1-Annabelle Opening 2.18
2-Found at Prayer 1.01
3-It's the One 1.24
4-Not My Blood 3.58
5-Cult Killings 0.40
6-Return Home 1.15
7-Promise Me 0.55
8-Doll Disposal 0.36
9-Broken Needle 2.23
10-Doll is Back 1.34
11-Shaken Foundations 1.23
12-Black Stroller 2.38
13-Disciples of the Ram 2.42
14-They Summon 2.28
15-The Devil Preys 1.32
16-Demon Doll Rises 3.04
17-No Chance 1.40
18-Devil Ram 1.42
19-What Do You Want from Me 2.00
20-Her Soul 3.33
21-The Fallen 1.59
22-Evil is Constant 1.36
23-Annabelle Closing 0.47
24-Annabelle Soaring 1.53
25-The New Changes 2.24
26-New Beginnings 3.28

Musique  composée par:

Joseph Bishara

Editeur:

WaterTower Music WTM-39608

Album produit par:
Joseph Bishara
Orchestrations de:
Dana Niu
Conduit par:
Jeffrey Holmes
Enregistré et mixé par:
Chris Spilfogel
Montage musique:
Julie Pierce

Artwork and pictures (c) 2014 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
ANNABELLE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joseph Bishara
« Annabelle » est un spin-off (film dérivé) du « The Conjuring » de James Wan, sorti en 2013. Le film, réalisé par John R. Leonetti (auteur de séries-B telles que « Mortal Kombat : Annihilation » ou « The Butterfly Effect 2 ») se concentre essentiellement autour de l’énigmatique poupée hantée Annabelle que l’on apercevait déjà au détour de quelques scènes de « The Conjuring ». L’histoire débute à Santa Monica en 1969, alors que John Form (Ward Horton) et sa femme Mia (Annabelle Wallis) attendent leur premier enfant. John offre alors un cadeau à Mia, une ancienne poupée que son épouse recherchait depuis longtemps afin de compléter sa collection. Tout semblait aller pour le mieux jusqu’au soir un meurtre terrible a lieu chez les Higgins, les voisins des Form. Peu de temps après, une femme et un homme mystérieux s’introduisent chez le couple et attaquent sauvagement John et Mia. Les agresseurs, Annabelle Higgins et son petit ami, s’avèrent être membres de la secte satanique du bouc, mais finissent par trouver la mort au cours de l’attaque. Avant de rendre l’âme, la femme sataniste laisse son sang couler dans la poupée que John a offerte en cadeau à Mia. Peu de temps après, alors que les Form tentent de se remettre de leurs blessures physiques et psychologiques liées à l’attaque dont ils étaient victimes, des événements étranges surviennent dans la maison : les plaques de la gazinière s’allument subitement, déclenchant un incendie dans la cuisine. Mia, enceinte, se retrouve bloquée par les flammes, alors qu’une force maléfique et mystérieuse semble vouloir la tirer vers le feu. Les Form décident alors de déménager et de démarrer une nouvelle vie dans une nouvelle maison à Pasadena, avec leur bébé Leah qui vient de naître tout récemment. Mais lorsque les événements étranges surviennent à nouveau, ils comprennent que ce n’est pas la maison qui est hantée mais l’étrange poupée hantée par l’esprit d’Annabelle Higgins. En enquêtant sur ses agresseurs, Mia comprend que la secte vénérait un démon à cornes qui cherche à posséder une âme innocente pour prendre vie dans le monde terrestre. L’esprit démoniaque qui tourmente les Form cherche désormais à s’emparer de l’âme de la petite Leah, alors que le couple ne semble être à l’abri nulle part et que la poupée Annabelle n’a pas fini de les tourmenter.

Gros succès commercial à sa sortie en salles en 2014, « Annabelle » est au final une série-B d’épouvante surnaturelle plutôt bien troussée mais sans grande originalité. Le film vaut surtout pour son atmosphère occulte assez inquiétante, et ses quelques scènes d’apparitions démoniaques plutôt intenses et terrifiantes. Hélas, le film met beaucoup de temps à démarrer et le final reste affreusement bâclé, alors que l’on était en droit d’attendre autre chose – la fin permet à « Annabelle » de faire la connexion avec « The Conjuring » - Le film de John R. Leonetti emprunte sans grande imagination tous les codes habituels du cinéma d’épouvante U.S. : scare jumps, portes qui grincent, suspense téléphoné, apparitions surnaturelles, etc. On peut ajouter à cela une utilisation plutôt réussie de la poupée Annabelle, probablement l’une des plus effrayantes poupées vues au cinéma depuis la saga « Chucky » ou du clown horrible de « Poltergeist » (1982). Hélas, la direction d’acteur reste assez quelconque – on a l’impression que les acteurs s’ennuient – et les deux interprètes principaux, peu connus, ne parviennent pas à reproduire l’alchimie du duo Vera Farmiga/Patrick Wilson de « The Conjuring ».

« Annabelle » offre encore une fois l’occasion au compositeur Joseph Bishara de renouer avec son genre de prédilection : la musique horrifique, après avoir signé les partitions pour « Insidious » (2011), « 11-11-11 » (2012), « Dark Skies » (2013), « Insidious 2 » (2013) et « The Conjuring » (2013). Comme dans « Insidious », Bishara n’est pas que compositeur sur « Annabelle » puisqu’il interprète aussi le démon que l’on aperçoit à quelques reprises dans le film. Avec « Annabelle », Joseph Bishara renoue ici avec l’esthétique musicale déjà mise en place dans ses précédents films. Fidèle à son goût pour l’expérimentation sonore et l’abstraction musicale absolue, le compositeur livre ici une partition oppressante, sombre et menaçante, à l’instar de l’atmosphère glauque du film de John R. Leonetti. Le ton est donné avec « Annabelle Opening », où les principaux éléments-clés du score sont dévoilés en 2 minutes. Bishara utilise ici un orchestre à cordes en multipliant les techniques et les effets avant-gardistes empruntés à la musique contemporaine aléatoire du XXe siècle : glissandi, vibrato en quart de ton, trémolos, clusters stridents, dissonances multiples, jeux en harmonique, jeux sur le chevalet, etc. Bishara connaît ses classiques (on pense ici à Penderecki, Ligeti, Xenakis, Lutoslawski, etc.) et crée une atmosphère sonore surréaliste et oppressante en détournant le son habituel des cordes, comme il l’avait déjà fait dans « Insidious » ou « The Conjuring ». Autre élément intéressant : l’utilisation d’une boîte à musique enfantine à 1:44 avec une note d’orgue en arrière-plan, l’orgue apportant ici une dimension gothique singulière à la musique de « Annabelle ». Bishara reste donc en terrain connu et reprend ici son style musical habituel sans aucune surprise particulière. Dans « Found at Prayer », le compositeur s’essaie pour une fois à un style musical plus tonal et harmonique à l’aide de cordes mélancoliques et d’un piano délicat, évoquant le drame du couple Form dans le film.

Très vite, la partie tonale de la musique disparaît progressivement au profit d’une esthétique atonale et dissonante plus chaotique, à commencer par le sombre « It’s the One » où l’ambiance devient plus mystérieuse et intrigante à l’aide de synthétiseurs atmosphériques et de sonorités dissonantes des cordes stridentes. Refusant tout aspect mélodique, Bishara privilégie ici l’atmosphère et le travail du son au profit d’une thématique à proprement parler. Dans « Not My Blood », il évoque l’attaque des deux membres de la secte satanique au début du film avec un premier morceau de terreur pure qui semble surgir tout droit de « Insidious » : ici aussi, le travail autour des cordes reste résolument expérimental et avant-gardiste, typique de ce que fait habituellement Joseph Bishara. Le musicien travaille le son dans tous les sens, multipliant les effets sonores et les techniques particulières avec un sound design électronique toujours présent mais qui reste relégué au second plan. Les sursauts chaotiques créent ici une ambiance cauchemardesque peu originale mais parfaitement intense dans le film, avec une masse sonore difforme et violente en mouvement constant. Bishara n’oublie pas l’aspect humain en évoquant le thème de la famille Form dans « Return Home », où l’on retrouve le mélange cordes/piano plus tonal et traditionnel. L’ambiance devient ensuite plus tendue avec « Promise Me » et l’étrange « Doll Disposal », alors que l’on sombre à nouveau dans la terreur pure avec « Broken Needle » et son jeu extrême des clusters stridents de cordes et de ces étranges effets de glissandi multiples. La poupée hantée est suggérée dans « Doll is Back » avec le retour de ces effets étranges de cordes glauques et de pédale mystérieuse d’orgue en fond sonore. Le score évolue ainsi sans surprise, entre le thème familial mélancolique repris dans « Shaken Foundations », les passages oppressants et expérimentaux comme le sinistre « Disciples of the Ram » (où l’utilisation très gothique de l’orgue prend tout son sens) ou les moments plus intimes et dramatiques comme « No Chance » et son utilisation réussie de voix synthétique douce avec piano et cordes. L’utilisation de l’orgue et des cordes est quand à elle assez réussie dans la plupart des morceaux, en particulier dans le violent « The Devil Preys » où Bishara évoque les apparitions démoniaques du film de façon troublante et macabre.

« Demon Doll Rises » personnifie à son tour le démon qui tourmente les Form à travers la poupée maléfique à l’aide d’un jeu de cordes complexe, avant-gardiste et aléatoire. Comme ses collègues du XXe siècle, Joseph Bishara pousse ici les instrumentistes dans leurs ultimes retranchements et questionne l’auditeur sur la frontière floue entre la musique et le bruit, en multipliant les effets sonores des cordes de façon extrêmement savante et complexe, annihilant toute forme de mélodie, de rythme ou d’harmonie au cours de ces nombreux passages de terreur. Il faut signaler que la musique de « Annabelle » est, à l’instar de « Insidious », « Dark Skies » ou « The Conjuring », uniquement destinée aux auditeurs avertis et à ceux qui apprécient les musiques expérimentales macabres, chaotiques et dissonantes, car si la musique remplit parfaitement son rôle à l’écran, l’écoute sur l’album peut paraître fastidieuse et épuisante pour bon nombre de mélomane. Un morceau très particulier comme « Devil Ram » nécessite même une écoute attentive au casque, nécessaire pour pouvoir apprécier la multitude de détails sonores qui constituent une partie du morceau, Bishara ayant particulièrement travaillé ici les effets de stéréo et de filtres (chorus) sur certains sons, pour un résultat aussi étrange que dérangeant : si les enfers possédaient leur propre musique, « Devil Ram » pourrait bien en faire partie ! Idem pour le terrifiant « What Do You Want From Me », qui rappelle la présence du démon avec des assauts sonores meurtriers et surréalistes. Le problème du score de « Annabelle », c’est que l’ensemble demeure plutôt monolithique et figé dans une esthétique musicale prédéfinie et limitée, car même si Bishara apporte quelques surprises comme dans « Devil Ram » ou l’orgue étrange de « Her Soul », l’ensemble demeure très répétitif et difficile à écouter d’une traite, un défaut récurrent chez le compositeur. Malgré cela, « Annabelle » reste un travail de qualité, moins spectaculaire que « 11-11-11 » ou moins radical que « Insidious », mais toujours aussi fascinant d’un point de vue technique. Les amateurs de musiques avant-gardistes expérimentales devront plus que jamais compter sur le nouvel opus musical maléfique de Joseph Bishara pour « Annabelle », qui, cerise sur le gâteau, nous offre quelques beaux passages mélodiques et tonals de toute beauté (cf. « New Beginnings »), notamment au début et vers la fin de l’album !




---Quentin Billard