1-Après les nuages 2.50*
2-Thème de Thout
et poursuite du chat 2.21
3-Thème du Pharaon 1.14
4-Thème d'Akheza 0.57
5-Les Hittites 0.39
6-Guerrier de la Paix 0.40
7-Messager 0.15
8-Voyage en bateau vers Thèbes 1.11
9-Les Prêtres 3.21
10-La ballade d'Akheza
(générique de début) 1.51
11-La mort du Pharaon 1.50
12-Thème de Thout 1.00
13-Poursuite en char (version 1) 2.03
14-Bagarre avec les Prêtres 1.56
15-Thème du Pharaon 2.34
16-L'attaque Hittite 1.25
17-La ballade d'Akheza
(version 2) 1.39
18-Thème d'Akheza 1.14
19-Les pleurs d'Akheza 0.28
20-Poursuite en char (version 2) 0.18
21-Thème du Pharaon 1.21
22-Dans la pyramide 5.39
23-Clair obscur (version 1) 2.34
24-Poursuite en char (version 3) 0.29
25-Prophétie/Départ du guerrier/
Chute d'Akheza 1.07
26-Le bateau 1.00
27-Clair obscur (version 2) 1.33
28-La Prison Dorée 3.41*
29-Clouds (version anglaise
de "Après les nuages") 2.51*
30-Prison of Gold
(version anglaise de
la prison dorée) 3.40*

*Interprété par Shirel
Musique de Didier Lockwood

Musique  composée par:

Didier Lockwood

Editeur:

Ames AM 5010

Score produit par:
Didier Lockwood
Designer Sound Music:
Igor Bolender

(c) 2007 Rézo Films. All rights reserved.

Note: ***1/2
LA REINE SOLEIL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Didier Lockwood
Après le succès du superbe « Les Enfants de la pluie » en 2003, le réalisateur français Philippe Leclerc revient avec un nouveau long-métrage sorti en 2007, « La Reine Soleil », adaptation animée libre du roman éponyme de Christian Jacq publié en 1988. Transcrire l’histoire d’un roman en film d’animation était un challenge intéressant pour Philippe Leclerc, qui, avec l’aide de son équipe, ont travaillé d’arrache-pied pendant près de six ans pour concevoir l’animation de « La Reine Soleil ». La rédaction du script débute en 2001 et s’étale sur deux ans, avec un premier parti pris : l’adaptation ne se limitera qu’à la première moitié du roman de Christian Jacq, dans lequel la princesse égyptienne Akhesa deviendra finalement l’héroïne principale du film. Le script final, retravaillé par le réalisateur, se voit adjoindre une bonne dose d’humour, d’aventure et d’éléments fantastiques, sur fond de mythologie égyptienne. Si l’équipe du film est française, l’animation est confiée au studio hongrois Cinemon et les effets visuels/compositing à Greykid Pictures. Réalisé à l’ancienne en 2D sur du papier, « La Reine Soleil » nous plonge ainsi dans l’Egypte antique durant la XVIIIème dynastie considérée par les historiens comme l’apogée de la civilisation égyptienne. On y suit l’histoire d’Akhesa, une jeune princesse de 14 ans qui vit au palais royal de son père, le pharaon Akhenaton. Akhesa s’ennuie au palais car il n’y a rien à faire et décide alors de se rebeller contre son père, qui l’empêche de sortir à l’extérieur du palais. Akhesa cherche aussi à découvrir pourquoi sa mère, la reine Nefertiti, est partie s’exiler au loin sur l’île d’Eléphantine. La jeune princesse téméraire réussit alors à quitter l’enceinte du palais royal et fait la connaissance du jeune prince Thout, avec lequel elle s’enfuit, bien décidée à retrouver sa mère. Malgré les dangers et les épreuves qui les attendent, les deux adolescents entament un long périple qui va les amener à traverser les rives du Nil et les dunes brûlantes du désert égyptien, et à affronter les redoutables mercenaires Zannanza et les sinistres prêtres d’Amon Ré qui préparent un coup d’état visant à renverser le pharaon Akhenaton et à s’emparer du trône royal. Désormais, les deux jeunes adolescents sont face à leur destinée et s’apprêtent à vivre la plus grande aventure de toute leur vie.

« La Reine Soleil » est au final un film d’animation de qualité qui permet à Philippe Leclerc de renouveler l’exploit des « Enfants de la pluie » en livrant cette fois-ci un long-métrage animé plus sobre et épuré dans son graphisme et son choix volontairement rétro d’une animation basique en 2D à l’ancienne. Malgré la simplicité apparente des images et de l’animation, « La Reine Soleil » reste un film très attachant, notamment grâce à ses paysages égyptiens somptueux et extrêmement réalistes, ses nombreux détails, son histoire inspirée de la mythologie égyptienne et ses personnages attachants. La retranscription de la vie égyptienne et du faste des cérémonies à l’époque d’Akhenaton témoigne ici d’un vrai souci de réalisme historique, même si l’histoire, réservée essentiellement à un jeune public, se teinte aussi d’éléments plus fantastiques, notamment lors des 20 dernières minutes plutôt spectaculaires. En optant pour une animation 2D classique et rétro, Philippe Leclerc va ainsi à contre-courant des productions animées 3D actuelles et nous livre un film personnel à la sensibilité plus européenne (on pense notamment à René Laloux ou Paul Grimault, avec lesquels Leclerc travailla dans les années 80), mâtiné de quelques influences de l’heroic-fantasy à la française que l’on percevait déjà très clairement dans « Les Enfants de la pluie » (on pense à certains jeux vidéos d’aventure édités dans les eighties par les studios français Infogrames ou ERE Informatique/Exxos). Le mélange de ces influences et la simplicité rafraîchissante de l’animation 2D font de « La Reine Soleil » une nouvelle jolie réussite de la part de Philippe Leclerc, un long-métrage d’animation divertissant et attachant, qui tient ses promesses jusqu’au bout.

Après une première collaboration spectaculaire entamée en 2003 sur « Les Enfants de la pluie », Philippe Leclerc décide de faire à nouveau équipe avec le musicien et compositeur Didier Lockwood sur « La Reine Soleil », pour lequel le célèbre violoniste de jazz livre une composition davantage orientée vers l’électronique et les instruments ethniques solistes. A la première écoute, on serait tenté de dire que l’on est un peu déçu par l’approche synthétique plus artificielle de Didier Lockwood sur « La Reine Soleil », mais ce serait occulter tout le travail autour des thèmes, des rythmes et des couleurs instrumentales. Comme dans « Les Enfants de la pluie », la partition de « La Reine Soleil » repose sur un travail similaire autour des mélodies et des thèmes, incluant de manière similaire une instrumentation très riche qui alterne aussi bien orchestre symphonique synthétique et instruments solistes ethniques – notamment au niveau des percussions orientales/arabes – Ainsi donc, l’univers égyptien antique du film est retranscrit par un travail assez passionnant autour du violon soliste électrique de Didier Lockwood jouant de manière bien souvent modale, comme durant les improvisations virtuoses de « Thème de Thout et poursuite du chat ». Dans une interview que l’on peut retrouver sur le site officiel du compositeur, Didier Lockwood explique son approche instrumentale du film, justifiant ses choix très clairement :

« Je souhaitais souligner le côté mystique de ce voyage. Toute la musique du film a été finalisée sur synthétiseur, mais avec des samples de vrais instruments – violons, trompettes, flûtes, hautbois, etc. – complétés ensuite par des enregistrements de parties solo avec de vrais musiciens pour le hautbois, le cor anglais et les flûtes ethniques. J’ai joué la partition de violon… »

Si l’aspect synthétique du score peut rebuter, on appréciera néanmoins l’apport indispensable des instruments solistes, suffisamment bien utilisés et mélangés aux samples d’orchestre pour renforcer l’intérêt de la partition. Au niveau des thèmes, on notera ainsi le thème du jeune prince Thout, caractérisé par sa flûte ethnique orientalisante sur fond de derboukas/tambourins/percussions et cordes aux sons du raï traditionnel. Le thème de Thout représente l’insouciance de la jeunesse du prince, mais apporte aussi un caractère un brin espiègle et téméraire au personnage. Le deuxième thème est celui du Pharaon, mélodie mélancolique et élégante dont le caractère nostalgique et rêveur est formidablement porté par un hautbois délicat sur fond de harpe/cordes synthétiques. A l’inverse du thème de Thout, celui du Pharaon Akhenaton est beaucoup plus intime, empreint d’une douce tristesse poétique qui rappelle certains thèmes des « Enfants de la Pluie ». Enfin, le troisième thème est celui d’Akhesa et se distingue, comme pour le thème de Thout, par sa mélodie aux accents arabes/égyptiens très réussis, sur fond de rythmes orientaux des percussions ethniques et un mélange flûte/cordes synthé impeccable. Dès lors, Didier Lockwood pose les bases de sa partition et peut accompagner l’aventure d’Akhesa et Thout en développant ses trois thèmes principaux, tandis que le score enchaîne les pièces d’assez courte durée (rares sont les morceaux qui dépassent les 1 à 2 minutes !). Il y a pour commencer les passages guerriers comme « Les Hittites » ou « Guerrier de la Paix », qui trahissent hélas le côté souvent cheap des samples d’orchestre (notamment dans le jeu des cuivres et des cordes), les moments plus mystiques et oniriques comme « Messager » et son violon soliste mystérieux, ou des passages ethniques comme « Voyage en bateau vers Thèbes », qui accompagne la scène du voyage vers la cité de Thèbes avec un mélange de plusieurs idées : rythme de guiro brésilien, thème de Thout dans un duo flûte/clarinette, envolée solennelle de l’orchestre, etc.

La musique conserve ce côté narratif/descriptif déjà très présent dans « Les Enfants de la Pluie », permettant à Didier Lockwood de mélanger les ambiances et les idées avec une dextérité impressionnante et un savoir-faire indiscutable. Très à l’aise dans les moments mélancoliques comme dans les passages plus guerriers, Lockwood se montre aussi assez inspiré pour les parties plus sombres et mystiques comme le sinistre « Les Prêtres », qui évoque, par le biais de ses choeurs d’hommes synthétiques, tout le mysticisme et la culture si caractéristique de cette période de l’Histoire de l’Egypte Antique. Ces passages mystiques sont aussi présents dans l’élégiaque « La Mort du Pharaon », qui se teinte de dissonances et d’harmonies plus torturées, tandis que « Poursuite en char » accompagne l’une des séquences d’action du milieu du film à grand renfort de cuivres aventureux, percussions agitées et un mélange de cordes et bois bondissants. Le mélange entre instruments live (notamment les bois) et instruments samplés fonctionne parfaitement, même s’il y a fort à parier qu’un vrai orchestre symphonique aurait certainement permis à la musique de « La Reine Soleil » de gagner en intérêt et en intensité. On notera aussi l’emploi de rythmes très marqués dans « Bagarre avec les Prêtres », où l’on retrouve le groove habituel de Didier Lockwood, tout comme le belliqueux « L’attaque Hittite » ou « Poursuite en char » et ses cuivres quasi wagnériens. On ne passera pas non plus à côté du majeur « Dans la Pyramide », morceau-clé du score de « La Reine Soleil », dominé par de nombreuses improvisations inspirées du violon électrique de Lockwood, le tout baignant dans un mysticisme toujours aussi impressionnant, notamment grâce à un travail spectaculaire autour des choeurs et des voix (chuchotements, effets quasi avant-gardistes, etc.) ainsi que des dissonances.

Didier Lockwood reste aussi fidèle à son goût pour les mélodies rêveuses, mélancoliques et raffinées comme le confirment « La Ballade d’Akheza » ou « Clair Obscur (version 2) », qui utilise brillamment la harpe et la flûte à bec pour nous plonger dans une douce ambiance poétique et toujours subtile, tout comme « La Ballade d’Akheza », qui ouvre d’ailleurs le film avec ses harmonies planantes. Enfin, on notera la présence de quelques chansons originales écrites par Didier Lockwood pour les besoins du film, et subtilement interprétées par Shirel, chanteuse franco-israélienne connue pour ses participations à des comédies musicales comme « Notre-Dame de Paris », « Les Enfants du soleil » ou « Avenue Q », et pour son rôle en tant qu’espionne israélienne dans le film « Ô Jérusalem» en 2006. Parmi les chansons proposées par l’album, une retiendra plus particulièrement notre attention, entendue durant le générique de fin du film : « Après les nuages », chanson poignante qui s’inspire de la mélodie mélancolique et rêveuse de « La Ballade d’Akheza ». Ainsi donc, la partition de « La Reine Soleil » rappelle une fois de plus le talent incroyable de Didier Lockwood, musicien venant du jazz mais finalement peu habitué aux musiques du cinéma, et qui se montre extrêmement inspiré à chacune de ses participations à des bandes originales de film. Pour « La Reine Soleil », Lockwood offre un rôle majeur aux improvisations et livre une série de thèmes réussis, d’ambiances musicales ethniques/orientales un brin stéréotypées mais toujours très soignées, et d’orchestrations riches et variées, alternant entre acoustique et électronique. Sa musique apporte une poésie et une énergie considérable au film de Philippe Leclerc, confirmant la bonne tenue de la collaboration entre les deux hommes, car si le score de « La Reine Soleil » n’atteint pas les sommets de l’extraordinaire « Les Enfants de la Pluie », il parvient au moins à susciter notre intérêt et à maintenir notre attention tout le long, grâce à ses qualités d’écriture indéniables et la générosité de ses idées musicales et mélodiques.




---Quentin Billard