1-Prologue (From Run All Night) 1.49
2-Main Title (From Run All Night) 0.28
3-Albiniens At Xmas 1.41
4-I See Those Faces In My Dreams 3.05
5-Witness 2.15
6-My Michael 5.11
7-I Just Killed Your Boy 4.01
8-Cop Chase 5.10
9-The Station 3.38
10-Just One Night 3.41
11-A Little Extra Sugar 5.08
12-I'll Come After Your Son 2.58
13-The Projects 11.36
14-A Nightmare That Won't Pass 3.06
15-The Train Tracks 4.23
16-Shawn 1.29
17-The Cabin 10.23
18-Epilogue (From Run All Night) 1.14
19-Tom's Run All Night Sketchbook
(Bonus Track) 52.43

Musique  composée par:

Junkie XL

Editeur:

WaterTower Music WTM39693

Musique arrangée et produite par:
Tom Holkenborg (Junkie XL)
Musique additionnelle:
Christian Vorländer, Stephen Perone
Programmation additionnelle synthé:
Eric Broucek, Emad Borjian
Monteur superviseur musique:
Kenneth Karman
Monteur musique:
Nevin Seus
Services production musicale:
Michiel Groeneveld
Conduit par:
Nick Glennie-Smith
Orchestrations:
Edward Trybek, Henri Wilkinson,
Jonathan Beard

Services copiste:
Jack Ryan
Mixage score:
Junkie XL
Album produit par:
Junkie XL
Direction de la musique pour
Warner Bros. Pictures:
Darren Highman
Direction de WaterTower Music:
Jason Linn
Music business affairs:
Dirk Hebert

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2015 Warner Bros. Entertainment Inc., and Ratpac-Dune Entertainment LLC. All rights reserved.

Note: ***
RUN ALL NIGHT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Junkie XL
Tourné peu de temps après le thriller aérien « Non-Stop », « Run All Night » (Night Run) est le nouveau film d’action du barcelonais Jaume-Collet-Serra, à qui l’on doit notamment les thrillers « Orphan », « Unknown » ou le récent « The Shallows », film d’épouvante sorti en 2016 que l’on pourrait considérer comme une sorte d’ersatz modernisé du « Jaws » de Spielberg. « Run All Night » permet à l’acteur Liam Neeson de retrouver Collet-Serra pour la troisième fois dans cette sombre histoire de gangster alcoolique en quête de rédemption, qui se lance dans une traque acharnée pour sauver la vie de son fils avec lequel il a perdu tout contact depuis des années. Le récit débute à Brooklyn, avec Jimmy Conlon (Liam Neeson), ancien homme de main de la mafia irlandaise devenu un alcoolique désabusé et au bout du rouleau. Son fils Mike (Joel Kinnaman), un ancien professionnel de la boxe, a coupé les ponts avec son père qu’il refuse de voir et de présenter à ses deux filles Catelyn et Lily, et passe ses journées à entraîner des jeunes enfants en difficulté dans un club de gym local. L’ancien patron et ami de Jimmy, Shawn Maguire (Ed Harris), refuse une association avec des trafiquants de drogue albanais. Il demande ainsi à son fils Danny (Boyd Holbrook), qui sert d’intermédiaire dans cette affaire, de rendre l’argent de la commission aux gangsters albanais, le problème étant qu’il a déjà tout dépensé, persuadé que le deal se ferait à coup sûr. Mike, qui travaille comme chauffeur de limousine, conduit les albanais chez Danny mais la situation dégénère et le jeune gangster est obligé d’abattre les deux trafiquants de drogue. Mike est alors témoin involontaire du meurtre, tout comme l’un de ses élèves, Curtis, qui a filmé les événements depuis son téléphone portable. Apprenant la situation, Jimmy demande à son fils Mike de ne pas dénoncer le fils de son patron, mais il se retrouve alors obligé de tuer Danny, qui était sur le point de supprimer Mike afin de l’empêcher de parler à la police. En guise de représailles, Shawn Maguire envoie alors des policiers corrompus pour éliminer définitivement Mike, mais Jimmy s’oppose à nouveau aux plans de son ami et sauve encore une fois la vie de son fils. Essayant de raisonner Shawn, Jimmy comprend que rien n’arrêtera son ami dans sa quête de vengeance. Jimmy n’a donc plus le choix : il va devoir se racheter une conduite en protégeant son fils et sa famille tout en affrontant son ami Shawn et ses hommes de main.

« Run All Night » prend au final les apparences d’un thriller plutôt conventionnel filmé sans temps mort et servi par un casting impeccable. Comme à son habitude, Liam Neeson s’impose dans le rôle d’un gangster alcoolique qui va tenter de sauver son âme en protégeant son fils et ses proches par tous les moyens possibles. Outre l’abondance habituelle de scènes de fusillade, de courses poursuites et de violence, « Run All Night » vaut surtout par la qualité du duo Liam Neeson / Joel Kinnaman, dans une relation père/fils dysfonctionnelle mais au final assez poignante et très réussie. Du coup, Jaume Collet-Serra parvient à compenser la noirceur du film par un script qui alterne judicieusement émotion et action, avec, face à Neeson et Kinnaman, un Ed Harris impeccable dans le rôle d’un parrain de la pègre en quête de vengeance, car le vrai thème du film, c’est bien celui de la famille et de tout ce que l’on est prêt à faire et à affronter pour protéger la vie de ses proches. Le film est aussi servi par la photographie de qualité de Martin Ruhe qui filme Brooklyn de nuit avec un certain talent. Quand à Liam Neeson, ses derniers rôles se ressemblent dangereusement (dans « Taken », il sauvait la vie de sa fille, dans « Non-Stop », il campait un flic alcoolique) mais c’est toujours avec plaisir qu’on le retrouve dans un rôle toujours aussi dur et musclé, face à un Ed Harris tout en nuance, sombre et désespéré, entouré de quelques seconds rôles solides (le rappeur/acteur américain Common, dans le rôle d’un tueur à gage implacable et déterminé). Sans être le meilleur thriller de Jaume Collet-Serra, qui use ici de ficelles bien connues du cinéma d’action/suspense, « Run All Night » s’apparente malgré tout à une brillante plongée nocturne dans une ville moderne et déshumanisée, troublée par des règlements de compte entre gangsters, des courses poursuites et des fusillades à profusion, autant d’ingrédients qui font de ce film un thriller classique et solide, servi par de très bons acteurs et un scénario qui joue astucieusement la carte de l’émotion et des relations familiales.

Après avoir collaboré à plusieurs reprises avec John Ottman sur « House of Wax » (2005), « Orphan » (2009), « Unknown » (2011) et « Non-Stop » (2014), Jaume Collet-Serra se tourne cette fois-ci vers Tom Holkenborg alias Junkie XL pour la musique de « Run All Night ». Sans aucune surprise, le score va directement là où on l’attend : le compositeur renoue avec son esthétique électronique habituelle juxtaposée ici à quelques parties orchestrales ordinaires. Dans une interview récente, Junkie XL expliquait alors sa démarche initiale sur « Run All Night » : après un premier entretien avec Darren Highman, vice-président de la musique pour la Warner Bros, le compositeur s’attela rapidement à la composition d’une suite musicale qui deviendrait une sorte de premier brouillon pour la création du score (et ce quelques jours avant de voir les premières images du film). Jaume Collet-Serra écouta ensuite les premiers essais et fut si emballé par ces premiers jets que tout ce que Junkie XL écrivit en amont fut ensuite réemployé dans le film - cette technique n’est pas nouvelle, car l’on sait par exemple qu’Hans Zimmer compose souvent de la même manière pour les films sur lesquels il travaille – Le résultat final entendu dans le film est donc une réutilisation des « sketchbooks » originaux de Junkie XL remontés et réarrangés sur les images du film, avec, détail majeur, une certaine importance accordée aux thèmes. A la première écoute, pas de surprise : c’est bien du Junkie XL à 100%, avec une esthétique musicale à mi-chemin entre « Mad Max Fury Road » et « Batman V Superman ». On y retrouve les samples et les boucles sonores habituelles du compositeur, avec une certaine place accordée ici à l’émotion, et pour commencer un superbe thème principal évoquant la relation père/fils dans le film. Le thème est dévoilé dès les premières notes d’un piano samplé avec du delay dans « Prologue ». La mélodie suggère clairement la quête de rédemption de Jimmy qui va sauver son âme en protégeant son fils Mike par tous les moyens. Le thème est ensuite largement développé dans « I See Those Faces in My Dreams », où il est question des regrets de Jimmy qui se souvient des visages de ses proches qu’il a abandonné pour mener de front sa carrière de gangster.

A noter que, comme dans le « Prologue », le thème principal est souvent accompagné d’un motif secondaire au piano, constitué de notes répétées de façon plus mystérieuse, thème clairement associé à Mike dans le film, et très souvent juxtaposé au thème principal – celui de son père Jimmy - On le retrouve ici dès 1:32, où il devient une sorte de formule d’accompagnement d’une partie de cordes plus tragique et déchirante, typique de la facette classique de Junkie XL – on y retrouve ici l’influence des adagios dramatiques de « Mad Max Fury Road » - Morceau poignant et véritablement émouvant, « I See Those Faces in my Dreams » est de loin l’un des plus beaux moments du score de « Run All Night », évoquant l’humanité enfouie du personnage de Liam Neeson qui va se réveiller au contact de son fils en danger. Impossible de ne pas ressentir le moindre frisson à l’écoute du thème dans « I Just Killed Your Boy », pour la scène où Jimmy annonce à son ancien patron et ami Shawn qu’il a été obligé de tuer son fils pour protéger le sien. Shawn Maguire possède lui aussi son propre thème, introduit dans la seconde partie de « I Just Killed Your Boy », par un violoncelle grave et sombre dès 2:26. A noter ici qu’en plus des thèmes, les personnages de Jimmy et Shawn se voient attribués un instrument qui leur est dédié, le piano pour Liam Neeson, et le violoncelle pour Ed Harris, sans oublier une figure rythmique caractéristique pour Mr. Price, le tueur à gage envoyé par Shawn pour éliminer Mike. A ce sujet, on appréciera le retour du thème de Shawn dans « I’ll Come After Your Son », un thème sombre et lugubre, porté par une étrange mélancolie reflétant la haine, la colère et la soif de vengeance de Shawn suite à la mort de son fils. Le timbre si particulier du violoncelle dans le grave apporte par ailleurs ce sentiment de dévastation, de tristesse et de colère avec une dextérité impressionnante.

Le second axe du score, c’est bien évidemment les nombreuses parties d’action et de suspense du film, introduites avec « Albiniens at Xmas », avec dès 1:52 l’apparition d’un motif de basse synthétique qui illustrera certaines scènes d’action clé du film. Dans « Witness », on retrouve l’influence habituelle d’Hans Zimmer et une réutilisation des fameux « Horn of Dooms » conçus par Zimmer dans le score de « Inception ». Comme souvent, Junkie XL reste sous l’influence manifeste de Zimmer, imitant son style de manière fort troublante, comme en témoigne « Witness », qui se calque clairement sur le style des « Dark Knight » et de « Inception », avec son lot habituel d’ostinatos de cordes, de percussions agressives, de sound design et de samples électro-techno. Premier morceau d’action de « Run All Night », « Witness » illustre ainsi la scène où Mike est témoin du meurtre des trafiquants albanais et se retrouve traqué par Danny. On retrouve une atmosphère similaire dans « Cop Chase », durant la poursuite avec les flics véreux. Ici aussi, Junkie XL surfe sur les recettes habituelles des productions Remote Control avec les sons caractéristiques des cuivres de « Inception », les boucles sonores et les loops techno entêtants. Rien de bien neuf à l’horizon, le score semblant perdre très rapidement de sa saveur lorsque Junkie XL revient à un style action/suspense très conventionnel et pas vraiment passionnant en écoute isolée (notamment en raison d’un sound design peu inspiré). « The Station » fait monter la tension avec des rythmes et des percussions plus agressives rappelant, sans surprise, son travail sur « Mad Max Fury Road » et « 300 : Rise of an Empire ». Dommage que les parties orchestrales, rachitiques, soient ici constamment noyées sous des tonnes de percussions et de sound design.

En revanche, la musique reprend très vite son souffle dès que l’émotion réapparaît, dans « Just One Night », avec ses quelques accords plus optimistes et dramatiques apportant un semblant d’espoir, alors que Jimmy demande à Mike de se cacher et qu’il va s’occuper de le protéger durant toute la nuit. Le thème principal poignant de Jimmy revient ensuite dans « A Little Extra Sugar », avec des allusions au motif rythmique du début évoquant la traque et la chasse à l’homme. « The Projects » sort quand à lui l’artillerie lourde avec une pléiade de percussions diverses, de basse électrique et de sound design obscur durant une énième scène de poursuite et d’action du film de près de 12 minutes. Ici aussi, l’influence de « Mad Max Fury Road » devient très claire, notamment à partir de 8:16 où l’on retrouve un style électro/orchestral plus proche des envolées épiques et belliqueuses de la musique du film de George Miller (à noter la reprise massive aux cuivres du thème principal à 8:25 !). On appréciera davantage le piano solitaire et mélancolique de « A Nightmare That Won’t Pass », jouant étonnamment la carte de l’épure pour favoriser une émotion plus poignante et vibrante, tandis que le thème de Shawn est repris par son violoncelle lugubre dans « The Train Tracks », lors de la confrontation finale entre Jimmy et Shawn. Enfin, les thèmes de Jimmy et de Mike sont repris une dernière fois pour « The Cabin » à la toute fin du film, marquée par le retour du piano mélancolique de Jimmy.

Quand à « Epilogue », il s’agit essentiellement d’une reprise intégrale du thème de piano de Mike, repris ici avec davantage d’entrain et d’optimisme alors que le fils a enfin pardonné à son père et peut désormais vivre une nouvelle vie, un choix judicieux de la part de Junkie XL pour conclure le film avec émotion. Le compositeur signe donc un score d’action/suspense d’assez bonne facture pour « Run All Night », mais malheureusement trop inégal sur la longueur pour convaincre pleinement. Le problème du score vient surtout de l’inégalité des deux axes musicaux de la partition : les thèmes et l’émotion qui s’en dégagent vont certainement retenir toute l’attention ici, tandis que les passages d’action/suspense, longs et fonctionnels, susciteront davantage l’ennui et le désintérêt, notamment pour tous ceux qui sont allergiques aux musiques de Remote Control. Junkie XL fait donc ce qu’il sait faire le mieux et surfe sur les sonorités modernes d’Hans Zimmer, mais avec un apport mélodique indéniable qui fait ici toute la différence. Sans être un must dans la filmographie de Junkie XL, « Run All Night » possède donc suffisamment d’atout dans le film – comme sur l’album – pour mériter qu’on y jette une oreille attentive, en attendant des choses plus ambitieuses et plus originales de la part du compositeur, qui, on l’espère, saura s’affranchir à l’avenir de l’influence trop écrasante d’Hans Zimmer afin qu’il trouve sa propre voie sur ses productions musicales !




---Quentin Billard