1-Eliza's Theme 1.31
2-Opening 3.11
3-Eliza's Story 1.14
4-Wagon Ride 1.08
5-Seeing the Asylum 1.39
6-Edward Enters Asylum 2.22
7-Eliza Plays 2.21
8-Eliza Warns Edward/
Secret Passage 4.34
9-We Are Not Crazy 3.28
10-Dangerous Liaison 4.05
11-Lamb Gives A Tour 2.37
12-Edward Meets Timm 2.34
13-Edward Meets Eliza 1.02
14-The Chase 1.16
15-The Doctor's Story 3.34
16-Edward's Plea to Eliza 4.22
17-Shock Therapy 3.03
18-Danse Macabre Saint Saens 2.55
19-Edward Searches/
Finn Kills Millie 3.36
20-Eliza Finds Dead Millie/
Inmates Revelry 2.24
21-Bonfire/Edward Prepares 1.21
22-Finn/Edward Fight 1.17
23-Countdown 2.01
24-Strapped to Gurney/
Edward Confesses 4.05
25-Electrocution/
Lamb's Story Revealed 3.45
26-Finn Catches Fire/Escape 3.08
27-Aftermath/First Kiss 2.40
28-I Am Dr. Newgate 1.58
29-Edward's Story 1.46
30-Eliza's Waltz 2.01
31-Eliza and Edward 1.59

Musique  composée par:

John Debney

Editeur:

Lakeshore Records LKS 344152

Coordinateur score:
Lola Debney
Supervision production musicale:
Stephanie Pereida
Monteur musique:
John Carbonara
Monteur musique additionnelle:
Chad Birmigham
Production musicale:
Angel Song, Inc.
Assistant technique
Debney Productions:
Jaime Hartwick
Enregistré par:
Simon Rhodes
Ingénieur électronique:
Noah Snyder
Enregisté à:
Abbey Road Studios
Superviseur musique:
Selena Arizanovic
Coordinateur musique:
Melanie Goncalves
Producteurs exécutifs album
pour Lakeshore Records:
Skip Williamson, Brian McNelis
Directeur A&R:
Eric Craig

(c) 2014 Millenium Films/Icon Productions/Sobini Films. All rights reserved.

Note: ***1/2
STONEHEARST ASYLUM
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Debney
« Stonehearst Asylum » (connu aussi sous le titre « Eliza Graves ») est le nouveau long-métrage de Brad Anderson, à qui l’on doit quelques bons thrillers tels que « The Machinist », « Session 9 », « Transsiberian » ou « The Call ». Le film s’inspire d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, « The System of Doctor Tarr and Professor Fether » publiée en 1845, et qui se situait dans l’univers étrange d’un hôpital psychiatrique fort particulier. L’histoire se déroule en Angleterre à la toute fin du XIXe siècle. On y suit les péripéties du docteur Edward Newgate (Jim Sturgess), un jeune médecin diplômé d’Oxford et désireux de terminer sa formation d’aliéniste par une expérience clinique concrète à l’établissement psychiatrique « Stonehearst Asylum ». Mais à son arrivée, Newgate ne tarde pas à comprendre qu’il règne une ambiance étrange dans cet établissement. Le directeur de l’hôpital, le Dr. Silas Lamb (Ben Kingsley), semble froid et ferme, tout comme son aide, l’inquiétant Mickey Finn (David Thewlis). Les pensionnaires du Stonehearst Asylum sont issus de familles internationales prestigieuses et richissimes, et Lamb leur propose un traitement très particulier, puisqu’il autorise ainsi les patients à se déplacer et vivre parmi les personnes saines d’esprit et l’équipe médicale, considérant qu’un patient hors de sa cage retrouvera plus rapidement la raison plutôt que derrière des barreaux. Etonné par les méthodes peu orthodoxes du Dr. Lamb, Newgate s’intéresse très vite à l’une des pensionnaires de l’établissement, la troublante Eliza Graves (Kate Beckinsale), une femme élégante et séduisante enfermée au Stonehearst Asylum après avoir violemment attaqué son richissime mari. Très vite, le jeune Dr. Newgate découvre que les apparences sont trompeuses, et que personne n’est ici ce qu’il semble être. C’est alors qu’il comprend que ce sont les patients eux-mêmes qui ont pris le pouvoir dans l’hôpital, tandis que la vraie équipe médicale et le vrai directeur, le Dr. Salt (Michael Caine), se trouvent enfermés dans une prison située dans les sous-sols de l’asile psychiatrique. Newgate devient alors l’unique espoir pour les prisonniers de sortir de leurs geôles et de reprendre le pouvoir de l’hôpital, tandis que le jeune médecin se met en tête d’aider la belle Eliza par tous les moyens, convaincu que sa place est à l’extérieur et non dans un asile psychiatrique.

« Stonehearst Asylum » permet donc à Brad Anderson de nous livrer un nouveau thriller à l’ambiance oppressante, explorant l’univers clos d’un asile psychiatrique inquiétant où les rôles se sont inversés, et où les « fous » ont pris le pouvoir. De la nouvelle d’Edgar Allan Poe, Brad Anderson n’a conservé qu’une trame scénaristique assez mince, puisqu’on comprend très vite que la vraie histoire est celle de cette relation amoureuse troublante et obsessionnelle entre le Dr. Newgate et la séduisante Eliza Graves. Le film mélange à la fois drame, thriller et romance avec un zest d’humour noir pas toujours bien dosé, ce qui donne parfois quelques scènes maladroites et involontairement drôles (la bagarre entre Newgate et Finn vers le milieu du film !). « Stonehearst Asylum » doit beaucoup à la présence de la magnifique Kate Beckinsale, plutôt dévalorisée au début du film, mais qui ne cesse de gagner en beauté tout au long du récit, à l’instar de cette intrigue amoureuse qui s’étoffe et débouche sur un twist final assez inattendu et bien trouvé (quoique assez peu crédible dans le fond). Le problème du film vient surtout de son scénario qui tente de manger à tous les râteliers et hésite trop souvent entre plusieurs styles : est-ce un thriller ? Est-ce un drame (épaulé par l’ambiance victorienne de la fin du XIXe siècle) ? Est-ce une comédie ? Au final, « Stonehearst Asylum » essaie d’être tout cela à la fois, le tout cimenté par une atmosphère mystérieuse et oppressante assez réussie et typique de Brad Anderson. Grâce à un casting solide (Ben Kingsley retrouve un rôle très similaire à celui qu’il tenait dans « Shutter Island » de Martin Scorsese en 2010) et un scénario soigné bien que très inégal – certaines scènes sont magnifiques, tandis que d’autres sont vraiment ratées – « Stonehearst Asylum » s’affirme au final comme un divertissement de qualité, avec une intrigue captivante qui nous maintient en haleine jusqu’à la révélation finale.

Avec « Stonehearst Asylum », Brad Anderson profite de l’occasion pour retravailler de nouveau avec le compositeur John Debney, avec lequel il avait déjà collaboré sur son précédent film, « The Call » (2013). A la première écoute, on remarque très vite le ton éminemment symphonique de la partition de Debney, qui semble revenir à un style orchestral old school à la manière de ses musiques de film des années 90. La musique occupe une place majeure dans le film et reste très présente, plutôt bien valorisée sur les images. Enregistrée à Londres dans le prestigieux studio d’Abbey Road, la partition de « Stonehearst Asylum » est un ravissement pour les fans de musique de film orchestrale tour à tour dramatique, classique, ténébreuse et romantique, car le score de John Debney est bel et bien tout cela à la fois. Illustrant les différents aspects du récit et les protagonistes divers qui parsèment cette histoire sur la folie, la passion et les luttes de pouvoir, Debney élabore un score reposant sur un thème principal magnifique, probablement l’une des plus belles mélodies que le compositeur ait écrit depuis bien longtemps. Le « Eliza’s Theme » illustre ainsi la romance balbutiante entre Edward Newgate et la belle Eliza tout au long du film, un Love Theme déchirant et délicat confié ici aux cordes, aux bois (flûte), au piano et aux 2 solistes de l’orchestre : le violon de Thomas Bowes et le violoncelle de Josephine Knight. Le dialogue concertant entre le violon et le violoncelle transpire ici la passion, l’élégance et le classicisme raffiné, reflétant la romance torturée entre Edward et Eliza dans le film. A noter que le « Eliza’s Theme » rappelle curieusement une ancienne mélodie que John Debney avait écrit pour le film « Komodo » (1999), et qui partage quelques ressemblances avec le « Eliza’s Theme ». On pense aussi à James Newton Howard au niveau de l’écriture mélodique et des orchestrations, une inspiration qui semble avoir été dictée par les temp-tracks originaux du film. Comme toujours, John Debney reste soumis à de nombreuses influences, mais la qualité de sa musique fait véritablement plaisir à entendre et semble augurer le meilleur pour « Stonehearst Asylum ».

Dans « Opening », Debney nous plonge dans une atmosphère sombre en renouant avec un style plus noir et glauque qui rappelle ses travaux sur des thrillers tels que « I Know What You Did Last Summer », « The Relic », « Dream House » ou même « Dragonfly », un score qui se rapproche beaucoup de celui de « Stonehearst Asylum » par son mélange entre lyrisme, mystère et suspense. Les passages sombres comme « Opening » ou « Seeing the Asylum » sont typiques de la partition de Debney : quelques trémolos de cordes dissonantes, des nappes sonores et des notes graves de la clarinette basse suffisent à personnifier la tension et le sentiment de menace qui règne dans l’établissement dirigé par les fous. Dans « Wagon Ride », Debney reflète l’époque de l’histoire (la fin du XIXe siècle) en nous proposant une très belle valse pour piano, violon et violoncelle, dans un style qui rappelle clairement la musique de chambre romantique du 19e siècle. Ce classicisme d’écriture est d’ailleurs très présent tout au long de « Stonehearst Asylum », tandis que le compositeur alterne ces moments plus doux avec les passages dissonants, lugubres et plus modernes comme « Seeing the Asylum » ou « Edward Enters Asylum ». Très vite, un sentiment de doute et de menace s’installe dans la musique et à l’écran, les cordes étant régulièrement employées pour suggérer la tension, avec les solistes additionnels, incluant la clarinette basse, le violon, le violoncelle, le piano ou les éléments électroniques plus discrets. Un morceau comme « We Are Not Crazy » est tout à fait représentatif de ce style sombre et atmosphérique plus gothique, partagé entre le jeu des solistes et l’aspect plus pesant et sombre du jeu de la clarinette basse, des violoncelles et des contrebasses. Curieusement, on retrouve ici une influence du « Predators » (2010) de Debney, le compositeur semblant emprunter ici à son précédent score quelques montées harmoniques mineures inspirées d’Alan Silvestri. L’influence de « Predators » n’est certainement pas une coïncidence, puisqu’on retrouve des allusions à Silvestri dans le morceau d’action ironique « Finn/Edward Fight » pour la scène où Edward affronte Finn vers la fin du film, scène teintée d’un humour noir un peu étrange, reflété dans la musique.

Alternant entre moments lyriques/romantiques et suspense glauque et oppressant, le score de John Debney tire son épingle du jeu grâce à des orchestrations riches et soutenues et une écriture orchestrale très soignée, y compris dans les passages à suspense comme « Eliza Warns Edward/Secret Passage », où Debney utilise efficacement un cymbalum pour parvenir à ses fins. Quand aux quelques sursauts de terreur qui parsèment le score, ils nous permettent très clairement de retrouver le Debney plus sombre de partitions telles que « The Relic », « I Know What You Did Last Summer » ou « End of Days ». On notera la façon dont l’orchestre reste perpétuellement en mouvement dans « Dangerous Liaison » pour suggérer une tension continuelle largement entretenue ici par le jeu varié des cordes. Debney utilise aussi des éléments synthétiques de façon plus inventive et intéressante au début de « Lamb Gives a Tour », représentant le personnage campé par Ben Kingsley de façon inquiétante et menaçante – avec toujours la présence de la clarinette basse – Ici aussi, les quelques passages dissonants et horrifiques renforcent la tension et un sentiment d’épouvante assez oppressant et typique de Debney, toujours très à l’aise dans les musiques sombres (ce qui semble paradoxal, lorsqu’on sait à quel point le compositeur préfère les musiques de comédie plus légères). Le suspense et l’action se prolongent dans « Edward Meets Timm » avec ses cuivres martelés de façon agressive, ainsi que le superbe « The Chase » (scène de la poursuite vers le milieu du film), morceau d’action tonitruant qui rappelle clairement le score de Debney pour le jeu vidéo « Lair », tandis que le thème principal romantique est repris dans le touchant « Edward Meets Eliza » et le poignant « Edward’s Plea to Eliza ». Dans « The Doctor’s Story », Debney utilise de façon plus originale des traits rapides du violon soliste avec l’orchestre, pour un rendu à la fois mystérieux et envoûtant, proche de son travail sur le film « Dream House ». Le compositeur va même jusqu’à évoquer les grandes heures de la musique contemporaine atonale du XXe siècle dans l’obscur « Shock Therapy », où la folie est largement entretenue ici par les clusters horrifiques des cuivres, des cordes et les notes quasi aléatoires du hautbois.

La scène du bal vers la fin du film permet à Debney de développer une pièce bien connue du répertoire classique, la « Danse Macabre Saint Saens », magnifiquement adaptée ici à l’orchestre et au violon. Si la tension est omniprésente (« Edward Searches/Finn Kills Millie », « Eliza Finds Dead Millie/Inmates Revelry »), on retrouve aussi des touches d’humour noir assez appréciables comme dans ce passage mickey-mousing assez étrange à 1:34 dans « Eliza Finds Dead Millie/Inmates Revelry », alternant entre clarinette, pizz et basson sautillant. L’énergie de la musique dans « Bonfire/Edward Prepares » annonce un dernier acte plus mouvementé, débouchant sur le chaotique et tonitruant « Countdown », autre grand morceau d’action de « Stonehearst Asylum », suivi de très près de l’agressif « Strapped to Gurney/Edward Confesses », du sombre « Electrocution/Lamb’s Story Revealed » et du déchaînement orchestral salvateur de « Finn Catches Fire/Escape ». La musique ramène la paix dans « Aftermath/First Kiss » où l’on retrouve le très beau thème principal d’Eliza. Debney cite à nouveau la musique de chambre du XIXe siècle dans « I Am Dr. Newgate ! », avec un style mickey-mousing léger et une écriture alternant entre piano, violon, violoncelle, puis entre bois (clarinette, clarinette basse, basson), cymbalum, marimba et cordes.

John Debney se montre donc particulièrement inspiré avec « Stonehearst Asylum » et nous offre ce qui pourrait bien être l’une de ses meilleures musiques de film de ces dernières années, aux côtés de l’excellent « Dream House ». Ecrit dans la continuité de son travail sur le film de Jim Sheridan, « Stonehearst Asylum » est une partition riche et généreuse teintée de vrais moments de grâce (le lyrisme poignant de « Eliza and Edward », l’élégance mélancolique de « Edward Meets Eliza ») et de purs moments de violence orchestrale et de suspense oppressant, comme John Debney sait si bien le faire. Comme toujours avec le compositeur, les influences sont nombreuses (on retrouve des allusions à « Predators » ou à « Lair », sans oublier le style du « Eliza’z Theme » qui rappelle celui du compositeur James Newton Howard) mais le tout est écrit avec une vraie passion et une réelle envie de bien faire, probablement dictée par le goût du réalisateur Brad Anderson pour les musiques de film old school du Golden Age (comme en témoigne le travail très classique de Roque Banos sur « The Machinist », inspiré de Bernard Herrmann). Du coup, « Stonehearst Asylum » constitue une vraie surprise pour les fans de John Debney et tous les autres, un score envoûtant et passionné, autant réussi dans le film que sur l’album : à découvrir !




---Quentin Billard