1-Doll 1.47
2-Haunted 3.40
3-Double Trouble 1.02
4-Bells 2.45
5-Haunted Piano 1.35
6-Headache 3.54
7-Floor Light 1.08
8-Haunted Sequence 3.11
9-Slow Machine 1.22
10-Floor 1.11
11-Maze 1.38
12-Headache City 1.56
13-Wedding Maze 3.44
14-Haunted (Alternate Version) 2.05
15-Boum 0.57
16-Juno 3.25*

*Ecrit par Rob et
Chloë Alper
Interprété par Rob et Chloë Alper

Musique  composée par:

Rob

Editeur:

Hamburger Records

Score produit par:
Rob
Supervision musique:
Raphael Hamburger
Assistant supervision musique:
Isabelle Degremont
Mixage score:
Stéphane Briand

(c) 2012 La Petite Reine/Studio 37/Canal +. All rights reserved.

Note: ***1/2
MANIAC
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Rob
Remake d’un film d’horreur culte des années 80, « Maniac » est une relecture modernisée du film de William Lustig sorti en 1980. Ce sont les frenchy Alexandre Aja et Grégory Levasseur qui se sont occupés de réécrire un nouveau scénario pour cette mouture 2012, présenté Hors Compétition au Festival de Cannes de la même année. Réalisé par Franck Khalfoun (avec qui Aja avait déjà collaboré sur le thriller « P2 » en 2007), « Maniac » nous permet de suivre le quotidien d’un sinistre tueur en série à Los Angeles, Frank Zito (Elijah Wood), dont l’obsession est de recréer sa mère à partir du reste de ses victimes qu’il recherche sur internet. Chaque nuit, Zito guette sa prochaine victime au volant de sa voiture, à l’extérieur des boîtes de nuit ou des restaurants. Le film débute lorsque le tueur assassine une jeune femme qu’il vient tout juste de ramener devant l’entrée de son appartement. Zito décide ensuite de la scalper et laisse le corps étendu sur le sol dans une mare de sang. Dans la journée, le jeune homme est propriétaire d’une boutique de mannequins. Au premier abord, c’est un homme timide et visiblement doux, dont la gentillesse attire les femmes, notamment sur les sites de rencontre où il séduit régulièrement ses futures victimes, en proie à des pulsions meurtrières irrépressibles, qu’il tente parfois de contrôler, en vain. Mais le quotidien de Zito va être bouleversé par sa rencontre avec Anna (Nora Arnezeder), une jeune et jolie photographe qui souhaite faire une exposition sur des mannequins. Attirée par la beauté et l’intelligence d’Anna, Frank se laisse séduire et commence à fréquenter la jeune fille, dont il tombe amoureux. Mais ses sentiments et ses obsessions finissent par le rattraper, et le tueur en série schizophrène finit par reprendre le dessus sur le jeune célibataire solitaire et malheureux. Tout comme la version trash de 1980, le « Maniac » de 2012 tire une bonne partie de sa substance d’un mélange entre drame, thriller urbain en vue subjective (du moins durant les premières minutes du film) et film d’épouvante psychologique torturé.

Premier fait notable : l’équipe française constituée d’Aja, Levasseur et Khalfoun tente de recréer une nouvelle ambiance à partir du film culte de William Lustig, transposé dans le Los Angeles de 2012. Si les éléments d’origine sont conservés (un jeune serial killer à la dérive, hanté par le souvenir de sa mère), « Maniac » va plus loin en explorant quasi exclusivement le point de vue du tueur. Alors que la plupart des slasher movies sont filmés selon le point de vue des victimes ou des héros qui tentent d’échapper à un tueur, ici, c’est l’inverse : totalement à contre-emploi et radicalement éloigné des rôles qu’il joue habituellement (hormis peut être dans « Sin City »), Elijah Wood campe un Frank Zito extrêmement convaincant et aussi incroyablement touchant, car malgré la brutalité et la sauvagerie de ses actes, Zito cache en lui un enfant blessé, hanté par le viol de sa mère par des hommes, et qui tente de se recréer un paradis perdu à partir du scalp de ses victimes, qu’il utilise sur les mannequins de sa boutique, qu’il croit être sa mère. Evidemment, on pense ici au Norman Bates du « Psycho » d’Hitchcock, mais Frank Khalfoun va plus loin en apportant un semblant d’humanité et d’émotion au tueur en série, le tout magnifié par une vue subjective extrêmement troublante. Du coup, comment ne pas se sentir mal à l’aise lorsque l’on commence à ressentir un semblant de pitié pour un tel monstre, comment ne pas se sentir coupable d’avoir un minimum de sympathie pour ce jeune homme timide, seul et malheureux, qui vit dans son monde et souffre d’une schizophrénie sans limites, comment ne pas souhaiter que sa relation avec Anna aboutisse à un happy end et le délivre définitivement du mal ? Le scénario explore le complexe oedipien habituel pour justifier les crimes atroces commis par le jeune Frank, tandis que les scènes de meurtre s’avèrent extrêmement gores et radicalement brutales (il est déconseillé de dîner avant de voir le film !). On appréciera aussi le final totalement symbolique, dans lequel Frank se fait étriper et massacrer par ses anciennes victimes, alors qu’il est en réalité en train d’agoniser après avoir été mortellement blessé par des tirs de policier : rattrapé par son passé et ses actes, Frank meurt symboliquement de ses propres obsessions. Rajoutons à cela une photographie ‘arty’ magnifique, de beaux décors urbains nocturnes et une mise en scène hyper léchée, et l’on obtient ainsi l’un des films d’épouvante les plus impressionnants du début de l’année 2013, et peut être aussi l’un des plus intéressants dans son genre.

Afin de renforcer l’atmosphère mélancolique et macabre si particulière du film, Frank Khalfoun et les producteurs décidèrent d’opter sur « Maniac » pour un style musical électro moderne, plus proche des musiques de film d’épouvante des années 80, mais sans le style ‘cheap’ qui y est régulièrement associé. C’est pourquoi les concepteurs du film décidèrent de faire appel à Rob – de son vrai nom Robin Coudert – musicien français issu de la scène pop/rock connu pour ses collaborations avec le groupe Phoenix ou avec le chanteur et musicien électro Sébastien Tellier. Rob signe avec « Maniac » sa première partition pour un film d’horreur, dans un style manifestement inspiré du travail de Cliff Martinez sur le récent « Drive ». Après avoir été producteur pour différents artistes de la variété française (Alizée, Zaza Fournier, Melissa Mars, Adanowsky, etc.), Rob se consacra dès 2005 à la composition pour le cinéma avec son premier score écrit pour le court-métrage « Pink Cowboy Boots », sans oublier son album concept « Le Dodécalogue », déjà très proche de l’univers des musiques de film. Viennent ensuite des projets plus importants : Rob signe les musiques de films comme « Belle Epine », « Jimmy Rivière », « Radiostars », « Populaire », etc. C’est donc sans surprise que le musicien se retrouve sur « Maniac », pour lequel il plonge l’auditeur dans une atmosphère électronique très particulière, à base de sonorités new-age années 80 et de nappes sonores brumeuses, froides et mélancoliques. Désireux d’éviter le style atonal et dissonant habituel des musiques d’épouvante, Rob prend le contre-pied des images et signe au contraire une musique plutôt harmonique, étrangement tonale et lente, reflétant les sentiments cachés de Frank Zito, son extrême solitude dans une ville déshumanisé où il n’arrive pas à trouver l’amour ni à refreiner ses pulsions meurtrières. Dès les premiers instants du film, le score pose les bases avec un « Doll » dominé par une basse synthétique entêtante, des pads étranges, des nappes sonores 80’s, des boîtes à rythme et quelques samples rétro qui rappelle parfois les musiques d’épouvante eighties (on pense parfois à John Carpenter ou à certains travaux de Goblin pour les films de Dario Argento). C’est avec « Haunted » que Rob dévoile véritablement l’ampleur dramatique et tonale de sa partition, avec une série d’accords tragiques aux synthés avec ses arpèges entêtants de claviers. « Haunted » résonne avec une ampleur mélancolique frappante à l’écran, contrebalançant la noirceur et la violence des images.

Ici, comme pour le reste du score, le but est d’évoquer le point de vue de Frank, sa schizophrénie, ses obsessions, son amour pour Anna, son besoin de recréer sa mère, sa solitude, etc. Un morceau comme « Haunted » résume tout cela à la fois, dans un style électro qui rappelle clairement la scène électro française actuelle. Il est aussi question de folie et de pulsion meurtrière dans « Double Trouble », dans lequel les nappes sonores synthétiques deviennent plus grinçantes, plus menaçantes, le tout ponctué de sonorités éparses et étranges. Rob développe ici le thème dramatique de « Haunted », véritable leitmotiv de Frank dans le film, et symbolisant sa folie et son extrême solitude. Ici aussi, exit toute forme de violence ou de cacophonie dans la musique de Rob : tout reste clairement ordonné, carré et précis, comme pour suggérer un quotidien bien organisé mais aussi incroyablement terne et malheureux pour le jeune serial killer prisonnier de son monde imaginaire et de ses pulsions. Dans « Bells », le compositeur n’hésite pas à avoir recours à des nappes de synthés analogiques des années 80 et de boîte à rythme kitsch pour parvenir à ses fins. Il suggère aussi la schizophrénie de Frank avec le retour de la basse synthétique martelée dans « Doll » et le thème principal repris dans « Haunted Piano » et son piano mystérieux et mélancolique. Les amateurs de musique synthétique des années 80 apprécieront à coup sûr dans le film un morceau comme « Headache », qui évoque le désordre et les troubles mentaux de Frank avec des sons de synthés analogues plus pressés, des FX kitsch et un rythme continu. On appréciera aussi l’omniprésence du thème principal, qui semble se balader d’un bout à l’autre de la partition, à l’instar des obsessions de Frank, qui le hantent et le harcèlent quotidiennement : on le retrouve ainsi dans « Haunted Sequence » et ses arpèges entêtants qui renverraient presque aux chip tunes de l’Amiga dans les années 90. Rob expérimente aussi avec ses sons comme dans « Slow Machine », pour lequel il utilise des samples filtrés et inversés au détour de l’un des rares passages vaguement dissonant du score, le tout ponctué de pads plus menaçants.

Enfin, le thème principal de Frank reprend le dessus dans « Floor », avec ses arpèges entêtants quasi angéliques et ses sonorités new-age qui suggèrent l’idée que le tueur cherche une issue à ses troubles mentaux, issue qu’il trouvera finalement dans la mort à la fin du film. Et si la douce mélancolie et les notes répétitives de clavier de « Maze » ou les samples 80 kitsch de « Headache City » et les voix synthétiques de « Wedding Maze » suggèrent clairement la folie, c’est pour mieux conclure le film sur une sympathique touche de pop/électro rétro totalement assumée avec la chanson « Juno », co-écrite par Rob et brillamment interprétée par Chloe Alper (on croirait entendre un tube de variété U.S. du milieu des années 80 !). Partition particulière et destinée aux nostalgiques d’une époque révolue et aux fans du film de Frank Khalfoun, « Maniac » est un score électronique qui change radicalement des musiques orchestrales hollywoodiennes habituelles et des musiques d’épouvante conventionnelles. Rob parvient à se hisser au dessus du lot grâce à une musique brillamment construite sur les images, reflétant le point de vue du personnage d’Elijah Wood à travers un cocktail sonore cohérent d’un bout à l’autre du film, le tout ponctué de choix musicaux toujours très judicieux et de pièces bien construites, notamment grâce au choix de synthés analogiques et de boîtes à rythme kitsch. Sans être un chef-d’oeuvre du genre ni une partition grandement mémorable, la musique de « Maniac » se paie le luxe d’apporter une atmosphère très particulière et densément immersive au film, flottant sur les images de manière fluide avec une certaine liberté, sans les contraintes de l’approche compositionnelle habituelle du wall-to-wall. Le résultat est donc une jolie surprise de la part d’un compositeur en passe de devenir une référence dans le domaine des musiques électroniques pour le cinéma !




---Quentin Billard