1-Main Title 6.46
2-Charlie's Accident 0.43
3-Jay and Brad Look For
The Critters 2.38
4-Jeff is Dinner 0.59
5-Looking in the Cellar 4.25
6-The Bounty Hunters;
Critters Get Steve 3.51
7-Critters Hunt For Lunch 3.56
8-Brad Burns A Critter 3.13
9-They're Growing 2.09
10-Meanwhile Back At the House 2.08
11-Looking For Chewy 1.41
12-Brad Goes After April 2.17
13-The Critters Are Destroyed 3.50
14-The House Returns 5.06
15-Critter Skitter 3.27*

*Ecrit par David Newman
et John Vigran.

Musique  composée par:

David Newman

Editeur:

Intrada Records MAF 7044D

CD produit par:
Douglass Fake
Ingénieur enregistrement:
Tim Boyle
Monté et masterisé par:
Joe Tarantino, Fantasy Studios,
Berkeley, CA

Artwork and pictures (c) 1986/1993 New Line Cinema Corporation. All rights reserved.

Note: ***
CRITTERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by David Newman
Dans les années 80, le cinéma d’épouvante américain a connu une mode passagère assez amusante : les films mettant en scène des invasions de petites créatures. Le film le plus connu dans ce genre reste sans aucun doute le « Gremlins » de Joe Dante sorti en 1984, classique incontournable des eighties et grand moment de film pop-corn, à mi-chemin entre le film d’horreur et la comédie noire. On pourrait aussi citer « Ghoulies », « Troll » ou « Munchies » dans la même catégorie, sans oublier « Critters », modeste série-B produite par le jeune studio New Line Cinema en 1986 avec un budget misérable même pour l’époque (à peine 2 millions de dollars). Ces films offraient bien souvent l’occasion aux producteurs de tourner rapidement avec peu de moyens des histoires simples mettant en scène des petites créatures réalisées en trucages artisanaux, dont l’animation ne nécessitait généralement pas beaucoup de moyens. « Critters » est le premier long-métrage de Stephen Herek, réalisateur qui se fera connaître par la suite pour ses productions Disney et des films tels que « Bill & Ted’s Excellent Adventure », « Mr. Holland’s Opus » ou « 101 Dalmatians ». Souvent comparé (à tort, semble-t-il) au « Gremlins » de Dante, « Critters » débute dans l’espace, alors qu’un groupe de mystérieuses petites créatures poilues et carnivores, les Crites, réussissent à s’échapper d’une prison high-tech située dans un astéroïde. Le commandant de la station recrute alors deux chasseurs de prime pour traquer et stopper les Crites en échange d’une importante récompense. Les deux chasseurs de prime ont le pouvoir de prendre l’apparence de n’importe quelle personne, et ce à volonté. Le vaisseau des Crites atterrit ensuite sur Terre, près d’une ferme appartenant à la famille Brown qui vit dans une région rurale du Kansas. La famille est constituée du père, Jay (Billy Green Bush), de la mère Helen (Dee Wallace-Stone), de leur fille ado April (Nadine Van der Velde) et de leur jeune fils Brad (Scott Grimes), qui passe la majeure partie de son temps en compagnie de son ami mécanicien Charlie (Don Keith Opper), qui a un sérieux problème avec l’alcool. Tout allait pour le mieux jusqu’au jour où Brad et son père Jay découvrent l’épave du vaisseau Crite et le cadavre atrocement mutilé d’une vache. Peu de temps après, les Crites envahissent la ferme des Brown et attaquent les membres de la famille, qui vont devoir lutter contre les monstres tandis que les chasseurs de prime venus de l’espace ont enfin retrouvé la trace des créatures.

Avec un scénario somme toute assez primaire et simpliste, « Critters » est une série-B à petit budget qui n’était certainement pas prédestinée à devenir un film culte des années 80 : ce fut pourtant le cas, car le film connut un grand succès et donna lieu à trois suites (à noter que « Critters 3 » est connu pour être l’un des tous premiers films de jeunesse de Leonardo Di Caprio !). Techniquement, « Critters » est assez correct au regard de son budget maigrichon, avec des créatures effrayantes et voraces plutôt bien animées, et ce malgré quelques scènes kitsch (notamment tout le début dans l’espace, qui rappelle les séries-B fauchées de Roger Corman !). Difficile de ne pas penser à « Gremlins », dont l’influence somme assez manifeste, et ce bien que Stephen Herek ait affirmé à plusieurs reprises ne pas s’être inspiré du film de Joe Dante, puisque le scénario aurait été écrit bien avant celui de « Gremlins » ! Le casting reste plutôt correct et la mise en scène impersonnelle de Stephen Herek offre suffisamment de poids aux attaques des Crites, avec quelques moments assez effrayants malgré le classement PG-13 plutôt inoffensif du film – on notera quand même une scène relativement gore durant la transformation du visage du chasseur de prime en rock star – et ce à la demande expresse du studio qui souhaitait tourner une comédie horrifique destinée à un large public, ce qui n’empêche pas le film de dévoiler quelques moments un brin sanguinaires mais sans aucun excès. Les frères Chiodo, des spécialistes de l’animation image par image, ont conçu les Crites de manière parfaitement artisanale, utilisant des poupées animées assez kitsch mais qui font finalement illusion la plupart du temps (les petits monstres sont filmés dans le noir la plupart du temps !). Le tout fleure bon la petite série-B poussiéreuse des années 80, conçue avec peu de moyens mais avec un certain plaisir, et l’un des classiques du film de petit monstre des années 80 !

Remarqué grâce à sa musique pour le court-métrage « Frankenweenie » de Tim Burton en 1984, le compositeur David Newman – fils du grand Alfred Newman, frère de Thomas Newman et neveu de Randy Newman – signe avec « Critters » sa première musique pour un long-métrage hollywoodien en 1986 à seulement 32 ans. Ce premier travail est un bien bel effort qui permet au compositeur de se faire rapidement remarquer, puisque le film de Stephen Herek (qu’il retrouvera quelques années plus tard sur « Bill & Ted’s Excellent Adventure ») lui ouvrira les portes d’Hollywood avec des projets plus ambitieux et variés. Une première écoute de la musique de « Critters » dans le film nous permet de constater que la maigreur des moyens alloués à la production du film n’a guère empêché David Newman d’offrir une musique symphonique assez classique et relativement riche pour le long-métrage de Stephen Herek. Enregistrée avec un orchestre de taille moyenne mais tout à fait satisfaisante pour une série-B de ce genre, la musique de « Critters » repose avant tout sur trois thèmes majeurs, avec, pour commencer le thème familial associé à la ferme des Brown, très ‘americana’ d’esprit, extrêmement mélodique, tendre et nostalgique. Ce thème chaleureux (à la clarinette à 4:20 puis en tutti de cordes à 4:43 dans le « Main Title ») reconnaissable à ses trois premières notes ascendantes, est le pendant émotionnel à la partie plus sombre et brutale du reste de la partition. Le thème sera omniprésent tout au long du film, développé de façon plus sombre et mystérieuse dans les scènes d’attaque/suspense du film. On retrouve notamment le thème dans « Jay and Brad Look for the Critters » à la flûte à 1:22 dans une version un brin plus inquiétante. Les Crites eux-mêmes possèdent leur propre thème, motif plutôt ironique et sautillant, qui aurait davantage tendance à personnifier le caractère espiègle des petits monstres plutôt que leur côté foncièrement dangereux. Ce motif de 4 notes furtives apparaît brièvement à la flûte à 0:28 dans « Jay and Brad Look for the Critters » ou aux hautbois à 1:00 dans une version plus lente et menaçante, ou plus espiègle à la clarinette et au hautbois à 1:11.

Avec ses deux principaux thèmes, David Newman peut varier et juxtaposer ces différents motifs à loisir en appuyant ses orchestrations sur le pupitre des bois, régulièrement sollicités ici – clarinettes, hautbois, flûtes, bassons – pour apporter une couleur particulière au film, à la fois vivante, énergique, fantaisiste et mystérieuse. La chaleur des bois est couplée avec l’aspect souvent plus sombre des cordes et des quelques cuivres plus utilisés durant les passages d’action/terreur. Le ton devient résolument plus sombre dans « Jeff is Dinner » pour la première scène d’attaque au début du film, alors que le policier est la première victime des petites créatures. Newman n’hésite pas à verser ici dans des dissonances multiples et des effets sonores avant-gardistes et horrifiques pour parvenir à ses fins. Film de 1986 oblige, les synthétiseurs sont aussi de la partie, surtout utilisés durant une bonne partie du « Main Title », pour la longue séquence introductive dans l’espace. L’aspect futuriste/science-fiction du film est d’ailleurs largement illustré ici par le biais des synthétiseurs analogues typiquement ‘eighties’ et assez datés, mais qui apportent un plus intéressant au film de Stephen Herek. « Looking in the Cellar » permet à Newman de développer le suspense et l’horreur pour un premier passage oppressant alors que Jay découvre les créatures dans la cave de la ferme. On retrouve ici le thème familial largement développé par les cordes dans un contrepoint sombre très appréciable (comme par exemple entre les violons et les altos de 1:42 à 2:00). L’arrivée des chasseurs de prime permet à Newman d’incorporer quelques éléments synthétiques au milieu de l’orchestre dans « The Bounty Hunters ; Critters Get Steve ». L’ambiance devient plus oppressante, plus tende et aussi plus mystérieuse, l’allure inquiétante des chasseurs de prime étant suggérée ici par des tenues sombres des cordes et un nouveau motif associé aux chasseurs de l’espace, basé sur un motif de 3 notes descendantes suivies de 2 notes ascendantes, motif déjà entendu aux synthés dans le « Main Title » (par exemple à 2:40). Le motif est largement développé au début de « The Bounty Hunters » au tuba sur fond de synthés menaçants et de cordes tendues.

« Critters Get Steve » nous offre un nouveau morceau d’action particulièrement brutal et inquiétant, Newman se distinguant particulièrement dans les passages d’action/terreur par la virtuosité et la maîtrise technique de son écriture orchestrale, n’hésitant pas à créer des sonorités inventives et fantaisistes pour les attaques des monstres et leur motif entêtant de 4 notes, très souvent juxtaposé à l’omniprésent thème de l’invasion. Le motif des Crites domine alors les derniers instants de « Looking in the Cellar » avec un orchestre plus massif et une domination évidente de bois sautillants et menaçants pour illustrer les assauts des monstres. Le thème familial est aussi très présent dans « Critters Hunt for Lunch », entrecoupé d’assauts du motif des créatures. Ici aussi, Newman n’hésite pas à juxtaposer les deux thèmes pour parvenir à ses fins, avec une inventivité ahurissante dans les orchestrations illustrant les attaques des Crites (xylophone, hautbois, synthétiseurs, raclements de percussions, etc.). Idem pour « Brad Burns a Critter » ou « They’re Growing ». Le reste du score est du même acabit: assauts de terreur de l’orchestre, sonorités fantaisistes et oppressantes pour les Crites, développements thématiques incessants, et bien évidemment, suspense et action quasi non-stop. Les déchaînements orchestraux de « Meanwhile Back at the House » et « The Critters Are Destroyed » sont le preuve du savoir-faire indéniable de David Newman, extrêmement à l’aise pour sa toute première composition pour un long-métrage hollywoodien, partagée entre tonalité traditionnelle et atonalité agressive, avec ses thèmes entêtants et ses orchestrations classiques et très riches.

Le film se termine sur une reprise du motif des chasseurs de prime dans « The House Returns », alors que la paix règne à nouveau dans la famille Brown, avec une reprise pleine d’espoir du thème familial en guise de conclusion, et un « Critter Skitter » totalement électronique, qui devrait plaire aux nostalgiques des synthétiseurs ou des musiques de jeu vidéo des années 80 (pour le générique de fin du film). David Newman signe donc un premier bel effort pour « Critters ». Contournant le problème du manque de moyens, le compositeur livre une composition orchestrale utilisant l’électronique avec modération (pas si fréquent pour une série-B d’épouvante du milieu des années 80 !) au profit d’une musique plus riche et variée intense et énergique dans le film, portée par des thèmes entêtants et très présents tout au long du récit, et un plaisir certain dans l’écriture, les orchestrations et le développement des thèmes, principaux points forts de la musique de « Critters ».




---Quentin Billard