1-Part One 18.25
2-Interlude 1.44
3-Part Two 17.45
4-Part Three 5.47

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Intrada Special Collection vol. ISC 323

Album produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif:
Roger Feigelson
Score produit par:
Max Blomgren
Producteur soundtrack:
Ramesh Kumar Kannan
Superviseur musique:
Selena Arizanovic
Coordinateur musique:
Silke Matzpohl
Monteur musique:
Jon Mooney, Ben Schor
Musique additionnelle:
Ben Sollee
Programmation synthé,
sound designer musical:
Daniel Wehr
Programmation score:
Murat Selcuk, Jonathan Timpe
Assistant programmation:
J. Tyler Timpe
Orchestrations:
Sean McMahon, Richard Bronskill,
Kostas Christides, Peter Bateman,
Joohyun Park, Patrick Russ,
Megumi Sasano, David Shephard,
Laurent Ziliani, Daniel Wehr

(c) 2013 Millenium Films/Nu Image Films/Corsan/Promised Land Productions. All rights reserved.

Note: ***1/2
KILLING SEASON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Peu connu dans nos contrées car jamais sorti dans les salles françaises mais diffusé directement en vidéo en 2013, « Killing Season » (Face à face) est le nouveau long-métrage de Mark Steven Johnson, réalisateur américain connu pour les navrants « Daredevil » (2003) et « Ghost Rider » (2007), souvent considéré comme l’un des pires nanars friqués du cinéma de super-héros moderne des années 2000. L’histoire de « Killing Season » est relativement simple : il s’agit d’un banal face à face entre deux hommes en pleine forêt des Appalaches. Benjamin Ford (Robert De Niro) est un ancien colonel vétéran de la guerre de Bosnie qui profite de sa retraite sereine dans une cabane au fond des bois, vivant comme un reclus, loin de sa famille. Un jour, Benjamin croise la route d’Emil Kovac (John Travolta), un étranger venu d’Europe de l’est pour visiter l’Amérique et chasser le gibier. Alors que les deux hommes commencent à sympathiser et décident d’entamer une partie de chasse ensemble, Kovac dévoile ses véritables intentions et sa vraie identité : c’est un ancien membre du groupe paramilitaire serbe des Scorpions, arrivé aux Etats-Unis pour se venger de ce que Ford et ses hommes lui ont faire subir il y a de nombreuses années durant la guerre en Bosnie. Débute alors un terrible jeu mortel du chat et de la souris entre les deux hommes, bien décidés à aller jusqu’au bout pour en finir pour de bon avec ce conflit devenu personnel. « Killing Season » s’empare ainsi du genre du survival en pleine nature sauvage façon « Deliverance », sauf qu’ici, on se retrouve avec une variante du « The Hunted » (2003) de William Friedkin, reprenant une intrigue similaire de duel mortel entre deux hommes déterminés et obstinés.

La mise en scène de Mark Steven Johnson met autant l’accent sur la beauté de la nature sauvage que sur les scènes de traque, de pièges ou les quelques séquences de mutilation gores (Travolta qui reçoit une flèche qui lui traverse entièrement la bouche). Le duel De Niro/Travolta opère parfaitement ici – rappelons qu’à l’origine, le projet initialement nommé « Shrapnel » et prévu au départ pour John McTiernan, devait réunir John Travolta et Nicolas Cage après leur duo dans « Face/Off » de John Woo en 1997. Hélas, le film ne tient pas ses promesses et se termine sur une fin moralisatrice dont on se serait bien passé, tandis que l’on a beaucoup critiqué le faux accent serbe de John Travolta, qui ne tient pas la route. Massacré par les critiques dès sa sortie en salle aux USA en 2013, « Killing Season » se vautre littéralement au box-office et atterrit directement chez nous en vidéo, les diffuseurs ayant compris que le public ne porterait que peu d’intérêt pour cet ersatz croisé de « Deliverance » et de « The Hunted ». C’est d’autant plus regrettable que l’on était en droit d’attendre bien mieux de ce face à face revanchard entre deux grands vétérans du cinéma américain, Robert De Niro et John Travolta, car le film ne dure que 91 minutes mais semble s’éterniser pendant les 30 premières minutes sans rien raconter de particulier – Ford et Kovac discutent à n’en plus finir et se racontent leur vie, ok, mais en quoi est-ce supposé faire avancer l’intrigue ? – On appréciera le fait que le film aborde le thème de la guerre en Bosnie, sujet rarement abordé dans le cinéma américain (cf. « Behind Enemy Lines » sorti en 2001), où l’on préfère s’éterniser sur les mêmes conflits habituels (Vietnam, 2ème Guerre Mondiale, Irak, etc.). Mais malgré quelques bonnes scènes d’action sanglantes et de beaux décors, « Killing Season » est un énième échec pour Mark Steven Johnson qui devrait apprendre à mieux choisir ses projets à l’avenir !

On retiendra essentiellement de ce film la partition musicale de Christopher Young, qui retrouve Johnson après « Ghost Rider » en 2007. Il faut dire que le compositeur s’est montré peu productif ces dernières années, ne composant que deux musiques de film en 2013. Du coup, c’est avec une certaine impatience que les fans de Chris Young attendent chaque nouveau score d’un compositeur qui, s’il s’avère moins prolifique ces dernières années, demeure un musicien talentueux et toujours aussi passionnant à écouter – en plus d’être une personne fort sympathique – Publié tardivement par Intrada, l’album de « Killing Season » regroupe 43 minutes du score de Chris Young sous la forme de suites symphoniques, une idée qui rappelle les séquençage de l’album de « Bless the Child » mais qui s’avère assez fastidieux en terme de qualité d’écoute. Enregistré avec un grand orchestre accompagné de quelques éléments électroniques, du violoncelle soliste de Ben Sollee et des vocalises de l’indispensable Lisbeth Scott, la musique de « Killing Season » repose avant tout sur un thème principal de toute beauté, mélodie nostalgique et aérienne dévoilée dès le générique de début du film, accompagné d’un cymbalum, du violoncelle et de l’orchestre. Cette mélodie élégante et touchante évoque un air populaire d’Europe de l’est et plante parfaitement le décor, tout en suggérant la beauté de la forêt sauvage des Appalaches, une très jolie mélodie qui rappelle que Young n’est pas qu’un spécialiste de l’horreur musicale mais qu’il possède aussi un vrai lyrisme qui lui est cher (cf. « Murder in the First »). Après une ouverture belle et émouvante, la première partie du score présentée dans « Part One » met l’accent sur le travail des cordes et du piano pour évoquer la solitude de Benjamin Ford, vivant seul dans sa cabane au fond des bois.

On appréciera ici la retenue de la musique qui ne verse jamais dans le mélodrame mais reste pudique et élégante, typique de Chris Young. Le violoncelle apporte à son tour une vraie sensibilité à la composition de « Killing Season », l’instrument étant utilisé de manière concertante et quasi classique, à la façon d’un concerto pour violoncelle et orchestre. On relèvera une reprise mélancolique et sombre du thème à 7:54 dans un très beau duo pour cor et violoncelle sur fond de bourdon répétitif des cordes sur la même note. Essentiellement consacrée à l’aspect lyrique et dramatique, cette « Part One » résonne avec émotion et finesse sans jamais en faire de trop, avec les quelques notes du cymbalum ajoutant une touche pastorale et ethnique à l’ensemble. « Interlude » inclut une partie solo de violoncelle doublé par un scat jazzy. Outre l’intrusion furtive du jazz, on appréciera le début de la mélodie qui évoque là aussi le son des musiques d’Europe de l’est, jusque dans le jeu sensible et distingué du violoncelle. Cette transition musicale débouche alors sur les premiers morceaux d’action pour le début de la chasse à l’homme opposant Ford et Kovac dans la forêt. Young met ici l’accent sur les cuivres, les cordes avec percussions, cymbalum et éléments rythmiques synthétiques. On appréciera ici la solidité des orchestrations, la robustesse de ces passages d’action et l’omniprésence du violoncelle qui parvient à se hisser dans la masse. Young développe aussi un nouveau thème à partir de 1:35, un très beau thème majestueux et quasi solennel évoquant les préparatifs au combat des deux hommes. Visiblement inspiré par son sujet, Chris Young sait où il va et fait preuve d’un talent incroyable pour cerner les différentes émotions des personnages et du film sans jamais en faire des tonnes.

Dès 3:44, l’action débute enfin avec un passage agressif et dissonant typique du compositeur. On retrouve ici l’éternel spécialiste des musiques de thriller avec son lot d’orchestrations et de techniques instrumentales avant-gardistes, incluant quelques expérimentations étranges et virtuoses autour du violoncelle, et des ponctuations brutales de l’orchestre, des percussions et des quelques éléments synthétiques. L’intensité radicale de ce passage de la « Part Two » devrait ravir n’importe quel fan des musiques de thriller/horreur de Christopher Young. A noter l’utilisation répétitive d’un motif de 2 notes des trombones/cors/tuba suggérant le danger et la traque dans le film (à 4:10, puis à 5:14). On découvre ensuite les vocalises éthérées de Lisbeth Scott évoquant une complainte lointaine d’Europe de l’est, puis, un nouveau passage dès 9:10 incluant les claquements de main, les percussions et des guitares rythmiques reflétant l’inventivité du compositeur, loin de se limiter à une simple musique orchestrale. La traque reprend alors vers la douzième minute pour un nouveau déchaînement orchestral brutal et sans concession, dissonant et redoutable.

Enfin, « Part Three » se propose de nous emmener directement au final avec 5 dernières minutes plus lyriques – à noter que l’album d’Intrada omet hélas la plupart des morceaux d’action/suspense de la seconde partie du film, où il manque encore 20 minutes de musique – Introduit par un joli mélange de cordes et piano, la « Part Three » paraît plus posée et apaisée, évoquant la réconciliation tardive entre les deux hommes, bien décidés à obtenir le match nul et à se réconcilier avec eux-mêmes. Ici aussi, on ne pourra qu’admirer le lyrisme de la musique (l’élément que Young a voulu privilégier pour l’album, délaissant la partie action/thriller !), avec un dernier morceau plus optimiste et enjoué, évoquant un regard plus apaisé sur l’avenir. Christopher Young signe donc une nouvelle partition remarquable pour « Killing Season », qui, bien que sans atteindre des sommets du genre, n’en demeure pas moins très réussie et parfaitement agencée aux images du film. Ecrite avec une sensibilité et une passion évidente, ce nouveau score a tout pour séduire les fans de la première heure du compositeur : suspense, dissonances, action brutale mais aussi lyrisme à fleur de peau et jeu intéressant autour des solistes (et même un bref passage en scat jazzy plutôt bien pensé dans l’Interlude), tout semble avoir été réuni pour offrir un florilège des meilleures idées de Chris Young, qui, bien que peu productif ces dernières années, continue toujours de nous étonner et de nous rappeler qu’il est l’un des meilleurs musiciens du cinéma hollywoodien, et ce depuis plus de trois décennies maintenant !




---Quentin Billard