1-Maroon Logo 0.17
2-Maroon Cartoon 3.21
3-Valiant & Valiant 4.19
4-The Weasels 2.04
5-Hungarian Rhapsody 1.49*
6-Judge Doom 3.46
7-Why Don't You
Do Right? 3.02**
8-No Justice For Toons 2.40
9-The Merry-Go-Round
Broke Down
(Roger's Song) 0.44+
10-Jessica's Theme 2.00
11-Toontown 4.39
12-Eddie's Theme 5.19
13-The Gag Factory 3.54
14-The Will 1.06
15-Smile Darn Ya Smile++/
That's All Folks+ 1.17
16-End Title 4.56

*Domaine public
arr. Alan Silvestri,
Chet Swiatkowski (piano)
**(McCoy)
Interprété par Amy Irving
Percussions de Steve Schaefer
+(Friend - Franklin)
++(Meskill - O'Flynn - Rich)

Musique  composée par:

Alan Silvestri

Editeur:

Touchstone/
CBS TCH 463059 2

Producteur:
Alan Silvestri
Montage musique:
Kenneth Karman
Assistant du producteur:
David Bifano

Artwork and pictures (c) 1988 Touchstone Pictures/Amblin Entertainment, Inc. All rights reserved.

Note: ****1/2
WHO FRAMED ROGER RABBIT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Silvestri
Trois ans après le succès colossal de « Back To The Future », Robert Zemeckis décida de relever un nouveau challenge avec « Who Framed Roger Rabbit » (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?), dans lequel le réalisateur se paye quand même le luxe de révolutionner le film d’animation en mélangeant ainsi cartoon et film live en un : le résultat est tout bonnement splendide, similaire à ce que Disney avait fait dans « Mary Poppins » en 1964. Mais à la différence du film de Disney, celui de Zemeckis n’a rien d’un film enfantin, car si « Who Framed Roger Rabbit » prend des allures de cartoon comique en apparence, il s’avère être bien plus subversif qu’il n’y paraît - ironiquement, le film de Zemeckis est de nouveau produit par Disney via sa filiale Buena Vista Pictures, et co-produit par Steven Spielberg. « Who Framed Roger Rabbit » est effectivement un pastiche des polars américains d’antan, un croisement entre le film noir hollywoodien et les cartoons de Disney et de la Warner. L’histoire se déroule à Hollywood en 1947. Roger Rabbit est un toon lapin acteur et héros de dessins animés produits par Maroon Cartoons. Tout va bien pour l’insouciant lapin, jusqu’au jour où des rumeurs se répandent au sujet de sa femme, Jessica Rabbit, une vamp sexy et sulfureuse qui chante tous les soirs dans un bar prestigieux de la ville. Selon les rumeurs, Jessica aurait une liaison adultère avec un amant. C’est alors que le patron du studio Maroon engage le détective privé Eddie Valiant (Bob Hoskins) pour enquêter discrètement sur cette affaire. Eddie découvre alors que Jessica entretient effectivement une liaison avec Marvin Acme, le patron des studios Acme et propriétaire de Toontown. Eddie prend alors quelques photographies qu’il montre ensuite à Roger Rabbit. Abattu, ce dernier sombre alors dans la déprime. Le lendemain, Marvin Acme est retrouvé mort : il a été assassiné. Roger Rabbit est alors suspecté du meurtre. En se rendant sur la scène du crime, Eddie croise la route du sinistre Juge DeMort (Christopher Lloyd), accompagné de son escouade de fouines vicieuses. Le Juge a mis au point une mixture chimique intitulée « la trempette », un produit capable de tuer les toons. Au cours de son enquête, Eddie découvre que le testament de Marvin Acme a disparu - ce dernier précisait alors qu’après sa mort, toute la ville de Toonville irait aux toons. Si le testament n’est pas retrouvé avant minuit, Toonville sera vendue dans une vente aux enchères publique. Eddie et Roger se retrouveront alors traqués par les fouines du Juge DeMort, obligés de partir se réfugier à Toonville, où ils feront la connaissance des personnages des dessins animés Disney et Warner Bros. Ils tenteront alors de démasquer le coupable avant qu’il ne soit trop tard.

« Who Framed Roger Rabbit » est donc un film très astucieux et plus malin qu’il n’y paraît, car derrière son côté cartoon délirant, le film de Robert Zemeckis égratigne ainsi les rouages du système hollywoodien - les stars surfaites, les dirigeants ultra mercantilistes, l’omniprésence de l’argent. D’ailleurs, le studio Disney se moque ainsi de lui-même en montrant par exemple un personnage qui cherche à tuer les anciens toons pour remplacer la ville par ses propres toons et construire des autoroutes à la place. Le message est on ne peut plus clair, le tout raconté avec un humour et un second degré constant. Zemeckis en profite aussi pour caricaturer l’univers du film noir américain avec son lot de meurtres, de détective alcoolique, de femmes fatales sexy, de conspiration et de méchants manipulateurs...Pour un production Disney, le film s’avère être particulièrement sombre et étonnamment adulte (la femme hyper sexy de Roger). Mais là où « Who Framed Roger Rabbit » tire véritablement son épingle du jeu, c’est dans le mélange entre l’animation et le film live, un mélange absolument époustouflant, un exploit technique que l’on n’avait pas revu au cinéma depuis le « Mary Poppins » de 1964. Le film de Zemeckis se paye même le luxe de nous proposer une galerie de portraits bien connus de l’univers des dessins animés, avec en guest-star Mickey Mouse, Bugs Bunny, Donald Duck, Daffy Duck, Betty Boop, Pluto, Dumbo, Bambi, Jiminy Cricket, Bip Bip et Wile E. Coyote, Speedy Gonzales, Sam Le Pirate, Porky Pig, Marvin le Martien, etc. Avec un humour décapant et subversif, et une animation tout bonnement sensationnelle, « Who Framed Roger Rabbit » avait tout pour être l’un des grands films de l’année 1988. La profession ne s’y est pas trompée puisque le film recevra 4 Oscars (dont celui des meilleurs effets visuels) et plusieurs nominations : un grand classique de la fin des années 80, tout bonnement incontournable !

Alan Silvestri signa avec « Who Framed Roger Rabbit » sa troisième partition pour un film de Robert Zemeckis après « Romancing the Stone » (1984) et « Back To The Future » (1985). « Who Framed Roger Rabbit » a permis au compositeur d’évoquer l’univers musical des films noirs des années 40 en ayant recours à un style jazzy plus rétro et particulièrement savoureux. Sa partition apporte un charme incroyable et une ambiance particulière au film à travers ses accents jazzy et ses traits orchestraux dans la continuité de « Back To The Future ». Evidemment, le score d’Alan Silvestri évoque l’univers des toons, à commencer par « Maroon Cartoon Logo », composé à la manière de la fameuse musique du logo des films animés Warner Bros des années 30, musique du légendaire compositeur Carl Stalling, sans oublier « Maroon Cartoon », musique de mickey-mousing pure et dure dans le style de Stalling, écrit pour la cartoon introductif au début du film avec Roger et Baby Herrman. On retrouve ici les orchestrations colorées chères au compositeur, qui semble s’être bien amusé à écrire ici une musique de cartoon délirante et fantaisiste, dans la plus pure tradition du genre - servi ici par l’interprétation sans faille du London Symphony Orchestra. « Maroon Cartoon » nous permet d’ailleurs d’entendre le thème associé à Roger Rabbit tout au long du film, motif espiègle et sautillant souvent confié à un basson ou à d’autres instruments à vent.

Mais c’est surtout la partie jazzy qui retiendra plus particulièrement notre attention ici, à travers le thème d’Eddie Valiant entendu pour la première fois dans « Valiant and Valiant ». Le thème d’Eddie est un superbe thème de trompette mélancolique et solitaire dans un style de slow jazzy rétro, à la façon des mélodies jazzy composées par Miklos Rozsa pour les films noirs des années 40 - à noter que le trompettiste n’est autre que le célèbre Jerry Hey, plus connu pour avoir travaillé avec des artistes tels que Frank Sinatra, George Benson, Earth Wind and Fire, Al Jarreau, Elton John ou bien encore Michael Jackson. A noter que « Valiant and Valiant » nous permet d’entendre le deuxième thème du score, un thème d’ambiance polar avec son rythme jazzy savoureux et son riff de contrebasse auquel répondent le piano, le saxophone et la trompette, agrémenté de quelques cordes plus mystérieuses - avec un motif descendant de cordes qui reviendra surtout dans les passages d’action du score. Ce thème polar accompagnera tout au long du film toutes les scènes d’enquête de Valiant. Silvestri nous offre un autre thème mémorable dans « Jessica’s Theme », thème de saxophone jazzy ultra sensuel et langoureux (brillamment interprété ici par l’incontournable Tom Jones), écrit pour Jessica Rabbit, la bimbo sexy de Roger. Encore une fois, Silvestri s’amuse à renouer avec un style jazzy rétro des années 40, une musique qui semble évoquer les atmosphères musicales des films de femme fatale des années 40/50, tendance Ava Gardner, Rita Hayworth ou Lana Turner. Rappelons d’ailleurs qu’Alan Silvestri a toujours eu un certain penchant pour les ambiances jazzy rétro, lui qui créa en 1967 son propre groupe de jazz à l’âge de 17 ans, « The South Winds Trio ».

La partie orchestrale s’avère être toute aussi intéressante et très poussée au niveau de l’écriture. Avec « The Weasels » par exemple, Silvestri nous offre une musique sombre et ironiquement grinçante pour les Fouines du Juge DeMort, une musique reposant essentiellement ici sur des rythmes complexes et hachés des bois pour évoquer la frénésie des mercenaires déjantés du Juge. On découvre ici un motif associé aux Fouines - et aussi au Juge lui-même - un motif de bois en staccato avec des effets de trilles typiques du compositeur. Les orchestrations privilégient ici le registre grave, avec basson/clarinette basse et quelques élans de cordes virtuoses typiques du Silvestri des années 80. A vrai dire, l’ensemble de « The Weasels » rappelle bon nombre de mesures similaires de « Back To The Future » et même de certains passages de « Predator ». Silvestri conserve donc sa propre personnalité musicale, parfaitement reconnaissable ici, et apporte un plus particulier aux images du film. A noter pour finir que « The Weasels » rappelle brièvement le motif sautillant de basson de Roger Rabbit. « Judge Doom » nous permet quand à lui d’entendre un thème plus sombre et menaçant associé au Juge DeMort, pour la scène où le sinistre Juge apparaît dans le bar, à la recherche de Roger. Silvestri met ici l’accent sur les contrebasses (doublées par les bassons), les trilles de bois des Fouines et des cloches quasi funèbres, un morceau somme toute assez impressionnant et très représentatif dans le film du personnage de Christopher Llyod - avec, ici, quelques dissonances plus inquiétantes et typiques de la facette « thriller » du compositeur (on retrouve ici aussi des sonorités orchestrales proches de certains passages suspense de « Predator »).

L’action s’intensifie à travers des morceaux comme « No Justice for Toons », « Toontown » ou bien encore « The Gag Factory ». Le premier est un morceau d’action enlevé où l’on retrouve tout le talent d’écriture du compositeur avec ses orchestrations très colorées. A noter dans « No Justice for Toons » l’utilisation de rythmes répétitifs aux bois ou aux cordes assez typique du compositeur, des formules rythmiques entêtantes que l’on trouvait déjà dans certains passages d’action de « Back To The Future ». Silvestri accompagne ensuite la poursuite avec Benny le Taxi dans « Toontown », morceau d’action survolté où le compositeur va même jusqu’à reprendre le thème polar dans une version plus énergique aux rythmes bebop agités : du très beau travail, encore une fois (et une musique en adéquation totale aux images !). Silvestri se fait vraiment plaisir avec ses musiciens, et cela se sent. Et que dire de certaines parties de cordes virtuoses de « Toontown » ? Encore une fois, Alan Silvestri fait preuve d’un savoir-faire évident dans ces morceaux. Idem pour « The Gag Factory », superbe morceau d’action frénétique accompagnant l’affrontement final avec brio. Silvestri se fait plaisir et nous offre de très belles impros jazzy sur « Eddie’s Theme » et une coda plus heureuse dans « The Will » - sans oublier les quelques chansons du film, la joyeuse ballade de « Smile Dam Ya Smile », la chanson délirante de Roger sur l’air des cartoons de la Warner Bros. (« The Merry Go Round Broke Down ») et le standard sexy « Why Don’t You Do Right » de Kansas Joe McCoy datant de 1936, et interprété ici par une Jessica Rabbit plus sensuelle que jamais dans l’une des scènes les plus hilarantes du film (voir des hommes fantasmer et transpirer devant une femme toon !). Enfin, on n’omettra pas de signaler le superbe « End Titles », morceau incontournable du score, un générique de fin qui permet à Silvestri de reprendre ses différents thèmes dans une suite tout simplement magistrale !

Alan Silvestri signe avec « Who Framed Roger Rabbit » l’une de ses meilleures partitions musicales pour un film de Robert Zemeckis, une sorte d’aboutissement après le succès de « Back To The Future » en 1985. Score oscillant entre jazz film noir 40’s et musique symphonique à la « Back To The Future », « Who Framed Roger Rabbit » est une partition rafraîchissante, énergique et très attachante, une musique qui confirme plus que jamais la qualité de la collaboration Robert Zemeckis/Alan Silvestri, et l’inventivité de l’un des plus grands musiciens du Hollywood d’aujourd’hui. Un must, en somme !



---Quentin Billard