1-Main Title 1.52
2-Plasma Pool 1.51
3-The Last Visit 2.22
4-Stathis Enters 2.17
5-The Phone Call 2.03
6-Seth Goes Through 2.02
7-Ronnie Comes Back 0.52
8-The Jump 1.19
9-Seth And The Fly 1.41
10-Particle Magazine 0.58
11-The Armwrestle 0.57
12-Brundlefly 1.41
13-Ronnie's Visit 0.33
14-The Street 0.43
15-The Stairs 1.24
16-The Fingernails 2.31
17-Baboon Teleportation 0.55
18-The Creature 2.05
19-Steak Montage 0.55
20-The Maggot/
Fly Graphic 1.32
21-Success With Baboon 0.55
22-The Ultimate Family 1.55
23-The Finale 2.45

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-47272

Album produit par:
Howard Shore
Producteur exécutif:
Richard Kraft
Monteur:
Dan Hersch

Artwork and pictures (c) 1986 Twentieth Century Fox film Corp. All rights reserved.

Note: ****
THE FLY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
Remake très personnel de « The Fly » de Kurt Neumann sorti en 1958, le « The Fly » (La Mouche) de David Cronenberg est un classique incontournable dans le cinéma d’horreur/science-fiction des années 80, et sans aucun doute l’un des plus grands chefs-d’oeuvre du cinéaste canadien. L’histoire est à peu près similaire à celle du film d’origine. Seth Brundle (Jeff Goldblum) est un jeune physicien de talent qui, après avoir travaillé longuement avec une équipe de scientifiques de renom, décide de se lancer en solo et met au point une invention totalement révolutionnaire : la téléportation. L’objectif est simple : il s’agit de téléporter un sujet d’une cabine 1 à la cabine 2. Après avoir testé sa machine sur un objet, Seth décide finalement de tester avec un babouin. Il est accompagné dans son aventure par sa petite amie, Veronica (Geena Davis), qui suivra le déroulement de ses expériences de A à Z. Malheureusement, la téléportation échoue et le babouin est tué dans des conditions extrêmement cruelles. Mais Seth n’abandonne pas et continue de travailler sur sa machine, jusqu’à ce qu’il finisse par trouver la solution. C’est alors qu’il décide de tester lui-même la machine. Le seul problème, c’est qu’il ne s’est pas aperçu qu’au cours de l’expérience, une mouche s’est introduite dans la même cabine que lui. Etant donné que la machine n’a jamais été conçue pour reconstituer deux corps en même temps, elle va fusionner Brundle avec la mouche. Pour le jeune physicien, l’expérience a été un grand succès. Mais ce qu’il ignore encore, c’est que la machine l’a génétiquement modifié. Seth est en train de se transformer progressivement en un mutant moitié humain moitié mouche. Son corps subit alors des métamorphoses de plus en plus terrifiantes et commence à se décomposer dangereusement, alors qu’il semble désormais impossible de stopper ce processus. Avec « The Fly » - unique remake dans la filmographique de David Cronenberg - le cinéaste canadien nous offre un film terrifiant, contenant quelques uns des thèmes chers au réalisateur : la décomposition du corps, les transformations, les mutilations, le tout évoqué avec un réalisme surprenant et dérangeant. Le film est aussi une histoire d’amour tragique entre le jeune physicien (Jeff Goldblum) et sa compagne Veronica (Geena Davis), une romance qui basculera finalement dans le drame lorsque Veronica comprendra que Seth ne peut plus faire marche arrière, et qu’il est voué à se transformer en une créature immonde et sans âme. Enfin, pour finir, « The Fly » est aussi une métaphore quasi métaphysique sur le dépassement de soi, de sa propre condition humaine, un thème Nietzschéen que le réalisateur aborde ici avec brio, Seth s’interrogeant alors sur les possibilités que lui offre sa métamorphose fraîchement acquise, et ce sous le regard terrifié de sa dulcinée. Et comme d’habitude, Cronenberg nous offre quelques séquences gores parfois extrêmes, tout à fait caractéristiques de son cinéma d’horreur résolument orienté sur la destruction du corps et ses diverses mutilations. Signalons pour finir la qualité du maquillage et des effets spéciaux du film assurés en partie par Chris Walas, qui réalisera trois ans plus tard « The Fly 2 », avec Eric Stoltz.

Howard Shore retrouve à nouveau David Cronenberg sur « The Fly » après avoir écrit la musique de ses films précédents (« Vidéodrome », « Scanners », « The Brood »). Pour le moment, il n’y a que sur « The Dead Zone » (1983) que le réalisateur fit des infidélités à son compositeur en engageant à la place Michael Kamen pour écrire la musique du film. Avec « The Fly », Howard Shore nous livre ici l’une des plus grandes partitions de sa filmographie des années 80, une partition symphonique sombre, mystérieuse et intense, reflétant parfaitement toute la noirceur dramatique du récit de Cronenberg. La partition de « The Fly » se décompose, comme le film lui-même, en plusieurs parties bien distinctes. L'inévitable « Main Title » annonce d’emblée la couleur : le thème principal est exposé avec une certaine sobriété, mystérieux et envoûtant, une mélodie aux notes descendantes, possédant un côté mystérieux mais pas sombre, un côté plutôt fascinant et attirant. Howare Shore a recourt ici à l'orchestre symphonique traditionnel - très belle interprétation du London Symphony Orchestra - et utilise une superbe écriture mettant en avant les sonorités envoûtantes et mystérieuses (balancement de deux notes aux bois avec les cordes et la harpe), et ce alors que nous voyons défiler à l’écran tout un cortège d’images floues et incompréhensibles, ce qui rend la musique encore plus mystérieuse et fascinante, renforcé par le balancement sur deux notes des instruments à vents, et qui rend le « Main Title » encore plus hypnotisant. Puis, la musique s’emballe progressivement et devient plus inquiétante, plus agitée, avec quelques ponctuations de l'orchestre qui suggèrent que quelque chose de tragique va se produire, quelque chose d’horrible et de terrifiant à la fois, une fin d’ouverture réellement impressionnante de par sa noirceur dramatique à la fin du générique de début. Ce « Main Title » reste donc probablement l'un des plus réussi dans la carrière d’Howard Shore.

Le compositeur illustre à travers sa musique deux aspects importants de l’histoire : tout d’abord, il évoque l’idylle naissante entre Veronica et Brundle, et pour cela, le compositeur utilise un saxophone très romantique dans sa musique en guise d’inévitable « Love Theme » (le très beau et fragile « Particle Magazine »). Puis, le compositeur décrit l'expérience des télépods avec un motif qui caractérise l'excitation liée à cette expérience révolutionnaire. C’est en tout cas ce que l’on entend principalement dans la première partie du film. Mais la seconde partie de la partition est inévitablement plus sombre, ténébreuse et angoissante. Howard Shore plonge alors l'auditeur/spectateur dans le cauchemar crée par David Cronenberg : la dégradation de Brundle qui va petit à petit se transformer en un horrible monstre-mouche. Le compositeur utilise alors un style plus atonal et dissonant dans lequel règne une atmosphère de tragédie imminente tout bonnement incroyable, une musique atmosphérique terrifiante, dans laquelle le thème principal, évoquant le mystère de l'expérience réapparaît à quelques reprises (« Ronnie’s Visit », « The Street »), étant donné que tout a été dévoilé sur l'expérience et que le spectateur sait déjà ce qui va arriver au personnage principal. La musique devient aussi plus dramatique et plus pesante, alors que le couple se détruit petit à petit en même temps que la dégradation du corps de Brundle et sa terrifiante descente aux enfers. Un motif de 4 notes - que l’on nommera thème tragique - évoque le drame survenu au cours de l'expérience fatale de Brundle. Ce motif possède quelque chose d’extrêmement grave, sombre et tragique à la fois, annonciateur d’une catastrophe imminente, et qui possède aussi ce côté désespéré qui suggère que, quoiqu'il puisse se passer maintenant, personne ne pourra arrêter la dégradation du corps de Brundle, condamné à mourir.

C'est le côté glacial et atmosphérique de la musique d’Howard Shore qui fait souvent la réussite de ses excellentes musiques pour les films de David Cronenberg, même si en comparaison d’oeuvres plus anciennes du compositeur, « The Fly » s’avère être beaucoup moins expérimental et bien plus accessible. C’est aussi la première fois que Shore délaisse ses synthétiseurs pour écrire une musique purement symphonique pour un film de Cronenberg, son approche orchestrale étant par conséquent plus conventionnelle que sur les musiques de « Videodrome » ou « Scanners » mais du coup, plus chaleureuse et accessible, idéale pour mieux ressentir le drame et la noirceur de cette terrible histoire. On retrouve néanmoins un Howard Shore atonal et avant-gardiste dans les morceaux de terreur du score, pour la seconde partie du film et plus particulièrement les vingt dernières minutes du film, alors que le cauchemar atteint finalement son paroxysme. C'est à ce moment précis que la musique dévoile véritablement sa face plus noire et résolument horrifique. Parmi ces morceaux plus agressifs et dissonants, on pourra noter le sinistre « The Armwrestle » pour la scène où Brundle ouvre le poignet d’un homme après avoir entamé un bras de fer avec lui - et prouvé au passage sa force surhumaine suite à sa métamorphose. Le compositeur utilise, à l’instar de Jerry Goldsmith sur « Alien », un effet d’échoplex assez saisissant aux cordes, illustrant plus efficacement à l’écran l’horreur de la scène. Moins moderne que « Videodrome » ou « Scanners », la musique de « The Fly » rejoint donc un style plus hollywoodien, rappelant parfois les musiques des films d’horreur des années 50/60, dans un style parfois proche de Bernard Herrmann ou des musiciens du 20ème siècle. Un morceau comme « The Stairs » et son écriture de cordes agitées n’est pas sans rappeler certaines mesures de la « Musique pour cordes, percussions et célesta » de Bartok, tandis qu’un morceau typiquement horrifique comme l’impressionnant « Stathis Enters » dévoile un style plus atonal, chaotique et dissonant avec des orchestrations plus pesantes et une espèce de marche lente et terrifiante à l’orchestre. Brundle-mouche attrape alors Stathis, l’ami de Veronica venu la protéger, et lui broie le pied en vomissant du liquide gastrique qui fait fondre sa jambe - sans aucun doute la scène gore la plus insoutenable du film de Cronenberg. Howard Shore utilise ici les recettes habituelles des musiques de film d’horreur à l’ancienne, avec son lot de clusters de cordes, de dissonances stridentes et d’effets instrumentaux complexes et avant-gardistes. C’est le cas dans « Stathis Enters » mais aussi le terrifiant et agressif « The Jump », « Brundlefly » et « The Ultimate Family », une musique qui bascule alors dans une atmosphère cauchemardesque et extrêmement sombre et violente. Le thème tragique de 4 notes reste très présent sur la fin, et ce jusqu’au magnifique et bouleversant « The Finale » qui vient conclure le film dans une résolution incroyablement sombre et pessimiste (« The Ultimate Family »). Ce qui fait la force de ce final, c'est avant tout la puissance et l'intensité incroyable de la musique dans la scène. La fin de « The Fly » n'aurait pas été aussi impressionnante si la musique d’Howard Shore n'avait pas été là pour la soutenir avec une maestria rare.

Howard Shore signe donc pour « The Fly » une partition symphonique particulièrement impressionnante, d’une noirceur tragique assez éprouvante, aussi bien sur l’album que dans le film. La musique oscille ainsi entre le suspense, la tension et le sentiment inexorable d’un drame imminent, une musique sombre et pessimiste qui baigne dans une atmosphère de fatalisme assez terrifiant. La musique possède pourtant sa propre beauté, une espèce de lyrisme macabre sous-jacent qui rend la partition d’Howard Shore particulièrement fascinante et envoûtante. Le compositeur en profite aussi pour nous prouver ici sa grande maîtrise de l’écriture orchestrale, servi par l’interprétation magistrale du prestigieux London Symphony Orchestra, le tout baignant dans un style qui évoque la musique savante avant-gardiste du 20ème siècle. Howard Shore en profite ainsi pour rendre hommage à tout un répertoire de la musique du cinéma d’épouvante américain d’antan à travers ses propres mesures qui évoquent la complexité dérangeante et éprouvante du film de David Cronenberg. Aucun doute possible, « The Fly » est bel et bien l’une des premières partitions majeures dans la carrière d’Howard Shore, incontournable !



---Quentin Billard