1-The Roosevelt Mission 1.20
2-Opening Titles 2.38
3-Ghent Altarpiece 2.38
4-Champagne 1.00
5-Basic Training 1.16
6-Normandy 1.06
7-Deauville 2.34
8-Stokes 1.24
9-I See You, Stahl 2.41
10-John Wayne 2.17
11-Sniper 2.35
12-Into Bruges 1.52
13-The Letter 3.17
14-The Nero Decree 1.40
15-Stahl's Chalet 0.52
16-Jean-Claude Dies 3.30
17-Siegen Mine 3.05
18-Claire & Granger 3.28
19-Gold! 1.29
20-Heilbronn Mine 4.24
21-Castle Art Hoard 2.03
22-Altaussee 0.55
23-Finale 9.18
24-End Credits 1.09
25-Have Yourself A Merry
Little Christmas 2.04*

*Interprété par Nora Sagal
Ecrit par Ralph Blane
et Hugh Martin.

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Sony Classical 1079140

Musique conduite par:
Alexandre Desplat
Interprétée par:
The London Symphony Orchestra
Score produit par:
Dominique Lemonnier
Opérateur ProTools:
John Barrett
Montage score:
Lewis Jones
Supervision montage:
Gerard McCann
Monteurs musique:
Simon Changer, Rob Houston
Manager enregistrement LSO:
Marc Stevens
Coordinateur score:
Xavier Forcioli
Programmation:
Romain Allender, Jongnic Bontemps
Assistants studio:
Matt Jones, Jon Alexander
Direction de la musique
pour Columbia Pictures:
Lia Vollack
Producteur album:
Alexandre Desplat
Sony Classical Licensing:
Mark Cavell
Sony Classical Product Development:
Isabelle Tulliez

Artwork and pictures (c) 2014 Columbia Pictures Industries, Inc. & Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ****
THE MONUMENTS MEN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Trois ans après « The Ides of March », George Clooney retourne à la réalisation avec « The Monuments Men », adaptation cinématographique du livre de Robert M. Edsel publié en 2009 et inspiré d’une histoire vraie. Le film raconte les péripéties du groupe des Monuments Men (Monuments, Fine Arts, and Archives program), crée par le général Eisenhower en 1944, un groupe d’hommes chargés de suivre les alliés pour récupérer les oeuvres d’art dérobées par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale. C’est en 1943 que Frank Stokes (George Clooney) réussit ainsi à persuader le Président des Etats-Unis de la nécessité de sauver les oeuvres d’art volées par les nazis, afin de préserver la mémoire de la culture occidentale dont est témoin l’art. Stokes est alors chargé de réunir un groupe d’hommes, les « Monuments Men », incluant des directeurs de musée, des conservateurs et des historiens de l’art. Leur objectif : guider les alliés et retrouver les oeuvres d’art volées afin de les rendre à leurs propriétaires d’origine. Pour cela, ils auront besoin de contacts en France, en Belgique et en Allemagne, où ils rechercheront de précieuses oeuvres d’art juives de la collection Rothschild, la célèbre Madone de Bruges de Michel-Ange ou le retable de l’Adoration de l’Agneau mystique, chef-d’oeuvre de la peinture flamande du XVe siècle. Mais ces trésors artistiques sont cachés en plein territoire nazi, et les Monuments Men savent que leur mission a peu de chance de réussir. Désormais, s’ils veulent empêcher la destruction de toutes ces précieuses oeuvres témoins cruciaux de la civilisation occidentale, ils devront entamer une grande course contre la montre en risquant leurs vies pour protéger toutes ces oeuvres d’art. George Clooney saisit donc l’opportunité d’aborder dans « The Monuments Men » l’histoire méconnue ce groupe d’individus qui ont tout risqué à la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour retrouver et restituer à leurs propriétaires quelques uns des plus grands chef-d’oeuvres artistiques de l’humanité, une histoire vraie et méconnue que l’acteur/réalisateur aborde ici avec un certain humour et une légèreté inattendue. Et c’est justement là que le bat blesse, car le public s’attendait à un énième film de guerre hollywoodien à l’ancienne – façon « The Bridge on the River Kwai » ou « The Longest Day » - et certainement pas à un semblant de comédie sur fond de 2e Guerre Mondiale style « La Grande Vadrouille ».

C’est pourtant cette voie que George Clooney a choisi de suivre, conférant à son récit une dimension réjouissante mais aussi un peu vaine, entre histoire d’amitiés, gags (pas drôles) et péripéties rocambolesques (les scènes finales dans les mines autrichiennes). On a d’ailleurs beaucoup reproché à Clooney de ne pas avoir pris son sujet suffisamment au sérieux, un sujet ambitieux, certes, peut être trop pour l’acteur/réalisateur, pas forcément habitué aux sujets historiques d’une telle ampleur et d’une telle force – doublé d’une réflexion intéressante sur les rapports entre l’art et la mémoire de l’humanité, surtout en temps de guerre – Il y avait pourtant matière à faire quelque chose de bien plus passionnant, sans se limiter à un banal film de potes façon « Ocean’s Eleven » chez les bidasses ! Malgré une bonne réalisation, une ambiance de film de guerre old school et un casting impeccable – George Clooney se paie le luxe de réunir ainsi John Goodman, Jean Dujardin, Matt Damon, Cate Blanchett, Bill Murray, Hugh Bonneville, et même le compositeur de la musique du film, Alexandre Desplat, qui a droit à un rôle de plusieurs minutes dans le film – le film déçoit par son côté lisse et très grand public, car il s’agit tout de même à l’origine d’un film de guerre, et de ce point de vue, Clooney offre une vision très édulcorée des dernières années du conflit (sans une seule goutte de sang). Trop sage, trop pédagogique et parfois trop naïf (la vision ultra idéalisée de Clooney vis-à-vis de l’art en général, comme en témoignent ses quelques discours passionnés dans le film), « The Monuments Men » laisse un arrière goût d’inachevé, car malgré quelques bonnes idées et des scènes vaguement drôles - Bill Murray et Hugh Bonneville qui parviennent ensemble à éviter une confrontation avec un jeune allemand armé et désorienté en proposant de tous s’asseoir par terre et de fumer une cigarette – le long-métrage déçoit par son manque d’ambition et son caractère trop lisse. Un sujet aussi intéressant aurait certainement mérité un bien meilleur traitement !

Alexandre Desplat occupe donc un rôle majeur dans « The Monuments Men », puisqu’en plus d’assurer la musique du film de George Clooney (c’est sa seconde participation à un film de Clooney après « The Ides of March » en 2011), le compositeur se voit offrir l’occasion rarissime de jouer un petit rôle dans le film, celui d’un paysan français qui accueille chez lui Matt Damon. Musicalement parlant, le travail effectué par Alexandre Desplat sur « The Monuments Men » reste de loin l’un des meilleurs éléments du film de George Clooney. Le compositeur semble s’être surpassé sur ce film en saisissant tout l’humour de l’histoire et de certaines situations tout en multipliant les clins d’oeil musicaux évidents. A l’instar du film lui-même, le score de « The Monuments Men » semble avoir été écrit pour un film de guerre hollywoodien des années 50, Desplat imitant ainsi le style des britanniques Malcolm Arnold, Ron Goodwin ou même de John Williams, influence incontestable dès les premières mesures du score - on pense clairement aux partitions de « 1941 » et surtout à « Saving Private Ryan », qui a certainement été utilisé dans les temp-tracks du film – L’influence de Williams, on la ressent clairement dès « The Roosevelt Mission » pour l’introduction du film, Desplat amorçant l’histoire avec un cor et une trompette soliste sur fond de roulement de caisse claire militaire et de tenues de cordes. La trompette interprète ici une mélodie solennelle et pleine d’espoir, évoquant la mission Roosevelt pour les Monuments Men, avec un aspect patriotique et majestueux typiquement américain, qui rappelle bon nombre de partitions de John Williams (hormis « Saving Private Ryan », on pense aussi à « The Patriot », « Midway » ou « Born on the 4th of July ») ou d’Elmer Bernstein (« The Great Escape », « Stripes »). Desplat ingurgite ainsi toutes ces références musicales qu’il maîtrise sur le bout des doigts et concocte une partition assez rafraîchissante et particulièrement enthousiasmante, aussi ‘americana’ et old school que le film lui-même. Le générique de début s’accompagne du superbe thème principal dévoilé dans « Opening Titles », une joyeuse marche bondissante qui rappelle clairement les marches de Ron Goodwin sur « 633 Squadron », « Battle of Britain » ou de Malcolm Arnold sur « The Bridge on the River Kwai », bien que l’on se rapproche davantage ici du style plus humoristique des marches enjouées du « Stripes » d’Elmer Bernstein.

La marche des « Monuments Men » est à n’en point douter le principal atout de la partition de Desplat, largement développée et remodifiée sans cesse tout au long du film afin de coller à chaque situation présentée. A noter que la marche militaire se compose en réalité de deux parties, une partie A – celle qui sera la plus utilisée dans le film – introduite dès 0:03 aux cordes – et une partie B qui débute aux cuivres à 0:37, plus aventureuse et héroïque d’esprit. Le second thème de la partition, le thème de la mission, plus solennel et très ‘americana’, est introduit à la trompette dans « The Roosevelt Mission » et rappelle l’importance cruciale de la mission des Monuments Men et du combat pour la préservation du patrimoine artistique occidental. Un nouveau motif est introduit délicatement au début de « Ghent Alterpiece », associé à l’une des oeuvres religieuses que pourchassent les Monuments Men tout au long du film. Dévoilé par les bois, le motif religieux est emprunt d’un mystère spirituel assez remarquable, Desplat imitant ici les airs musicaux religieux médiévaux avec une mélodie simple et conjointe en quintes parallèles à vide (une imitation des chants grégoriens du Moyen-Âge), motif que Desplat harmonise ensuite de manière plus tonale et conventionnelle. Les nazis possèdent eux aussi leur propre thème, entendu vers le début de « Ghent Altarpiece » par des cors en sourdine, et repris dans « I See You, Stahl », « Siegen Mine » et « Helibronn Mine ». Le thème des nazis deviendra d’ailleurs l’une des mélodies centrales vers le milieu du film, très présente et largement développée durant certains passages-clés cités précédemment, et notamment à 1 :55 dans « Ghent Altarpiece », à 0:40 dans « I See You, Stahl » ou à 0:26 dans « Siegen Mine ».

Enfin, Desplat utilise un dernier thème, le traditionnel Love Theme qu’il introduit au début de « Champagne » pour la relation entre Claire (Cate Blanchett) et James (Matt Damon), et joué à la manière d’une boîte à musique sur un tempo de valse légère, d’abord par un célesta puis par la harpe. Ce thème de romance ‘à la française’ est repris de manière plus sombre et lente aux cordes dans « Deauville » et le très beau « Claire & Granger », porté par des cordes en sourdine délicates et une harpe discrète (à partir de 0:39). A noter que Desplat décline ici son thème avec un lyrisme et un romantisme poignant typique de son style musical habituel, notamment dans le travail des harmonies élégantes et raffinées. Dès lors, Alexandre Desplat dispose d’une base thématique généreuse solide (le thème de la marche, le thème de la mission, le thème des nazis, le motif de l’oeuvre religieuse, le thème romantique) qu’il décline à loisir tout au long du film, avec un enthousiasme spontané plutôt réjouissant. Cet enthousiasme, on le ressent notamment dans un passage plus humoristique de type comédie comme « Basic Training », qui débute avec une reprise sautillante du thème de la mission sur fond de rythmes militaires de caisse claire, suivi d’une joyeuse reprise amusante de la marche des Monuments Men. Le thème de la mission est repris de manière plus solennelle et posée dans « Normandy » pour l’arrivée des Monuments Men sur les plages de la Normandie, thème aussi réentendu de manière plus légère aux pizzicati à la fin de « Deauville ». La musique sait aussi se faire plus intime et réservée comme c’est le cas dans « Stokes », où Desplat nous propose une première variante réussie du thème de la marche sous une forme plus lente et introspective, avec piano, bois et cordes. Comme toujours chez le compositeur, les orchestrations sont très soignées, Desplat n’hésitant pas à privilégier le jeu des solistes, tandis que les harmonies se distinguent par une classe et une élégance classique assez caractéristique du musicien français. On appréciera les rythmes plus incisifs de « I See You, Stahl », incluant un bref passage de suspense avec une clarinette aigue (qui rappelle bon nombre de musique thriller de John Williams) pour la scène où Claire aperçoit Stahl en train de fuir la France alors que les alliés sont sur le point de libérer le pays du joug des nazis. On notera d’ailleurs le final plus triomphant de « I See You, Stahl » qui développe le thème de la mission avec une fanfare héroïque et victorieuse pour la libération de la France, tandis que « The Letter » emploie dans le film la partie B du thème principal sous une variante plus calme et posée.

Même les passages comédie plus léger comme « John Wayne » (scène bizarre où Bill Murray et Hugh Bonneville tente de désamorcer une situation tendue avec un soldat allemand) réussissent à conserver un certain intérêt, notamment grâce à un travail de couleurs instrumentales assez rafraîchissant, même si l’on échappe pas ici au cliché habituel du mickey-mousing – on notera d’ailleurs une reprise humoristique du thème de la marche au piccolo et au tuba – La séquence de l’attaque du sniper (« Sniper ») permet à Desplat de nous offrir son premier grand morceau d’action, porté là aussi par des orchestrations très riches, Desplat ayant la bonne idée de construire un ostinato rythmique de baguettes de batterie qu’il fait jouer sur le bord métallique d’une caisse claire. « Sniper » s’enchaîne à « Into Bruges », qui débute par une série de notes graves rapides de clarinette basse répétitive et d’idées sonores intéressantes : on y retrouve ainsi l’entêtant ostinato rythmique des baguettes, mais aussi une utilisation de marimba grave, de caisse claire détimbrée et de cuivres en sourdine. Ici aussi, difficile de ne pas reconnaître l’influence manifeste de John Williams dans les orchestrations ou dans l’emploi de certaines sonorités (comme à partir de 0:20, qui rappellerait presque certains passages suspense de « Jurassic Park » ou de « Minority Report »). L’action se prolonge dans l’excellent « The Nero Decree » alors que l’Ordre Néron est promulgué par Hitler menaçant les oeuvres d’art d’une destruction totale. On notera une brève citation au célesta du Love Theme français à 1:03, tandis que Desplat teinte sa musique d’humour dans la valse ironique de « Stahl’s Chalet » alors que sa musique devient plus pastorale et quasi impressionniste au début de « Jean-Claude Dies » avant un nouveau passage d’action martial très inspiré de John Williams, se concluant sur une reprise touchante et nostalgique du thème de la marche aux cordes, aux bois et au piano. La musique se poursuit ainsi avec quelques passages sympathiques comme pour la découverte de l’or (« Gold ! » et une très belle reprise légère et nostalgique du thème de la marche), la scène dans la mine de « Heilbronn Mine », ou l’arrivée dans le château (« Castle Art Hoard »), qui reprend le thème des nazis et le Love Theme de Claire/James, tout en se concluant sur une reprise de l’oeuvre religieuse de Gent à 1:45.

Impossible de rester insensible à l’enthousiasme de la marche de « Altaussee » ou des 9 minutes purement intenses de « Finale », reprenant les différents thèmes du score dans une sorte de medley parfaitement bien ficelé et qui maintient l’attention tout au long des dernières minutes du film. Desplat se fait plaisir et conclut le film avec une reprise sifflée de la marche pour le générique de fin (« End Credits »), réaffirmant là aussi ses influences manifestes, puisque le « End Credits » s’inspire clairement de la célèbre marche sifflée de « The Bridge on the River Kwai » de Malcolm Arnold. Avec « The Monuments Men », Alexandre Desplat se voit ainsi offrir une occasion inespérée de revenir à l’ère des musiques symphoniques classiques d’antan, pour un cinéma hollywoodien d’une époque désormais révolue, mais qui a vu se succéder bon nombre de chefs-d’oeuvres cinématographiques et musicaux, ainsi que de grands maîtres de la musique de film. Cette époque, c’est celle d’Arnold, Goodwin, Williams et Bernstein, des musiciens auquel Desplat a voulu rendre un véritable hommage tout au long de sa partition, maîtrisant et digérant ces influences avec une passion évidente et un savoir-faire incontestable. Contrairement à la plupart de ses partitions habituelles, Alexandre Desplat se montre cette fois-ci très inspiré dans l’écriture des thèmes (son principal défaut, bien souvent), et nous offre une poignée de mélodies tour à tour accrocheuses, drôles, touchantes, et une musique riche en idées et en émotion, magnifiquement orchestrée, très juste sur les images et véritablement inspirée de bout en bout. Avec « The Monuments Men », Alexandre Desplat signe donc à n’en point douter l’une de ses meilleures musiques de film de l’année 2014, un score réjouissant d’une rare qualité, en passe de devenir une nouvelle référence dans la filmographie du compositeur, à ne rater sous aucun prétexte !




---Quentin Billard