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1-Michelle 6.08
2-The Concrete Cell 8.29 3-Howard 5.00 4-A Bright Red Flash 2.53 5-At the Door 2.59 6-Two Stories 2.46 7-Message from Megan 3.37 8-Hazmat Suit 3.01 9-A Happy Family 3.52 10-The Burn 6.14 11-Up Above 3.03 12-Valencia 6.12 13-The New Michelle 3.25 14-10 Cloverfield Lane 6.23 Musique composée par: Bear McCreary Editeur: Sparks & Shadows SNS4020 Score conduit par: Bear McCreary Orchestrations: Jonathan Beard, Edward Trybek, Henri Wilkinson Album produit par: Bear McCreary Enregistrement et mixage: Steve Kaplan Musiciens solistes: Malachai Bandy, Craig Huxley Vocalises interprétées par: Raya Yarbrough Artwork and pictures (c) 2016 Paramount Pictures/Bad Robot. All rights reserved. Note: ***1/2 |
10 CLOVERFIELD LANE
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ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
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Music composed by Bear McCreary
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A l’instar du monstrueux « Cloverfield » (2008), « 10 Cloverfield Lane » (2016) est le nouveau projet du studio de J. J. Abrams, Bad Robot, développé dans le plus grand secret, comme ce fut le cas pour le film de Matt Reeves sorti en 2008. Ce nouveau film n’est pas une suite à proprement parler mais pourrait être considéré comme un film faisant partie du même type d’univers que « Cloverfield », mais sans lien direct. Réalisé par Dan Trachtenberg, « 10 Cloverfield Lane » évite donc la redite et propose quelque chose de différent, tout en gardant un contexte vaguement similaire, à savoir l’idée d’un monde en proie à une catastrophe terrifiante, ici, l’apocalypse qui a ravagé la Terre pour une raison inconnue. L’histoire suit les péripéties mouvementées de Michelle (Mary Elizabeth Winstead), qui, après un accident de voiture, se réveille dans une chambre, menottée, une perfusion au bras et en petite tenue. La jeune femme fait alors la connaissance d’Howard (John Goodman), qui lui explique que notre monde a été attaqué et ravagé par une force inconnue, et qu’il a décidé de ramener Michelle à son bunker où ils se trouvent, après l’avoir trouvée gisant inconsciente au bord de la route. Michelle fait ensuite la connaissance d’Emmett (John Gallagher Jr.), un autre survivant qui est venu se réfugier dans le bunker d’Howard, et qui a été témoin du cataclysme ayant ravagé la Terre. Suspicieuse et en proie aux doutes, Michelle a bien du mal à croire à cette histoire et va tenter de s’échapper du bunker en trompant régulièrement la vigilance d’Howard, et ce par tous les moyens possibles. Mais lorsqu’elle est enfin sur le point d’ouvrir la porte du bunker pour sortir à l’extérieur, Howard la dissuade en expliquant que l’air est contaminé et qu’elle risque de mourir. Toujours suspicieuse, Michelle est enfin convaincue lorsqu’une femme terrorisée et hystérique, apparemment contaminée, se présente à la porte du bunker, le visage atrocement défiguré par un mal inconnu, suppliant Michelle de lui ouvrir la porte. Comprenant que la situation est réellement grave, Michelle doit se résoudre à vivre dans le bunker aménagé par Howard et Emmett, et ce jusqu’au jour où la jeune femme découvre de nouveaux indices qui instaurent à nouveau le doute dans son esprit : et si Howard mentait depuis le début ? Et s’il n’était pas celui qu’il prétend être ? Et s’il n’y avait jamais eu de cataclysme à l’extérieur ?
Prenant comme point de départ une catastrophe à échelle mondiale, à l’instar du « Cloverfield » de 2008 (où la catastrophe, liée à l’attaque d’une créature géante, se centrait sur la ville de New York), « 10 Cloverfield Lane » n’a de lien avec le premier film que par son titre, qui fait référence à l’adresse où se situe le bunker du mystérieux Howard dans le film. Premier long-métrage de Dan Trachtenberg, qui avait réalisé de nombreux podcasts sur internet auparavant, « 10 Cloverfield Lane » est un thriller astucieux, construit sous la forme d’un huis-clos minimaliste dans lequel la tension psychologique règne en maître, autour du personnage brillamment campé par John Goodman, un homme solitaire et étrange, qui raconte à qui veut l’entendre que le monde extérieur a été ravagé et qu’il est impossible d’y aller à moins de mourir dans d’atroces souffrances. Toute l’histoire de cette catastrophe est ainsi rapportée par les propos d’Howard mais jamais vraiment visible à l’écran (hormis lors des 10 dernières minutes, finalement très décevantes !), et c’est sur ce concept que s’articule tout le récit du film de Trachtenberg, qui joue brillamment sur la tension psychologique, les jeux de dupe, les faux semblants et les manipulations pour instaurer un climat claustrophobique assez saisissant, finalement très différent du « Cloverield » de Matt Reeves. Le film doit aussi beaucoup à son excellent trio d’acteurs, Mary Elizabeth Winstead (la « scream queen » de « The Thing » et « Final Destination 3 »), John Gallagher Jr. et le vétéran John Goodman, impressionnant et charismatique, comme à son habitude. Véritable film d’ambiance épuré, aux effets spéciaux réduits – sauf pour la fin – « 10 Cloverfield Lane » s’impose ainsi par sa tension qui monte crescendo, allant de révélation en révélation à la manière d’un puzzle dont les pièces s’assemblent au fur et à mesure, jusqu’au spectaculaire dénouement final (qui contredit malheureusement le concept initial du film). Fort du succès de ce deuxième film, J. J. Abrams et son équipe envisagent de faire un troisième film associé à l’univers « Cloverfield », entouré d’une campagne de marketing viral assez impressionnante et quasiment unique au cinéma. Si l’on se souvient que le premier « Cloverfield » ne contenait qu’une seule et unique musique de Michael Giacchino entendue durant le générique de fin, « 10 Cloverfield Lane » revient à une approche musicale plus conventionnelle avec un underscore régulier tout au long du film, signé cette fois-ci Bear McCreary. Le compositeur américain est essentiellement connu pour son travail à la télévision sur de nombreuses comme « Battlestar Galactica », « Eureka », « Terminator : The Sarah Connor Chronicles », « Caprica », « The Cape », « The Walking Dead », « Human Target », « Da Vinci’s Demons », « Damian », « Black Sails » ou bien encore « Outlander », ainsi que quelques musiques de jeu vidéo tels que « Dark Void », « Moon Breakers » ou « SOCOM 4 ». Moins prolifique au cinéma, McCreary s’est essentiellement cantonné aux direct-to-video tels que « Wrong Turn 2 » ou à des films indépendants comme le très curieux « Angry Video Game Nerd : The Movie », film 100% geek, entièrement financé par le crowfunding, d’après une web-série à succès sur youtube, et sorti en 2014. « 10 Cloverfield Lane » pourrait donc être à ce jour le premier gros long-métrage de Bear McCreary, et sans aucun doute le projet le plus ambitieux sur lequel il ait travaillé jusqu’à présent. Le compositeur opte ici sans surprise pour un orchestre symphonique et quelques éléments électroniques afin de renforcer la tension du récit, mais le plus étonnant vient surtout ici de l’utilisation de deux instruments particuliers : le yayli tambur, un instrument à cordes d’origine turque, constitué d’un manche très long et d’une caisse ronde ressemblant à un banjo. L’instrument est employé ici pour apporter une couleur particulière au film et nous plonger d’emblée dans une atmosphère oppressante et étrange. Le deuxième instrument employé dans « 10 Cloverfield Lane » est le Blaster Beam, instrument électronique inventé dans les années 70 par l’américain Craig Huxley (d’après le modèle original de Jon Lazell), largement popularisé par Jerry Goldsmith dans « Star Trek The Motion Picture » (1979), John Barry dans « The Black Hole » (1979) ou James Horner dans « Star Trek II : The Wrath of Khan » (1982). A l’aide des sonorités insolites du yayli tambur et du Blaster Beam, Bear McCreary élabore une partition sombre et immersive reposant essentiellement sur un thème principal dévoilé dès le début du film dans « Michelle ». Le thème principal de « 10 Cloverfield Lane », largement répété à profusion durant toute l’ouverture du film, se reconnaît instantanément grâce à sa mélodie construite autour d’une cellule de 5 notes en plusieurs phrases, sur deux accords mineurs. McCreary crée une ambiance mystérieuse et intrigante lorsque la mélodie apparaît pour la première fois ici au yayli tambur sur fond de cordes et de sonorités plus cristallines incluant célesta, harpe et éléments synthétiques discrets. Le thème est clairement associé à Michelle dans le film, un élément logique étant donné que toute l’histoire est vécue selon son point de vue, devenant un véritable leitmotiv pour l’héroïne du film. On reconnaît aussi les influences musicales habituelles de McCreary, avec une ouverture mystérieuse et intrigante rappelant clairement Bernard Herrmann ou même certains scores thrillers de Christopher Young dans les années 90. Howard se voit attribué à son tour un thème, qui apparaît dans la piste « Howard », un motif de cordes de trois notes inspirant un sentiment d’inquiétude et de doute au sujet du personnage campé à l’écran par John Goodman – à noter ici la manière dont McCreary reprend parfois le motif aux cordes aiguës en harmonique, créant une ambiance glaciale et sournoise pour Howard, renforçant la menace psychologique qu’il représente pour Michelle et même Emmett dans le film. La seconde partie de « Howard » est assez exemplaire en terme d’ambiance : McCreary joue ici sur une palette instrumentale riche et variée, développant le motif d’Howard à loisir tout en variant les sonorités, incluant quelques notes menaçantes et métalliques du Blaster Beam. Enfin, un troisième motif est rapidement introduit dans la première partie du film, une sorte d’ostinato mystérieux de 8 notes de cordes, qui apparaît dès « The Concrete Cell » à 2:08 (accompagné de quelques éléments électroniques et des sons obscurs du Blaster Beam), et qui sera très présent à l’écran pour renforcer un sentiment de doute, de tension et de crainte suscitée par le comportement souvent étrange d’Howard. Très vite, McCreary n’hésite pas à s’orienter vers le suspense et la peur en utilisant des dissonances et quelques techniques instrumentales avant-gardistes (glissandi, sons aléatoires, clusters, etc.) qui rappellent Christopher Young. Le thème de Michelle reste quand à lui très présent, largement développé et varié tout au long du film en fonction des différentes situations vécues par le personnage de Mary Elizabeth Winstead. « A Bright Red Flash » renforce davantage la tension avec des allusions au motif d’Howard et de Michelle sur fond de sonorités dissonantes et menaçantes des cordes. Mais c’est dans « The Door » que les choses se corsent véritablement. McCreary se lance ici dans un morceau d’action complexe et agressif, alors que Michelle tente de s’enfuir par la porte du bunker et découvre horrifiée la femme contaminée devant l’entrée du bunker. Le compositeur met ici l’accent sur des cordes frénétiques, des cuivres massifs, des éléments électroniques et des ponctuations percussives brutales pour parvenir à ses fins. A noter ici l’emploi des vocalises féminines de la soliste Raya Yarbrough qui apporte une couleur particulière à ce morceau extrêmement sombre et agressif, particulièrement intense dans le film. Et si les choses semblent s’apaiser dans « Two Stories », la tension revient très vite dans l’intrigant « Message from Megan » et surtout « Hazmat Suit », pour la scène où Michelle et Emmett préparent ensemble discrètement une combinaison de protection afin de sortir à l’extérieur sans être contaminés. McCreary évoque ici la détermination à l’aide de basses synthétiques entêtantes et d’ostinatos de cordes staccatos comme on entend régulièrement de nos jours à Hollywood, et bien sûr une reprise du thème de Michelle et des sonorités plus marquées du Blaster Beam. On appréciera le rôle du piano et du synthé dans « A Happy Family » où McCreary renforce l’idée erronée d’une famille heureuse (selon Howard), la musique apportant cette idée de faux semblant à travers ces sonorités cristallines et aiguës apparemment innocentes, le tout sur fond de cordes plus sombres et tendues. Et c’est la plongée dans l’horreur avec « The Burn », où McCreary s’oriente clairement vers de un style plus horrifique lorsque Michelle découvre ce qu’a fait Howard. A noter ici une superbe accélération terrifiante de la musique, qui rappelle l’incontournable « They Swim » du « Alien Resurrection » de John Frizzell, un morceau complexe d’une violence ahurissante, démontrant le savoir-faire évident de Bear McCreary et la virtuosité de son écriture orchestrale, sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux de « 10 Cloverfield Lane ». L’acte final débute alors avec « Up Above » qui se fait rassurant avec ses cordes plus lyriques et apaisées lorsque Michelle réussit enfin à sortir du bunker, tandis que les sonorités graves du Blaster Beam apportent un doute certain : Michelle est-elle réellement tirée d’affaire maintenant qu’elle se trouve dehors ? La réponse ne tarde pas à se faire savoir dans le sombre « Valencia » pour un dernier morceau d’action intense et terrifiant dans le film, qui se termine dans « The New Michelle » marqué par le retour du thème principal, repris aussi dans le superbe générique de fin (« 10 Cloverfield Lane »). Bear McCreary confirme avec « 10 Cloverfield Lane » qu’il est un talent sûr du cinéma américain actuel, malheureusement sous-employé sur les longs-métrages du grand écran mais extrêmement prolifique à la télévision. Ancien élève d’Elmer Bernstein, McCreary fait appel à son savoir-faire évident et sa maîtrise de l’écriture orchestrale pour une partition sombre, mystérieuse et agressive d’une qualité indéniable, sans grande originalité particulière mais de très bonne facture et très impressionnante sur les images, y compris dans les nombreux développements thématiques très présents eux aussi tout au long du film. Et si l’on aimerait entendre un peu plus de folie dans la musique de McCreary, on ne peut nier que le résultat est très intéressant et bien au dessus de la qualité très moyenne de la production hollywoodienne actuelle. Il y a donc fort à parier que la BO de « 10 Cloverfield Lane » et le succès du film permettent à Bear McCreary de travailler sur des productions plus ambitieuses qui lui permettront de s’épanouir (en dehors de la télévision) et de gagner en expérience et en maturité, car l’on devine ici un vrai potentiel musical rare de nos jours à Hollywood, potentiel que McCreary ne pourra réellement exploiter qu’à condition qu’il choisisse judicieusement ses futurs projets où son talent pourra s’exprimer à profusion. C’est en tout cas tout ce que l’on espère pour le musicien dans les années à venir ! ---Quentin Billard |