1-Trevor's Lair 2.15
2-Sleeples 2.19
3-Looks Like Rain 2.51
4-Mother's Day 1.14
5-Miller's Accident 2.36
6-Nikkolash's Game 4.51
7-Route 666 2.10
8-Family Photos 3.10
9-Miserable Life 1.34
10-Posted Notes 1.55
11-Chassing 2.22
12-Hit'n Run Accident 2.28
13-Underground Scape 2.43
14-Steve's Care 2.27
15-You Are A Lair 1.52
16-Where Is My Waitress? 1.58
17-Ivan Kills Nikkolash? 4.27
18-I Know Who You Are 3.16
19-Trevor In Jail 1.49

Musique  composée par:

Roque Baños

Editeur:

Mellowdrama Records MEL100

Produit par:
Roque Baños
Interprétée par:
The City of Prague Philharmonic Orchestra
Producteur exécutif:
Rick Clark
Conduit par:
Mario Klemens
Ingénieur audio:
Jose Vinader

(c) 2004 Filmax Group/Castelao Producciones/Canal+ Espana/ICAA/ICF. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE MACHINIST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Roque Baños
« The Machinist » est un thriller écrit et réalisé dans la tradition des grands suspenses Hitchcockiens d’antan. Le réalisateur Brad Anderson s’inspire de nombreux modèles (Dostoïevski, Kafka, Hitchcock, Polanski) pour concevoir une intrigue troublante reposant sur les thèmes de l’obsession, de la paranoïa et des soupçons. Le film est dominé par l’interprétation magistrale de Christian Bale, totalement méconnaissable à l’écran après avoir perdu 28 kilos en 3 mois pour les préparatifs du film. L’acteur s’est affamé jusqu’à l’épuisement quasi total pour préparer son rôle. Résultat : le personnage de Christian Bale ressemble à un zombie/squelette totalement décharné qui hante littéralement le métrage de Brad Anderson par ses allures cadavériques/anorexiques. L’acteur y campe le rôle de Trevor Reznik, un homme hanté par un souvenir enfoui dans son subconscient, et qui ne se souvient plus de ce qu’il s’est passé réellement. Trevor est ouvrier dans une usine, où il travaille en tant que machiniste sur des appareils aux mécanismes fort complexes, qui nécessitent une attention constante. Hélas pour Trevor, cela fait un an qu’il ne dort plus la nuit, et qu’il doit lutter en permanence contre une fatigue harassante qui causera un accident sur son lieu de travail, se soldant par l’amputation de la main de son collègue Miller (Michael Ironside). Chaque nuit, après avoir quitté l’usine, Trevor prend l’habitude de se rendre à la cafétéria de l’aéroport où il retrouve la serveuse Marie (Aitana Sanchez-Gijon) avant de se rendre chez la prostituée Stevie (Jennifer Jason Leigh), avec laquelle il couche régulièrement. Mais depuis quelques temps, Trevor est victime d’événements étranges : régulièrement, il découvre d’étranges messages codés sur des post-it collés sur la porte de son réfrigérateur, prenant l’apparence d’un pendu inachevé accompagné d’un mot codé. Troublé par ces messages, Trevor se demande pourquoi Marie ressemble étrangement à sa mère, et pourquoi personne n’a l’air de connaître Ivan (John Sharian), le nouvel employé de l’usine de Trevor, au comportement mystérieux et inquiétant. Hanté par des images et des souvenirs fragmentés, Trevor va plonger progressivement dans une paranoïa dérangeante, persuadé qu’il est victime d’un complot orchestré par ses collègues et ses proches.

Sous ses allures de thriller hitchcockien dans la plus pure tradition du genre, « The Machinist » s’avère être une bien belle surprise pour les amateurs de suspense psychologique. Le film de Brad Anderson est un modèle du genre, dominé par une photographie sombre accentuant le gris, le bleu et les couleurs désaturées, un univers urbain déshumanisé et suffocant, et bien évidemment l’interprétation magistrale de Christian Bale, dont le physique incroyablement décharné et effrayant rappelle à quel point les acteurs peuvent s’investir physiquement dans un rôle, quitte à jouer avec leur propre santé - et leur vie – Le résultat est absolument épatant sur plus d’un point : rarement aura-t-on assisté à une transformation physique aussi extrême de la part d’un comédien, bien qu’il serait injuste de limiter le film qu’à la performance physique de Bale, étant donné que « The Machinist » vaut aussi par son intrigue tortueuse et ses allures de cauchemar éveillé, jouant habilement entre la réalité et le rêve en brouillant les pistes, à la manière d’Hitchcock, de Lynch ou même Cronenberg. On a beaucoup comparé le film d’Anderson au « Fight Club » de David Fincher, qui arpente de la même façon l’idée d’un personnage schizophrène en quête d’identité, mais « The Machinist » se rapproche vraiment d’Hitchcock, dont le réalisateur a retenu la manière de mettre en scène le suspense psychologique, les atmosphères de conspiration, de paranoïa et bien évidemment le goût pour les twists et les révélations sur fond d’angoisse latente et d’ambiance glauque, renforcée par la détresse psychologique et physique du personnage de Christian Bale, qui ne dort plus depuis un an, hanté par des fragments de souvenir mystérieux qui prennent l’apparence d’un véritable puzzle psychologique dont toutes les pièces finiront par s’assembler lors d’un twist final assez prévisible et sans grande surprise. Produit essentiellement en Espagne (le film a été tourné à Barcelone), « The Machinist » est au final l’un des thrillers les plus impressionnants sorti durant l’année 2004, et reste à ce jour l’un des rôles les plus brillants de la carrière de Christian Bale !

La musique orchestrale ‘old school’ du compositeur espagnol Roque Baños est à coup sûr un autre élément mémorable de « The Machinist ». Suivant les desideratas de Brad Anderson, Roque Baños s’est vu offrir une rare opportunité d’écrire une musique de thriller à la manière des partitions de Bernard Herrmann pour les thrillers d’Alfred Hitchcock dans les années 50/60. Refusant tout élément de musique moderne des années 2000, Baños décide donc de revenir aux sources de la musique à suspense hollywoodienne d’avant, utilisant une large formation instrumentale enregistrée avec les musiciens du City of Prague Philharmonic et le theremin, célèbre instrument électronique crée par le russe Leon Theremine au début du XXe siècle, et brillamment interprété ici par Lydia Kavina, la nièce de Theremine (et l’une des rares interprètes de cet instrument extrêmement complexe et difficile à jouer !). Il faut savoir que le theremin est connu pour avoir été fréquemment utilisé dans les musiques de film hollywoodiennes des années 40/50, et plus particulièrement par Miklós Rózsa dans « Spellbound » (1945), « The Red House » (1947) et « The Lost Weekend » (1945), ainsi que dans une poignée de films de science-fiction tels que le célébrissime « The Day the Earth Stood Still » (1951) de Bernard Herrmann ou « The Thing from Another World » (1951) de Dimitri Tiomkin. Plus récemment, Danny Elfman a fait appel au theremin dans sa musique kitsch pour « Mars Attacks ! » (1996), ainsi que Douglas Pipes dans « Monster House » (2006), Howard Shore dans « Ed Wood » (1994) ou Marco Beltrami dans « Hellboy » (2004), sans oublier quelques musiques de séries TV (le générique de « Inspecteur Barnaby » de Jim Parker) ou de jeu vidéo utilisant brillamment l’instrument comme dans « Destroy All Humans ! » de Garry Schyman (2005) ou « Soul of the Ultimate Nation » (2006) d’Howard Shore. Réunissant tous les éléments qui firent la gloire des musiques à suspense du Golden Age hollywoodien, Roque Baños suit la trace des grands maîtres du genre sur « The Machinist » et plus particulièrement de Bernard Herrmann, dont il s’inspire systématiquement sur le film de Brad Anderson, allant même jusqu’à singer certains tics d’écriture du grand maître des musiques de thriller d’antan.

Le score de « The Machinist » repose essentiellement sur deux thèmes, le thème de Trevor introduit dès le début du film par les notes envoûtantes et énigmatiques du theremin (« Trevor’s Lair ») et un second thème mystérieux pour piano et violoncelle introduit dans « Steve’s Car », associé aux souvenirs tragiques qui hantent Trevor. Le thème de Trevor est incontestablement calqué sur celui de « The Day the Earth Stood Still » de Bernard Herrmann, qui semble avoir servi de modèle à Roque Baños sur « The Machinist » - à la demande du réalisateur – La mélodie, basée sur une cellule de 4 notes jouées par paires (comme chez Herrmann), est très rapidement reprise par les cordes avec des orchestrations riches et détaillées, incluant un hautbois, un mélange de piano/glockenspiel/harpe et quelques vents graves. Omniprésent tout au long du film, le thème de Trevor suggère clairement l’épuisement du personnage principal mais aussi l’énigme de son identité (le post-it aperçu au début du film avec la phrase-clé « Who are you ? ») et sa quête pour découvrir la vérité sur l’étrange complot auquel il doit faire face, ainsi que les fragments de souvenir qui hantent son esprit perturbé. Ce sont des thèmes typiquement hitchcockiens que Baños suggère sans équivoque dans « Sleepless », où il développe le thème de Trevor en introduisant un élément sonore majeur de « The Machinist » : le vibrato mystérieux et si caractéristique du vibraphone, instrument brillamment utilisé ici à la manière du « Vertigo » de Bernard Herrmann. L’accompagnement du morceau est accompagné par des arpèges mécaniques et entêtants du quatuor piano/harpe/glockenspiel/vibraphone suivi de quelques ponctuations discrètes de pizz de contrebasses. A noter l’utilisation de la clarinette basse, si caractéristique des orchestrations d’Herrmann chez Hitchcock. Il règne dans « Sleepless » une atmosphère à la fois sombre, énigmatique et intrigante qui doit beaucoup aux choix instrumentaux particuliers de Roque Baños, imitant brillamment le style de Bernard Herrmann tout en permettant au compositeur espagnol d’apporter sa propre vision musicale au film d’Anderson (son travail s’inscrit dans la continuité de certains de ses scores précédents écrits en Espagne).

Dans « Looks Like Rain », l’auditeur pourra aisément ressentir la sensation de faire un grand bond dans le temps et de revenir aux musiques de thriller et de film noir des années 40/50 : les deux clarinettes mystérieuses qui ouvrent le morceau en tierces mineures parallèles, le theremin aux sonorités obscures sur fond d’un tapis sonore d’échos du vibraphone et de la harpe, la clarinette basse secrète, les cordes feutrées qui reprennent le Trevor’s Theme, tous ces éléments si caractéristiques d’une certaine vision de la musique de film hollywoodienne d’une époque lointaine paraissent fort troublants sur les images d’un long-métrage conçu en 2004, mais le résultat est absolument impeccable à l’écran, prouvant à quel point ces sonorités musicales sont indémodables, classiques et possèdent une force évocatrice et narrative toujours aussi forte à l’écran. « Looks Like Rain » introduit par la même occasion le premier passage d’action du score, à base de cordes agitées et nerveuses et de sforzandos agressifs de cuivres sur fond de tonalité mineure. Les éléments de piano/harpe/vibraphone/glock poursuivent leur bonhomme de chemin pour suggérer encore une fois les obsessions de l’esprit dérangé de Trevor, sans oublier l’indispensable theremin, présent dans la plupart des morceaux du score. La partition dévoile une autre facette de Trevor dans « Mother’s Day », où la musique verse dans une introspection plus mélancolique et rêveuse avec un violoncelle fragile et quelques arpèges mineurs de piano. Le compositeur privilégie ici une écriture proche de la musique de chambre classique avec un ensemble constitué de violoncelle, piano, clarinette/clarinette basse et harpe. « Miller’s Accident » se rapproche quand à lui des musiques de thriller plus modernes avec un glissandi de cordes dissonant et agressif plus avant-gardiste, tout comme le chaotique « Route 666 » qui plonge le film dans une atmosphère horrifique à base de cordes dissonantes plus proches du « Psycho » d’Herrmann, mais le suspense herrmannien et les développements du thème principal restent de mises dans les intrigants et sombres « Nikkolash’s Game », « Family Photos », « Posted Notes », « Ivan Kills Nikkolash ? », sans oublier des moments plus mélancoliques et intimes comme le poignant « Miserable Life » et l’élégiaque « I Know Who You Are », ou des scènes de poursuite effrénées comme l’intense « Underground Escape » ou « Chasing », qui rappelle le score de « North by Northwest » d’Herrmann.

Au final, « The Machinist » s’avère être une très belle réussite de la part d’un compositeur habitué aux musiques de polar/thriller espagnols, et qui saisit ici l’occasion de rendre un hommage vibrant et authentique à Bernard Herrmann, maître incontesté de la musique à suspense hollywoodienne du Golden Age. Si l’on pourra toujours regretter les ressemblances trop flagrantes à « The Day the Earth Stood Still », « Vertigo » ou « Psycho », on ressort comblé par le professionnalisme impeccable de Roque Baños et son savoir-faire orchestral indiscutable, maîtrisant l’écriture symphonique de l’âge d’or hollywoodien et les codes instrumentaux inhérents à cette musique. Le rapport à l’image est ici assez impressionnant, car malgré son caractère éminemment ‘old school’, la musique de « The Machinist » apporte un éclairage dramatique et immersif très réussi à l’écran, reflétant les tourments et l’esprit dérangé de Trevor Reznik, une musique extrêmement psychologique, dense et torturée, maîtrisée de bout en bout. Même si l’exercice de style frôle la banale imitation ou le pastiche assumé, on ressort conquis par cette partition symphonique ténébreuse et psychologique, rappelant à quel point Roque Baños n’est jamais autant inspiré que lorsqu’il s’agit d’évoquer les tourments de l’âme humaine ou la noirceur des ténèbres. C’est aussi l’occasion pour les amateurs de Bernard Herrmann d’apprécier l’un des plus impressionnants hommages musicaux rendus au célèbre compositeur américain !




---Quentin Billard