1-Oishi's Tale 6.44
2-Kirin Hunt 3.03
3-Resentment 1.41
4-The Witch's Plan 2.29
5-Ako 2.13
6-Shogun 2.10
7-Tournament 3.45
8-Bewitched 3.36
9-Assano Seppuku 2.41
10-Dutch Island Fugue 2.05
11-Reunited Ronin 3.11
12-Tengu 6.29
13-Shrine Ambush 2.11
14-The Witch's Lie 3.19
15-Kira's Wedding Quartet 4.32
16-Palace Battle 3.11
17-The Witch Dragon 3.37
18-Return to Ako 2.24
19-Shogun's Sentence 2.02
20-Mika and Kai 2.47
21-Seppuku 3.45
22-47 Ronin 2.43

Musique  composée par:

Ilan Eshkeri

Editeur:

Varèse Sarabande 302 067 246 8

Album produit par:
Steve McLaughlin
Producteur exécutif:
Scott Stuber
Direction de la musique pour
Universal Pictures:
Mike Knobloch
Musique supervisée pour
la Universal Pictures:
Rachel Levy
Music Business Affairs
pour Universal Pictures:
Philip M. Cohen
Producteur exécutif
pour Varèse Sarabande:
Robert Townson
Producteurs du score:
Teese Gohl, Steve McLaughlin
Monteur musique:
Andrew Silver
Assistant montage:
Julie Pearce
Conduit par:
Andy Brown
Préparation musique:
Vic Fraser
Orchestrations:
Julian Kershaw, Jessica Dannheisser,
Teese Gohl

Programmation score:
Jeff Toyne, Paul Saunderson,
Steve Wright

Assistant d'Ilan Eshkeri:
Josine Cohen
Assistants score:
Daisy Chute, Sam Gohl,
Nathaniel Smith

Manager produit pour Back Lot Music:
Jake Voulgarides

Artwork and pictures (c) 2013 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ****
47 RONIN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ilan Eshkeri
Premier long-métrage de Carl Rinsch, « 47 Ronin » se déroule dans l’ancien Japon féodal et raconte l’histoire de Kai, un jeune enfant non-désiré abandonné par ses parents dans la forêt des Tengô, des démons mystérieux qui vont le recueillir et l’élever parmi eux. Durant sa formation auprès des Tengô, ces deniers vont apprendre à Kai l’art de tuer, jusqu’à ce qu’il décide finalement de s’enfuir avant d’être recueilli dans la forêt par Naganori Asano (Min Tanaka), le daimyo de la province d’Ako. Des années plus tard, Kai (Keanu Reeves) a encore bien du mal à se faire accepter des samouraïs, en particulier à cause de ses origines étrangères et mystérieuses. Il vit alors une romance avec Mika (Ko Shibasaki), la fille du seigneur Asano. Un jour, ce dernier reçoit la visite du grand Shogun Tsunayoshi (Cary-Hiroyuki Tagawa) accompagné du seigneur Kira (Tadanobu Asano), qui convoite Mika et organise un duel entre son meilleur samouraï en armure intégrale et un combattant désigné par Oishi (Hiroyuki Sanada). Mais grâce à la complicité de la mystérieuse sorcière Mizuki (Rinko Kikuchi) qui sert Kira, Yasuno, le champion choisi par Oishi, est immobilisé par la magie noire de la sorcière qui cherche à déshonorer le seigneur Asano devant le Shogun. Découvrant Yasuno dans cet état, Kai décide alors de prendre son armure et de partir combattre à sa place. Mais au cours du combat, il est très vite défait par le champion de Kira et se retrouve alors sévèrement puni. Plus tard dans la nuit, Mizuki jette un sort à Asano qui se retrouve en train d’attaquer un Kira désarmé, pendant une crise de délire, sous l’effet de la puissante magie noire de la sorcière. Déshonoré aux yeux de tous, et parce qu’il a commis un acte répréhensible contraire aux lois du shogounat, Asano se voit contraire de mourir dans l’honoreur suivant la coutume du seppuku (un rituel de suicide masculin par éventration, pratiqué dans le Japon depuis le XIIe siècle chez les samouraïs). Oishi et ses samouraïs deviennent alors des Ronin (des guerriers sans maître), tandis que Kira, devenu le nouveau maître de la province d’Ako, planifie son mariage avec Mika. Le shogun accorde alors à la jeune femme un deuil d’un an, et interdit aux Ronin de partir venger la mort de leur maître. Pour s’assurer de leur obéissance, Kira fait emprisonner Oishi afin de le briser émotionnellement et psychologiquement. Un an plus tard, Oishi est libéré et décide de réunir les Ronin ainsi que Kai, devenu entre temps un esclave dans la colonie néerlandaise de Dejima. Décidant de désobéir aux ordres du Shogun, Oishi, Kai et les autres Ronin partent venger la mort de leur maître en affrontant Kira et ses hommes. Tous savent que leur acte sera le tout dernier de leur existence et qu’après cela, ils pourront enfin mourir dignement dans l’honneur.

Quand Hollywood se réapproprie les récits légendaires des chushingura japonais (genre littéraire et théâtral qui raconte les aventures historiques des célèbres 47 ronins en quête de vengeance, souvent sous la forme de récits fictifs), cela donne « 47 Ronin », réactualisation de cette histoire d’honneur et de revanche sur fond de combats épiques et de magie noire. A l’origine, le film devait sortir en novembre 2012, mais un différend artistique opposant le réalisateur Carl Erik Rinsch obligea la production à repousser le film, qui nécessita une rallonge budgétaire pour tourner des scènes supplémentaires et des effets spéciaux en 3D, avec une sortie repoussée finalement en 2013. Le résultat est un divertissement plutôt efficace et traditionnel, réalisé de manière académique en mélangeant film de samouraï et film fantastique avec quelques effets spéciaux solides, le tout tourné en 3D. Keanu Reeves, inattendu dans le rôle de Kai, s’impose par ses allures de héros guerrier désabusé qui trouvera finalement la foi dans une ultime mission de rédemption et de vengeance. Avec un budget colossal de 175 millions de dollars, Carl Rinsch prenait un très gros risque en racontant cette très coûteuse histoire de samouraïs et de monstres mythiques sur fond de chorégraphies de combats épiques en 3D. Le résultat ne fut malheureusement pas au rendez-vous, puisque le film sera un énorme échec critique et commercial à sa sortie en salles en 2013 au Japon, puis aux USA et dans le reste du monde, ne parvenant même pas à rembourser l’intégralité du budget d’origine, un nouveau coup dur pour les studios d’Universal, qui connaîtront une année 2013 difficile, après l’échec commercial de « The Lone Ranger » sorti durant l’été 2013. Pourtant, « 47 Ronin » n’a rien de déshonorant et reste un divertissement de qualité, avec un scénario certes classique qui use de tous les clichés habituels des films de samouraïs (revisités à la sauce hollywoodienne), et qui respecte parfaitement tous les codes du genre, sans surprise particulière.

La musique d’Ilan Eshkeri reste l’un des éléments les plus appréciables du film de Carl Rinsch. A l’instar de la production du film, la musique de « 47 Ronin » a connu à son tour bien des déboires, puisque le projet était initialement prévu pour Atticus Ross (« The Social Network »), avant d’être finalement remplacé par l’espagnol Javier Navarette (« Pan’s Labyrinth »). Mais au final, ce sera finalement Ilan Eshkeri qui sera choisi pour faire la musique de « 47 Ronin », créant une partition symphonique plutôt spectaculaire, épique et prenante pour le film de Carl Rinsch. Enregistrée avec le prestigieux London Metropolitan Orchestra, la musique de « 47 Ronin » évoque la quête héroïque de vengeance des 47 ronins mais aussi l’aspect japonais traditionnel à travers l’emploi de solistes, incluant un violoncelle jouant dans le style de l’erhu chinois, une harpe celtique Clasarch, les tambours taïkos traditionnels, la flûte shakuhachi, le koto, le shamisen et la flûte en bambou. Dès les premières notes de « Oishi’s Tale », la musique d’Eshkeri nous plonge d’emblée dans l’atmosphère dramatique et nippone du film avec quelques notes de violoncelles, des cordes, des cuivres amples et quelques solistes ethniques. Plus important encore, cette ouverture dévoile brièvement le superbe thème principal à partir de 1:37, motif héroïque de 6 notes de cuivres sur fond d’ostinato rythmique de cordes à la manière d’une chevauchée épique, évoquant le galop des 47 ronins en route pour accomplir leur vengeance et leur destinée. A 3 :10, le compositeur utilise l’ensemble des tambours taïkos pour un premier passage d’action bref et incisif, qui semble en dire long sur l’aspect japonais du score et le travail autour des percussions et des rythmes. De l’action, vous en aurez d’ailleurs dès le second morceau, dans l’imposant « Kirin Hunt », pour la scène de la chasse avec la créature au début du film. Orchestrations massives, éléments électroniques atmosphériques, percussions survoltées, tout est mis en oeuvre pour renforcer la tension spectaculaire à l’écran, avec des allusions au thème principal, et notamment à sa cellule de 6 notes et à son ostinato rythmique de cordes, Eshkeri jouant parfois sur l’un ou sur l’autre, ou avec les deux en même temps suivant les situations. L’écriture de l’orchestre reste très soignée, tout comme les orchestrations, privilégiant cuivres, cordes et percussions, avec un savoir-faire assez appréciable – il y a un petit côté David Arnold fort agréable dans ce premier morceau d’action spectaculaire –

La musique de « 47 Ronin » impose très vite une atmosphère dramatique et mélancolique dans « Resentment », et notamment à travers l’emploi des cordes, tandis que « The Witch’s Plan » suggère la présence de la sorcière Mizuki à travers l’emploi de sound design et de cordes plus sombres et mystérieuses. Si Mizuki n’a pas de thème à proprement parler, Ilan Eshkeri choisit de lui attribuer dans le film une série d’ambiances sonores particulières et de voix féminines mystiques plutôt étranges et surréalistes, sans oublier une partie de cordes aigues énigmatiques et inquiétantes vers les dernières secondes, très réussies. « Ako » reprend quand à lui le thème principal de 6 notes et développe essentiellement les sonorités asiatiques/japonaises à l’aide du groupe des solistes, tandis que « Shogun » dévoile une mélodie de cordes quasi solennelle pour l’arrivée du Shogun, thème aux consonances japonaises assez caractéristiques. Le tournoi est ensuite illustré avec force et conviction dans « Tournament » et ses ponctuations rythmiques des taïkos, pour un nouveau morceau d’action précis, clair et excitant, incluant un travail assez impressionnant autour du pupitre des cuivres, largement valorisé dans ces passages guerriers assez robustes. Le violoncelle soliste de Caroline Dale fait ensuite son apparition pour un passage élégiaque et tragique de toute beauté, qui reste tout à l’honneur du compositeur. De l’honneur, il est justement ici question, puisque, suite à la désobéissance de Kai, le seigneur Asano verra sa réputation entachée auprès du Shogun – à noter que le travail autour du violoncelle rappelle parfois le « Memoirs of a Geisha » de John Williams, quoique certains passages rappellent aussi « The Last Samurai » d’Hans Zimmer – « Bewitched » développe quand à lui les atmosphères mystiques et les vocalises féminines éthérées de « The Witch’s Plan », pour une nouvelle évocation musicale captivante de la maléfique Mizuki et sa puissante magie noire (comme dans « The Witch’s Lie »). Dommage cependant que le compositeur repose un peu trop dans ces passages sur le sound design, alors qu’on aurait préféré un travail plus poussé autour de l’orchestre (qu’Eshkeri n’hésite pas à malmener à travers notamment des effets stéréophoniques intéressants de filtre sur les cordes vers 1:56).

« Assano Seppuku » évoque le suicide du seigneur Asano avec un ensemble de cordes élégiaques et tragiques assez poignantes et sombres. Le violoncelle rappelle ici les six notes du thème principal, reprises de manière posée et limpide, alors qu’Asano va commettre l’acte ultime qui lui permettra de laver son honneur devant le Shogun et ses hommes. Le thème résonne ici de manière puissamment tragique pour ce qui reste l’un des plus beaux passages de la partition de « 47 Ronin ». Et si vous êtes impatient de replonger en pleine action, rassurez-vous, Ilan Eshkeri ne vous a pas oublié et vous offre avec « Dutch Island Fugue » un pur tour de force orchestral de 2 minutes chrono, avec une série de cordes frénétiques et rapides pour la scène où Oishi part libérer Kai de la colonie néerlandaise. Passage d’aventure ultra survolté et assez prenant, « Dutch Island Fugue » nous permet enfin de retrouver le grand Ilan Eshkeri de « Stardust », visiblement en très grande forme sur ce film ! C’est donc en toute logique que le thème principal revient enfin dans « Reunited Ronin » pour accompagner la réunion des ronins. Le compositeur développe ici son thème, toujours constitué de sa fameuse cellule de 6 notes et de son entêtant ostinato de cordes suggérant la détermination aveugle des ronins prêts à tout pour venger leur maître. Eshkeri fait un détour du côté du fantastique et de la magie dans « Tengu », où il évoque les démons qui ont élevés Kai avec un sound design brumeux et mystique, à la manière de « The Witch’s Plan ». Eshkeri reprend d’ailleurs ici les harmonies de cordes sombres dévoilées dans « Oishi’s Tale » et associées aux mystérieux Tengu dans le film. A noter que le compositeur choisit d’utiliser ici quelques chuchotements de voix pour suggérer les étranges pouvoirs des Tengu, capables d’influer sur l’esprit des humains, sans oublier une utilisation (pas indispensable) de quelques rythmiques électroniques plus modernes, notamment durant les dernières minutes. Néanmoins, Eshkeri parvient à conserver une ampleur orchestrale constante, grâce à son savoir-faire indéniable et sa capacité à manier une écriture symphonique toujours très vive, énergique, précise et rigoureuse.

L’action se prolonge dans l’excitant déchaînement guerrier de « Shrine Ambush », tandis qu’Eshkeri se fait plaisir en nous offrant un peu de musique de chambre dans « Kira’s Wedding Quartet », accompagnant la scène des préparatifs du mariage de Kira et Mika avec un quatuor à cordes éminemment classique et très réussi. A noter que le morceau s’articule autour du thème japonais de « Shogun », témoignant là aussi du réel talent de mélodiste d’Ilan Eshkeri et de ses connaissances classiques évidentes. Enfin, la bataille finale est illustrée dans l’épique et superbe « Palace Battle » et « The Witch Dragon », qui a le mérite de mélanger le thème principal et les sonorités mystiques de Mizuki pour l’affrontement final entre la sorcière-dragon et Kai. « Return to Ako », « Shogun’s Sentence », « Mika and Kai » et « Seppuku » marquent quand à eux l’accomplissement final de Kai et des ronins, ayant enfin accomplis leur vengeance, prêts à se soumettre au seppuku pour avoir désobéi aux ordres du Shogun. L’atmosphère se veut plus apaisée et mélancolique, mais avec un sentiment de soulagement liée à l’accomplissement héroïque de leur destinée. On appréciera aussi le thème romantique mélancolique de « Mika and Kai » développé par un violoncelle aigu doux et poignant et une shakuhachi pour les derniers instants que passent ensemble Kai et Mika, avant le rituel du « Seppuku ». Le film se conclut sur le superbe « 47 Ronin », qui reprend une dernière fois le thème principal dans toute sa splendeur. Vous l’aurez donc compris, Ilan Eshkeri nous livre un véritable travail d’orfèvre sur « 47 Ronin », une musique d’aventure et d’action plutôt vive et inspirée, portée par un thème mémorable, des orchestrations généreuses, des harmonies soignées, de bonnes idées musicales et une utilisation intéressante des instruments solistes. Le résultat est plutôt remarquable, surtout à une époque où n’importe quel compositeur de blockbuster hollywoodien imite aveuglément le style d’Hans Zimmer en laissant sa personnalité musicale au placard. Ici, c’est du Ilan Eshkeri à 100% que nous donne à entendre la partition de « 47 Ronin », reprenant son style symphonique épique hérité de « Stardust ». Bilan final : un score d’action/aventure plutôt enthousiasmant, dramatique, sombre, épique et intense dans le film, une réussite incontestable qui pourrait bien devenir une référence dans la filmo du compositeur !




---Quentin Billard