1-Newscast 1.31
2-Breathing 2.06
3-Casanova's Kiss 2.27
4-Amanda Reckonwith 2.09
5-Rejection 1.18
6-Priest Blessing 1.08
7-Hair Trigger 1.53
8-Boy At The Beach 1.33
9-Coffee Date 3.17
10-Last Date 1.25
11-Love Poem 2.35
12-You Forgot This 1.02
13-Mark's Kiss 1.58

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Lakeshore Records LKS 343082

Produit par:
Marco Beltrami, Buck Sanders
Assistant mixage score:
Tyson Lozensky
Enregistrement et mixage:
John Kurlander

Artwork and pictures (c) 2012 Fox Searchlight Pictures. All rights reserved.

Note: ***
THE SESSIONS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
« The Sessions » est écrit et réalisé par Ben Lewin, cinéaste australien d’origine polonaise qui signe ce long-métrage indépendant largement primé au festival du film de Sundance 2012, adapté de l’article « On Seeing a Sex Surrogate » de Mark O’Brien. Le film est un biopic consacré à ce fameux poète et journaliste américain atteint de poliomyélite et qui vécut toute sa vie à l’intérieur d’un poumon d’acier ou sur un lit. L’histoire se déroule à Berkeley en Californie en 1988. Mark O’Brien (John Hawkes) passe ses journées dans son poumon d’acier conséquemment à des complications médicales liées à la polio. A cause de son handicap, Mark n’a jamais eu de rapport sexuel avec une femme. Après avoir essuyé un premier échec avec son aide, la jeune Amanda (Annika Marks), Mark, se sentant arrivé au bout de sa vie, décide de trouver une solution radicale afin de perdre sa virginité. Il consulte alors un prêtre, le père Brendan (William H. Macy), auprès duquel il se confesse et confie les différents détails de son quotidien, puis décide ensuite de contacter Cheryl Cohen-Greene (Helen Hunt), une assistante sexuelle professionnelle. Cette dernière propose alors six sessions avec Mark afin de remplir ses objectifs. Mais les premières sessions sont très décevantes : alors que Cheryl essaie d’exciter sexuellement Mark, ce dernier éjacule trop rapidement et ne parvient pas à se contrôler. Mais au bout de quelques séances, Mark finit par se maîtriser, et Cheryl lui propose alors de passer à l’étape de la pénétration. Mais les deux individus finissent par nourrir des sentiments l’un pour l’autre, jusqu’à ce que Cheryl, qui est marié, décide de mettre un terme aux séances avec Mark. Un peu plus tard, une panne de courant provoque alors l’arrêt du poumon d’acier de Mark, qui doit alors être transporté d’urgence à l’hôpital. Mark survit et rencontre alors Susan Fernbach (Robin Weigert), avec laquelle il vivra le reste de sa vie et finira ses jours après avoir enfin trouvé le bonheur.

Abordant le sujet délicat (et plutôt tabou) des assistantes sexuelles, une profession méconnue et très controversée parce qu’illégale dans plusieurs pays, « The Sessions » était un parti risqué pour Ben Lewin. Mais le film est heureusement une vraie réussite, filmée sans complaisance, sans racolage, avec une vraie justesse de ton et une grande délicatesse. En s’inspirant de la vie du poète et écrivain Mark O’Brien, le réalisateur dresse le portrait d’un homme handicapé qui trouvera suffisamment de force pour connaître l’amour et le sexe. Il faut d’ailleurs reconnaître que l’association sexe et handicap reste un sujet malheureusement tabou, très peu abordé au cinéma. Ben Lewin réussit pourtant là où beaucoup auraient échoué, en filmant son récit avec une grande retenue et une certaine poésie. L’histoire est vue à travers les yeux de Mark – brillamment interprété par John Hawkes – un quadragénaire paraplégique et rêveur qui voit le monde à travers ses mots qu’il réussit à coucher (difficilement) sur le papier en tenant son crayon entre ses dents. Lyrique et léger, « The Sessions » évite de tomber dans le mélodrame et ne porte aucune forme de jugement, évacuant toute forme d’émotion poussive et exagérée. C’est la légèreté et la pudeur de la mise en scène de Ben Lewin qui font de ce film une jolie réussite, filmant la nudité des corps avec une rare sobriété et une retenue désarmante. Entre une thérapeute du sexe qui cherche la plus grande douceur auprès de Mark (excellente interprétation d’Helen Hunt), et un prêtre qui devient un conseiller personnel et se contente d’écouter Mark pour améliorer son existence, « The Sessions » est une jolie ode à la poésie et à l’amour, car c’est bien de cela qu’il s’agit ici.

En cherchant à perdre sa virginité, Mark va surtout chercher à aimer et être aimé comme tout le monde, malgré son handicap. Quand à l’acteur John Hawkes, il est évidemment l’atout clé du film, livrant un personnage à la fois drôle et touchant, qui porte un regard lucide et très juste sur le monde dans lequel il vit. Mention spéciale au personnage de William H. Macy : l’acteur irradie ses scènes avec son rôle de prêtre conseiller qui ira bien au-delà de sa mission d’homme d’église en prodiguant des conseils sexuels et épicuriens à Mark – une vision ecclésiastique très osée pour un film destiné à un public américain toujours très puritain – Avec un discours social asséné avec délicatesse et une mise en scène très pudique, « The Sessions » n’en fait jamais trop et parvient à marcher sur des oeufs malgré un sujet assez difficile et plutôt risqué. On aurait simplement aimé que le film soit un peu plus radical et moins sage dans son traitement visuel et scénaristique, mais qu’importe, le résultat est très convaincant et le film constitue une très belle surprise saluée par la critique et le public du festival de Sundance en 2012, une histoire poétique et très touchante sur un sujet tabou, traité avec pudeur et justesse.

Marco Beltrami délaisse un temps les blockbusters hollywoodiens habituels en signant la musique de « The Sessions » en 2012. Très discrète dans le film, les 24 minutes de musique écrites par Beltrami dans le film apportent un regard émotionnel délicat et poétique à l’histoire de Mark O’Brien sans jamais en faire de trop, à l’instar du film. Pour les besoins du récit, Beltrami convoque ici un ensemble instrumental restreint, incluant un petit groupe de cordes, un piano, une flûte, un hautbois, une harpe, des guitares, quelques percussions et des éléments électroniques. Le score repose sur deux thèmes principaux, une mélodie répétitive et optimiste dévoilée dans « Newcast », et une autre, plus intime et réservée, entendue au piano et aux cordes dans « Breathing » - à noter ici l’emploi de sonorités métalliques évoquant dans le film le poumon d’acier dans lequel se trouve Mark – « Breathing » apporte une certaine poésie aux images grâce à la délicatesse des cordes, des notes douces du piano et l’utilisation intéressante de sonorités métalliques évoquant le poumon d’acier et les conditions de vie difficiles de Mark. « Casanova’s Kiss » permet à Beltrami de s’orienter vers une écriture plus classique, développant un très beau thème romantique de piano, bois et cordes associé à Mark dans le film et sa quête d’amour. Le thème de « Casanova’s Kiss » reste par ailleurs la mélodie principale de la partition de « The Sessions » et se distingue par son écriture raffinée et élégante évoquant le répertoire de la musique de chambre classique du XVIIIe ou XIXe siècle.

Dans « Amanda Reckonwith », on retrouve les sonorités métalliques du poumon d’acier dans une ambiance plus mélancolique, alors qu’Amanda décide de renoncer à aider Mark lorsque ce dernier lui avoue ses sentiments. On retrouve ici les pizzicati introductifs de « Newcast » avec une écriture de cordes plus apaisée, Beltrami privilégiant régulièrement l’apport des mélodies à l’écran. « Rejection » apporter un regard plus mélancolique à l’existence de Mark à travers les notes délicates des cordes et du piano – on se rapproche ici des moments lyriques plus poignants de la partition du film « I Am Dina » - Dans « Priest Blessing », Beltrami évoque les discussions entre Mark et le père Brendan à l’aide de nappes synthétiques new age et de pizzicati plus légers et insouciants. « Hair Trigger » marque le retour des étranges sonorités métalliques du poumon d’acier pour une très belle partie de cordes touchantes et rêveuses, tandis que « Boy at the Beach » se distingue par son écriture minimaliste et intime d’une rare délicatesse. Dans « Coffee Date », Beltrami reprend son très beau thème romantique de piano, évoquant la romance entre Mark et Susan vers la fin du film. Dans « Last Date », le piano, les bois et les cordes suggèrent avec grâce l’idée de l’amour qui comble enfin la vie de Mark, idée largement véhiculée dans le poignant « Love Poem », pour la très belle scène de la récitation du poème d’amour de Mark à l’église, à la fin du film.

Beltrami répond ici à l’émotion du film par une approche très humaine, classique et minimaliste avec son petit groupe d’instrumentistes et quelques éléments synthétiques discrets. On retrouve le thème poignant de « Last Date » dans « You Forgot This », et c’est finalement le thème principal qui conclut le film dans le romantique « Mark’s Kiss ». Marco Beltrami se fait donc plaisir en signant pour « The Sessions » une partition très modeste, certes extrêmement mineure dans une filmographie déjà fort impressionnante, mais qui s’avère être une jolie bouffée de fraîcheur entre deux partitions colossales pour des blockbusters hollywoodiens. La musique de « The Sessions » s’avère être poétique, légère et élégante, apportant un regard émotionnel pudique au film de Ben Lewin. C’est aussi l’occasion de se souvenir à quel point Marco Beltrami est très à l’aise dans le domaine des musiques lyriques et poétiques, très loin de ses partitions horrifiques et ses musiques épiques et modernes qu’il compose régulièrement de nos jours pour le cinéma de divertissement américain. Il ne fait aucun doute que « The Sessions » est un score mineur qui risque de s’oublier très vite, mais le plaisir d’écoute dans le film comme sur l’album demeure constant, et rappelle à quel point Beltrami est un musicien à multiples facettes dont la sensibilité évidente mériterait d’être mieux exploitée sur des films plus passionnants.




---Quentin Billard