1-Paura sulla citta 4.11
2-Considerazioni su un omicidio 3.13
3-Avvertire la polizia 1.57
4-Dolcementer ambigua 3.21
5-Minaccia telefonata N.1 2.24
6-Sui tetti di Parigi 1.47
7-Essere preso dal panico 1.28
8-Sospiri da una radio lontana 5.52
9-Parigi segreta
(la Parigi nera) 2.17
10-La scorta 1.11
11-Azione paranoica 4.13
12-Letellier e Helene 1.07
13-Minaccia telefonata N.2 3.05
14-Ostaggi 4.30
15-Assassinio 1.07
16-Sosta vietata 2.23
17-All'angolo di una
strada di periferia 2.43
18-Notturno primo 4.15
19-Notturno secondo 4.41
20-Manichini 1.17
21-Paura sulla citta (finale) 1.42
22-Paura sulla citta (suite) 15.16

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

GDM/Legend GDM 4300

Album produit par:
Ennio Morricone

(c) 1975 Cerito Films/Mondial Televisione Film. All rights reserved.

Note: ****
PEUR SUR LA VILLE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
Grand succès commercial du cinéma français de l’année 1975, « Peur sur la ville » est l’un des grands classiques d’Henri Verneuil, cinéaste bien connu pour ses films cultes tels que « Un singe en hiver », « Mélodie en sous-sol », « Week-end à Zuydcoote », « Le Clan des Siciliens » ou bien encore « Le Casse ». En l’espace d’une cinquantaine d’années, Verneuil aura ainsi tourné quelques uns des plus grands films du cinéma français des années 50 à 90, avec un goût très prononcé pour les grosses productions mettant en scène des stars internationales (il aura ainsi dirigé de manière éclectique Jean Gabin, Alain Delon, Michel Bouquet, Philippe Noiret, Yves Montand, mais aussi Yul Brynner, Henry Fonda, Dirk Bogarde, Omar Sharif, etc.). Mais c’est avec Jean-Paul Belmondo que Verneuil connaîtra ses plus grands succès dans les années 70 avec le film d’action « Le Casse » en 1971. Fort de cette expérience, le cinéaste retrouve trois ans plus tard Belmondo sur le film « Peur sur la ville ». Sorti en salles en 1975, « Peur sur la ville » fut un énorme succès commercial en France et en Europe, totalisant ainsi près de 4 millions d’entrées. Et pourtant, lorsqu’on se penche d’un peu plus près sur cette grosse production franco-italienne, on remarque très vite la maigreur ahurissante d’un scénario d’une platitude effarante, à peine digne d’une série-B à petit budget. Malgré cela, le film s’est surtout fait connaître grâce à sa réalisation solide et aux fameuses cascades extraordinaires de Jean-Paul Belmondo, qui n’hésita pas pour les besoins du film à prendre des risques insensées pour assurer le spectacle jusqu’au bout. L’histoire se résume quand à elle en quelques lignes : après la défenestration d’une jeune femme habitant au 17e étage d’un appartement parisien, le commissaire Jean Letellier (Jean-Paul Belmondo) et son adjoint Charles Moissac (Charles Denner) enquêtent sur les circonstances de cette mort étrange et traquent un sinistre individu surnommé Minos (Adalberto Maria Merli), en référence à l’Enfer, le premier tome de la Divine Comédie de Dante. Minos explique qu’il est responsable de la mort de la jeune femme et qu’il compte ensuite s’attaquer à d’autres femmes célibataires qui mènent une vie sexuelle libre. Débute alors un jeu mortel du chat et de la souris entre le commissaire Letellier, policier casse-cou aux méthodes expéditives, et Minos, psychopathe maniaque et redoutable tueur en série adepte des déguisements. « Peur sur la ville » mise donc tout sur sa réalisation musclée et la performance incroyable de Jean-Paul Belmondo, qui exécute toutes ses cascades lui-même, y compris celle où il grimpe sur le toit du wagon d’un métro sur le pont de Bir-Hakeim, ou lors du survol final de l’immeuble en hélicoptère accroché à un harnais, et qui se termine par un atterrissage musclé dans la fenêtre de l’appartement. Le public ne s’y est pas trompé, et malgré un scénario quasi inexistant, des dialogues parfois bâclés (pourtant signés Francis Veber) et des personnages froids et sans grande saveur, « Peur sur la ville » est une grande réussite qui repose essentiellement sur les épaules de Jean-Paul Belmondo, car il y a fort à parier que sans l’incroyable implication de l’acteur, le film n’aurait certainement jamais connu un tel succès.

Henri Verneuil en profite pour retrouver sur « Peur sur la ville » l’un de ses fidèles complices, le compositeur Ennio Morricone, qui signe une partition sombre, mystérieuse et entêtante pour le long-métrage. Rappelons que Verneuil a collaboré avec quelques uns des plus grands compositeurs de l’époque : Joseph Kosma (« Des gens sans importance »), Michel Legrand (« Les amants du Tage »), Maurice Jarre (« Le Président », « Week-end à Zuydcoote »), Michel Magne (« Un singe en hiver », « Mélodie en sous-sol »), Georges Delerue (« Cent mille dollars au soleil », « Les Morfalous »), Georges Garvarentz (« Les lions sont lâchés »), Philippe Sarde (« Mille milliards de dollars »), Jean-Claude Petit (« Mayrig »), etc. C’est sur le film « La Bataille de San Sebastian » tourné en 1968 qu’Henri Verneuil rencontra pour la première fois Ennio Morricone, débutant ainsi une série de collaborations avec le maestro italien sur des films tels que « Le Clan des Siciliens » (1969), « Le Casse » (1971), « Le Serpent » (1972) ou bien encore « I…comme Icare » (1979). « Peur sur la ville » est certainement l’une des plus fameuses partitions d’Ennio Morricone pour Henri Verneuil, peut-être l’une des plus appréciées par les fans du maestro, notamment grâce à sa mélodie incroyablement entêtante qui évoque parfaitement la menace du tueur fou sur la ville et l’obsession du commissaire Letellier prêt à tout pour arrêter le criminel. A mi-chemin entre l’esthétique de Bela Bartok (qui semble avoir pas mal inspiré Morricone sur cette bande originale) et la musique contemporaine des années 50/60, la musique de « Peur sur la ville » a très certainement contribué à son tour au succès du film de Verneuil. Ennio Morricone s’entoure ici de deux de ses compatriotes parmi les solistes : le siffleur Alessandro Alessandroni et l’harmoniciste Franco de Gemini, musiciens italiens bien connus qui avaient déjà travaillé avec le maestro italien sur le bouleversant « C’era una volta il West » de Sergio Leone en 1968. Utilisée avec parcimonie dans le film, la musique intervient toujours dans les moments-clé, quitte à se faire parfois discrète voire effacée pour certaines scènes d’action entièrement tournées sans musique. Le score de « Peur sur la ville » est surtout connu pour son thème troublante et sinistre basé sur un ostinato obsédant de trois tierces mineures parallèles ascendantes de piano dans le grave (c’est la signature musicale de la menace de Minos) par dessus lequel vient s’ajouter la mélodie sifflée de Letellier, doublée de l’harmonica et de quelques instruments supplémentaires (dont quelques cordes et une poignée de bois).

Fidèle à son goût pour l’expérimentation et l’inventivité singulière, Morricone livre son thème dès « Paura sulla citta », qui débute sur un rythme entêtant de battement de coeur joué par une guitare basse, puis l’ostinato en tierces mineures du piano grave, la mélodie sifflée et une série de dissonances extrêmes des bois et des cordes. A noter que Morricone multiplie même les effets sonores grinçants vers le milieu de « Paura sulla citta », quitte à frôler comme il le fait souvent l’esthétique bruitiste avant-gardiste des compositeurs contemporains du milieu des années 50/60 (rappelons qu’Ennio Morricone a étudié cette musique nouvelle à l’IRCAM en France), le tout afin de mieux retranscrire un sentiment de malaise indissociable de l’atmosphère sombre et froide du film de Verneuil. Morricone s’essaie davantage aux dissonances en multipliant les glissandi stridents extrêmes des cordes dans « Considerazioni su un omicidio », qui rappelle pour le coup ses musiques ténébreuses et torturées pour les polars et giallos italiens des années 60 (on pense notamment à ses travaux pour Dario Argento). Le milieu du morceau reprend même les dissonances extrêmes de « Paura sulla citta » avec ses effets aléatoires des bois et des cuivres en sourdine, que Morricone utilise ici de façon très particulière et singulière. Les harmonies torturées des cordes dans « Sui tetti di parigi » annoncent quand à elle le score qu’écrira Morricone pour « The Thing » de John Carpenter en 1982, avec des ponctuations de cuivres, bois (contrebasson) et piano dans le grave. Le motif entêtant de Minos est repris ici comme pour rappeler l’omniprésence du tueur et la menace qui s’abat sur la ville de Paris, une idée qui se concrétise plus intensément dans « Parigi Segreta » où le tempo semble s’accélérer dangereusement dans le film avec l’ajout d’une batterie et des cuivres plus présents sur fond de glissandi dissonants des cordes. Véritablement présent dans la plupart des morceaux du score, l’obsédant motif de trois notes du piano joué de façon mécanique et métronomique progresse dans « Azione panoramica » où Morricone réutilise les effets sonores aléatoires et étranges de la trompette en sourdine (une écoute plus attentive de cette musique nous permettra d’ailleurs de remarquer un fait intéressant : l’utilisation de plusieurs pianos pour interpréter l’entêtant ostinato de Minos !).

Si la répétition parfois extrême de l’ostinato de piano de Minos risque fort de lasser certains auditeurs, impossible de ne pas ressentir ce sentiment de malaise et d’angoisse dans le film totalement indissociable du super méchant brillamment campé par l’acteur italien Adalberto Maria Merli, car même si la musique est utilisée avec parcimonie, ses rares apparitions sont toujours aussi savoureuses et intenses sur les images, sans oublier la mélodie sifflée pour le personnage de Belmondo, qui renforce le côté musclé et héroïque du policier et de ses exploits à l’écran, sans jamais en faire de trop. Quand à Minos, ses harmonies dissonantes de cordes sur fond d’ostinato entêtant de piano/batterie/guitare basse dans « Ostaggi » fait monter davantage la tension d’un cran avec une inventivité incroyable chère à Morricone, tout comme la séquence de la traque dans la salle aux mannequins (« Manichini »), et ce même si beaucoup de morceaux n’ont finalement pas été retenus pour le film mais trouvent enfin une place de choix sur l’édition complète publiée par le label italien GDM. A ce sujet, hormis les passages à suspense rythmiques orientés autour de l’ostinato de Minos et du thème sifflé de Letellier, on découvre aussi quelques morceaux de type easy-listening plus kitsch et très ‘seventies’ dont le très érotique « Sospiri da una radio lontana » avec ses soupirs féminins hyper sensuels, ou le délicat et nostalgique « Sosta Vietata » et sa mélodie de clavecin kitsch, et même si plusieurs de ces morceaux ne sont pas utilisés dans le film, c’est avec un plaisir indiscutable que l’on peut enfin les découvrir en intégralité dans l’édition complète de GDM (la meilleure édition à ce jour pour le score de « Peur sur la ville »). Enfin, on notera aussi un passage plus expérimental et très particulier dans « All angolo di une strada di periferia », qui mélange des sonorités dissonantes et étranges de mandoline, claviers, guitare électrique, basse, basson et cordes avec des notes mécaniques de piano préparé. Vous l’aurez donc compris, la partition de « Peur sur la ville » est une réussite incontestable dans la collaboration Morricone/Verneuil, peut être l’une des meilleures partitions écrites par Morricone pour un polar français des années 70, un bijou culte de la musique de film des seventies, une musique expérimentale, moderne, inventive et incroyablement entêtante et prenante, essentiellement destinée aux aficionados du maestro italien et à ceux qui apprécient l’esthétique plus avant-gardiste et créative d’Ennio Morricone, une musique angoissante et mécanique qui apporte une atmosphère particulière au film de Verneuil et a très grandement contribué au succès du film : incontournable, donc !




---Quentin Billard