1-Free Evil 2.29
2-Night Visitors 2.33
3-The Accident 1.41
4-They're Watching Him 0.53
5-The Sermon 1.53
6-Activated 2.05
7-Pattern Opening 3.14
8-Midwayers 3.19
9-Unholy Attention 4.06
10-Phantom Maze 4.43
11-Sacrificio 3.40
12-Dalkhu Idimmu 2.16
13-Demon Bowl 2.23

Musique  composée par:

Joseph Bishara

Editeur:

Void Recordings VR02

Score produit par:
Joseph Bishara
Consultant musical:
Jeffrey Holmes
Mixage/ingénieur score:
Chris Spilfogel
Musique additionnelle:
Oscar Kaiser
Chanteurs:
Kirsten Ashley, Alisa Burket,
Nancy Long, John Scheker,
Terrance Zdunich

Violoncelle soliste:
Richard Dodd, John Krovoza

(c) 2011 Canonigo Films/Black Flag/Capacity Pictures/Epic Pictures Group. All rights reserved.

Note: ***1/2
11-11-11
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joseph Bishara
Après avoir réalisé trois épisodes pour l’increvable franchise horrifique « Saw » (les opus 2, 3 et 4), Darren Lynn Bousman continue son bonhomme de chemin en restant fidèle aux thrillers d’épouvante, son genre de prédilection. C’est ainsi qu’en 2011, Bousman signe « 11-11-11 » (Eleven), son nouveau thriller sur fond de théologie et de surnaturel à l’ambiance apocalyptique et démoniaque. On y découvre l’histoire de Joseph Crone (Timothy Gibbs), un auteur de best-seller hanté par la mort de sa femme et de son fils qui ont tous deux tragiquement péris dans un incendie il y a quelques années. Harcelé toutes les nuits par des cauchemars et d’étranges visions, Joseph a perdu la foi en Dieu et mène une vie solitaire, reclus dans sa chambre d’hôtel où il se réveille le 7 novembre 2011 à 11h11 précise. Peu de temps après, Joseph découvre que plusieurs événements qui arrivent dans sa vie sont constamment reliés au même nombre : 11. C’est ce qu’il comprend lorsqu’il se souvient que sa femme et son fils sont morts à 11h11 précise. Alors qu’il vient tout juste d’être victime d’un accident de la route, Joseph se réveille à l’hôpital et observe l’heure sur sa montre, qui s’est arrêtée à 11h11 précise. C’est alors qu’il reçoit un appel de son frère Samuel (Michael Landes), qu’il n’a pas revu depuis des années, et qui vit actuellement à Barcelone en Espagne avec son père Richard (Denis Rafter), qui est en train d’agoniser. Arrivé à Barcelone, Joseph retrouve Samuel, qui dirige une modeste congrégation religieuse. C’est alors que l’écrivain découvre la vérité au sujet du chiffre 11 qui l’obsède tant et le tourmente en permanence. Ce chiffre a une connotation religieuse forte mais représente aussi un avertissement terrifiant : à 11h11, le onzième jour du onzième mois, une puissante entité maléfique traversera les portes d’un autre monde à travers la onzième porte du paradis pour arriver sur terre, provoquant la fin de l’humanité et l’avènement du démon. « 11-11-11 » s’inspire de certains thrillers théologiques/surnaturels sortis ces dernières années, sans apporter quoique ce soit de nouveau au genre : on pense inévitablement ici à « End of Days », « Stigmata », « Legion », « Insidious », « The Mothman Prophecies » et bien d’autres encore. Les histoires de démon servent souvent de prétexte à Hollywood pour les séries-B les plus kitsch, surfant sur les peurs associées aux légendes, aux contes ou aux superstitions populaires. L’intrigue du chiffre 11 s’inspire à la fois de symboles chrétiens et de croyances populaires, dans un genre qui rappelle inévitablement le « Number 23 » de Joel Schumacher, qui procédait déjà de façon similaire mais avec le chiffre 23. Hollywood aime jouer sur les peurs superstitieuses et les histoires de démon ne sont bien souvent qu’un prétexte à une bonne dose d’effets spéciaux, de suspense et de montées de tension apocalyptiques, sauf qu’avec « 11-11-11 », on ne retrouve quasiment rien de tout cela : le film de Darren Lynn Bousman est très lent et joue davantage sur l’aspect psychologique et la suggestion. Exit ici les effets spéciaux, le film ne montre quasiment jamais les créatures et préfère suggérer l’annonce de la fin du monde en multipliant les symboles sataniques façon « The Omen », le tout ponctué de bla-bla religieux gonflant, de jump-scares inutiles et de quelques apparitions maléfiques ridicules, et ce jusqu’au coup de théâtre final, plutôt bien trouvé et osé bien qu’assez grotesque et un peu trop provocateur pour être honnête. Au final, c’est un bilan en demi-teinte pour ce « 11-11-11 » terne qui ne tient pas complètement ses promesses et suscite l’ennui au lieu de terroriser ou de captiver son public.

La partition originale de « 11-11-11 » a été confiée à Joseph Bishara, compositeur plus connu pour ses travaux horrifiques sur la franchise « Insidious », « The Conjuring » ou bien encore « Dark Skies ». Habitué aux atmosphères oppressantes et aux musiques d’épouvante glauques, Joseph Bishara met les bouchées doubles avec « 11-11-11 » et se voit offrir l’opportunité d’écrire une large partition symphonique/chorale matinée de touches électroniques sombres et de parties chorales évoquant l’ambiance religieuse et apocalyptique du film. A la première écoute de la musique dans le film, on remarque l’ampleur évidente des moyens mis à la disposition du compositeur, car son travail sur « 11-11-11 » s’avère être moins orienté vers l’électronique mais davantage vers l’orchestre et les parties chorales, très présentes tout au long du film. Le score débute en créant un malaise évident dans « Free Evil », traversé de clusters dissonants des cordes, de voix féminines maléfiques et d’un étrange motif de flûtes en gammes chromatiques descendantes, le tout ponctué de sonorités électroniques diverses. Joseph Bishara instaure ici un climat d’angoisse et de terreur totalement surréaliste, notamment dans sa manière de répéter les mêmes éléments jusqu’à l’obsession et d’amener un large crescendo orchestral/choral extrêmement intense. « Free Evil » constitue ainsi une entrée en matière plutôt fracassante et incroyablement intense, posant le climat satanique et maléfique du film. Dans « Night Visitors », Bishara suggère les tourments de Joseph Crone par le biais d’une flûte mystérieuse et de sonorités synthétiques étranges et graves. Le sound design est ici intéressant dans le sens où le compositeur manipule les sons pour les rendre méconnaissable, quitte à perdre son auditeur dans des méandres sonores abyssales et obscures assez déstabilisantes. Cette approche expérimentale est aussi typique de l’auteur des musiques de « Insidious » et « Dark Skies », pour qui épouvante rime avec manipulations sonores. Dans « The Accident », Bishara met l’accent sur les vocalises féminines aux consonances vaguement religieuses, tandis que quelques cordes et une série de samples mystérieux suffisent là aussi à créer une tension surréaliste à l’écran, notamment dans la manière dont Joseph Bishara travaille sur les voix mixtes alliées aux synthétiseurs.

« They’re Watching Him » suscite à son tour un sentiment de terreur absolue en utilisant là aussi les bois de l’orchestre avec des effets sonores avant-gardistes des flûtes et des clarinettes. Bishara tire d’ailleurs profit des techniques instrumentales de la musique contemporaine avant-gardiste du XXe siècle pour créer ici des sonorités inédites et totalement étranges, accentuant là aussi cette sensation de cauchemar surréaliste absolument typique de l’ambiance recherchée par Darren Lynn Bousman dans son film. On pourrait aussi mentionner le jeu en quarts de ton dissonants des violoncelles au début de « The Sermon », morceau aux consonances sataniques et maléfiques évidentes, notamment dans la manière dont Bishara ponctue sa musique d’une accumulation de notes aigues des clarinettes/flûtes, de cordes graves dissonantes et de choeurs masculins qui imitent des voix en train de psalmodier un texte obscur. Et si vous n’avez guère été convaincu par les expérimentations musicales des morceaux précédents, vous serez probablement conquis par l’étrangeté radicale de « Activated », pur morceau de musique contemporaine pour clarinette, flûte et quatuor à cordes, entièrement composé de sonorités aléatoires et de techniques instrumentales diverses (incluant les glissandi des cordes, les effets de souffle aigus de la flûte traversière, les jeux sur les clapets de l’instrument, etc.). On devine même quelques influences musicales évidentes au début de « Pattern Opening », qui semble emprunter quelques accents musicaux au répertoire de la musique électro-acoustique expérimentale des années 70, notamment dans la manière dont Bishara a samplé ici les instruments à vents et retravaillé les fréquences et l’attaque des notes pour déformer totalement le son des solistes et les rendre méconnaissables. Ici aussi, la musique nous plonge à l’écran dans une atmosphère malsaine et surréaliste, alors que l’enquête de Joseph avance et que les événements étranges et terrifiants se multiplient tout autour de lui, tout comme ses visions cauchemardesques qui le hantent chaque nuit.

Soucieux d’expérimenter dans toutes les directions possibles, Joseph Bishara laisse son imagination débridée faire le reste, quitte à rompre avec les schémas musicaux hollywoodiens habituels. En un sens, Bishara expérimente sur « 11-11-11 » comme certains autres compositeurs l’ont fait à une époque, qu’il s’agisse de Lalo Schifrin dans les années 70 (cf. sa musique rejetée de « The Exorcist ») ou de Christopher Young sur ses films d’horreur des années 80/90. Bishara multiplie les atmosphères macabres et les sonorités synthétiques ténébreuses dans « Midwayers » pour évoquer une présence maléfique omniprésente dans le film, associée à l’idée du Mal absolu et de la fin des temps, associée au chiffre 11. Pour cela, Bishara n’hésite pas à créer des sonorités synthétiques organiques dans « Midwayers » mélangées à un travail chaotique et radical des voix, quitte à frôler à plusieurs reprises la cacophonique pure, notamment durant les dernières secondes mouvementées du morceau. Adepte de la surenchère sonore, Bishara sait aussi calmer le jeu le temps de quelques passages instrumentaux plus carrés et mieux organisés, comme c’est le cas dans « Unholy Attention », où il construit son morceau autour d’ostinatos des bois/cordes et de choeurs masculins démesurés, accompagnés de chuchotements macabres. Si les enfers devaient avoir une musique, elle ressemblerait à coup sûr à une pièce comme « Unholy Attention » ! Même chose pour « Phantom Maze » et « Sacrificio », sans oublier le terrifiant « Dalkhu Idimmu » qui nous plonge dans une atmosphère apocalyptique et satanique avec ses choeurs masculins étranges et ses nappes sonores difformes et dissonantes. Résolument atonale, la musique de « 11-11-11 » explore les registres extrêmes et repousse les frontières sonores avec un savoir-faire évident et un goût sûr pour l’expérimentation musicale.

Enfin, « Demon Bowl » conclut cette terrible aventure sur une ultime touche de noirceur gothique/satanique à l’aide de choeurs terrifiants et de nappes sonores angoissantes, idéales pour refermer la page d’un film d’épouvante finalement très passable, mais qui a au moins le mérite de contenir une bande originale plutôt audacieuse et intéressante. Joseph Bishara cède donc sur « 11-11-11 » aux avances des expérimentations musicales pour un résultat musical assez déroutant, finalement réservé aux auditeurs les plus chevronnés et aux adeptes des musiques contemporaines avant-gardistes au langage musical plutôt hermétique et difficile d’accès. Effectivement, la partition de « 11-11-11 » ne pourra pas plaire à tout le monde, même si à l’écran le résultat est impeccable une fois de plus et parfaitement cohérent par rapport à l’intrigue du film. Musicalement, c’est un travail d’expérimentation solide et déstabilisant à la fois, assez inhabituel, qui confirme à nouveau le talent de Joseph Bishara, devenu en quelques années seulement une valeur sûre dans le domaine des musiques de film d’épouvante : à suivre, donc !




---Quentin Billard