1-What Have We Done to Each Other? 2.30
2-Sugar Storm 2.53
3-Empty Places 2.46
4-With Suspicion 3.16
5-Just Like You 4.11
6-Appearances 2.52
7-Clue One 1.30
8-Clue Two 5.10
9-Background Noise 3.09
10-Procedural 4.30
11-Something Disposable 4.28
12-Like Home 3.39
13-Empty Places (Reprise) 2.20
14-The Way He Looks At Me 3.27
15-Technically, Missing 6.43
16-Secrets 3.08
17-Perpetual 4.00
18-Strange Activities 2.37
19-Still Gone 2.47
20-A Reflection 1.46
21-Consummation 4.09
22-Sugar Storm (Reprise) 0.41
23-What Will We Do? 3.05
24-At Risk 11.05

Musique  composée par:

Atticus Ross/Trent Reznor

Editeur:

Columbia 88875 02953-2

Album produit par:
Atticus Ross, Trent Reznor
Montage musique:
Jonathan Stevens
Orchestrations:
Dana Niu
Enregistrement et mixage:
Atticus Ross, Trent Reznor

Artwork and pictures (c) 2014 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***
GONE GIRL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Atticus Ross/Trent Reznor
Après son remake hollywoodien de « Millenium » et la série TV « House of Cards » qu’il développe et co-produit avec Kevin Spacey en 2013, David Fincher revient au cinéma avec « Gone Girl » qui sort en 2014, adapté du roman éponyme de Gillian Flynn (« Les Apparences »). Le film raconte l’histoire de Nick Dunne (Ben Affleck) et de sa femme Amy (Rosamund Pike). Le premier est un ancien journaliste, propriétaire de l’établissement « The Bar » payé par sa femme, et qui enseigne l’écriture créative à l’université. La seconde est une artiste qui crée des quiz dans des magazines, et qui s’est fait connaître durant son enfance grâce à une série de livres conçus par ses parents, « L’épatante Amy ». Alors que le couple semble fusionnel et débordant d’énergie, les choses commencent à se gâter entre les Dunne, si bien qu’Amy finit par disparaître mystérieusement au cours de leur cinquième anniversaire de mariage. Nick découvre alors la table du salon pulvérisée et semble peu affecté par la disparition de sa femme lors des conférences de presse, ce qui lui vaut des critiques sévères dans les médias et plus particulièrement de la part d’une célèbre animatrice de télévision qui considère Nick comme le coupable idéal. Alors que l’enquête de l’inspecteur Rhonda Boney (Kim Dickens) avance à grand pas, et que les indices compromettants s’accumulent dangereusement, Nick découvre qu’Amy lui a laissé des indices un peu partout dans leur entourage, à la manière d’un jeu de piste pervers et machiavélique. Et pendant que l’homme perd son temps à résoudre l’énigme d’Amy, cette dernière, qui est en réalité bien vivante, met au point son plan diabolique : simuler sa propre mort afin de se venger d’un mari volage et indifférent, qui a fini par la délaisser au fil des années. C’est elle qui a répandu le sang dans la maison et l’a ensuite nettoyé volontairement, puis brisé la table du salon pour faire croire à une dispute qui aurait mal tournée. Et pendant qu’Amy se cache dans une chambre d’hôtel où elle se fait dépouiller de son argent par un couple de voleurs, Nick décide d’engager l’avocat Tanner Bolt (Tyler Perry) qui l’incite alors à révéler à la presse ses infidélités avec sa jeune maîtresse Andie Fitzegarld (Emily Ratajkowski), une étudiante de 20 ans que Nick a rencontré à l’université, espérant ainsi qu’un mea culpa largement médiatisé redonne une image positive et humaine de Nick auprès du public et des forces de l’ordre. Et tandis que Nick avoue son infidélité devant des milliers de spectateurs, exprime publiquement ses regrets et affirme qu’il n’a pas tué sa femme et qu’il espère qu’elle reviendra un jour, Amy, qui n’a plus d’argent sur elle, est contrainte de changer ses plans afin de réapparaître auprès de Nick.

« Gone Girl » s’avère être un thriller psychologique assez troublant, baignant dans une atmosphère obscure où les apparences sont toujours trompeuses (attention : spoilers !). Le film est une satire grinçante des médias et du mariage, essentiellement centré sur le personnage brillamment campé à l’écran par Rosamund Pike, dans le rôle d’une épouse hystérique et psychopathe qui va manipuler tout le monde pour faire croire à son propre meurtre et se venger d’un mari volage qui la délaisse au fil du temps. Amy Dunne s’avère être une jeune femme talentueuse et suffisamment intelligente pour savoir ce qu’elle doit faire et quand elle doit le faire. Tout le monde tombe dans son piège : Nick, le mari infidèle injustement accusé de son meurtre, mais aussi les médias, les forces de l’ordre et son entourage. Jouant sur le féminisme ambiant des médias américains – avec une animatrice de télévision très populaire spécialiste des scandales people – Amy berne tout le monde et réussit son coup. En seulement quelques mois, le public est persuadé que Nick a assassiné sa femme. « Gone Girl » n’est donc pas juste un simple polar mais bien une critique au vitriol d’une société des apparences où chacun doit se battre pour bâtir son image et la préserver coûte que coûte auprès du public, quitte à en payer le prix fort : c’est en tout cas ce que semble confirmer les 20 dernières minutes, extrêmement troublantes, où Amy retourne avec Nick, des scènes finales qui suscitent un malaise évident. La psychopathe a encore une fois berné tout le monde en n’offrant qu’une version de l’histoire, qu’elle a fabriqué elle-même pour parvenir à ses fins, se créant une image de femme violentée qui a disparu après être tombée enceinte. Et peu importe si tout est faux et que l’affaire n’est qu’une vaste supercherie, car comme le montre le film, ce sont les apparences qui comptent le plus dans cette société américaine moderne où les talk-shows à scandale et le journalisme à sensation pulvérisent les records d’audience. Le film n’est guère plus tendre avec le mariage et évoque très vite cette institution comme un gigantesque piège qui se referme rapidement sur les deux individus.

On a d’ailleurs beaucoup critiqué la peinture extrêmement négative de la femme fatale incarnée ici par Rosamund Pike à l’écran, certains ayant vu dans ce portrait féminin peu glorieux une vision misogyne de la femme manipulatrice, tentatrice, diabolique et perverse. Pourtant, le film est très clair sur ce sujet et montre clairement la folie du personnage qui est en fait une personne abjecte et mentalement instable, la comédienne apportant une profondeur et une complexité inattendue au personnage d’Amy Dunne. Quand à Ben Affleck, il incarne le mari fautif qui fera tout pour découvrir la vérité sur la disparition d’Amy, convaincu d’être tombé dans un piège, le plus choquant restant le fait que les deux individus se remettent ensemble à la fin du film, du moins pour mieux berner les apparences et offrir un happy-end pour mieux satisfaire le public, alors que la réalité est beaucoup plus sombre : Nick et Amy se détruisent mutuellement par un amour toxique et sans issue, une sorte de passion vorace et malsaine teintée de faux-semblants et d’une violence pure. Au final, malgré quelques longueurs, « Gone Girl » s’avère être un thriller psychologique très immersif, dressant le portrait d’un couple dysfonctionnel et maladif qui se construit à travers la manipulation, les apparences et la dictature des médias – ou du moins l’importance que l’on veut bien leur donner – servi par une interprétation sans faille – Rosamund Pike campe le pire personnage de toute sa carrière : vous allez la détester à coup sûr ! – et un scénario malin et subversif qui n’épargne rien ni personne, des médias à la justice en passant par les affres du mariage et les travers de la vie de couple. « Gone Girl » n’est peut être pas le film le plus brillant de David Fincher – la mise en scène reste peu inventive et plutôt sage - mais il reste à coup sûr l’un des plus impressionnants et des plus mémorables qu’il ait réalisé au cours de ces dix dernières années !

« Gone Girl » offre l’occasion à David Fincher de retrouver le duo formé par Atticus Ross et Trent Reznor, qui signent là leur troisième collaboration à un film du réalisateur après « The Social Network » (2010) et « The Girl with the Dragon Tattoo » (2011). Comme dans les précédents films de Fincher, Atticus Ross et Trent Reznor livrent une nouvelle partition électronique et atmosphérique évoquant l’ambiance sombre et intrigante du film. Le film s’ouvre ainsi au son de « What Have We Done to Each Other », qui se caractérise par ses pads éthérés et ses nappes sonores planantes et mélancoliques évoquant la désagrégation du mariage de Nick et Amy Dunne. Dès « Sugar Storm », Reznor et Ross conçoivent une ambiance étrange à l’aide de claviers et de FX étranges des synthétiseurs qui renvoient clairement à « The Social Network ». La musique installe ici un sentiment de doute, de malaise, sans verser dans la noirceur pure, mais demeure au contraire plutôt ambiguë et résolument expérimentale. Les FX électroniques de « Sugar Storm » évoquent subtilement la tempête médiatique qui va s’abattre sur Nick et la disparition d’Amy. « Empty Places » évoque un sentiment de solitude avec le retour des claviers et des nappes sonores planantes et éthérées de l’ouverture. Les deux musiciens travaillent ici les sonorités sans jamais perdre de vue l’ambiance intrigante et mystérieuse du film, incluant quelques cordes utilisées pour renforcer ici l’âme mélancolique de la musique à l’écran. « With Suspicion » confirme l’ambiance sombre du score à l’aide de nappes sonores plus oppressantes, évoquant les suspicions de Nick au sujet de la disparition d’Amy. Ici aussi, Ross et Reznor expérimentent autour des fréquences sonores, multipliant les filtres et les FX avec un savoir-faire évident, frôlant l’abstraction sonore pure.

Dans « Just Like You », la musique évoque l’idylle naissante de Nick et Amy à travers des scènes de flashbacks, incluant ici une très belle partie de piano rêveur et romantique. De la même façon, « Appearances » semble suggérer que tout va pour le mieux avec ses accords majeurs planants proche des musiques new-age traditionnelles. Dans « Clue One », le jeu de piste débute avec le premier indice que Nick recueille au sujet d’Amy. L’ambiance devient ici plus intriguante, avec le retour du sound design et de nappes sonores étranges. Idem pour « Clue Two » où Ross et Reznor expérimentent autour des drones et des différents pads de manière plus mécanique et froide. Le morceau se termine par ailleurs sur une partie de cordes harmonique plus mystérieuse. Le piano mélancolique de « Background Noise » semble apporter ici un semblant d’émotion à la partition, évoquant à nouveau l’idée d’un mariage brisé et d’un sentiment de solitude, chacun étant enfermé dans une situation qu’il a lui-même crée, volontairement ou non. Le piano est ici accompagné d’un sound design dissonant et mystérieux joué en fond sonore. Le mélange entre l’acoustique et l’électronique est ici plutôt judicieux, et semble évoquer l’idée des apparences derrière la sombre réalité du couple. Dans « Procedural », on entre dans la seconde partie du film alors que Nick engage l’avocat Tanner Bolt. A noter ici l’emploi d’arpèges de synthétiseurs analogues qui instaurent un rythme constant tout au long de la scène, avec un sound design toujours étrange et expérimental. Dans « Something Disposable », les sonorités deviennent plus torturées, plus métalliques et confuses, à l’image de la personnalité dérangée d’Amy Dunne dans le film. Les pads éthérés de l’ouverture semblent revenir dans « Like Home », dans un style proche des musiques new-age de Vangelis des années 80, les accords majestueux des pads étant ici contrebalancés par la noirceur du sound design qui semble corrompre la beauté apparente de la musique.

D’une manière générale, l’approche globale d’Atticus Ross et Trent Reznor sur « Gone Girl » consiste à écrire des morceaux simples et beaux en apparence, qui sont très vite nuancés par des sonorités menaçantes et tordues qui viennent envahir une structure bien établie et très organisée. A l’instar de l’histoire même du film, le score rappelle l’idée d’un jeu d’apparences qui dissimule régulièrement une autre vérité peu reluisante et peu glorieuse. Chacun cherche à manipuler l’autre et à se construire une image auprès du public et des médias. Le retour de « Empty Places » et ses notes solitaires de claviers semble ici prendre une autre tournure, avec des pads plus sombres et lointains qui suggèrent l’impossible retour en arrière pour Nick comme pour Amy. Clairement, plus rien ne sera jamais comme avant ! Les fans de musique électronique expérimentale apprécieront à coup sûr le magma sonore et les cliquetis étranges de « The Way He Looks at Me » avec ses FX évoquant des machines, des mécanismes et des sons industriels (incluant même à 2:32 un étrange sample de voix fantomatique). La folie sonore qui se dégage de « The Way He Looks at Me » rappelle clairement la psychopathie qui ronge Amy Dunne, prête à tout pour obtenir sa revanche contre Nick. « Technically Missing » utilise quand à lui des éléments rock avec quelques samples de guitare électrique saturée qui font monter ici la tension et instaure une certaine fureur sonore à l’écran. Dans « Secrets », Ross et Reznor conçoivent un loop électro caractéristique et intensifient le travail expérimental autour du sound design et des sonorités industrielles étranges, comme dans « Perpetual » ou « Strange Activities » et son terrifiant ostinato mécanique et déshumanisé. Le piano mélancolique revient ensuite dans « Still Gone » avec ce sentiment permanent de solitude et de dévastation. « Consummation » est le climax musical du film, reconnaissable à sa distorsion sonore extrêmement prononcée et chaotique, qui nous emmène vers le dernier acte du film, incluant une brève reprise du (faussement) paisible « Sugar Storm » et le retour des nappes sonores éhtérées et mystérieuses de l’ouverture dans « What Will We Do », alors que le couple se reforme à la fin du film pour sauver les apparences auprès du public et des médias. La musique est d’ailleurs là pour rappeler que rien n’a changé et que le couple se nourrit désormais d’un rapport de haine/amour totalement destructeur qui ne pourra que les conduire à leur perte.

C’est ce que l’on devine aisément dans les 6 minutes atmosphériques et répétitives de « At Risk », avec son sample de battement de coeur et ses notes vaporeuses de piano, qui semblent s’éloigner progressivement. Ainsi donc, la partition de « Gone Girl » s’inscrit dans la continuité logique de « The Social Network » et « The Girl With the Dragon Tattoo ». Atticus Ross et Trent Reznor font ici ce qu’ils savent faire de mieux : manipuler le son et construire une musique résolument atmosphérique et immersive capable de nous plonger dans une ambiance d’intrigue, de faux-semblant, de manipulations psychologiques et de folie. On pourra toujours critiquer l’approche musicale très limitée de Ross et Reznor, qui se contentent trop souvent de multiplier les sons et le sound design sans jamais construire quelque chose d’émotionnellement conséquent ou de réellement ambitieux. L’ensemble demeure encore trop figé dans les conventions des musiques électroniques modernes. La musique est par ailleurs souvent placée librement sur les images, ce qui permet aux compositeurs de développer conséquemment leurs ambiances sonores à loisir, mais constitue une écoute plus diffuse et difficile sur l’album, où les longues plages sonores s’enchaînent de manière répétitive, parfois même de façon anarchique. Néanmoins, force est de constater que le duo réussit à chaque fois à concevoir quelque chose de particulier sur les films de David Fincher, quelque chose qui, à défaut de nous engager à renouveler l’expérience d’écoute sur CD, nous interpelle grâce à ses idées sonores et son sens de l’expérimentation électronique et bruitiste, un peu comme le firent les musiciens du groupe Goblin dans les années 70. Si vous avez apprécié les travaux d’Atticus Ross et Trent Reznor sur « The Social Network » et « The Girl With the Dragon Tattoo », vous apprécierez à coup sûr le nouveau forfait du tandem sur « Gone Girl ». Pour les autres, la BO du nouveau métrage de David Fincher risque de s’avérer très hermétique et très difficile d’accès, à réserver essentiellement aux puristes des musiques électro expérimentales.



---Quentin Billard