1-Angel of Verdun (Main Titles) 2.56
2-No Courage Without Fear 3.00
3-D-Day 2.35
4-Mimics and Alphas 1.25
5-PT 1.16
6-Find Me When You Wake Up 2.05
7-Navigating The Beach 2.01
8-Winning The War 1.27
9-Combat Training 1.16
10-Deadweight 1.31
11-Again! 1.48
12-Solo Flight 3.11
13-Decoy 1.23
14-Whitehall 2.09
15-Uncharted Territory 1.39
16-I'm Out 1.53
17-They Know We're Coming 2.06
18-Caged In 2.04
19-Ritaliation 1.39
20-The Omega 1.23
21-Welcome to London, Major! 2.22
22-Live, Die, Repeat (End Titles) 4.22

Musique  composée par:

Christophe Beck

Editeur:

WaterTower Music WTM39521

Album produit par:
Christophe Beck
Supervision musique:
Julianne Jordan
Direction de la musique
pour Warner Bros. Pictures:
Paul Broucek, Darren Higman
Direction de WaterTower Music:
Jason Linn
Score produit par:
Leo Birenberg
Mixage score:
Casey Stone
Musique additionnelle de:
Leo Birenberg
Monteurs musique:
Fernand Bos, Allan Jenkins
Orchestrations:
John Ashton Thomas
Coordinateur score:
Zach Robinson
Programmation synthétiseur:
Michael White, Malcolm Pardon,
Fredrik Rinman

Artwork and pictures (c) 2014 Warner Bros. Entertainment INc, WV Films IV LLC and Raptac-Dune Entertainment LLC/Village Roadshow Films (BVI) Limited. All rights reserved.

Note: **1/2
EDGE OF TOMORROW
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christophe Beck
« Edge of Tomorrow » est l’adaptation hollywoodienne d’un light novel japonais d’Hiroshi Sakurazaka intitulé « All You Need is Kill » publié en 2004 et adapté par la suite en manga par Takeshi Obata et Yoshitoshi Abe dès 2014. La même année, Hollywood s’empare des droits et décide de se réapproprier le sujet pour un nouveau blockbuster de science-fiction réalisé par Doug Liman (« The Bourne Identity », « Jumper ») avec Tom Cruise et Emily Blunt. L’histoire se déroule sur terre dans un futur proche. Une horde d’extra-terrestres belliqueux ont envahi notre monde et menacent les populations de l’Europe toute entière. Les humains les ont baptisés les « mimics ». 70 nations se sont alliées pour combattre les monstres partout en Europe, une coalition nommée ‘UDF’ (United Defense Force), et dont la principale héroïne est Rita Vrataski (Emily Blunt), une guerrière solidement entraînée qui permis aux troupes de l’UDF de gagner une importante bataille à Verdun, bataille au cours de laquelle Vrataski décima plus d’une centaine de mimics dès son premier jour sur le front. William Cage (Tom Cruise) est quand à lui un commandant de l’armée américaine travaillant dans les relations publiques. Le général Brigham (Brendan Gleeson) lui annonce alors qu’il doit couvrir l’opération Downfall prévue demain et qu’il fait partie des soldats envoyés sur le front. Cette opération, cruciale pour les troupes de l’UDF, consiste à lancer un débarquement massif de soldats alliés sur plusieurs fronts en Europe, y compris en France. Mais Cage, couard et habitué au travail administratif, refuse l’ordre qui lui est donné en prenant le temps de faire du chantage au général. Arrêté peu de temps après, Cage tente de s’enfuir mais se fait attraper et se réveille ensuite à l’aéroport londonien d’Heathrow, devenue une base militaire. Cage découvre avec stupeur qu’il fait partie des soldats prêts à partir au combat, et que sa réputation de déserteur l’a quelque peu précédé. Le lendemain, Cage et son escouade sont largués sur une plage française, et tandis que les soldats se font massacrer par les mimics, Cage croise la route de Rita Vrataski, qui se fait tuer au cours de l’attaque, tandis que Cage perd à son tour la vie. Seulement voilà : le soldat lâche vient d’acquérir le pouvoir de revivre chaque journée, l’empêchant ainsi de mourir pour de bon. Comprenant qu’il dispose d’une chance inestimable de changer le cours des choses, Cage se met en tête d’anticiper les événements qu’il connaît déjà pour alerter Rita de l’attaque meurtrière à venir des mimics, mais en vain. A chaque fois qu’il meurt, Cage doit tout recommencer. Après de multiples échecs et des essais successifs, le déserteur devient un grand soldat à force de ténacité et prend enfin son destin en main. Objectif : découvrir et tuer l’Oméga, l’alien qui contrôle tous les mimics selon une théorie du Dr. Carter (Noah Taylor).

Avec le scénario malin de Christopher McQuarrie qui semble surgir tout droit d’une nouvelle de Philip K. Dick, « Edge of Tomorrow » a tout pour être une grande réussite dans son genre. Disposant d’un budget conséquent (110 millions de dollars) et d’un casting solide, le film de Doug Liman met en scène le duo Tom Cruise/Emily Blunt avec une efficacité certaine, mélangeant batailles futuristes, allusions à la 1ère et 2de Guerre Mondiale (le débarquement sur la plage française, la bataille de Verdun, etc.), armures de combat façon film de mécha japonais et mode opératoire repris des jeux vidéos – le concept de mourir et de recommencer une nouvelle partie suite à un ‘Game Over’ – Evidemment, il y a aussi les monstrueux mimics, créatures au design fort complexe et très réussi dans le film, mais « Edge of Tomorrow » tire véritablement son épingle du jeu grâce à l’idée d’une boucle temporelle dans laquelle se retrouve coincé le héros du film, brillamment campé par un Tom Cruise à contre-emploi. Couard et lâche au début du film, Cage va acquérir de l’expérience grâce à ses essais répétés et son entraînement répétitif, mais le fait de montrer un Tom Cruise à des années lumières des héros athlétiques et courageux qu’il interprète la plupart du temps est un choix audacieux qui paie ici et rend le personnage encore plus attachant car faible et forcément plus humain. A contrario, Emily Blunt casse tous les clichés des femmes dans les films d’action en campant une vraie guerrière au caractère bien trempé, une sorte d’Ellen Ripley à la sauce 2014 qui va entraîner Tom Cruise tout au long du film pour faire de lui le parfait soldat. Le scénario prend le temps d’explorer toutes les possibilités de la boucle temporelle, Cage essayant plusieurs scénarios possibles et avançant pas à pas, chaque mort étant l’occasion de tout recommencer en tenant compte de nouvelles données au fur et à mesure de la progression de son aventure. Le concept n’est certes pas neuf car il est clairement repris de l’univers des jeux vidéos (et du manga d’origine !) et de la science-fiction en général, d’autant que l’idée de la boucle temporelle a déjà été traitée dans un classique de la comédie des années 90, « Groundhog Day » (1993), mais le tout est rondement exécuté avec de belles trouvailles et un rythme soutenu, y compris durant les impressionnantes scènes de bataille futuristes contre les mimics, avec des effets spéciaux conséquents et solides (on regrettera néanmoins le manque de lisibilité de certaines scènes d’action !). Au final, « Edge of Tomorrow » demeure un blockbuster de science-fiction assez malin et très réussi, assumant ses idées scénaristiques jusqu’au bout, sans aucun doute l’un des meilleurs films d’action/sci-fi de l’année 2014 !

Prévue initialement pour Ramin Djawadi, la musique de « Edge of Tomorrow » a finalement été confiée au compositeur canadien Christophe Beck, revenu sur le devant de la scène depuis sa participation au succès du « Frozen » de Disney en 2013. Suivant un temp-track assez strict et peu propice aux idées originales, Christophe Beck s’est vu à son tour contraint d’aborder le registre de la musique d’action moderne façon Hans Zimmer/Remote Control, comme beaucoup de ses confrères sur des blockbusters d’action des années 2000. Rappelons que « Edge of Tomorrow » marque les débuts de Beck sur un film de science-fiction, alors que les temp-tracks d’origine utilisaient plusieurs segments du score de « Battleship » de Steve Jablonsky (2012). Dès lors, le ton est clairement donné : alors que Beck souhaitait faire à l’origine une musique orchestrale avec un thème héroïque aux cors et aux trompettes, le réalisateur souhaita à contrario une approche électronique plus moderne, Beck optant finalement pour des couleurs sonores synthétiques particulières, des percussions omniprésentes et des samples orchestraux avec distorsion. Enregistrée avec le Chamber Orchestra of London, la musique de « Edge of Tomorrow » apporte aux images une tension et un rythme constant tout en personnifiant les efforts progressifs de William Cage et Rita Vrataski dans leur quête guerrière pour sauver le monde. Le film démarre sur « Angel of Verdu (Main Titles) » qui pose clairement le décor : les samples d’orchestre en distorsion débutent, avec quelques loops électro filtrés, le tout personnifiant l’aspect futuriste du film et la présence des aliens. Quelques cordes introduisent discrètement ensuite l’un des thèmes majeurs du score, le thème héroïco guerrier de Rita, confié ici aux cuivres sur fond d’ostinato de cordes façon Hans Zimmer/Steve Jablonsky. A noter un élément-clé du score : l’utilisation de techniques de pizzicato de cordes, un élément qui revient fréquemment tout au long de la partition de Beck, et qui contribue à définir précisément la palette sonore du compositeur. Ayant introduit les principaux éléments sonores de sa partition dès le « Main Titles », Christophe Beck peut enfin développer toutes ces idées par la suite, avec un « No Courage Without Fear » qui suggère la tension en alternant ostinati de cordes staccatos, cuivres massifs et percussions banales, façon « Dark Knight » ou « Inception » de Zimmer.

Beck applique ici toutes les recettes habituelles du genre, sans la moindre imagination, imitant les sonorités du « Battleship » de Jablonsky (qui lui même repiquait le style de « Transformers ») ou de nombreux scores d’action récents d’Hans Zimmer. C’est ce que l’on constate durant la scène du débarquement sur la plage française au début du film dans « D-Day ». Les timbales et les percussions font monter ici la tension avec les cordes, les cuivres, les éléments synthétiques et les samples orchestraux en distorsion. La première scène de bataille contre les mimics permet au compositeur de développer pleinement les sonorités associées dans le film aux aliens belliqueux : loops électro, samples de guitare électrique et effets sonores distordus et menaçants suffisent à personnifier la présence des monstrueux mimics, d’une manière similaire à ce que Jablonsky avait fait pour les aliens marins de « Battleship ». Beck ne se creuse pas beaucoup la tête et se cantonne à toutes les formules musicales habituelles du moment dans des pièces fonctionnelles comme « PT » ou le guerrier « Find Me When You Wake Up », qui aligne tous les clichés des musiques d’action à la « Dark Knight » : samples divers, loops, percussions tirées des banques de son de tous les compositeurs hollywoodiens faisant du Remote Control, ostinati de cordes, accords simplistes et bourrins de cuivres, etc. Difficile de trouver quoique ce soit de vraiment enthousiasmant dans cette musique qui semble surgir de n’importe quel blockbuster d’action des années 2000 (on décèle même une influence manifeste de Brian Tyler dans certains passages du score !), d’autant que les musiques de film de Christophe Beck n’ont jamais vraiment brillé par leur originalité, leur audace ou leur personnalité. On retrouve un motif d’action dans « Navigating the Beach » qui parcourt une bonne partie du score, et que l’on devine aux pizz de cordes dans « Winning the War », tandis que « Combat Training » repique encore une fois ces sons de basse crées par Hans Zimmer pour « Inception » et que tous les compositeurs se sentent obligés de réutiliser de nos jours dans les musiques de blockbuster d’action (certains critiques américains sur le net ont surnommé ce son le « Horn of Doom » !).

La musique apporte néanmoins une tension et un rythme judicieux aux images en partageant ses efforts entre l’orchestre – dont l’unique bonne idée vient de l’utilisation des pizzicati de cordes, inattendus dans la bande son d’un gros film de ce genre – et les éléments électroniques omniprésents, incluant le flot habituel des percussions martiales/guerrières à la Zimmer. « Again ! » est l’exemple même du morceau d’action bateau dans sa construction rythmique, partagé entre des patterns de cordes staccatos ordinaires, des harmonies faiblardes de cuivres et des percussions électroniques sans personnalité. Le motif d’action des cordes associé à Cage dans le film est repris dans « Solo Flight », personnifiant l’obstination du héros à prendre le dessus sur les mimics et à sauver le monde. L’idée de la boucle temporelle est véhiculée ici par le caractère répétitif de ces cordes staccatos, une idée intéressante mais qui manque réellement d’audace ou de personnalité pour susciter une vraie émotion à l’écran. Autre problème de taille : le score s’avère être dangereusement monolithique et répétitif, les morceaux se suivant et se ressemblant sans aucun relief particulier. C’est d’autant plus dommage que les quelques bonnes idées du score (l’utilisation des pizz) auraient gagnées à être mieux développées et plus valorisées à l’écran, au lieu de se focaliser sur les percussions et les éléments électroniques comme dans « Whitehall » (qui réemploie les sempiternels tambours taïkos chers à Steve Jablonsky !). Même la bataille finale dans « Caged In », « Ritaliation » et « The Omega » n’apporte rien de réellement palpitant à la musique, et ce n’est pas le happy end triomphant de « Welcome to London, Major » (qui reprend le motif de cordes de Cage) qui viendra changer la donne.

C’est donc un fait établi : la musique de film hollywoodienne actuelle souffre d’un manque cruel de créativité et de personnalité, le travail de Christophe Beck sur « Edge of Tomorrow » étant l’archétype même de la musique d’action des années 2000 balisées et formatées à la sauce Hans Zimmer/Remote Control, avec tous les clichés habituels du genre. Beck ne fait rien pour arranger les choses et colle au plus près des temp-tracks sans aucune idée particulière, outre celle d’avoir recours à des pizzicati minimalistes au sein de l’orchestre. Mais si l’on met de côté l’aspect musical, on découvre une musique d’action assez rondement exécutée sur les images, apportant le rythme et la tension nécessaire au récit, tout en suggérant l’obstination des deux héros à sauver le monde par tous les moyens. Dommage que la plupart des compositeurs de blockbusters soient aujourd’hui obligés de coller à un style musical à la mode, mettant de côté leur personnalité de musicien et leurs propres idées au profit d’un formatage dangereux qui tue totalement toute notion de créativité et d’expérimentation. La création est plus que jamais malade de nos jours à Hollywood, la musique de « Edge of Tomorrow » reflétant cette triste vérité d’une époque cynique, où tout semble tourner en rond – à la manière de la boucle temporelle du film – alors que les compositeurs de tout bord sont fréquemment contraints par des studios frileux de recycler toutes les formules musicales établies depuis quelques décennies par Zimmer et sa bande à Hollywood. Quand à Christophe Beck, il n’a jamais été un compositeur majeur du paysage hollywoodien ni même un musicien réellement passionnant et personnel dans ses choix, et ce n’est certainement pas avec son travail fonctionnel et paresseux sur « Edge of Tomorrow » qu’il pourra enfin prouver le contraire !




---Quentin Billard