1-Jack Flack Arrives 0.59
2-The Tower of Life 3.33
3-Help, Police!...Murder 4.13
4-Return From The Mission 5.32
5-I Guess We're On Our Own 1.38
6-Davey Gets Away 1.20
7-Run, Davey, Run 3.34
8-Nightmare Drive 5.05
9-Parking Lot Chase 3.56
10-We Gotta Save Kim! 1.06
11-Back To The River 2.01
12-Run Like The Wind 1.55
13-The Cross Fire Gambit 4.42
14-I Don't Wanna Play 1.10
15-The End of Childhood 2.21
16-Airport Prelude 1.28
17-Davey A Hostage! 1.22
18-Captain Jack Flack 6.49
19-Cloak & Dagger (End Credits) 3.49

Musique  composée par:

Brian May

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 135

CD produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif du CD:
Roger Feigelson
Direction musicale pour
Universal Pictures:
Mike Knobloch
Musique supervisée pour
Universal Pictures:
Harry Garfield
Music business affairs
pour Universal Pictures:
Philip M. Cohen
Orchestrations:
Fred Steiner
Album remixé par:
Douglass Fake, Joe Tarantino

Artwork and pictures (c) 1984/2010 Universal Studios Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
CLOAK & DAGGER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Brian May
Sorti durant l’été 1984 au cinéma, « Cloak & Dagger » (Jouer c’est tuer), réalisé par l’australien Richard Franklin (« Link », « Psycho II ») est en réalité le troisième remake du thriller « The Window » (1949), remake précédé de « The Boy Cried Murder » (1966) et « Eyewitness » (1970). Dans « Cloak & Dagger », on retrouve l’intrigue de base du film de 1949 : un jeune enfant aperçoit par la fenêtre de sa chambre un meurtre chez ses voisins, et se retrouve embarqué dans une histoire incroyable, traqué par les tueurs, alors que ni la police ni ses parents ne le croient. Modernisé et adapté au goût des années 80, « Cloak & Dagger » profite du succès grandissant de l’industrie des jeux vidéos avec comme principal nœud de l’intrigue une cartouche d’un jeu pour Atari (« Cloak & Dagger ») qui contiendrait en réalité les plans ultra secret d’un nouveau bombardier high-tech de l’armée américaine, plans convoités par des espions prêts à tout pour l’obtenir. Mais leurs desseins sont compromis par David Osborne (Henry Thomas), un jeune garçon de 12 ans passionné de jeux vidéos et d’histoire d’espionnages. Un jour, dans un building, David aperçoit trois hommes assassiner un individu. Ce dernier a tout juste le temps de remettre la cartouche de jeu à David avant de mourir. Pourchassé par les barbouzes sans relâche, David doit fuir avec le jeu à travers la ville. Hélas, ni son père Hal (Dabney Coleman) ni la police ne semble croire un mot de son histoire rocambolesque. Avec l’aide de son amie Kim (Christina Nigra), David va s’enfuir, aidé par son ami imaginaire, le héros Jack Flack (Dabney Coleman), qu’il s’est inventé pour oublier les absences de son père et le décès de sa mère.

« Cloak & Dagger » mélange donc l’intrigue du film de 1949 avec un univers plus proche des années 80, et notamment celui des jeux vidéos. Le film sort en 1984, au même moment que « The Last Starfighter » de Nick Castle, 2 ans après « Tron » (1982) et 1 an après « WarGames » (1983), dans lequel jouait déjà Dabney Coleman. A ses côtés, le jeune Henry Thomas (tout juste auréolé du succès du « E.T. » de Spielberg en 1982) semble prendre un malin plaisir à jouer avec Coleman, les deux acteurs ayant par ailleurs évoqué à plusieurs reprises leurs bons souvenirs du tournage de « Cloak & Dagger » (hormis peut être quelques piques de Coleman envers le réalisateur Richard Franklin). Le film est absolument typique des eighties et permit à la société Atari de populariser le jeu vidéo « Cloak & Dagger » pour Atari 5200, un procédé qui peut sembler banal de nos jours mais qui était complètement nouveau à cette époque au cinéma – pas de chance pour le film, puisqu’il n’est pas sorti au bon moment, étant donné que l’industrie du jeu vidéo connaissait une crise financière sans précédent entre 1983 et 1984 - En prenant comme point de départ l’imagination d’un enfant en manque d’une figure paternelle forte, obligé de se créer un nouveau « papa » de substitution sous les traits d’un agent secret qui l’entraîne dans une série d’aventures réellement dangereuses, le réalisateur confronte la fiction et la réalité avec l’univers de l’espionnage et des jeux vidéos en toile de fond. Visuellement et esthétiquement parlant, le film s’est pris un sacré coup de vieux mais possède le charme des années 80, mélangeant aventure, suspense et action sur un ton doux-amer, Franklin n’hésitant pas à offrir quelques scènes plus dures pour corser le scénario – la scène où le petit David tue l’un de ses poursuivants avec une arme à feu, plutôt culotté, même pour l’époque ! – En abordant le thème de l’innocence enfantine plongée dans le monde violent des adultes, Franklin marque un point mais a bien du mal à développer son concept jusqu’au bout, accouchant d’un film inégal, un peu brouillon et très daté.

C’est le compositeur australien Brian May qui a été choisi par la production pour écrire la musique de « Cloak & Dagger », un choix évident puisque le musicien avait déjà composé les musiques des trois films précédents de Richard Franklin : « The True Story of Eskimo Nell » (1975), « Patrick » (1978) et « Roadgames » (1981). Mais le compositeur est surtout connu pour ses musiques sur « Mad Max » et « Mad Max 2 » de George Miller, qui lui ouvrirent par la suite les portes d’Hollywood. Pour sa quatrième collaboration à un film de Richard Franklin, Brian May livre sur « Cloak & Dagger » une partition orchestrale classique, mélangeant comédie, aventure et suspense avec une intensité constante, et alors que le film s’apparente à un pastiche d’Hitchcock pour un jeune public, la musique évite de singer Bernard Herrmann et propose quelque chose de plus personnel et de très mélodique, avec des orchestrations claires, riches et soutenues, une façon pour le compositeur d’évoquer le thème de la réalité opposée à la fiction selon le point de vue du petit David Osborne. Le score repose avant tout sur un thème principal de 7 notes aisément reconnaissable, introduit dès l’ouverture (« Jack Flack Arrives »), et que May utilise souvent sous une forme raccourcie avec les 3 premières notes de la mélodie. Quelques rythmes militaires annoncent ici l’arrivée du héros imaginaire Jack Flack au début du film – à noter que le générique de début est totalement différent dans le film – avec une première apparition du motif principal à la clarinette à 1:24 puis sous la forme d’une fanfare cuivrée à 1:26 (signalons que c’est le compositeur vétéran Fred Steiner qui s’est occupé des orchestrations du score).

Dans « The Tower of Life », le thème est largement développé, sous sa forme courte et dans sa version intégrale. Brian May s’amuse particulièrement avec ce thème évoquant l’innocence du jeune enfant et de son amie Kim. Les orchestrations privilégient ici les cordes, les bois, le piano, le glockenspiel, le célesta et la harpe, la mélodie principale passant ici d’un instrument à un autre avec une fluidité et une légèreté amusante. Si le morceau débute sur un ton léger et enfantin, l’ambiance devient immédiatement plus sombre et sérieuse dès 4:22, tout comme le thème principal, qui devient subitement plus menaçant, alors que David aperçoit un homme avec une arme par la fenêtre de l’immeuble où il est en train de s’amuser. « Help, Police !…Murder » fait alors basculer le score dans le registre du thriller pur, David étant ainsi rattrapé par la réalité, lorsqu’il est témoin de l’assassinat d’un homme, qui a tout juste le temps de lui remettre une cassette du jeu « Cloak & Dagger ». Dès 3:04, le jeu des cordes devient subitement plus sombre et menaçant, avec des notes furtives du piano et de la harpe, et des ponctuations agressives des cuivres, utilisant plus particulièrement des sourdines (notamment dans les trompettes et les trombones). On notera par ailleurs la richesse impressionnante des orchestrations assurées ici par Fred Steiner, qui apportent un vrai plus à la partition de Brian May. « Help, Police !…Murder » est aussi le premier morceau d’action du score, qui se conclut avec des rythmes plus incisifs et agressifs annonçant clairement la longue série de courses poursuites à venir.

Le thème reste omniprésent dans « Return to Mission », mais c’est « I Guess We’re On Our Own » qui nous ramène dans l’univers de suspense et de danger avec une série de variations mélodiques plus urgentes et nerveuses, dans lesquelles May continue de jouer habilement avec les différents pupitres de l’orchestre. L’action reprend le dessus alors que le tueur Rice essaie de capturer David chez lui dans « Davey Gets Away ». Brian May se montre ici particulièrement inspiré dans ces passages d’action intenses et complexes, qui rappellent beaucoup son approche musicale sur les deux premiers « Mad Max » de George Miller. Le suspense et la tension montent d’un cran dans « Run, Davey, Run », pour une énième scène où David et Kim s’enfuient dans un jardin public, poursuivis par les tueurs. « Run, Davey, Run » est l’un des premiers morceaux d’action majeur du score, multipliant les changements de métrique et les rebondissements rythmiques de manière fort complexe, avec comme toile de fond d’incessants rappels au thème principal, qui devient ici moins reconnaissable, plus agressif et sombre. Dans « Nightmare Drive », le motif principal se transforme en ostinato mélodique entêtant de 4 notes au piano, tandis que la musique n’hésite pas à verser dans la dissonance alors que Davey et Flack découvrent le corps de Morris dans le coffre d’une voiture dans un parking. De la même façon, « Parking Lot Chase » fait monter la tension avec la scène où Davey et Jack s’enfuient du parking avec une voiture. A noter ici une fanfare héroïque et militaire pour la scène de l’évasion du parking, un moment très réussi à la fois drôle et exubérant qui verse clairement dans l’aventure pure et dure – impossible de ne pas résister ici à l’énergie de l’orchestre et du pupitre des cuivres ! –

La seconde partie du film est essentiellement constitué d’une longue série de poursuites, ce qui permet à Brian May de développer son matériau thématique plus intensément, dans « We Gotta Save Kim » !, « Back to the River », « Run Like the Wind » et surtout « The Cross Fire Gambit », pour la scène où Rice coince le petit Davey dans une impasse et oblige l’enfant à pointer son arme sur le tueur en le menaçant de tirer. Pour cette scène particulièrement sombre – surtout pour un film destiné à un jeune public – May choisit de développer le thème de manière plus menaçante avec des allusions furtives au thème populaire du « Dies Irae » grégorien, associé ici à l’idée de la mort. Et c’est la fin de l’innocence et de l’enfance dans « I Don’t Wanna Play » lorsque Davey est obligé d’abattre Rice pour sauver sa vie, débouchant sur le mélancolique « The End of Childhood », alors que Jack Flack fait ses adieux au petit Davey, May en profitant pour reprendre le thème de manière plus douce et intime, partagé entre le piano, la harpe et les bois. Enfin, l’aventure touche à sa fin dans « Airport Prelude », « Davey a Hostage ! » et le superbe « Captain Jack Flack » qui conclut le périple mouvementé de Davey dans la séquence finale à l’aéroport. A noter ici un motif associé à la bombe posé par les complices de Rice, élément déjà présenté dans « Airport Prelude » et qui s’apparente à une série de notes répétées des flûtes, de la harpe et du glockenspiel pour évoquer le timer de la bombe qui défile. Après une longue série d’action, la scène se termine de manière émouvante et triomphante alors qu’Hal apparaît et sauve son fils, suivi du générique de fin (« Cloak & Dagger End Credits ») qui reprend une dernière fois le thème principal et la fanfare héroïque de Jack Flack entendu dans l’ouverture.

C’est donc sans grande originalité particulière que Brian May nous offre un joli cocktail d’aventure, d’action, de suspense et de comédie sur « Cloak & Dagger », visiblement plutôt inspiré par son sujet. En évoquant l’innocence d’un enfant qui ne demande qu’à jouer, confronté à une situation terrifiante qui va l’obliger à rentrer dans le monde violent des adultes, May s’évertue à créer une ambiance à la fois joyeuse, enfantine mais jamais simpliste, avec ce thème principal littéralement présent dans tous les morceaux de la partition, ambiance légère contrebalancée fréquemment par une longue succession de morceaux d’action nerveux et agités aux rythmes incisifs et aux cuivres massifs façon « Mad Max ». Brian May ne prend aucun risque particulier et signe un score somme toute très classique et plutôt conventionnel pour le film de Richard Franklin, mais le cahier des charges est parfaitement respecté, et le score s’avère être plutôt frais et distrayant, bien que l’on regrette l’omniprésence un peu lassante du thème principal constamment répété jusqu’à l’écœurement le plus total tout au long du film. On se serait peut être attendu à ce que le compositeur propose des motifs secondaires pour pouvoir ménager l’utilisation du thème principal et proposer d’autres alternatives mélodiques, d’autant qu’on a parfois l’impression d’entendre sensiblement la même chose d’une piste à une autre. Malgré son côté monotone et répétitif, « Cloak & Dagger » s’avère être une jolie réussite qui fait partie de ces partitions intéressantes de Brian May, un compositeur finalement peu connu du public béophile (en dehors de ses musiques pour « Mad Max ») mais qui a signé quelques partitions de très grande qualité pour le cinéma australien et américain. Grâce à l’excellent album publié par Intrada en 2010, on peut enfin redécouvrir l’intégralité de la partition de « Cloak & Dagger » avec un excellent son et une très bonne présentation : recommandé, donc !



---Quentin Billard