'Stepmom' (Ma Meilleure Ennemie) de Chris Colombus raconte l'histoire très touchante de deux femmes, Jackie (Susan Sarandon) et Isabel (Julia Roberts), la première étant une mère divorcée tentant d'affronter avec courage son cancer, l'autre étant la future femme de l'ex-mari de Jackie, Luke (Ed Harris), qui tente difficilement de se faire apprécier par les enfants de Jackie. Lorsque le secret de Jackie est découvert, la famille se resserre pour soutenir Jackie. Chris Colombus a su trouver le ton juste sur ce film, sans tomber dans le mélo larmoyant habituel en mettant simplement en relief les sentiments humains sous leur plus bel angle. Julia Roberts et Susan Sarandon sont toutes les deux superbes dans leurs rôles respectifs et c'est avec joie que l'on suit leur émouvante aventure.

Prévu à l'origine par Patrick Doyle, la musique de 'Stepmom' a finalement été confiée à John Williams, qui, la même année, composait 'Saving Private Ryan' pour Spielberg. De sombres crétins ont vite dit que Williams avait éjecté Doyle de la production ce qui est faux bien entendu puisque Doyle a été victime à cette époque d'une leucémie et qu'il ne pouvait plus assurer le travail avec Colombus, qui, en plus, n'aimait pas le score de Doyle. John Williams a été un choix plus qu'évident puisque les deux compères avait déjà travaillé ensemble sur les deux épisodes de 'Home Alone'. Le compositeur a particulièrement apprécié cette collaboration avec Colombus. L'apport émotionnel de se musique est à l'image de l'apport émotionnel du film. Utilisant un orchestre tout ce qu'il y'a de plus banal, Williams a réussi à trouver lui aussi le ton juste, sans tomber dans le mielleux et le superflu. On pourra peut être penser qu'il y'a un peu trop de musique sur les quelques deux heures du film, mais l'ensemble s'avère être réellement satisfaisant.

John Williams a construit sa partition autour de deux thèmes que l'on va progressivement découvrir tout au long de la musique et du film. Le premier évoque l'histoire touchante au sein de cette famille, avec un côté plutôt dramatique, évoquant le triste secret de Jackie. Ce thème très élégant se distingue par des apparitions souvent confiées aux vents, avec de très beaux duos hautbois/flûte soutenus par les cordes. C'est à un Williams tout eu douceur auquel on a droit ici. Pas de grosses fanfares explosives et héroïques, mais une BO plus humaine sur la chaleur et la douceur des sentiments. Les pièces cordes/piano illustrent les moments intimes du film, et je crois que l'une des pièces les plus émouvantes de Williams reste celle de la discussion entre Jackie et Isabel dans le restaurant vers la fin du film, scène émouvante dans laquelle la musique de Williams brille par sa douceur et sa poésie. Le second thème de la musique est quand à lui sombre et dramatique, il évoque clairement le cancer de Jackie et il reste le véritable leitmotiv de la maladie de Jackie, intervenant à chaque fois lorsqu'il est question de sa maladie.

L'idée intéressante de la musique vient de l'utilisation de guitare soliste dans certaines pièces de la BO. Williams a fait appel à Christopher Parkening, un des guitaristes les plus célèbres aux Etats-Unis et qui semble avoir apparemment contribué à l'excellente vente de la BO à sa sortie. Les pièces de guitare apparaissent surtout vers la fin du film, et la couleur vraiment unique de cet instrument représente la chaleur de la famille se réunissant autour de Jackie pour l'aider à surmonter son épreuve. L'une des pièces majeures de l'album reste évidemment la reprise à la guitare et l'orchestre du thème principal pour le 'End Credits' de près de six minutes. Cette très belle pièce semble s'apparenter dans le style à un véritable concerto pour guitare classique, notamment au niveau de l'écriture de l'accompagnement orchestral, venant démontrer que Williams est un grand musicien à l'éducation classique particulièrement riche. On notera une pièce inattendue, celle où Isabel et Anna cherche Ben dans le château alors qu'il a disparut, la tension étant suggérée de manière inattendue par Williams avec l'utilisation d'une guitare électrique dans le rythme du morceau.

Quelques moments plus joyeux rappellent le style comédie de 'Home Alone', notamment au début du film pour suggérer un début de journée mouvementée. Williams passe toujours étonnamment vite de diverses émotions, tout comme le film, que ce soit de la joie, de la tristesse ou du romantisme. A ce sujet, les quelques passages lyriques rappellent beaucoup dans le style d'écriture la scène du paradis de 'Always' ou celle de la romance dans le manoir de Shanon et Jack dans 'Far & Away'. Williams utilise cette très belle écriture célesta/harpe/corde donnant un ton lumineux au scène dont seul Williams en possède le secret.

'Stepmom' rappellera au connaisseur de John Williams combien ce grand compositeur sait se montrer varié dans ses diverses approches musicales. Ceux qui le cataloguent systématiquement comme un compositeur de fanfare et de musique héroïque cuivrée feraient bien d'écouter des BO telles que 'Stepmom', 'Stanley & Iris' ou bien encore 'The Accidental Tourist', ils pourraient certainement revenir sur leur jugement trop hâtif. 'Stepmom' n'a rien d'une partition vraiment originale, ni vraiment très marquante, mais l'humilité sympathique de cette musique et sa grande tendresse ne peut que nous toucher et nous faire vibrer. Un très beau score intimiste de John Williams à découvrir!


---Quentin Billard