1-Godzilla! 2.10
2-Inside The Mines 2.26
3-The Power Plant 5.50
4-To Q Zone 2.57
5-Back to Janjira 6.01
6-Muto Hatch 3.14
7-In The Jungle 2.01
8-The Wave 3.05
9-Airport Attack 1.49
10-Missing Spore 3.59
11-Vegas Aftermath 3.24
12-Ford Rescued 1.24
13-Following Godzilla 2.03
14-Golden Gate Chaos 2.52
15-Let Them Fight 1.40
16-Entering The Nest 3.01
17-Two Against One 4.16
18-Last Shot 1.58
19-Godzilla's Victory 3.03
20-Back To The Ocean 3.40

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Sony Classical 88843073462

Musique produite par:
Dominique "Solré" Lemonnier
Orchestrations:
Alexandre Desplat, Conrad Pope,
Clifford J. Tasner, Bill Newlin,
Nan Schwartz, Jean-Pascal Beintus

Mixage de:
Dennis Sands
Monteur superviseur:
Kenneth Karman
Monteur musique:
Joseph Bonn
Assistant monteur:
Denise Okimoto
Opérateur Auricle:
Jay Duerr
Coordinateur musique:
Peter Rotter
Programmation:
Romain Allender, TJ Lindgren,
Jongnig Bontemps

Opérateur mix ProTools:
Adam Olmsted
Séquençage album:
Xavier Forcioli
Producteurs exécutifs:
Gareth Edwards, Dave Jordan
Direction de la musique
pour Legendary Pictures:
Peter Afterman
Direction de la musique pour
Warner Bros. Pictures:
Paul Broucek
Direction de WaterTower Music:
Jason Linn
Music Business Affairs:
Dirk Hebert

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2014 Warner Bros. Entertainment Inc. & Legendary. All rights reserved.

Note: ****
GODZILLA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Après l’échec critique du « Godzilla » de Roland Emmerich en 1998, blockbuster survendu et finalement très décevant dans sa forme comme dans son fond, Hollywood décida de laisser la bête mythique retourner dans son Japon natal, où le monstre a été entre 1954 et 2014 la vedette de pas moins de 30 films, tous japonais pour la plupart ! Malgré l’échec du film d’Emmerich, la Toho, studio à l’origine de l’impérissable franchise, décide de lancer une nouvelle série de films entre 2000 et 2004 sous l’ère « Millenium », qui se conclura avec « Godzilla : Final Wars ». Quelques années après, Hollywood décide à nouveau de s’intéresser à l’univers de « Godzilla » avec la participation des studios Legendary Pictures et Warner Bros, qui rachètent les droits de la franchise au studio nippon et s’attellent à un reboot réalisé par Gareth Edwards (l’auteur du spectaculaire « Monsters » sorti en 2010). Très attendu par les fans de la saga, ce « Godzilla » U.S. version 2014 est une véritable surprise, puisque le réalisateur parvient à rendre un hommage évident au film culte d’Ishirô Honda de 1954 tout en proposant des effets spéciaux d’une qualité ahurissante et des séquences mémorables et hautement spectaculaires, le tout enveloppé dans une mise en scène léchée qui rappelle l’univers de « Monsters » - le film surfe aussi sur le succès du récent « Pacific Rim » de Guillermo Del Toro, produit par les mêmes studios – L’histoire débute lorsque le physicien Joseph Brody (Bryan Cranston) enquête sur des événements mystérieux survenus au Japon il y a une quinzaine d’années et qui ont irradié une bonne partie de la région de Tokyo tout en provoquant la mort de sa femme. Brody travaillait avec sa femme Sandra (Juliette Binoche) à la centrale nucléaire de Janjira jusqu’à ce que d’énormes secousses sismiques viennent provoquer une catastrophe nucléaire suite à une fuite du réacteur de la centrale, catastrophe au cours de laquelle Sandra périt. Obsédé par ces événements inexpliqués, Joseph refuse d’admettre la thèse officielle de la catastrophe naturelle et enquête depuis 15 ans sur ces événements tragiques. Pendant ce temps, son fils Ford (Aaron Taylor-Johnson) travaille à l’US Navy où il est devenu lieutenant et a fondé sa propre famille à San Francisco, avec sa femme Elle (Elizabeth Olsen). Joe renoue alors le contact avec Ford et lui demande de l’aider à enquêter sur ces événements. Ensemble, ils découvrent que ces incidents ne sont pas liés à une catastrophe naturelle mais à la présence de monstres qui ont été réveillés par les essais nucléaires dans le Pacifique à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Ces bêtes, baptisées MUTO, sont surveillées depuis plusieurs années par l’organisation Monarch, sous la surveillance du docteur Ichiro Serizawa (Ken Watanabe). Mais tout bascule lorsque le MUTO s’évade de la base de Monarch et sème la désolation partout sur son passage. Désormais, plus personne ne semble être en mesure d’arrêter la créature, hormis peut être un autre monstre plus connu sous le nom de Godzilla, un alpha-prédateur surgit il y a de nombreuses années des profondeurs de la terre pour restaurer l’équilibre du monde et chasser les MUTO.

Avec un scénario qui mélange habilement différents thèmes déjà abordés dans les précédents films japonais, « Godzilla » est une réussite incontestable qui doit beaucoup à la qualité de ses effets spéciaux et à sa réalisation impeccable. Entre clins d’oeil au film de 1954 et relecture modernisée des films de Kaiju Eiga traditionnels des années 50, le long-métrage de Gareth Edwards est un reboot intelligent de la franchise, car le réalisateur a le bon goût d’éviter les idioties de la précédente version de Roland Emmerich et de proposer un dépoussiérage intéressant de l’univers de Godzilla avec le style et la sensibilité personnelle du réalisateur – on reconnaît effectivement ici l’influence de son précédent film « Monsters » - Ici, contrairement au film d’Emmerich, point de second degré ou d’humour minable, Gareth Edwards ne fait pas dans la dentelle et filme le tout avec un premier degré impressionnant, confrontant ses quelques acteurs à des créatures gigantesques et terrifiantes, conçues pour faire trembler mais aussi pour émerveiller (Godzilla n’est plus le monstre qui menace le monde mais bel et bien celui qui va rétablir l’ordre sur terre). Le choix d’attribuer un rôle héroïque à Godzilla n’est pas si surprenant que cela lorsque l’on sait à quel point le monstre est une véritable icône culturelle au Japon et un vrai héros à part entière dans cette mythologie cinématographique impérissable. Si l’on pourra regretter le côté un peu terne du casting (Bryan Cranston, Aaron Taylor-Johnson, Ken Watanabe, Juliette Binoche qui n’apparaît qu’une dizaine de minutes, etc.), en revanche, niveau bestiaire, le spectacle est au rendez-vous ! Le film s’apprécie comme un véritable tour de montagnes russes, avec des combats impressionnants, des créatures terrifiantes et des scènes absolument magistrales : destructions multiples, batailles titanesques, moments héroïques, attendez-vous à un spectacle époustouflant et visuellement ahurissant (au moins autant que le « Pacific Rim » de Del Toro !), avec, cerise sur le gâteau, une séquence absolument anthologique, celle où une troupe de marines est parachutée à travers les nuages pour atterrir en plein milieu de la ville dévastée par les monstres, séquence esthétiquement splendide, magnifiée par un plan séquence inoubliable et une utilisation remarquable et quasi Kubrickienne du « Requiem » de Ligeti. Fidèle à la saga nipponne, ce « Godzilla » 2014 est donc une réussite incontestable dans son genre, et reste à ce jour la meilleure adaptation hollywoodienne de la franchise !

La partition de « Godzilla » a été confiée à Alexandre Desplat, qui se voit offrir l’opportunité d’écrire une grande partition symphonique épique et monumentale, dans la lignée des oeuvres mythiques d’Akira Ifukube pour les premiers films « Godzilla » du milieu des années 50. Dès le départ, le mot d’ordre était on ne peut plus clair : la partition de Desplat devait être « big », épique, démesurée, aussi monstrueuse et gigantesque que les monstres décrits dans le film (l’orchestre du Hollywood Studio Symphony réunit tout de même 108 musiciens, sans oublier l’emploi d’une chorale de 80 chanteurs et chanteuses !). Dès lors, l’approche musicale du compositeur était limpide : les orchestrations, minutieusement préparées par Desplat, devaient refléter l’immensité de cet affrontement sans merci entre les monstres. C’est pourquoi le compositeur a choisi de mettre l’accent sur un large pupitre de cordes répartis de manière particulière (les premiers violons à gauche, les seconds violons à droite, afin d’obtenir un effet de stéréo), avec un pupitre de contrebasse/violoncelles imposant et un nombre conséquent de cors, répartis eux aussi entre gauche et droite – Desplat précise dans une interview que ce choix lui permettait de conserver un certain espace pour sa musique dans la bande son du film, régulièrement couverte d’explosions ou de sons intenses – En plus de l’orchestre, Desplat utilise aussi quelques éléments électroniques discrets et un ensemble d’instruments aux consonances asiatiques, avec en particulier un groupe de tambours taïkos japonais et quelques solistes additionnels – la flûte shakuhachi japonaise notamment – C’est une façon pour Desplat de rendre ainsi hommage aux musiques d’Akira Ifukube en reconnectant sa partition avec l’esthétique des anciennes oeuvres musicales de la franchise japonaise « Godzilla ». Autre effet particulier utilisé dans la musique : des sons enregistrés à partir d’un violon électrique, qui ouvre d’ailleurs le film dès les premières secondes du spectaculaire « Godzilla ! » (ouverture du film), et que l’on retrouve tout au long du film, apportant une sonorité particulière à certains morceaux. Dès l’ouverture, le ton est donné : Desplat dévoile le thème principal associé à Godzilla, thème qui – et cela devient une constante chez le compositeur – ne marquera pas spécialement les esprits mais reste néanmoins assez présent tout au long du film pour évoquer le célèbre monstre.

Cuivres, cordes, percussions scandées, rythmes quasi martiaux, tout est mis en oeuvre ici pour plonger d’emblée le spectateur dans une ambiance épique et démesurée assez monumentale. Malgré l’ampleur de l’orchestre, Desplat parvient à ne jamais sombrer dans la cacophonie et maîtrise l’écriture de son orchestre, n’hésitant pas à faire répondre les pupitres entre eux suivant ce fameux effet gauche/droite (flagrant dans les réponses entre cuivres à partir de 1:26), tout en intensifiant le jeu des cordes et des cuivres, même si les bois et les percussions sont eux aussi très présents. Après une ouverture impressionnante et redoutablement massive, « The Power Plant » nous plonge très vite dans une ambiance de catastrophe pour la séquence de la centrale nucléaire vers le début du film. Quelques basses synthétiques permettent au compositeur de maintenir une pulsation constante dans sa musique, et ce alors que l’orchestre domine encore une fois la musique, avec l’ajout des tambours taïkos et de cordes sombres et agitées. « The Power Plant » est aussi le premier grand morceau d’action de « Godzilla », prenant ici des allures de déchaînement orchestral totalement débridé, dans lequel Alexandre Desplat – plutôt habitué aux films intimistes – démontre toute l’étendue de son savoir-faire, notamment lorsqu’il s’agit de faire exploser l’orchestre. On appréciera notamment la robustesse des cuivres vers la fin de « The Power Plant », qui deviendra un trait commun à la plupart des grands déchaînements symphoniques du score. Enfin, « The Power Plant » dévoile aussi le deuxième thème du score, thème tragique et élégiaque pour la famille Brody, d’une beauté poignante évidente (notamment dans le jeu distingué des harmonies, très classes, comme toujours !). Mais là aussi, ne vous attendez pas à quelque chose de grandement mémorable thématiquement parlant, car il est clair que le score n’a pas été conçu pour valoriser particulièrement les thèmes. Néanmoins, ils sont bel et bien là et sont pourtant régulièrement repris tout au long du film. Hormis le thème de Godzilla et le thème élégiaque des Brody (repris de manière poignante au piano dans le délicat « Back to Janjira »), on pourra aussi signaler un motif sombre et menaçant de 2 notes répétées introduit dans « The Power Plant » à partir de 0:21 et utilisé dans le film pour personnifier la menace des monstres (il est ainsi repris dans « The Q Zone »).

Le MUTO n’a pas de motif à proprement parler dans le film mais se voit attribuer des sonorités plus agressives dans l’ahurissant et déchaîné « MUTO Hatch » pour la séquence de l’évasion du monstre. Attendez-vous là aussi à un véritable barrage sonore de l’orchestre, où la subtilité n’a définitivement pas son mot à dire ! On pourrait aussi parler des assauts rugissants des cuivres dans « In the Jungle », des débordements orchestraux débridés de « The Wave » ou du solide « Airport Attack », l’un des meilleurs morceaux d’action de « Godzilla » avec l’ahurissant « Two Against One » (pour l’affrontement final entre Godzilla et les deux MUTO), ainsi que « Missing Spore », « Following Godzilla », « Entering the Nest », l’apocalyptique « Golden Gate Chaos » ou la reprise de l’ouverture dans le superbe « Last Shot » et les accords imposants de cuivres/choeurs dans « Godzilla’s Victory » qui apportent un puissant sentiment de triomphe guerrier à la créature à la fin du film, le tout débouchant sur un « Back to the Ocean » plus optimiste, et qui reprend le thème principal en guise de conclusion. Alexandre Desplat prouve donc qu’il en a sous la semelle en concoctant pour « Godzilla » une partition redoutablement puissante, massive et sans concession, sans jamais verser pour autant dans la cacophonie ou le sound design trop souvent utilisé de nos jours pour ce type de blockbuster explosif. Desplat reste fidèle à lui-même et impose un ton symphonique radical pour le film de Gareth Edwards, et si les thèmes ne sont pas le point fort de la partition, on ne pourra guère en dire autant des nombreux déchaînements orchestraux débridés qui ponctuent une partition survitaminée et boostée aux cuivres rugissants, aux percussions barbares et aux cordes frénétiques, très intense à l’écran et indéniablement réussie dans le film comme sur l’album, qui permet quand à lui d’apprécier des détails parfois inaudibles dans le mixage (bruyant !) de la bande son du film. Bilan plus que positif donc pour ce « Godzilla » version Alexandre Desplat, qui rend un hommage évident aux musiques d’Akira Ifukube et aux grandes partitions des monsters movies d’antan, une oeuvre symphonique colossale et débridée, qui devrait séduire les fans du compositeur français, qui signe un très bon score pour le retour hollywoodien du plus célèbre des monstres du cinéma japonais !




---Quentin Billard