1-Theme Medley 3.22
2-In a State of Molecular Flux 4.00
3-Fear Creeps In 3.09
4-Love in the Rain 1.38
5-Nick Escapes
the Apartment Siege 3.31
6-The Final Chase 3.14
7-Nick and Alice in Love 2.28
8-Jenkins Closes In 4.37
9-The Invisible Man
Reveals Himself 1.40
10-You're Not Alone Anymore 2.11

Musique  composée par:

Shirley Walker

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-5355

Musique conduite par:
Shirley Walker
Album produit par:
Shirley Walker
Producteurs exécutifs:
Daniel Allan Carlin,
Robert Townson

Orchestrations additionnelles:
Larry Rench, Lisa Bloom,
Bruce Fowler

Programmation synthétiseur:
Hans Zimmer
Mixage scoring:
Robert Fernandez, Doug Botnick
Monteur musique:
Thomas Milano
The Auricle:
Richard Grant
Ingénieurs assistants:
Bill Easystone, Gary Carlson,
Jim Walker, Jay Selvester

Monteur soundtrack:
Curtis Roush
Ingénieur mastering:
Joe Gastwirt
Assistant exécutif:
Tom Null

Artwork and pictures (c) 1992 Warner Bros. Inc. All rights reserved.

Note: ****
MEMOIRS OF AN INVISIBLE MAN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Shirley Walker
« Memoirs of an Invisible Man » (Les Aventures d’un homme invisible), librement inspiré du roman de l’écrivain Harry F. Saint publié en 1987, narre les aventures rocambolesques de Nick Halloway (Chevy Chase), un talentueux analyste financier qui, suite à un étrange concours de circonstances, se retrouve bloqué dans un building du laboratoire de recherche Magnascopics, où, suite à une négligence humaine, une explosion de lumière retentit brutalement, rendant invisible une partie du bâtiment ainsi que Nick lui-même, qui se trouvait encore dans l’immeuble au moment de l’explosion parce qu’il dormait dans une pièce. Découvrant son invisibilité soudaine à laquelle il doit désormais s’accoutumer bien malgré lui, Nick se retrouve traqué par l’agent de la CIA David Jenkins (Sam Neill), qui s’est mis en tête de le capturer et de l’utiliser en tant qu’espion pour les services secrets américains. Profitant des pouvoirs que lui confère son invisibilité, Nick s’enfuit dans les rues de San Francisco et tente de retrouver sa conquête amoureuse, la jolie Alice Monroe (Daryl Hannah), qui est la seule à pouvoir lui venir en aide. « Memoirs of an Invisible Man » s’avère être un divertissement de qualité pour l’un des purs films de studio de Carpenter au début des années 90, et sans aucun doute l’un de ses projets les moins personnels. Il faut dire que Carpenter a délaissé les grands studios à la fin des années 80 en tournant des petits films peu coûteux tels que « Prince of Darkness » (1987) ou « They Live » (1988), en réaction à l’échec commercial de « Big Trouble in Little China » (1986). Prévu initialement pour Ivan Reitman, le film sera finalement confié à John Carpenter, qui verra dans ce projet l’occasion de travailler à nouveau avec un grand studio hollywoodien (la Warner), adaptant à l’écran un thème classique de la science-fiction : l’homme invisible (on pense notamment au célèbre roman d’H.G. Wells et aux films des années 70). « Memoirs of an Invisible Man » met donc en scène l’acteur/humoriste Chevy Chase, et si l’on craignait l’orientation trop comédie de l’histoire, il n’en est rien – en dehors de quelques touches d’humour – car le long-métrage s’oriente davantage vers le film d’espionnage à la manière d’un thriller d’Hitchcock, mais avec davantage de légèreté (on retrouve des influences évidentes de « North by Northwest »). Le scénario fait aussi intervenir une romance avec la jolie blonde Daryl Hannah, alors au sommet de sa gloire dans les années 80/90 au même titre qu’une autre blonde célèbre de l’époque, Meg Ryan. Le film est aussi connu pour la qualité remarquable de ses trucages visuels, les effets spéciaux – les plans montrant l’invisibilité de Nick – étant incroyablement réussis pour une production de 1992, sans oublier l’excellent Sam Neill, parfait dans le rôle du méchant agent de la CIA obsessionnel et prêt à tout pour accomplir sa mission. Hélas, le film est sympathique mais un peu trop gentillet pour un John Carpenter et très clairement impersonnel, le réalisateur avouant lui-même être déçu du résultat (le film a été remonté plusieurs fois par le studio), alors que « Memoirs of an Invisible Man » connaîtra un échec commercial à sa sortie en 1992, obligeant alors Carpenter à revenir par la suite à des productions plus modestes.

Initialement prévue pour Jack Nitzsche, avec lequel John Carpenter avait travaillé précédemment sur « Starman » (1984), la musique de « Memoirs of an Invisible Man » sera finalement confiée à la compositrice Shirley Walker (Carpenter n’ayant pas le temps d’écrire lui-même le score), qui, en 1992, fut l’une des premières femmes à travailler sur la musique d’un gros blockbuster hollywoodien (on raconte que des personnes de l’équipe du film, curieuses d’apprendre qu’une femme travaillait sur la musique d’une grosse production U.S., venaient la voir régulièrement dans son studio !). Rappelons que Walker s’était fait connaître à la fin des années 70 en interprétant les parties de clavier sur « Appocalypse Now » de Carmine Coppola (1979) et en orchestrant des musiques de Danny Elfman (« Batman », « Dick Tracy », « Darkman », « Nightbreed »), d’Hans Zimmer (« Black Rain », « Backdraft », « Days of Thunder », « Bird on a Wire », « Pacific Heights », etc.) et d’autres compositeurs, sans oublier quelques co-compositions dans les années 80 (« Ghoulies », « Ragewar », etc.) et une première musique de film en solo, « Chicago Joe and the Showgirl » en 1990, qui fut finalement créditée au nom d’Hans Zimmer pour des questions contractuelles. C’est d’ailleurs grâce à Chevy Chase, acteur et producteur sur le film, que Shirley Walker fut recommandée à Carpenter pour écrire la musique de son film. « Memoirs of an Invisible Man » est d’ailleurs l’un des rares films de Carpenter à ne pas avoir été mis en musique par le réalisateur lui-même (c’est aussi le cas pour « Starman », « The Thing » ou le récent « The Ward » !). A la première écoute du score dans le film, on remarque la réelle passion de Shirley Walker pour la musique symphonique hollywoodienne d’antan, avec des orchestrations élégantes et robustes, y compris dans les morceaux d’action musclés du score (une constante, chez la compositrice !), sans oublier quelques thèmes mémorables et réussis et une écriture orchestrale riche et soutenue.

Une première écoute attentive de la musique de « Memoirs of an Invisible Man » nous permet rapidement de retrouver les principales caractéristiques du style musical de Shirley Walker : mélodies entêtantes et bien troussées, orchestrations très riches, écriture symphonique élaborée, morceaux d’action trépidants, tout ce qui fait le charme des musiques de Walker se trouve ici parfaitement résumé dans un score énergique et dynamique assez réjouissant. L’album débute avec le superbe « Theme Medley » qui propose une suite des différents thèmes du score. On commence avec le Main Theme, associé dans le film à Nick Halloway. Le thème d’Halloway (reconnaissable aux trompettes à 0:14) évoque l’aspect fantastique du film avec un ton d’aventure et de mystère assez appréciable. Vient ensuite le Love Theme, pour la romance entre Nick et Alice dans le film. Le thème romantique est entendu aux cordes à partir de 0:33 et se distingue par son classicisme d’écriture élégant et raffiné typique de la compositrice. Vient ensuite le troisième thème, mélodie menaçante associée à Jenkins et ses agents de la CIA dans le film. Le thème de Jenkins est confié aux cuivres vers 2:08, avec un contrepoint bouillonnant de trois notes répétées de trompettes sur fond de cordes survoltées. Le « Jenkins’ Theme » est encore plus reconnaissable à partir de 2:47 aux cordes/trompettes, avec ses notes ascendantes traduisant la détermination inquiétante et l’obsession brutale de Jenkins à atteindre son objectif par n’importe quel moyen. A noter aussi l’introduction d’un autre élément-clé du score : un motif de trois notes descendantes assez mystérieuses, évoquant l’invisibilité extraordinaire d’Halloway dans le film (aux cuivres à 1:44). Grâce à ces trois thèmes de très bonne facture, Shirley Walker élabore une partition riche et colorée pour le film de John Carpenter, ponctuée de quelques influences évidentes (John Williams notamment dans le « Theme Medley », et un peu de Jerry Goldsmith dans certains morceaux).

« In A State of Molecular Flux » marque le début des péripéties haletantes de Nick Halloway, avec un développement du motif de 3 notes lié à l’invisibilité (aux bois et aux cuivres à 0:34). La musique suggère ici le début des ennuis pour le héros mais aussi le mystère et le danger qui pèse sur Halloway. L’idée de l’invisibilité est largement entretenue ici par des orchestrations très élaborées et cristallines (à noter ici l’emploi particulier de la harpe, du piano et de quelques percussions) et quelques éléments électroniques évoquant le caractère surréaliste et fantastique des nouveaux pouvoirs de Halloway - son thème apparaît d’ailleurs entre 1:40 et 2:03, puis à la flûte à 2:43 – « Fear Creeps In » fait ensuite monter la tension et accompagne le début de la traque entre Halloway et Jenkins, avec une domination évidente du thème menaçant de la CIA/Jenkins. A noter l’emploi d’une figure de triolets répétitifs de cordes déjà entendus à la fin de « In a State of Molecular Flux », et qui renforcent ici l’idée du danger et de la tension dans une atmosphère thriller façon Bernard Herrmann (on pense ici à « North by Northwest »). Le thème de Jenkins est dévoilé aux trompettes à 1:14 et restera très présent, tandis que le motif de l’invisibilité prend une tournure encore plus imposante et grandiose ici pour illustrer le danger et la menace. Le thème romantique fait une apparition distinguée dans le magnifique « Love in the Rain », où il cohabite aux côtés du thème d’Halloway, baignant alors dans une atmosphère tendre et quasi onirique très réussie, pour la romance entre Nick et Alice. Même chose pour le très beau « Nick and Alice in Love », qui développe largement le Love Theme nostalgique et raffiné écrit par Walker, avec un caractère ‘old school’ et passionné qui provoquera évidemment un petit pincement au coeur – surtout lorsque la mélodie est reprise délicatement au piano à partir de 0:34 – Dans « The Invisible Man Reveals Himself », Walker développe le thème d’Halloway et le motif de l’invisibilité de façon remarquable, avec une palette orchestrale étoffée et un classicisme d’écriture typique de la compositrice. Niveau influence, on pense parfois à John Williams durant la reprise du mystérieux motif de l’invisibilité aux flûtes vers 0:47, dont l’enchaînement si particulier d’accords mineurs fait vaguement penser au thème de l’Arche de l’alliance dans « Raiders of the Lost Ark » (1981).

Mais Shirley Walker n’aurait pas été qui elle était sans une bonne dose d’action, un registre dans lequel la compositrice s’est toujours particulièrement distinguée, en plus d’être l’une des premières femmes à Hollywood à écrire de grands morceaux d’action ultra musclés encore plus trépidants que ses collègues masculins (comme si Walker avait voulu asseoir son autorité dans un milieu largement dominé par les hommes, en écrivant une musique encore plus virile et agressive que ses collègues hommes !). On retrouve ainsi de grands déchaînements orchestraux incroyablement puissants dans « Nick Escapes the Apartment Siege », « The Final Chase », « Jenkins Closes In » ou le final de « You’re Not Alone Anymore », et d’une manière générale pour toutes les séquences représentant la poursuite entre Halloway et Jenkins. Ici, priorité aux cuivres belliqueux, aux percussions guerrières (notamment à travers l’utilisation caractéristique des timbales et des toms), aux développements du thème de Jenkins et aux nombreux rebondissements rythmiques façon Jerry Goldsmith. La science d’écriture et la maîtrise ahurissante de l’orchestre sont deux points forts de Shirley Walker, lui permettant ainsi d’offrir au film de John Carpenter quelques uns des meilleurs morceaux d’action du film durant ces scènes de poursuite effrénées : difficile de ne pas se sentir emporté par la fougue et l’énergie orchestrale de « The Final Chase », 3 minutes d’action non-stop totalement ahurissantes et plutôt virtuoses. On ressort donc comblé par l’écoute de « Memoirs of an Invisible Man », une partition symphonique classique et robuste, qui se distingue par ses qualités d’écriture indéniables et la richesse de ses différents thèmes et motifs divers. Shirley Walker s’impose sur le film de John Carpenter par sa générosité mélodique, son talent incroyable d’orchestratrice et sa maîtrise ahurissante de l’écriture orchestrale. La musique de « Memoirs of an Invisible Man » s’apprécie d’ailleurs autant dans le film que sur l’album (trop court !) de Varèse Sarabande, reflétant un best-of du score sous la forme d’une maigre sélection de 30 minutes, idéale en attendant une hypothétique future édition plus complète. Si le film de Carpenter est quelque peu tombé dans l’oubli au fil des années, la musique symphonique énergique et élégante de Shirley Walker reste à redécouvrir et à réévaluer absolument !




---Quentin Billard