The Original Album

1-Fyrine IV 5.03
2-The Relationship 3.55
3-The Small Drac 2.45
4-The Crater 2.14
5-The Birth of Zammis 6.15
6-Spring 1.27
7-The Scavengers 4.48
8-Davidge's Lineage 3.32
9-Football Game 0.44
10-Before the Holy Drac Council 9.55

Unreleased Music and Alternates:

11-Main Title (film version) 2.21
12-Joey's Death (alternate) 3.23
13-Drac in Pool 2.18
14-Electric Davidge 0.27
15-Hope of Rescue 0.34
16-Knife at Throat 1.24
17-Walk in the Forest 0.35
18-First Talman 0.30
19-Davidge in the Pit 2.20
20-Cuca Shells (alternate) 1.13
21-Teaching of Talman 2.53
22-Talman Sung 0.48
23-Drac Skull (alternate take) 1.31
24-A Little Drac 1.55
25-Predator in Hut 1.44
26-Drac Sings Lineage 1.16
27-Take My Place 2.12
28-Birth of the Baby 2.54
29-I Wish I Had Your Face 1.59
30-Davidge At BTA 1.22
31-Peace 1.07
32-The Holy Council 1.33

Musique  composée par:

Maurice Jarre

Editeur:

Varèse Sarabande VCL 1012 1140

Produit par:
Maurice Jarre
Edition Deluxe produite par:
Nick Redman
Producteur exécutif:
Robert Townson
Direction musique pour
Twentieth Century Fox:
Tom Cavanaugh
Interprété par:
The Studiorchester
Munich, West Germany
Electronic Ensemble:
Michael Boddicker, Maurice Jarre,
Martin Levy, Michael Mention,
Kristian Schultze, Nyle Steiner

Assistants de Maurice Jarre:
Electronic:
Michael Mention
Orchestral:
Christopher Palmer
Restauration score:
Mike Matessino
Monté et masterisé par:
Daniel Hersch
Assistant montage:
Neil S. Bulk

Artwork and pictures (c) 1985/2012 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
ENEMY MINE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Maurice Jarre
La production du film « Enemy Mine » fut particulièrement chaotique, car il faut rappeler qu’à l’origine, le réalisateur anglais Richard Loncraine avait été engagé par le studio Kings Road Entertainment pour tourner le film en Islande et à Budapest dès avril 1984 avec un budget de 17 millions de dollars (une grosse somme pour un blockbuster de l’époque). Après six semaines de tournage et un budget déjà dépassé, le résultat déplu particulièrement aux producteurs, déçu par la piètre qualité des rushes. Le studio décida finalement de remercier Loncraine pour cause de différends artistiques. Résultat : le tournage fut suspendu, avant d’être repris peu de temps après par la 20th Century Fox, qui décida d’engager un nouveau réalisateur, l’allemand Wolfgang Petersen, qui s’était fait connaître avec ses deux grands succès allemands : « Das Boot » en 1981 et « The NeverEnding Story » en 1984. Adapté du roman éponyme de Barry B. Longyear, « Enemy Mine » se déroule dans un futur lointain au 21e siècle, alors qu’une guerre interstellaire oppose les troupes humaines de la BTA (Bilateral Terran Alliance) contre la race extra-terrestre reptilienne des Dracs pour la colonisation de nouveaux systèmes solaires. Au cours d’une bataille, le pilote de chasse terrien Willis E. Davidge (Dennis Quaid) et le Drac Jeriba « Jerry » Shigan (Louis Gossett Jr.) s’abattent mutuellement, tandis que leurs vaisseaux respectifs s’écrasent sur une planète hostile nommée Fyrine IV, planète inhabitée mais peuplée de formes de vie intelligentes avec deux lunes, de l’eau, une faune et une atmosphère respirable. Après s’être affrontés quelques temps, Davidge et Jerry finissent par devenir amis et tentent de s’entraider mutuellement dans des conditions de vie difficiles. C’est alors que Davidge découvre que Jerry est enceinte et met au monde un enfant Drac nommé Zammis. Tandis que Jerry meurt au cours de l’accouchement, Davidge jure à son ami agonisant d’élever son enfant en dépit des préjugés opposant les deux races.

Pour sa première production hollywoodienne, l’allemand Wolfgang Petersen s’attaque à une adaptation plutôt farfelue du roman de Barry B. Longyear publié en 1979 et livre un film de science-fiction typique des années 80, avec son lot de décors spatiaux kitsch, de vaisseaux spatiaux et d’une brève bataille stellaire introductive. Puis, très vite, le film prend une toute autre tournure et se détourne astucieusement des space-operas post-« Star Wars » de l’époque en asseyant le thème de l’amitié interraciale entre un terrien et un extra-terrestre, amitié qui se transformera en quête de survie sur une planète inhospitalière. Plutôt ambitieux dans ses décors et son ambiance futuriste, « Enemy Mine » ne tient malheureusement pas toutes ses promesses et délivre un message humaniste et pacifiste assez niais, évoquant le rapprochement des peuples, l’acceptation de l’autre et de sa culture. Sur le papier, rien à redire, mais l’exécution de ces thèmes à l’écran est une toute autre histoire. On remarquera des effets spéciaux très moyens et des rebondissements scénaristiques bizarres (Jerry qui tombe enceinte ? Davidge qui élève son enfant pendant des années sur une planète inhospitalière ???). Malgré cela, le film se laisse regarder et s’apprécie pour son humanisme évident et de très jolies scènes durant lesquelles le terrien et le Drac apprennent à découvrir la culture de l’autre au cours de leur cohabitation forcée – sujet emprunté au classique « Hell in the Pacific » de John Boorman – Hélas, le film ne trouvera pas son public en 1985 et constituera un premier échec commercial cuisant pour l’arrivée de Wolfgang Petersen à Hollywood (le film coûtera au final près de 40 millions de dollars et n’en rapportera même pas la moitié !).

Inattendu sur un projet de cette envergure, c’est le maestro français Maurice Jarre qui sera finalement embauché par le studio pour mettre en musique « Enemy Mine ». Rappelons que les années 80 furent la période privilégiée de Jarre pour ses musiques électroniques, le compositeur expérimentant avec ses synthétiseurs après avoir oeuvré pendant quelques décennies dans le registre de la musique symphonique/instrumentale. Cette décennie permit ainsi au musicien français d’enchaîner quelques scores électroniques bien connus comme « The Year of Living Dangerously » (1982), « Dreamscape » (1984), « Witness » (1985) ou bien encore « Fattal Attraction » (1987), sans oublier ses combinaisons électroniques/orchestrales dans des partitions telles que « The Mosquito Coast » (1986), « Gorillas in the Mist » (1988) ou le fameux « Mad Max Beyond Thunderdome » (1985), composé la même année que « Enemy Mine » et partageant quelques traits communs (notamment au niveau d’un thème principal assez similaire). Enregistrée avec le Studiorchester de Munich en Allemagne et un ensemble électronique regroupant quelques musiciens électros majeurs de l’époque (l’indispensable Michael Boddicker, mais aussi Jarre lui-même, Martin Levy, Michael Mention, Kristian Schultze et Nyle Steiner), la partition de « Enemy Mine » est un somptueux mélange de grandes plages symphoniques éminemment classiques et de parties synthétiques futuristes et atmosphériques typiques des eighties. Le film débute au son des synthés planants et futuristes qui évoquent les étendues spatiales avec une ambiance new age expérimentale typique du Jarre des années 80, tandis que les parties orchestrales restent présentes. « The Relationship » explore plus intensément l’électronique avec des rythmes plus ludiques et bondissants évoquant l’amitié entre Davidge et Jerry. L’orchestre apparaît ensuite pour apporter un souffle symphonique puissant à la musique, typique de la BO de « Enemy Mine ». Jarre oscille ainsi entre synthétiseurs et orchestre, comme il va constamment le faire tout au long du film.

A 1:23, on découvre dans « The Relationship » le thème principal du score, une mélodie magnifique, majestueuse et pleine d’espoir évoquant la fraternité entre l’humain et l’alien, un très beau thème qui n’est pas sans rappeler un thème assez similaire dans « Mad Max Beyond Thunderdome ». Très présent tout au long du film et dans la dernière partie, le thème principal de la fraternité apportera une émotion particulière au film. Les synthés 80’s new age sont explorés plus intensément dans « The Small Drac » et le sombre et nerveux « The Crater », qui instaure un sentiment de panique à l’aide de synthés kitsch qui feraient presque penser aux musiques de film d’horreur des eighties. Le superbe « The Birth of Zammis » accompagne la scène de la naissance de Zammis avec une reprise du thème aux synthés cristallins et planants, pour un très beau morceau entièrement dominé par l’électronique. Un deuxième thème apparaît à quelques reprises dans le film, entendu notamment à 2:03 dans « Fyrine IV » pour évoquer la planète extra-terrestre sur laquelle ont échoué Jerry et Davidge. Enfin, un troisième thème est entendu vers la fin pour le jeune Zammis, que Davidge va élever seul pendant des années sur Fyrine IV. Le thème apparaît pour la scène de la naissance du petit Drac (« The Birth of Zammis ») à 5:24 aux synthétiseurs, repris notamment aux vents à 0:11 dans « I Wish I Had Your Face », un très joli thème évoquant la relation entre le petit Zammis et son père adoptif humain. « I Wish I Had Your Face » est une superbe adaptation orchestrale du thème avec cordes, vents, violoncelle soliste et harpe, très classique dans l’écriture et les orchestrations. On retrouve aussi le thème dans le très beau « Peace » et le superbe « Spring », morceau évoquant les saisons avec un orchestre grandiose et majestueux aux orchestrations luxuriantes, reprenant le thème de Zammis de manière optimiste et enjouée, un grand moment du score (curieusement, certaines mesures de « Spring » ressemblent à ce que fera quelques années après James Horner sur le film « Willow » !).

Cet aspect symphonique classique cohabite d’ailleurs tout au long du film avec les passages new age électroniques du reste du score, probablement pour évoquer à la fois le personnage humain (l’orchestre) et l’extra-terrestre (les synthétiseurs), mais aussi l’espace et le monde futuriste du film. C’est le cas dans « The Scavengers » dans lequel Maurice Jarre profite de l’énergie de l’orchestre allemand en reprenant le thème de Fyrine IV de façon puissante et robuste aux cuivres et percussions dès 1:38, sans aucun doute l’un des morceaux les plus impressionnants du score de « Enemy Mine », rappelant le savoir-faire et l’expérience d’un compositeur vétéran spécialiste des grandes musiques symphoniques. Le thème principal est repris avec une délicatesse poignante par des cordes quasi romantiques et très douces dans « Davidge’s Lineage » pour la scène où Jerry et Davidge évoquent leur descendance. Ici aussi, on appréciera la façon dont Jarre utilise les solistes avec notamment un hautbois et un violoncelle planant. On ressent dans ce passage une certaine magie, une sorte de poésie typique des musiques plus lyriques de Maurice Jarre, très appréciable dans une production hollywoodienne de cette époque ! Le thème de Zammis est repris dès 1:47 aux vents pour l’un des plus beaux passages du score de « Enemy Mine ». On appréciera aussi l’énergie de la fanfare typiquement américaine de « Football Game » pour la scène où Davidge et Jerry jouent au football.

Le thème de la planète est repris au début de « Before the Holy Drac Council », qui s’avère être un montage de 10 minutes regroupant plusieurs morceaux vers la fin du film, incluant d’excellents passages symphoniques de très grande qualité, écrits avec une passion et un savoir-faire classique évident (dommage que le son paraisse un brin détérioré sur certains morceaux, trahissant l’âge des masters d’origine !). Tour à tour expérimental, atmosphérique et moderne dans ses passages électroniques (cf. l’étrange « The Holy Council » et ses samples ressemblant à des roulements de langue !) puis parfois intime, planante, énergique et nerveuse dans les moments plus agités, la musique de « Enemy Mine » apporte une émotion et une ambiance particulière au film de Wolfgang Petersen. Pour Maurice Jarre, c’est l’occasion de se plonger dans un univers de science-fiction et d’expérimenter autour des synthétiseurs même si le maestro français reste fidèle à sa patte orchestrale habituelle. Constituant une écoute diversifiée et consistante sur l’album, la musique de « Enemy Mine » est aussi intense et appréciable sur les images, notamment grâce au charme émouvant du thème principal symbolisant l’union fraternelle entre l’humain et l’alien, à des années lumières des clichés habituels sur les films d’extra-terrestre belliqueux. Grâce à la réédition limitée en CD Club de l’intégralité du score (seule la version film de la scène de fin dans la mine n’a pu être retrouvée et restaurée !) et avec un son assez correct (hormis quelques pistes avec un son assez moyen), Varèse Sarabande nous permet enfin d’apprécier ici le travail remarquable de Maurice Jarre à sa juste valeur, car si le maestro n’a pas écrit son plus grand chef-d’oeuvre sur le long-métrage de Wolfgang Petersen, force est de reconnaître que la musique apporte cette dose de mystère, de magie et d’énergie au film, avec, cerise sur le gâteau, trois thèmes de qualité. Un score injustement oublié, à redécouvrir très vite par le biais de la réédition chez Varèse !




---Quentin Billard