1-"One Small Fact" 1.46
2-The Journey to Himmel Street 1.48
3-New Parents and a New Home 1.33
4-Ilsa's Library 2.21
5-The Snow Fight 1.01
6-Learning to Read 2.48
7-Book Burning 2.52
8-"I Hate Hitler!" 2.06
9-Max and Liesel 1.11
10-The Train Station 2.16
11-Revealing the Secret 4.11
12-Foot Race 1.20
13-The Visitor at Himmel Street 2.02
14-Learning to Write 2.07
15-The Departure of Max 2.32
16-"Jellyfish" 2.08
17-Rescuing the Book 1.55
18-Writing to Mama 2.42
19-Max Lives 1.31
20-Rudy is Taken 2.00
21-Finale 2.48
22-The Book Thief 7.05

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Sony Classical 88883797072

Album produit par:
John Williams
Monteur musique:
Ramiro Belgardt
Monteur scoring:
Robert Wolff
Piano solos:
Randy Kerber
Hautbois solos:
Jessica Pearlman
Clarinette solos:
Don Foster
Préparation musique:
Jo Ann Kane Music Service
Direction de la musique pour
20th Century Fox:
Danielle Diego
Music business affairs
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
Production musicale exécutive
pour 20th Century Fox:
Rebecca Morellato
Music clearance
20th Century Fox:
Ellen Ginsburg

Artwork and pictures (c) 2013 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE BOOK THIEF
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
« The Book Thief » (La voleuse de livres) tire son point de départ du roman éponyme pour jeunes adultes écrit par l’australien Markus Zusak et publié en 2005. Le film, sorti au cinéma en 2013 et réalisé par le britannique Brian Percival reprend les grandes lignes du roman et raconte l’histoire de Liesel Meminger (Sophie Nélisse), jeune fille de 13 ans vivant dans l’Allemagne d’Hitler en 1938 et qui se voit contrainte de se séparer de ses parents communistes, et qui, pour échapper à la répression nazie, décident de confier Liesel et son petit frère Werner à une famille habitant à Molching, petite ville située près de Munich. Hélas, le frère de Liesel décède dans le train, emporté par une toux violente. Peu de temps après, Liesel débarque chez ses parents adoptifs, Hans (Geoffrey Rush) et Rosa Hubermann (Emily Watson) : l’homme est un modeste peintre en bâtiment aimable et compréhensif, et Rosa est une mère au foyer plutôt grossière et autoritaire. Si Liesel se heurte au mépris de Rosa, qui la déteste et la considère comme une troisième bouche à nourrir dans la maison, Hans, plus protecteur, s’attache très vite à la jeune fille qu’il considère dès lors comme son propre enfant. Liesel rencontre ensuite ses nouveaux camarades de classe et se lie d’amitié avec Rudy, jeune sportif admirateur de l’athlète afro-américain Jesse Owens. Avec le soutien de son père adoptif, Hans, Liesel va alors apprendre à lire et va découvrir le pouvoir des mots à travers les livres qu’elle dérobe régulièrement dans l’immense bibliothèque de la femme du maire de Molching, à qui elle amène régulièrement le linge repassé par Rosa. Mais la famille Hubermann voit son destin bouleversé par l’arrivée de Max Vanderburg (Ben Schnetzer), jeune juif réfugié qu’ils décident de cacher chez eux sous leurs escaliers. Partageant avec Max son amour pour les mots, Liesel va se réfugier dans les livres pour tenter d’échapper aux horreurs de la guerre. « The Book Thief » est donc une adaptation assez fidèle du roman de Markus Zusak, avec comme point commun l’idée d’une narration off insolite, racontée par la Mort, personnage-clé de l’histoire dans le livre et le film. Brian Percival réalise ainsi une intrigue intimiste et dramatique non dénuée de poésie et d’émotion, même si l’on regrette parfois le côté un peu lisse et très pédagogique du film, surtout destiné à un jeune public, avec une violence atténuée (un comble pour un film sur la 2de Guerre Mondiale !) et un ton humaniste assez candide et inoffensif. Mais il serait injuste de ne s’arrêter qu’au côté lisse de « The Book Thief », car le film contient de belles et grandes qualités, à commencer par la jeune Sophie Nélisse, actrice canadienne de 13 ans et véritable révélation du film, entouré de grandes pointures comme l’impeccable Geoffrey Rush dans un rôle poignant ou Emily Watson en mère acariâtre mais qui cache en réalité un coeur en or. Le film de Brian Percival nous offre par la même occasion une solide réflexion sur le pouvoir des mots et des livres, l’idée de la culture et de la connaissance contre la barbarie humaine, et la voix off très ironique de la Mort, empreinte d’un humour noir un peu atténué par rapport à celui du roman d’origine. Enfin, « The Book Thief » tire aussi son épingle du jeu en dépeignant la 2d Guerre Mondiale vue cette fois-ci du côté allemand (point de vue rarement abordé au cinéma), avec un ton profondément humaniste qui aurait gagné en intérêt avec un peu moins de longueurs (le film dure tout de même 2h25 !) et davantage de nuances.

« The Book Thief » offre l’occasion à John Williams de signer sa première musique de film de l’année 2013 après deux années plutôt calmes durant lesquelles le maestro américain a composé pour Spielberg les excellents « The Adventures of Tintin », « War Horse » et « Lincoln ». Habitué aux sujets historiques et aux films sur la guerre, John Williams renoue dans « The Book Thief » avec l’émotion et la pudeur de partitions telles que « Angela’s Ashes » (1999), « Schindler’s List » (1993), « Stepmom » (1998), « The Accidental Tourist » (1988) ou « Lincoln » (2012), arborant de façon similaire une écriture éminemment classique empreinte d’un lyrisme académique très 19èmiste, largement véhiculé par des orchestrations restreintes à base d’instruments solistes. A l’instar de « Angela’s Ashes », la musique de « The Book Thief » fait la part belle au piano de l’incontournable Randy Kerber, aux cordes et aux vents, incluant 3 flûtes, 2 hautbois, 4 clarinettes, 2 bassons, un saxophone, 8 cors, sans oublier 2 percussions, un synthétiseur, et un trio de harpe, célesta et piano. Niveau orchestrations, on reste dans une approche assez minimaliste et classique avec les bois placés par deux, les huit cors utilisés modérément et une absence des autres instruments de la famille des cuivres (pas de trompettes, de trombones ni de tuba ici !), sans oublier un pupitre de percussions très restreint. Anecdote intéressante au sujet de ce score : Williams a lui-même lu le roman de Markus Zusak et a tout fait pour faire partie de l’aventure lorsqu’il apprit qu’un film était en cours de préparation. Pour le maestro tout de même âgé de 81 ans, travailler pour la première fois avec un nouveau réalisateur était un exploit insoupçonné, révélant le fait que « The Book Thief » était un projet personnel qui lui tenait particulièrement à coeur.

A la première écoute de la musique dans le film, on découvre une poignée de thèmes parfaitement agencés et structurés sur les images, à commencer par une première mélodie mélancolique de piano associée à la Mort (au tout début du film dans « One Small Fact ») et qui rappelle vaguement des mélodies classiques de Beethoven ou Schubert. Enfin, le thème principal fait son apparition aux bois et aux cordes à partir de 0:41 sur une mesure à trois temps, sorte de valse gracieuse et mélancolique associée à la destinée de Liesel dans le film, et qui n’est pas sans rappeler le thème du film « Presumed Innocent » (1990). Le troisième thème est dévoilé furtivement au piano avec quelques notes rapides et gracieuses à 1:12 en contrepoint des mesures conclusives du thème principal à trois temps. Ce troisième thème est associé dans le film à l’amour de Liesel pour les mots et à son goût immodéré pour les livres. Présentant les trois premiers thèmes de la partition, « One Small Fact » est une jolie entrée en matière pour « The Book Thief », John Williams développant ainsi ses trois leitmotive tout au long du récit avec une aisance remarquable. Le thème mélancolique de la Mort est ainsi réentendu au début de « The Journey to Himmel Street » au piano avant de céder sa place au thème des livres développé cette fois-ci dans un joli mélange de piano/célesta/harpe, toujours sur une mesure à trois temps. La musique demeure ici très minimaliste et épurée, Williams choisissant ses instruments avec délicatesse, sans jamais en faire de trop. C’est aussi le cas dans « New Parents and a New Home », l’un des rares moments de jovialité dans la partition avec une pièce légère pour cordes et toujours cette mesure à trois temps fédératrice d’une bonne partie de la partition, comme dans « Ilsa’s Library », où l’on retrouve le thème délicat des livres – dont la mélodie légère ressemble curieusement à la danse russe de « Petrouchka » de Stravinsky dans une version plus lente – Suivant les traces de « New Parents and a New Home », la musique continue de se placer du point de vue de l’enfance dans « Snow Fight », moment d’innocence dans le film pour la bataille de boules de neiges dans la maison, avec un bref scherzo partagé entre cordes, bois et piano/célesta et rythmes bondissants. A noter que le maestro utilise un quatrième thème dévoilé par le hautbois dans « Max and Liesel » : il s’agit du thème de l’amitié entre Max et Liesel, mélodie magnifique et poignante, très présente durant la deuxième partie du film.

Dans « Learning to Read », Williams introduit quelques accords élégants de harpes et de cordes avec toujours cette constance de la métrique à trois temps, et une juxtaposition habile du thème principal et du motif des livres en contrepoint, alors que Liesel apprend à lire et découvre le pouvoir des mots dans les livres. A noter ici le rôle du hautbois solitaire, qui apporte un supplément d’âme appréciable à cette très belle pièce à l’écriture classique et élégante, comme le reste de la partition. A contrario, « Book Burning » évoque les méfaits du régime nazi durant la séquence de l’autodafé, illustrée à grand renfort de cordes dissonantes et de notes troublantes de harpe et de piano. Les orchestrations privilégient ici les sonorités sombres de l’orchestre, dévoilant des instruments jusqu’ici peu utilisés depuis le début du film, comme la clarinette basse ou les cors. Néanmoins, Williams continue d’aborder le film et sa musique selon le point de vue des enfants – Rudy et Liesel – ce qu’il confirme dans « I Hate Hitler ! » pour une très belle scène pleine d’innocence avec les deux enfants au bord de la rivière. Williams accompagne cette scène avec une retenue et une pudeur extrême, ponctuant sa pièce de notes délicates de harpe, clarinette, cordes et piano. La musique évoque l’amitié et la générosité humaine dans le poignant « Max and Liesel » dominé par un très beau hautbois soliste et le thème de l’amitié, tandis que le score rappelle le contexte du drame de la guerre dans « The Train Station » pour le départ d’Hans sur le front allemand. La musique demeure poignante et poétique dans son écriture de cordes, sans jamais en faire de trop : elle véhicule une émotion délicate sur les images, soutenue par des harmonies classiques d’une élégance incroyable. Dès lors, on entre dans la deuxième partie plus sombre du film avec le dramatique « Revealing the Secret », car, hormis l’enthousiasme bref de « Foot Race », difficile de ne pas se laisser émouvoir par la délicatesse poignante du hautbois mélancolique dans « The Visitor of Himmel Street » ou du violoncelle soliste de « Learning to Write ».

Le hautbois mélancolique symbolisant l’amitié entre Liesel et Max revient pour hanter le poignant « The Departure of Max », autre moment de séparation tragique du film reprenant le thème de l’amitié de « Max and Liesel ». La musique évolue ainsi de scène en scène en apportant une émotion sincère et véritable au récit, traduisant les sentiments et le ressenti des personnages avec pudeur et mélancolie, mais sans jamais verser dans le mélodrame ou l’empathie hollywoodienne. La musique de Williams reste ici à échelle humaine, conservant une élégance, un classicisme raffiné qui, bien qu’académique et sans surprise, apporte un souffle émotionnel véritable au film de Brian Percival. Entre la harpe poignante de « Jellyfish », la détermination de « Rescuing the Book », les moments plus sombres de « Writing to Mama », l’optimisme de « Max Lives » (qui reprend le thème de l’amitié en majeur de façon plus enthousiaste) ou l’adagio de cordes déchirant de « Rudy is Taken » à la Gustav Mahler, la musique de « The Book Thief » apporte tout ce dont le film a besoin, traduisant chaque émotion et sentiment avec une délicatesse et un profond respect pour l’histoire et les personnages. Evitant le mélodrame hollywoodien, John Williams a l’honnêteté et l’élégance d’écrire une musique minimaliste et retenue d’une sincérité confondante de vérité, un lyrisme à fleur de peau jamais surfait et jamais larmoyant, avec ce classicisme digne des plus grands (on sent de vagues influences de Beethoven, Schubert ou Mahler par moment), tandis que le compositeur résume l’essentiel de son oeuvre dans les sept minutes de la coda « The Book Thief » dans lequel il arrange ses différents thèmes. Le score dévoile aussi des moments plus doux et légers qui évoquent l’innocence de l’enfance dans le film, une musique certes minimaliste mais pourtant généreuse et complète dans ses émotions, que nous livre un John Williams qui ne prend aucun risque mais reste au sommet de son art et qui, à 81 ans, n’a de toute évidence plus rien à prouver : pas original pour un sou, certes, mais d’une beauté et d’une poésie rare !




---Quentin Billard