1-The Amityville Horror Main Title 2.24
2-Father Delaney 4.31
3-One Year Later 3.30
4-Screams 2.09
5-The Windshield 3.11
6-Kathy's Dream 3.17
7-The Staircase 3.42
8-The Babysitter 4.02
9-At the Park 2.35
10-The Window 3.35
11-The Ghost 2.53
12-The Wall 3.44
13-Bleeding Walls 3.36
14-The Ax 3.31
15-The Crucifix 5.16
16-Postludium 4.38
17-Amityville Horror End Credits 3.21

Musique  composée par:

Lalo Schifrin

Editeur:

Aleph Records 026

Album produit par:
Lalo Schifrin
Monteur musique:
Kenneth Hall
Mixage score:
Aaron Rochin
Préparation musique:
John Graves

(c) 1979 American International Pictures/Cinema 77/Professional Films. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE AMITYVILLE HORROR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Lalo Schifrin
A l’origine de « The Amityville Horror », il y a tout d’abord un sombre fait divers survenu aux Etats-Unis entre 1974 et 1975, alors que Ronald DeFeo Jr abattit six membres de sa famille au 112 Ocean Avenue. Un an plus tard, George et Kathy Lutz ainsi que leurs trois enfants s’installèrent dans la maison du quartier d’Amityville qu’ils quittèrent finalement au bout de 28 jours seulement, persuadés d’avoir été victimes de phénomènes paranormaux terrifiants liés à la maison maudite. L’auteur Jay Anson décida alors d’en faire un roman, « The Amityville Horror », publié en 1977 et devenu l’un des best-sellers de l’année. C’est donc sans surprise que le cinéma s’intéressa très vite à cette sombre histoire de maison fantôme et de paranormal avec une adaptation du roman d’Anson en film par Stuart Rosenberg en 1979. Rappelons que Rosenberg était surtout connu à l’époque pour des classiques tels que « Cool Hand Luke » (1967), « The April Fools » (1969), « The Drowning Pool » (1975) ou bien encore « The Voyage of the Damned » (1976). Avec « The Amityville Horror », le cinéaste américain nous plonge dans l’enfer de la terrifiante maison hantée du 112 Ocean Avenue, reconstituée dans le New Jersey pour les besoins du film (l’équipe de tournage n’eut pas la permission d’aller filmer directement à Amityville !). Le 13 novembre 1974, un jeune homme abat à coup de fusil ses parents, ses frères et ses sœurs. Peu de temps après au procès, il révèle qu’une voix l’aurait possédé et lui aurait ainsi ordonné de tuer toute sa famille. Un an plus tard, la maison est mise en vente à un prix imbattable et est finalement rachetée par George Lutz (James Brolin) et sa femme Kathy (Margot Kidder), qui s’y installent avec leurs trois jeunes enfants. Mais très vite, la famille est victime d’étranges phénomènes inquiétants, et tandis que le père Delaney (Rod Steiger) tente de bénir la maison en vain (ce dernier est victime à son tour de terribles événements qui l’obligent à quitter la maison pour ne plus jamais y revenir), les Lutz vont vivre 28 jours de cauchemar dans une maison où règne une étrange et mystérieuse malédiction qui pourrait bien être liée à la présence du diable ou d’un démon. « The Amityville Horror » renoua en 1979 avec le genre du film de maison hanté, sauf qu’ici, point de fantôme à l’horizon mais plutôt une présence invisible et menaçante qui fait régner la terreur et détruit l’esprit de tous ceux qui y vivent ou qui s’y aventurent.

En s’inspirant des faits réels survenus dans les années 70 dans cette banlieue située à Long Island, Stuart Rosenberg extrapole et propose un film d’épouvante à l’atmosphère psychologique tendue, où l’horreur s’immisce progressivement dans la vie d’un jeune couple perturbé par des phénomènes paranormaux et inexpliqués. C’est d’ailleurs là que le film tire toute sa force, jouant davantage sur la suggestion d’une présence maléfique plutôt que sur des quelconques effets spéciaux – même le final évite le piège des apparitions démoniaques dont on nous bassine trop souvent de nos jours dans les productions horrifiques actuelles type « Insidious » ou « The Conjuring » - Il faut dire que le fait divers survenu en 1974 resta inexpliqué et largement médiatisé, sans oublier le fait que la mésaventure des Lutz survenue un an après relança à nouveau toute la controverse autour de ces terribles événements – même encore aujourd’hui, personne ne peut expliquer ce qui poussa le jeune homme à assassiner toute sa famille – Dès lors, le fantasme et la paranoïa collective entraînèrent toute sorte de théorie et de rumeur, dont une revint plus souvent, celle que la maison du 112 Ocean Avenue était maudite et possédée par un esprit démoniaque ou même Satan en personne (il y eut aussi la rumeur selon laquelle la maison aurait été construite sur un ancien cimetière indien, ou celle selon laquelle la demeure aurait abrité un sorcier chassé de Salem). Ainsi donc, après le livre de Jay Anson, le film de Rosenberg sorti à une époque où l’épouvante et le paranormal avaient le vent en poupe à Hollywood (« The Omen », « The Exorcist », « Rosemary’s Baby », etc.), s’assurant un succès prévisible auprès d’un public réceptif à ce type d’histoire. Niveau narration, le film est bâti autour du déroulement des jours afin de mieux relayer l’aspect réaliste de cette reconstitution de faits réels. Plus les jours avancent, et plus la tension monte jusqu’à un climax final impressionnant (George qui devient fou, s’empare d’une hache et fracasse la porte de la salle de bains, scène qui semble par ailleurs avoir inspirée Stanley Kubrick dans « The Shining »), d’autant que l’horreur ne repose pas tellement sur les effets spéciaux ou le gore, peu nombreux ici, mais davantage sur des événements ordinaires en apparence mais pourtant incroyablement angoissants – les mouches qui envahissent les pièces, une fenêtre qui tombe et manque de couper les doigts d’un enfant, la porte d’entrée qui se casse en pleine nuit, etc. – A noter aussi l’excellente performance de James Brolin et sa fameuse barbe hirsute qui le fait ressembler à Charles Manson, et dont la dégradation physique et mentale tout au long du film est assez ahurissante. Finalement, malgré quelques mauvaises critiques à sa sortie en salles en 1979, « The Amityville Horror » connaîtra un grand succès et donnera lieu à de nombreuses suites, dont un remake en 2005 et une nouvelle suite annoncée pour 2015/2016

La partition orchestrale de Lalo Schifrin reste l’un des éléments les plus notables du film de Stuart Rosenberg. Le compositeur argentin, connu pour ses partitions funky/jazzy pour « Bullitt », « Rush Hour », « Mission : Impossible » ou « Enter the Dragon », reprend un style qu’il avait déjà exploité dans sa musique rejetée de « The Exorcist » et nous propose une toute nouvelle partition horrifique pour le « Amityville Horror » de Stuart Rosenberg, avec lequel Schifrin avait déjà précédemment collaboré sur « Cool Hand Luke » (1967) et « Voyage of the Damned » (1976). Au sujet de « The Exorcist », les rumeurs prétendant que Schifrin aurait repris une partie de sa musique rejetée pour la réadapter dans « Amityville » sont fausses et ont été démenties par le compositeur lui-même lors de plusieurs interviews. Délaissant son style orchestral jazz groovy habituel, Schifrin renoue dans « The Amityville Horror » avec l’atonalité et la musique avant-gardiste expérimentale et savante du milieu du XXe siècle, un genre dans lequel le compositeur s’est illustré à plusieurs reprises, des « Félins » de René Clément (1964) au « THX 1138 » de George Lucas (1971) sans oublier le bourdonnant et dissonant « Hellstrom Chronicles » de Walon Green (1971), la musique rejetée de « The Exorcist » (1973) ou la série des « Dirty Harry » - pour l’anecdote, on raconte que les six minutes écrites par Schifrin pour le trailer de « The Exorcist » auraient tellement terrifiées le public que le studio aurait demandé au musicien de freiner dans ses expérimentations, demande finalement non relayée par Friedkin aboutissant finalement à un rejet total du score – Friedkin, connu pour son tempérament colérique, aurait même carrément jeté les bandes de l’enregistrement du score de Schifrin dans le parking du studio – Ainsi donc, l’ancien élève d’Olivier Messiaen et de Charles Koechlin a bien appris ses leçons et nous transmet dans « The Amitvyille Horror » toute sa passion et sa fougue si particulière pour un langage musical avant-gardiste très soutenu, bien que sans grande originalité particulière par rapport à certains de ses anciens scores bien plus radicaux et expérimentaux dans leur approche.

Adoptant un style orchestral conventionnel, Lalo Schifrin bâtit sa partition autour d’un thème principal mémorable (« Amityville Horror Main Title »), chanté par une chorale d’enfants sur des « la la la » innocents et enfantins en apparence, accompagnés d’un ensemble de cordes en harmonique avec un piano. On notera ici le côté glacial des violons aigus dont le jeu en harmonique remplit parfaitement son rôle dans l’élaboration d’une atmosphère faussement innocente et malsaine, très vite pervertie par l’intrusion de sons cristallins étranges de waterphone. L’utilisation de cette berceuse enfantine est la bonne idée de la musique de Lalo Schifrin, qui s’inspire des recherches de musiciens italiens dans certains films d’épouvante des années 70 – on pense notamment au « Chat à neuf queues » d’Ennio Morricone ou à certains de ses scores chez Dario Argento - A noter par ailleurs que cette ouverture inspirera fortement une décennie plus tard Elliot Goldenthal dans sa musique pour le film « Pet Sematary » (1989). Puis, « Father Delaney » nous plonge rapidement dans une atmosphère oppressante et terrifiante à l’aide de cordes stridentes et dissonantes résolument atonales. Schifrin utilise ici les 2 premières notes de sa mélodie principale qu’il développe sous la forme d’un motif menaçant et angoissant alors que le père Delaney commence à être victime de phénomènes terrifiants. Extrêmement dissonant et macabre, « Father Delaney » crée un sentiment de malaise insidieux par ses montées progressives de clusters dissonants aux cordes avec harpe, grincements métalliques de waterphone, arpèges de vibrato, bois et cuivres, tandis que certains passages rappellent indiscutablement les grandes pages du répertoire de Penderecki (vers la deuxième minute, on jurerait entendre des mesures du « Thrène pour les victimes d’Hiroshima » ou de « Anaklasis »). Les voix d’enfants réapparaissent ici, totalement débarrassées du côté enfantin du « Main Title », avec le retour de la mélodie principale à partir de 3:41, transformée en un thème maléfique et dérangeant très réussi durant cette scène où le malaise est visible sur le visage du personnage campé par Rod Steiger.

« One Year Later » évoque le temps qui passe et l’arrivée des Lutz avec le retour de la berceuse initiale et de nouvelles mesures dissonantes partagées entre les cordes, la harpe, le vibraphone et les bois (clarinette basse notamment), et toujours ce son très particulier et inquiétant du waterphone. « Screams » va plus loin en plongeant l’auditeur dans l’horreur pure à base de clusters stridents des cordes qui rappellent là aussi tout un pan de l’esthétique avant-gardiste des années 50, celle de Penderecki, Lutoslawski, Xenakis ou Ligeti. Les clusters stridents enchaînés en staccato parallèles de manière acérés à partir de 1:16 rappellent clairement l’incontournable « Psycho » de Bernard Herrmann, suscitant là aussi un malaise intense tout au long de la séquence. Dans « The Windshield », on trouve un autre élément-clé du score de « The Amityville Horror », une série d’arpèges rapides ascendants et descendantes des cordes, qui évoquent la sensation d’un mouvement incontrôlable associées aux montées de panique des Lutz dans la maison. « Kathy’s Dream » évoque une scène de cauchemar de Kathy avec le retour des arpèges rapides et des 2 notes menaçantes issues du thème principal. Les orchestrations sont ici plus denses, privilégiant chaque pupitre de l’orchestre avec une importance accordée aux cordes. Les arpèges reviennent aussi dans « The Staircase », évoquant curieusement le début du « La Moldau » de Bedrich Smetana baignant dans une série d’effets sonores représentatifs (et notamment les effets de trilles des cordes ou le retour des sons étranges de waterphone). La musique contribue ainsi à apporter une tension indicible et impalpable à l’écran, notamment grâce à ses montées dissonantes progressives savamment dosées à l’écran.

Même chose pour « The Babysitter » qui évoque la sombre mésaventure de la baby-sitter enfermée dans le placard pendant des heures. Ici aussi, les arpèges reviennent de manière entêtante tandis que Schifrin développe largement le motif de 2 notes du thème principal et ces effets de trilles menaçants. On notera la façon dont la musique évolue du romantisme intime de « The Window » avec piano/cordes vers la noirceur suffocante des cordes stridentes, du waterphone et des vents alors que les phénomènes surnaturels se multiplient dans la maison. Le motif des arpèges de cordes revient ensuite dans « The Ghost » qui suggère la présence d’une entité maléfique dans la maison tout en créant un sentiment d’urgence grâce à un solide contrepoint des cordes, tandis que « Bleeding Walls » évoque le plan du sang coulant des murs de la maison à l’aide de glissandi contraires des cordes, rappelant là aussi par leur aspect extrême et dissonant bon nombre de partitions de Penderecki ou Ligeti (dommage que le morceau soit gâché par un mixage médiocre bourré de saturation !). La terreur atteint son paroxysme dans « The Ax » alors que George, qui a perdu pied avec la réalité, s’empare d’une hache à s’apprête à tuer sa famille vers la fin du film. Tous les principaux éléments clé du score sont récapitulés ici, avec une noirceur sans concession typique de la bande son de « The Amityville Horror ». Vous l’aurez donc compris, cette partition sombre et lugubre de Lalo Schifrin n’est pas à mettre entre toutes les oreilles ! Avec un thème principal mémorable décliné à toutes les sauces dans le film, le maestro argentin élabore une atmosphère musicale forte et radicalement oppressante sur les images du film de Stuart Rosenberg, utilisant tous les poncifs habituels des musiques d’épouvante orchestrales pour arriver à ses fins. Utilisant les techniques habituelles de l’esthétique musicale avant-gardiste du XXe siècle, Lalo Schifrin délivre pour « The Amityville Horror » une partition cauchemardesque et intense qui séduira les amateurs de partitions atonales/dissonantes et ceux qui apprécient l’esthétique plus expérimentale et moderne du compositeur, en plus d’apporter une sensation d’angoisse claustrophobique assez impressionnante à l’écran : une réussite peu originales, certes, mais mémorable, en espérant une nouvelle édition CD avec un mixage correct nettoyé des imperfections de cette édition Aleph Records assez médiocre d’un point de vue sonore !




---Quentin Billard