1-Titles/One Man's Journey 1.40
2-Alcohol Haze 4.16
3-Day One 3.18
4-Sabotage 2.35
5-Dear Daughter 2.28
6-I Will Find You 2.38
7-20 Years After 2.51
8-Hello Joseph 2.53
9-Closing In 4.13
10-Mano A Mano 4.09
11-Fight 3.32
12-Don't Hurt Her 3.00
13-Proposition 4.34
14-Past Unraveled 9.16
15-Showdown 10.56
16-Bitter Sweet Revenge 3.52
17-Destiny 5.33

Musique  composée par:

Roque Baños

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-7240

Produit par:
Roque Baños
Producteur exécutif:
Robert Townson
Orchestré par:
Roque Baños
Interprété par:
Bratislava Symphony Orchestra
Ingénieur enregistrement:
Martin Roller
Production score,
orchestration additionnelle et
coordinateur de préparation musique:
Ginés Carrion
Programmation additionnelle:
Mariano Marin
Guitare électrique:
Josemi Sanchez
Assistant compositeur et
coordinateur de production:
Tessy Diez Martin
Mixage score:
Jason LaRocca

Artwork and pictures (c) 2013 OB Productions, Inc/FilmDistrict Distribution, LLC. All rights reserved.

Note: ***1/2
OLDBOY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Roque Baños
« Oldboy » est à l’origine un manga de Garon Tsuchiya et Nobuaki Minegishi publié entre 1996 et 1998, adapté par la suite au cinéma dans la célèbre version sud-coréenne de Park Chan-wook en 2003. Après le succès du film, Hollywood s’intéressa rapidement à une version américaine, prévue à l’origine pour Justin Lin en 2006, avant l’intervention de DreamWorks et Universal, qui rachetèrent les droits pour une nouvelle version confiée à Steven Spielberg avec Will Smith dans le rôle principal. Et c’est ainsi que, après plusieurs hésitations et remaniements de dernières minutes, le projet fut finalement confié à Spike Lee, qui signe là l’un de ses films les moins personnels et aussi l’un des plus gros échecs commerciaux de toute sa carrière de cinéaste (« Oldboy » s’est littéralement vautré au box-office U.S, puisque le film a coûté 30 millions de dollars et n’en a rapporté qu’environ 4 millions !). Le film reprend les grandes lignes de la précédente version et celle du manga : Joe Doucett (Josh Brolin), père d’une jeune fille de 3 ans, est un homme d’affaires sans avenir, égoïste, alcoolique et antipathique. Le 8 octobre 1993, il est mystérieusement kidnappé et séquestré sans raison apparente. Dans sa cellule, il dispose d’une télévision où il apprend avec horreur le meurtre de sa femme, dont il est accusé injustement. 20 ans plus tard, son ravisseur le libère et prend contact avec lui : s’il veut sauver sa fille Mia, il va devoir découvrir l’identité de son kidnappeur et les raisons de sa longue séquestration. Ces révélations vont amener Joe à découvrir une terrible vérité inimaginable. « Oldboy » n’apporte donc rien de nouveau au précédent film de Park Chan-wook et se montre plutôt paresseux dans son traitement scénaristique et visuel. Malgré quelques bonnes idées, la réalisation reste un brin molle et désincarnée, et le film se contente trop souvent d’imiter des scènes du long-métrage de 2003 (le fameux combat au marteau dans le couloir, 100% plus intense et virtuose chez Park Chan-wook !), mais en moins bien. Spike Lee n’apporte donc aucun point de vue particulier au récit et à ses personnages. Néanmoins, sa direction d’acteur reste impeccable, offrant un rôle solide à Josh Brolin, entouré de quelques seconds rôles de qualité, avec Sharlto Copley, Elizabeth Olsen et Samuel L. Jackson. Le film reste plutôt sombre et violent, et ce malgré le fait que le film ait été coupé et remonté à la demande du studio, passant ainsi de 140 minutes à 105 minutes, et ce malgré les protestations de Spike Lee et Josh Brolin. Le résultat est ce qu’il est, et « Oldboy » reste donc un thriller solide mais qui n’atteint jamais les sommets du film de 2003, et n’apporte rien de nouveau à cette terrible histoire de vengeance implacable.

La musique de « Oldboy » a été confiée au compositeur espagnol Roque Baños, qui s’est déjà fait remarquer la même année pour sa partition ténébreuse et intense pour « Evil Dead ». A noter que la partition du film devait être initialement confiée à Bruce Hornsby avant que Michael Nyman récupère ensuite le projet, pour être finalement remplacé par Roque Baños. « Oldboy » permet ainsi au compositeur d’offrir une nouvelle partition symphonique de qualité au film de Spike Lee. Enregistrée avec les musiciens du Bratislava Symphony Orchestra, la musique de « Oldboy » est un savant mélange d’orchestre, de parties électroniques et de guitare électrique, une musique à la fois classique et moderne dans l’âme, qui évoque aussi bien l’atmosphère sombre du film que l’environnement urbain dans lequel se déroule toute l’histoire. « Titles/One Man’s Journey » pose ainsi les bases de la partition avec un ensemble de rythmes électro, sons synthétiques, guitare électrique et quelques cordes qui dévoilent déjà les premières notes du thème principal. Comme souvent chez le compositeur, les influences sont manifestes, surtout dans le sombre « Alcohol Haze », dans lequel on assiste à la décadence de Joe Doucett qui sombre dans l’alcool au début du film. Banos convoque ici l’orchestre pour évoquer une atmosphère mystérieuse, sombre et envoûtante dominée par un travail de cordes aigues qui rappelle parfois Jerry Goldsmith ou Bernard Herrmann. Impossible de ne pas ressentir les influences de partitions thriller célèbres comme « Basic Instinct » ou « Psycho » dans le travail des cordes envoûtantes de « Alcohol Haze » et « Day One », qui crée une atmosphère latente et tendue avec des cordes aigues et lentes, alors que les dissonances commencent à s’accumuler avec l’ajout de notes ondulantes de piano et d’effets avant-gardistes et chaotiques des cordes vers le milieu de « Day One ». On retrouve d’ailleurs clairement ici le Roque Baños bien connu de « Evil Dead » et « The Intruder » avec un assaut orchestral totalement atonal, dissonant et avant-gardiste, le compositeur allant même jusqu’à retravailler le son de l’orchestre avec quelques étranges effets de filtre expérimentaux. Baños sait créer le malaise et l’angoisse à l’écran, et un morceau comme « Day One » est assez révélateur du talent du musicien espagnol pour les ambiances sombres et agressives.

« Sabotage » développe cette atmosphère de cordes sombres et tendues, l’accent étant mis ici sur le thème principal dévoilé à la fin de « Titles » durant l’ouverture du film, et très présent tout au long du film, associé à la quête de vengeance et de vérité de Joe Doucett. On retrouve aussi les sonorités plus modernes, avec l’emploi de pulsations synthétiques et de quelques sons de guitare électrique, alors que l’essentiel des orchestrations s’articule autour d’un solide mélange de cordes/harpe pour les besoins de l’histoire, les cuivres et les bois étant réservés pour les passages plus agités et rythmés. Maîtrisant les codes des musiques thriller habituelles, Roque Baños va même jusqu’à créer une étrange mélodie quasi surréaliste de cordes vers la fin de « Sabotage » qui semble surgir tout droit d’une musique de Christopher Young, tandis que le piano ajoute une touche de mystère envoûtant à la partition. Dans « Dear Daughter », un autre thème majeur du score est dévoilé, sorte de berceuse légère et nostalgique pour Mia, la fille de Doucett, confiée à un piano/célesta sur fond de cordes. A 0:56, Baños reprend le thème principal dans un très bel arrangement pour violoncelle, piano et cordes, à la manière d’une pièce classique. Cette version pour violoncelle du thème principal est associée dans le film à la fille de Doucett, qui est une violoncelliste et joue même quelques notes du thème lors d’une scène du film. L’interaction image/musique est ici pleinement exploitée, alors que la musique évoque clairement les sentiments et les pensées de Doucett. Dans « I Will Find You », le compositeur suggère alors la détermination obstinée de Doucett à retrouver sa fille et découvrir pourquoi on l’a enfermé pendant des années. Roque Baños développe ici pendant plus de 2 minutes un formidable crescendo orchestral accompagné par des ostinatos de cordes et une montée de cordes et cuivres à la fois noble, quasi héroïque et solennelle, émotionnellement assez puissante et prenante, sans aucun doute l’un des grands moments du score de « Oldboy ».

Dans « 20 Years After », le compositeur développe un motif déjà introduit dans « Sabotage » et « Day One » (au piano à 1:22 par exemple). Ce motif, souvent confié au piano, évoque la quête de vengeance de Doucett et traduit le caractère implacable et obsessionnel de sa détermination à découvrir la vérité et retrouver sa fille. « 20 Years After » reprend le motif de piano à partir de 0:13 et l’amplifie, au fur et à mesure que Doucett se rapproche de l’horrible vérité. A noter ici l’emploi plus prononcé des sonorités électroniques, qui ne prennent jamais le pas sur la partie orchestrale tout en restant malgré tout assez présentes, surtout dans les passages d’action, comme à partir de la deuxième minute dans « 20 Years After », où Roque Baños nous concocte un bref passage de toms synthés un peu kitsch, qui ressemble aux musiques de film d’action des années 90. L’ambiance mystérieuse et sombre du début est reprise dans « Hello Joseph », où se télescopent la berceuse de Mia, le motif de la vengeance (repris cette fois-ci en ostinato de cordes) et le thème principal aux violons. C’est dans cette habileté avec laquelle Roque Baños parvient à développer et mélanger ses différents thèmes et motifs que la partition s’en trouve grandement renforcé et gagne en intérêt au fil des écoutes, comme dans le film. Dans « Closing In », Roque Baños nous offre un solide morceau d’action survitaminé dominé par des cuivres massifs, des cordes staccatos agitées (reprenant le motif de la vengeance sous forme d’ostinato rythmique rapide), un piano, des percussions et quelques rythmes électroniques. Ici, comme dans le reste du score, il y a un côté très années 90 dans la manière d’écrire, qui rappelle les musiques d’action/thriller de Jerry Goldsmith ou James Newton Howard de cette époque, un classicisme hollywoodien assez appréciable, surtout à une époque où le style Remote Control d’Hans Zimmer phagocyte tout le système et ne permet quasiment plus l’écriture de ce genre de partition.

Un morceau comme « Mano Amano » montre ainsi les ambitions d’un compositeur capable de mélanger des sons modernes – le solo de guitare électrique rock sur fond de bongos/batterie/basse – avec des couleurs avant-gardistes – les dissonances macabres des cordes – et quelques drum loops électro discrets, sans jamais tomber dans quelque chose de bancal ou de bâclé. Tout semble clairement maîtrisé et cohérent dans le film comme sur l’album, même dans un pur passage d’action comme l’affrontement violent à coup de marteau de « Fight », porté par une avalanche de percussions (les fameux toms 90’s), guitare électrique et orchestre énergique dominé par les cuivres. « Don’t Hurt Her » développe le thème principal, le motif de la vengeance et le thème nostalgique de Mia de manière plus tourmentée et dramatique, avec quelques passages lyriques typiques du compositeur espagnol. La tension monte dans les sursauts anarchiques de « Proposition », qui reprend des éléments de « Mano Amano » pour le personnage de Samuel L. Jackson dans le film, tandis que les 10 minutes intenses de « Showdown » nous amènent enfin au grand coup de théâtre final et à la terrible révélation du film. On appréciera ici les quelques passages d’action détonnant façon James Newton Howard, alors que le morceau se conclut sur les images de manière lugubre et sombre, débouchant sur le tragique et torturé « Bitter Sweet Revenge » qui maltraite le thème de Mia lors de la terrible révélation finale, avec un passage élégiaque de cordes absolument poignant à partir de 2:30. Le film se conclut sur le somptueux « Destiny », qui, pendant plus de 5 minutes, évoque une atmosphère d’accomplissement avec le retour du crescendo solennel et prenant de « I Will Find You », partagé ici entre cordes et piano, repris ensuite dans une version avec rythmes électro/rock assez réussie.

Roque Baños se montre au final particulièrement à l’aise sur « Oldboy », car s’il ne révolutionne en rien le genre, le compositeur maîtrise à la perfection tous les codes des musiques d’action/suspense typiquement hollywoodiennes, avec une réelle envie de bien faire et d’écrire une musique bien faite, bien conçue et ne cédant jamais aux facilités de l’écurie Remote Control. C’est pourquoi on appréciera le côté très années 90 de la musique de « Oldboy », influencée par des compositeurs tels que Goldmsith, Herrmann ou James Newton Howard, tout en apportant une vraie intensité dramatique assez saisissante au film de Spike Lee. Décidément, force est de constater que l’aventure hollywoodienne de Roque Baños n’a pas fini de nous épater, le compositeur espagnol étant en passe de devenir une figure incontournable de la musique de film U.S., après avoir fait ses armes pendant des années dans son pays natal. Certes, « Oldboy » n’a rien d’un score particulièrement original ou même grandement inoubliable, mais pouvoir enfin apprécier une musique d’action/thriller récente réussie qui ne cède pas tout aux formules usées de chez Remote Control est devenu un luxe rarissime de nos jours, et l’on aurait bien tort de s’en priver !





---Quentin Billard