1-Stop the Killing 3.26
2-Yard Sale 4.18
3-The Box Opens 4.53
4-She's Still Hungry 4.41
5-Shadow Puppets 6.36
6-To Trap a Demon 6.05
7-I Don't Love You 3.47
8-The Morgue 4.04
9-The Schul 4.04
10-Brett's Teeth 3.12
11-Abizul 3.24

Musique  composée par:

Anton Sanko

Editeur:

Lionsgate Records

Musique produite par:
Anton Sanko
Supervision musique:
Linda Cohen
Administrateur licence musique:
Jessica Dolinger
Monteur musique:
Maarten Hofmeijer
Orchestrations:
Ben Leathers, Joachim Horsley
Coordinateur score/superviseur:
Joel Thompson

(c) 2012 Ghost House Pictures/North Box Productions. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE POSSESSION
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Anton Sanko
Produit par Sam Raimi et Robert Tapert, « The Possession » raconte l’histoire de Clyde (Jeffrey Dean Morgan) et Stephanie Brenek (Kyra Sedgwick), un couple divorcé qui vit avec leurs deux filles Emily (Natasha Calis) et Hannah (Madison Davenport). Un jour, le couple décide d’emmener leurs enfants à une brocante, où la jeune Emily fait l’acquisition d’une mystérieuse boîte de dybbuk sur laquelle se trouve une mystérieuse inscription en hébreux. Selon les croyances de la religion juive, une boîte de dybbuk est un petit coffre en bois qui renfermerait un esprit maléfique prisonnier de la boîte grâce à une formule inscrite en général sur la boîte. Les dybbuk sont des esprits malveillants capables de tourmenter et de s’emparer d’un corps humain. De retour chez elle, Emily décide d’ouvrir la boîte sans savoir de quoi il s’agit réellement, après avoir entendu des murmures sortir de l’énigmatique objet. Elle découvre à l’intérieur une dent, le cadavre d’un papillon, une figurine en bois et un anneau, qu’elle décide alors de porter à son doigt. Peu de temps après, la jeune fille commence à se comporter de manière étrange : elle s’isole dans sa chambre, ne parle plus à personne, devient sinistre et même violente, tandis que la maison se retrouve brusquement envahie de papillons. Incapable de se séparer de sa boîte, Emily provoque l’inquiétude de son professeur d’école et de ses parents. Clyde comprend alors que la boîte exerce un pouvoir maléfique sur sa fille et décide d’en savoir plus en interrogeant un professeur d’université au sujet de la mystérieuse boîte : ce dernier lui révèle alors les origines maléfiques du dybbuk, qui s’est libéré de la boîte et s’est emparé d’Emily. Confronté à des forces occultes, Clyde rencontre alors des représentants du judaïsme hassidique de Brooklyn qui vont l’aider à combattre le dybbuk nommé Abyzou (le dévoreur d’enfant) et à le chasser hors du corps d’Emily, et ce avant qu’il ne soit trop tard. « The Possession » reprend donc toutes les formules habituelles du genre, le film étant un hommage flagrant (et avoué) au « Exorcist » de William Friedkin. « The Possession » aborde ainsi les thèmes habituels de l’occulte, de l’ésotérisme religieux juif (comme dans le récent « The Unborn », qui abordait un sujet similaire), de la possession démoniaque et de l’exorcisme avec une atmosphère d’angoisse plutôt bien amenée mais aussi très prévisible et sans surprise. Le long-métrage délivre son lot habituel de clichés à grand renfort de scare jumps et d’images choc (notamment lors de l’exorcisme final). Pour renforcer le folklore entourant le film, et à l’instar de la fameuse malédiction du « Poltergeist » de Spielberg, on a même raconté que l’équipe du film a connu quelques déboires inexpliqués lors du tournage (un néon a explosé tout seul, des accessoires ont pris le feu cinq jours après la fin du tournage, etc.), des événements qui, pour une raison étrange et inconnue, se produisent parfois sur les tournages de film en rapport avec des sujets occultes. Mais au final, malgré un casting de qualité et une mise en scène tout à fait correcte, « The Possession » échoue au final dans la catégorie des séries-B d’exorcisme sans grande envergure. Le cinéaste danois Ole Bornedal fait ce qu’il peut pour rehausser le niveau d’un script mou en manque d’idée, mais en vain, « The Possession » ne passionne jamais, et malgré l’idée qu’il s’inspire de faits réels, on rentre difficilement dans cette histoire d’intrigue mystico religieuse/occulte revu des milliers de fois auparavant.

Si Ole Bornedal avait l’habitude de travailler jusqu’à présent avec le compositeur Marco Beltrami sur la musique de ses films, « The Possession » offre l’opportunité au cinéaste danois de se tourner cette fois-ci vers un autre compositeur, Anton Sanko, musicien new-yorkais connu pour des musiques de films telles que « Rabbit Hole », « Strangeland ». Passionné des ambiances musicales sombres et des films d’épouvante, Anton Sanko savait qu’il aurait fort à faire sur « The Possession », pour lequel il livre une composition orchestrale sombre, glauque et macabre, écrite dans un style avant-gardiste/expérimental qui rappelle indubitablement Christopher Young ou Marco Beltrami. Utilisant l’orchestre symphonique habituel, Sanko décide de délaisser le sound design très à la mode dans les musiques de film d’épouvante actuel et opte pour une approche orchestrale plus conventionnelle, avec une construction mélodique/thématique apportant une émotion plus dramatique et humaine à un film décrit comme un drame familial avant d’être une histoire d’horreur. C’est ce que suggère clairement « Stop the Killing » avec son piano intime sur fond de cordes minimalistes et quelques notes de célesta. Dans une interview récente, Sanko expliqua qu’il passa un peu de temps à écouter et étudier la musique juive et les modes hébreux pour pouvoir s’en inspirer et les incorporer ensuite dans sa musique, un élément somme toute assez discret mais pourtant bien présent dans le score. Dans « Yard Sale », on découvre le motif associé à la boîte du dybbuk, un motif de 12 notes de piano mystérieux et énigmatique. La seconde partie de « Yard Sale » fait alors la part belle aux orchestrations plus avant-gardistes à grand renfort de crescendos de cuivres, de flatterzunge de flûtes, de cordes menaçantes/dissonantes ou de quelques nappes synthétiques discrètes qui apportent un sentiment de menace évident à l’écran. Les orchestrations sont très soignées, privilégiant chaque pupitre de l’orchestre de façon plutôt remarquable : on notera par ailleurs une influence flagrante de Béla Bartok à 2:52, passage durant lequel Anton Sanko cite quelques mesures de la fameuse « Musique pour cordes, percussions et célesta » de Bartok, déjà utilisée par Stanley Kubrick dans son film « The Shining » en 1980.

Arborant un style classique/avant-gardiste plus proche de la musique contemporaine du XXe siècle que des bidouillages électroniques trop souvent utilisés de nos jours, Anton Sanko apporte un ton à la fois sombre, élégant et mystérieux au film d’Ole Bornedal. C’est ce que rappelle encore une fois « The Box Opens », avec sa mélodie légère de hautbois sur fond de cordes/célesta envoûtants et ses cuivres menaçants. « The Box Opens » aboutit par ailleurs à un premier déchaînement orchestral de terreur pure, à grand renfort d’effets aléatoires chaotiques des cuivres, de cordes et de percussions agressives, sans oublier le retour du piano mélancolique et intimiste du début. Le motif de la boîte est de nouveau utilisé à 2:26 à la harpe avec des cordes sombres qui ne laissent aucun doute quand aux origines maléfiques du contenu de la boîte. Dans « She’s Still Hungry », l’ambiance devient plus pesante avec des notes hésitantes de piano, des tenues sinistres de cordes, un mélange harpe/célesta, des bois et une clarinette basse obscure tapissée dans le grave. Sanko accentue ici les dissonances, l’atonalité, et accumule les ponctuations orchestrales agressives, notamment au cours d’une impressionnante accélération orchestrale hystérique et terrifiante vers 1:30. Evidemment, les influences sont ici flagrantes (on pense à Christopher Young), mais Sanko possède néanmoins sa propre personnalité dans sa manière d’écrire pour l’orchestre. Un second thème, plus ample et dramatique, apparaît à la fin de « She’s Still Hungry », thème associé à la possession de la jeune Emily et aux mystères du dybbruk, mélodie plus présente lors du dernier acte du film. Un troisième thème est par ailleurs entendu durant la montée de tension finale de « Yard Sale », thème menaçant évoquant les pouvoirs de la boîte sur la jeune fille.

Dans « Shadow Puppets », le compositeur tempère le climat sombre du score avec un passage pour piano et cordes mélancolique et doux plutôt réussi, tandis que le thème de la possession revient à 1:56 aux violoncelles puis repris dans un puissant tutti orchestral à 2:37. Si « Shadow Puppets » évoque clairement l’idée du drame familial et du combat d’un père pour sauver sa fille, « To Trap a Demon » nous ramène dans l’aspect plus occulte et démoniaque de l’intrigue, avec un piano plus hésitant et des cordes/bois plus menaçant, sans oublier l’utilisation de sonorités particulières incluant celles du violoncelle ou de la clarinette basse, et des dissonances qui rampent lentement et progressivement dans le grave (on sent ici une influence plus flagrante de compositeurs tels que Penderecki et Ligeti). La dernière partie du film permet à Anton Sanko d’écrire ses morceaux les plus sombres et les plus torturés, à commencer par le lugubre et agressif « I Don’t Love You », qui évoque les dégâts du dybbuk sur la petite Emily, devenue une personne méprisable et violente sous l’emprise du démon. A noter ici l’emploi étonnant de percussions métalliques martelées et de sample saturé pour renforcer l’étrange tension qui accompagne cette pièce, le tout sur fond de tenues en trémolos de cordes menaçantes et dissonantes. Les choses s’accentuent enfin dans « The Morgue » avec un sentiment de panique et de terreur largement dominé par une écriture plus rythmique des cordes, des percussions et des cuivres (sans oublier le trio piano/harpe/célesta), tout comme le final « Abizul », qui reprend le thème des pouvoirs de la boîte et du dybbuk aux cordes/vents pour un dernier déchaînement symphonique agressif et totalement débridé (notamment dans ses glissandi survoltés de cors ascendants) lors de l’exorcisme final de la petite Emily. Au final, Anton Sanko signe donc un score symphonique de qualité pour « The Possession », une musique certes prévisible et sans surprise mais suffisamment bien écrite et bien pensée pour pouvoir retenir ici toute notre attention. On regrettera des influences trop souvent flagrantes (Bartok, Chris Young, Penderecki, etc.) mais qui viennent renforcer malgré tout la tension et l’ambiance sombre du film d’Ole Bornedal avec une intensité remarquable. Les amateurs de musique horrifique orchestrale à l’ancienne devraient donc apprécier à coup sûr le travail d’Anton Sanko sur « The Possession » !




---Quentin Billard