C’est aussi l’occasion pour Steven Price d’introduire ici le thème romantique/dramatique qui évoque aussi bien le lien entre Ryan et Kowalski et l’idée de l’espoir et de la survie, thème souvent confié aux cordes et forcément plus mélodique et accessible, rompant avec le caractère plus difficile d’accès du début. A noter l’emploi d’un piano vaporeux et méditatif dans « Airlock » qui reflète ici une émotion plus discrète, tandis que le danger reste bien réel lors de la scène de l’incendie dans la navette avec « Fire », morceau d’action survolté aux rythmes électroniques banals et prévisibles. Idem pour l’intense « Parachute », qui s’avère être un peu trop long (plus de 7 minutes). « Aningaaq » introduit quand à lui des sonorités cristallines dans une atmosphère planante empreinte d’introspection et d’une douce mélancolie, alors que Ryan se retrouve seule à bord de l’appareil, isolée de tout. La tension monte de façon plus dramatique avec une détermination évidente dans l’imposant « Tiangong » et ses accords dramatiques et solennels prenants, tandis que « Shenzou » utilise quelques beats techno/électro personnifiant le danger lors de la traversée de l’atmosphère à la fin du film. C’est l’occasion pour Steven Price de laisser son thème se développer enfin dans son intégralité avec une puissance remarquable, à la manière des grands anthems/hymnes façon Hans Zimmer ou Vangelis (on ressent ici une influence évidente dans les harmonies du « Thin Red Line » de Zimmer). Impossible de ne pas se laisser emporter par la puissance émotionnelle et élégiaque de « Shenzou », qui apporte un sentiment de triomphe, d’espoir et de libération à la fin du film – malgré un caractère beaucoup plus impersonnel - espoir qui se concrétise lors de la conclusion de « Gravity », avec un dernier envol orchestral sur fond de rythmes de guitare et de vocalises féminines lors du retour sur terre.

Steven Price signe donc une partition plutôt intéressante pour « Gravity », qui, à défaut de révolutionner la musique de film, nous propose une illustration musicale saisissante de cette expérience cinématographique intense dans l’espace, notamment grâce à l’emploi d’un sound design riche et soutenu (bien que trop souvent répétitif et un peu lourd par moment) et de pistes orchestrales plus dramatiques et élégiaques, notamment vers la fin du film, plus mélodique et accessible. Maniant les sons avec une certaine dextérité, Steven Price apporte une atmosphère dense, sombre et froide aux nombreux plans dans l’espace, même si l’on regrette parfois l’omniprésence de la musique à l’écran, là où il aurait été plus judicieux de jouer davantage sur les silences et de renforcer l’absence de son dans le vide spatial (du coup, cette sensation est quasi annihilée tout au long du film par la présence de la musique). Néanmoins, et malgré un côté inégal et des défauts agaçants (notamment cette fâcheuse tendance à couper systématiquement la plupart des morceaux par un cut brut), le score de « Gravity » reste aussi bien réussi dans le film que sur l’album, où l’on peut apprécier davantage les différents détails d’un score à la fois atmosphérique et dramatique, qui apporte un poids émotionnel évident aux images, parfois même sans grande finesse – notamment à la fin – quitte à verser dans un style plus hollywoodien pur, mais pourtant posé parfaitement sur les images. Certes, ce n’est peut être pas la BO de l’année, mais « Gravity » n’en reste pas moins un bien bel effort de la part du jeune Steven Price, qui gagne à se faire connaître davantage au cinéma et sur des projets tout aussi mémorables, qui sauront probablement l’inspirer.



---Quentin Billard