1-Ancient Sorcerer's Secret 2.37
2-The Hands Dealt 2.56
3-A Long Strange Trip 2.28
4-The Eyes Have It 1.23
5-Mystery Training 1.53
6-Reading is Fundamental 1.39
7-Inside the Mirror Dimension 4.04
8-The True Purpose of the Sorcerer 2.09
9-Sanctimonious Sanctum Sacking 7.27
10-Astral Doom 3.41
11-Post Op Paracosm 1.15
12-Hippocratic Hypocrite 1.34
13-Smote and Mirrors 6.29
14-Ancient History 4.08
15-Hong Kong Kablooey 3.35
16-Astral Worlds Worst Killer 6.17
17-Strange Days Ahead 5.59
18-Go for Baroque 2.55
19-The Master of the Mystic
End Credits 3.50*

*Remix de Charles Scott IV.

Musique  composée par:

Michael Giacchino

Editeur:

Hollywood Records HR002424102

Album produit par:
Michael Giacchino
Enregistrement:
Abbey Road Studios
Dirigé par:
Cliff Masterson
Orchestrations:
Tim Simonec, Jeff Kryka
Enregistrement et mixage:
Peter Cobbin
Montage musique:
Stephen M. Davis

Artwork and pictures (c) 2016 Marvel Studios. All rights reserved.

Note: ***1/2
DOCTOR STRANGE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Michael Giacchino
« Doctor Strange » est une énième adaption d’un comic book de chez Marvel évoquant un super-héros bien particulier, le Dr. Steven Strange. Quatorzième film et deuxième épisode de la phase 3 de l’univers Marvel, « Doctor Strange » est confié à Scott Derrickson, plus connu pour ses films d’épouvante tels que « The Exorcism of Emily Rose », « Sinister » ou « Deliver Us from Evil ». On y suit l’histoire de Stephen Strange (Benedict Cumberbatch), un talentueux neurochirurgien new-yorkais imbu de lui-même et très sûr de lui, victime d’un terrible accident de la route un soir où il se rend précipitamment en voiture à un dîner donné en son honneur. Retrouvé quelques heures plus tard, Stephen est informé par son amie et ancienne amante Christine Palmer (Rachel McAdams) que ses lésions aux mains sont irréversibles et que les médecins ont tout fait pour tenter de les sauver. Strange dépense alors tout son argent dans des traitements expérimentaux afin de retrouver l’usage de ses mains, mais en vain, ce qui le rend toujours plus irascible et détestable, rejetant l’aide de son amie Christine. Lorsqu’il entend parler d’un ancien patient, Jonathan Pangborn (Benjamin Bratt), qui aurait retrouvé miraculeusement l’usage de ses membres après un accident semblable, Strange décide d’aller rencontrer l’individu en question qui l’informe que ce qu’il recherche se trouve à Kamar-Taj an Népal. Peu de temps après, Strange se rend là-bas et est accueilli par Karl Mordo (Chiwetel Ejiofor) et l’Ancien (Tilda Swinton), une femme mystérieuse qui révèle à Strange l’existence de la magie et de mondes parallèles. D’abord dubitatif et incrédule, Strange va devoir mettre à mal toutes ses convictions de scientifique au cours d’un voyage à travers les dimensions qui lui ouvre les yeux sur la réalité de la magie et des autres mondes. Soucieux d’en savoir plus, Strange décide d’apprendre la magie et devient le nouveau disciple de l’Ancien. Hélas, l’arrogance de Strange reprend le dessus et il décide d’en savoir toujours plus, bravant les interdits de son maître. C’est pourquoi il se rend à la bibliothèque tenue par Wong (Benedict Wong) et emprunte en cachette de précieux ouvrages recelant des secrets dangereux. Découvrant l’existence du mythique Oeil d’Agamotto, premier sorcier qui fonda l’ordre des Anciens il y a bien longtemps, Strange comprend qu’on peut manipuler le temps et découvre les origines du pouvoir et de l’immortalité de l’Ancien. Pendant ce temps, Kaecilius (Mads Mikkelsen), l’apprenti de l’Ancien qui a trahi son clan, convoite les précieuses pages d’un livre recelant une incantation secrète capable d’ouvrir un portail vers la Dimension Noire. Avec l’aide de ses zélotes, Kaecilius menace la Terre entière et se met en tête d’invoquer le démon Dormammu de la Dimension Noire pour acquérir ses pouvoirs d’immortalité. Menaçant les trois sanctuaires magiques qui protégent la Terre, à Londres, à New York et à Hongkong, Kaecilius doit désormais affronter le Docteur Strange, qui décide d’utiliser ses pouvoirs pour contrecarrer les plans diaboliques du sorcier corrompu.

« Doctor Strange » est un Marvel un peu différent dans le sens où l’univers décrit dans le film de Scott Derrickson s’avère particulièrement psychédélique, évoquant un monde de magie, d’ésotérisme et de sorcellerie où les forces du bien affrontent les forces du mal à grand renfort de pouvoirs magiques et d’incantations secrètes. Mais il faut reconnaître qu’on est bien loin ici d’un univers à la « Harry Potter », car le film de Derrickson reste une production Marvel typique, avec son lot de méchants, de combats violents et de batailles apocalyptiques sur fond d’effets spéciaux 3D absolument dantesques. A vrai dire, une bonne partie du film est occupée par une succession non-stop d’images numériques spectaculaires où les concepteurs ont laissé cours à leur imagination, nous offrant quelques bonnes trouvailles visuelles comme lors de ces séquences absolument dingues où les décors changent de perspective et se reconstruisent constamment sous les pieds des personnages principaux (idée qui rappelle « Inception » de Christopher Nolan), ou cette scène où Strange emprisonne le démon Dormammu dans une boucle temporelle où il tue le héros qui revient éternellement jusqu’à ce que le démon finisse par l’implorer de le libérer de la boucle – SPOILERS – fait intéressant, pour une fois, le grand méchant n’est pas vaincu à la suite d’un combat mais doit se rendre suite à une négociation rondement menée par le héros – Mads Mikkelsen campe quand à lui un méchant particulièrement maléfique, avec ses yeux violacés démoniaques et inquiétants qui lui font perdre toute humanité. Mais la vraie star du film, c’est évidemment Benedict Cumberbatch, qui se voit confier son premier grand rôle de super-héros Marvel au cinéma, et que l’on devrait revoir dans les prochains films de l’univers incluant « Avengers : Infinity War ». Malgré un scénario bancal qui met beaucoup de temps à décoller – l’exposition du personnage est trop longue, et le film est bourré de longueurs (130 minutes !) – l’histoire devient complètement barrée lorsqu’on sombre dans une sorte d’univers hallucinogène/gothique totalement grotesque et invraisemblable, mais réellement divertissant et fun, notamment grâce à l’humour apporté par le personnage de Strange et le caractère décalé de certaines situations. Production Disney oblige, on a même droit à une petite morale à la fin du générique avec un message qui explique qu’il est très dangereux de conduire rapidement et de façon imprudente sur la route ! Et comme toujours chez Marvel, ne manquez pas les deux scènes post-générique qui annoncent le futur « Avengers : Infinity War » et permettent de faire le lien entre les Défenseurs magiciens du Dr. Strange et les Avengers.

Initialement prévue pour Christopher Young, la musique de « Doctor Strange » fut finalement confiée à Michael Giacchino, qui correspondait davantage à ce que les producteurs recherchaient au niveau de l’esthétique musicale du film. Fan de comic books depuis son enfance, Giacchino saisit l’occasion de rentrer dans l’univers Marvel avec « Doctor Strange » et enregistre sa partition aux mythiques studios d’Abbey Road à Londres, avec un grand orchestre de 80 musiciens dirigés par Tim Simonec, une grande chorale et quelques instruments solistes, incluant une guitare électrique et un clavecin aux consonances baroques. On est frappé d’emblée par la puissance de la musique à l’image. Giacchino est connu pour ses partitions robustes mais les moyens mis en oeuvre sur « Doctor Strange » semblent ici pharaonique : le film est introduit par « Ancient Sorcerer’s Secret » qui débute au son de cordes sombres, de percussions, de cuivres et de choeur masculin sombre. A 0:28, le premier thème majeur du score est introduit aux cors, thème de 5 notes associé dans le film à l’Ancien et la puissance de la magie. A noter ici l’emploi des chœurs utilisés de manière apocalyptiques, notamment dans la reprise surpuissante du thème de la magie à 1:29, lorsque Kaecilius s’empare des pages de l’incantation au début du film. Le second thème majeur du score, le Main Theme associé à Docteur Strange, est introduit ensuite à 2:21, évoquant par sa puissance et sa détermination les pouvoirs du Défenseur qui va lutter pour empêcher la destruction du monde. A noter que le thème principal évoque curieusement le thème que Giacchino composa pour la franchise « Star Trek », un reproche qui revient fréquemment au sujet de ce score, tant les deux thèmes paraissent similaires dans leur construction mélodique et surtout harmonique. Le thème de Strange est ensuite délicatement repris au piano de manière plus classique dans « The Hands Dealt », le parallèle entre le jeu du piano et les mains de Strange étant particulièrement bien vu ici. On apprécie en tout cas l’apport de ce thème mémorable dans la partition, car il y a fort à parier que vous ressortirez de la vision du film avec cette excellente mélodie dans la tête !

Plus étonnant, « A Long Strange Trip » est la première grosse surprise de la partition. Le morceau, plutôt psychédélique et expérimental, semble avoir été écris sous l’emprise de substance illicite ! Il s’agit en fait de la musique accompagnant la scène où Strange fait son premier voyage austral en dehors de son corps et découvre les univers parallèles : Giacchino a ainsi la bonne idée d’utiliser un orchestre agressif, dissonant, avec des percussions endiablées, des choeurs mystiques et surtout un traitement sonore intéressant qui déforme le son de l’orchestre et va même jusqu’à faire jouer les sons à l’envers pour un résultat plus étrange et totalement hallucinogène. Il y a ici une certaine folie assez rafraîchissante dans une production musicale hollywoodienne, surtout à partir de 1:57. Dans « The Eyes Have It », on découvre le troisième thème du score, le motif de Kaecilius, avec ses sonorités étranges, ses sinistres glissandi de trombones, ses cordes dissonantes et ses voix mystiques. L’entraînement de Strange débute dans « Mystery Training » avec le retour du thème de la magie incluant l’utilisation intéressante du clavecin incorporé à l’orchestre et aux choeurs, le clavecin apportant une dimension baroque très réussie au score. Dans « Reading is Fundamental », Giacchino a l’occasion d’expérimenter autour de sons de guitare électrique et de sitar pour évoquer l’univers spirituel et magique du film (une bonne partie de l’histoire se passe au Népal). « Inside the Mirror Dimension » confirme par ailleurs cette approche instrumentale avec toujours l’omniprésence des parties chorales grandioses, tandis que la section instrumentale aux consonances indiennes vers 3:14 (sitar, tablas, percussions, etc.) évoque clairement les passages indiens que Giacchino écrivit pour « Mission Impossible : Ghost Protocol » en 2011. « The True Purpose of the Sorcerer » évoque par son atmosphère méditative un moment de réflexion dans le film avec l’emploi d’arpèges baroques de clavecin accompagnant l’orchestre.

Les choses se gâtent véritablement dans « Sanctimonious Sanctum Sacking » (un titre que n’aurait pas renié Christopher Young !), pour la scène où Kaecilius et ses zélotes attaquent l’un des trois sanctuaires magiques qui protège la Terre. Durant 7 minutes 30, Giacchino maintient une grande tension avec un déchaînement orchestral/choral d’une puissance ahurissante, sur l’album comme à l’écran, durant la scène où Strange affronte Kaecilius et ses sbires. A noter ici l’emploi du clavecin utilisé comme une véritable percussion à part entière, doublé ici par une basse synthétique très 80’s (curieusement surmixé dans le morceau !). On retrouve ici un traitement très agressif et dissonant des cuivres, à la manière de « A Long Strange Trip », avec des orchestrations robustes et complexes qui rappellent le talent d’écriture de Michael Giacchino. Quand aux parties chorales, elles restent omniprésentes et renforcent la couleur mystique et quasi opératique de la musique, avec les sonorités indiennes des tablas et du sitar. Aucun doute possible : Giacchino se montre ici assez inventif et inspiré, n’hésitant pas à repousser les limites sonores pour renforcer la tension et l’action à l’écran. De la même façon, « Astral Doom » prolonge ce travail de sonorités hétéroclites de manière inventive avec un emploi judicieux des percussions pour un autre morceau d’action épique et tonitruant du score. Certains passages plus nuancés comme « Post Op Parocosm » ou « Hippocratic Hypocrite » jouent davantage sur le jeu des solistes (clavecin, sitar, etc.) pour parvenir à leurs fins et contrebalancer la masse sonore redoutable des déchaînements orchestraux qui se multiplient tout au long de la partition et du film.

« Smote and Mirrors » est un énième morceau d’action particulièrement sombre et brutal où l’on retrouve parfois l’influence étonnante de Christopher Young (probablement à la demande de Scott Derrickson lui-même ?). A noter ici l’apport d’un orgue (samplé) qui renforce la tonalité gothique de la partition de Giacchino en plus de l’emploi caractéristique des choeurs et de quelques moments très dissonants. « Hong Kong Kablooey » évoque la bataille finale à Hong Kong dans un nouvel assaut orchestral/choral particulièrement belliqueux, épique et dissonant, débouchant sur le gigantesque tour de force de 6 minutes, « Astral Worlds Worst Killer », pour la scène où Strange rentre dans la Dimension Noire pour tenter d’arrêter Dormammu. Giacchino accentue ici le travail autour des dissonances dans un style qui rappelle encore une fois l’esthétique avant-gardiste de Christopher Young. Idem pour « Strange Days Ahead » qui conclut le film en grande pompe, incluant une superbe reprise du thème principal héroïque et entraînante pour le générique de fin du film. Giacchino nous offre même dans « Go for Baroque », une superbe variation autour du Main Theme de « Doctor Strange » dans un arrangement clavecin et cordes typique de la musique baroque du 17e siècle, tandis que la seconde partie du générique de fin utilise « The Master of the Mystic End Credits », pour lequel Giacchino s’essaie à un pastiche du Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin des années 70 et caricature le rock psychédélique des seventies (pour l’anecdote, le compositeur raconte qu’il souhaitait faire cela en hommage à tous ces comic books qu’il lisait quand il était plus jeune dans les années 70 !), dans un arrangement rock/orchestral aux influences baroques/indiennes trépidantes et très originales dans une production Marvel.

Michael Giacchino signe donc une partition impressionnante et très spectaculaire pour « Doctor Strange », une musique riche et inspirée qui s’avère être l’une des meilleures musiques de film de l’année 2016, inspirée et plutôt maîtrisée, même si, comme toujours avec le compositeur, on regrette le côté souvent quelconque et peu surprenant des thèmes qui auraient pu gagner en profondeur et en intensité, sans oublier le fait que le Main Theme rappelle assez celui des derniers « Star Trek ». Qu’à cela ne tienne, Michael Giacchino se rattrape en multipliant les idées sonores et musicales à travers une partition colossale et grandiose où il mélange orchestre, chorale épique et sonorités baroques/indiennes mystiques plutôt inattendues dans une production Marvel. A cet univers psychédélique et étrangement ésotérique, Giacchino répond par une musique massive, monumentale et dense, dans la continuité de ses travaux pour « John Carter » ou « Jupiter Ascending », avec un soupçon de folie en plus, même s’il y a fort à parier que le compositeur aurait pu aller bien plus loin dans ce domaine avec encore plus de fantaisie et d’exubérance. Malgré cela, le résultat est à la hauteur des attentes, et la musique apporte un souffle épique ahurissant sur les images, même si l’écoute sur l’album est davantage recommandée pour pouvoir apprécier à leur juste valeur les différents détails de la partition de « Doctor Strange ». Les fans de Michael Giacchino devraient donc être comblés avec ce nouvel opus musical de choix, à ne surtout pas rater !



---Quentin Billard