1-The Public Eye 3.24
2-Nightime Developments 1.09
3-The Meat Market 1.26
4-Flying Home 3.01*
5-An Artist Once 1.27
6-The Bureau At Night 1.55
7-Pictures In The Dark 3.44
8-Topsy 2.21*
9-The Great Bernzini 1.18
10-Many Questions? 3.27
11-Cafe Society Blues 3.54*
12-Portrait Of An Artist 2.32
13-Waiting, Then Calling 3.25
14-Undecided 4.35*
15-Waiting, Then Hiding 1.57
16-You Would Have Been Surprised 1.22
17-The Massacre 1.29
18-The Kiss 1.22
19-The Public Eye (End Credits) 5.21

*Produit et arrangé par Shorty Rogers
"Cafe Society Blues" composé par
Shorty Rogers.

Musique  composée par:

Mark Isham

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-5374

Score produit par:
Mark Isham
Orchestré et conduit par:
Ken Kugler
Producteur exécutif:
Robert Townson
Direction de la musique
pour Universal:
Burt Berman
Enregistrement et mixage:
Stephen Krause
Monteur musique:
Tom Carlson
Assistant de production:
Tom Null

Artwork and pictures (c) 1992 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE PUBLIC EYE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Mark Isham
Le réalisateur Howard Franklin s’est fait connaître à la fin des années 80 en signant les scripts de « Le Nom de la Rose » de Jean-Jacques Annaud en 1986 et « Someone to Watch Over Me » de Ridley Scott en 1987. Pour son premier passage derrière la caméra, Franklin signera « Quick Change » en 1990, comédie avec Bill Murray et Geena Davis dans les rôles principaux (Murray co-réalisera le film aux côtés d’Howard Franklin). Malgré le succès modéré du film, le cinéaste américain réalisera un nouveau long-métrage en 1992, « The Public Eye » (L’oeil public), dont il écrira lui-même le scénario. Le film nous plonge dans le New York des années 40 et s’inspire de la vie et de l’oeuvre du photographe Arthur « Weegee » Fellig, célèbre pour ses photographies en noir et blanc de la vie nocturne de New York. On y suit l’histoire de Leon « Bernzy » Bernstein (Joe Pesci), un photographe freelance travaillant pour les tabloïds new-yorkais en 1942, qui s’est spécialisé dans les photos d’événements instantanés et réalistes de ses concitoyens. Bernzy fait ce que personne d’autre fait : capturer le moment présent et instantané de monsieur tout le monde, des civils, des criminels, des policiers, des vieux ou des personnes malades ou blessées. Parfois accusé de profiter du malheur d’autrui pour réaliser ses photos – il n’hésite pas à déplacer des corps pour les rendre plus photogénique ! - Bernzy est devenu le plus célèbre photographe de toute la ville. L’homme traque le moindre coin de rue, les bars les plus malfamés et les lieux infréquentables pour réaliser ses clichés, équipé de son appareil photo qui le suit partout et de son bagou légendaire. Seul photographe à avoir le privilège d’être branché sur la radio de la police, « le Grand Bernzini » traque un énième scoop le jour où il fait la connaissance de Kay Levitz (Barbara Hershey), une séduisante veuve propriétaire d’un grand night-club de New York. La mafia la menace depuis un certain temps pour la forcer à rembourser les dettes de son mari décédé il y a quelques années. Kay demande alors à Bernzy d’enquêter sur Spoleto (Dominic Chianese), un patron de la pègre qui menace de s’emparer de son établissement. D’abord hésitant, Bernzy finit par accepter le job, alors qu’il commence à tomber amoureux de la belle Kay. Mais il se retrouve au coeur d’une guerre opposant deux bandes rivales et pourrait bien risquer sa vie.

« The Public Eye » nous propose une formidable reconstitution du New York des années 40, avec l’excellent Joe Pesci dans un registre plus sobre que ses rôles habituels de gangsters chez Martin Scorsese (on pense notamment à « Goodfellas ») ou ceux du survolté Leo Getz dans « Lethal Weapon » épisode 2 et 3. En s’inspirant allégrement de la vie du célèbre photographe new-yorkais Weegee, Howard Franklin réalise un thriller haletant évoquant à la manière des romans de James Ellroy ou de John Grisham une atmosphère de manipulation et de conspiration, avec son lot de gangsters, de mafioso et de rebondissements dramatiques. « The Public Eye » porte par ailleurs une réflexion sur le rôle des photographes dans les médias et les risques qu’ils doivent prendre pour réaliser leurs clichés et informer le public : jusqu’où a-t-on le droit d’aller pour réaliser le meilleur cliché le plus réaliste possible ? Comment être fidèle à la vérité avec une image prise sur l’instantané ? Franklin laisse ses questions en suspend mais les utilise comme un prétexte à une atmosphère de polar qui rappelle les films noirs des années 40/50, avec ses inspecteurs de police avec chapeau et feutre, ses gangsters menaçants et ses femmes fatals. A ce sujet, Barbara Hershey interprète la séduisante veuve qui sera au coeur de l’intrigue. Véritable manipulatrice, la belle n’hésitera pas à se servir des sentiments que lui porte Bernzy pour arriver à ses fins. Lui qui ne s’est jusqu’à présent guère embarrassé des émotions ou du ressenti des autres, et mène depuis longtemps une existence nomade et solitaire, se retrouve du jour au lendemain amouraché d’une femme riche et inaccessible pour qui il sera prêt à décrocher la lune. Et si paradoxalement cet amour sera voué à l’échec – car non réciproque – le photographe obtiendra malgré tout le plus grand cliché de toute sa carrière à la fin du film. Réalisé sobrement et sans grand artifice, « The Public Eye » doit surtout à ses magnifiques décors new-yorkais des 40’s et son casting de qualité.

La partition jazzy et mystérieuse de Mark Isham apporte à son tour un intérêt tout particulier au long-métrage d’Howard Franklin. Le score est écrit pour une formation orchestrale conventionnelle enregistrée au studio Mad Hatter avec quelques éléments électroniques, une basse, un piano, des flûtes et une batterie. Le film débute sur le superbe « The Public Eye » qui dévoile le thème principal associé à Bernzy dans le film, thème dramatique de cordes évoquant par son caractère mélancolique la relation d’amour impossible entre le photographe et la plantureuse Kay Levitz. A noter ici l’emploi des synthétiseurs et de la basse qui nous plongent d’emblée dans une ambiance de polar/film noir très réussie. Dans « Nightime Developments », l’intrigue débute enfin pour les premières scènes où Bernzy se rend sur les lieux de crime et photographie les victimes comme il en a pris l’habitude depuis des années. Mark Isham utilise ici un ostinato mystérieux et entêtant de 3 notes répétitives de piano avec un thème de flûte soliste et une pulsation métronomique de la batterie. On devine ici de vagues accents jazzy dans l’emploi de la batterie et de la flûte, tout en conservant une certaine dynamique et un rythme évoquant le quotidien du Grand Bernzini dans le New York des années 40. Le thème principal revient dans « The Meat Market » et évoque le caractère solitaire du personnage de Joe Pesci, à la manière d’un inspecteur de police de film noir des années 40/50. De la même façon, on retrouve cette mélancolie d’ambiance film noir dans « An Artist Once » avec une écriture plus suave des cordes lyriques. Dans « The Bureau At Night », Isham développe son motif de 3 notes de piano et de flûte, qui devient le motif de l’enquête et suggère la menace et le danger qui pèse sur Bernzy, lorsqu’il accepte de rendre service à Kay et se retrouve mêlé à de bien sombres intrigues de gangster et de pègre new-yorkaise. A noter ici la façon dont le tempo semble s’accélérer avec l’emploi de la caisse claire, symbolisant l’urgence et la tension.

« Pictures In The Dark » se distingue à son tour par son atmosphère dramatique de cordes et de flûte. On retrouve le motif de 3 notes et sa mélodie de flûte, thème de polar qui devient ici plus menaçant avec ses accords graves de piano et ses cordes plus sombres et le retour des pulsations entêtantes de la batterie. « The Great Bernzini » évoque les sentiments de Bernzy pour la belle Kay avec ses cordes passionnées, tandis que « Many Questions ? » reprend le thème principal juxtaposé au motif entêtant de l’enquête de Bernzy sur Spoleto avant de s’achever sur des cordes plus dramatiques et touchantes. Le Love Theme de Bernzy pour Kay revient aux cordes dans « Portrait Of An Artist », thème mélancolique évoquant une relation à sens unique et sans lendemain. Le thème principal est ensuite repris dans « Waiting, Then Calling » pour le dernier acte du film, juxtaposé ici aussi au motif de l’enquête sur Spoleto, dans une ambiance plus pressante et tendue. Les 3 notes obsédantes et déterminées du motif de l’enquête résonnent encore dans « Waiting, Then Hiding » avant de céder la place au Love Theme mélancolique de « You Would Have Been Surprised » lorsque Bernzy découvre la vérité au sujet de Kay à la fin du film. C’est l’occasion pour Mark Isham d’évoquer ici la déception et la tristesse de Bernzy, qui réalise alors qu’il a été dupé depuis le début par celle qu’il aimait, et pour qui il aurait tout fait. « The Massacre » illustre de son côté la scène du massacre dans le restaurant à la fin du film, avec ses notes graves martelées de piano et ses cordes élégiaques et tragiques. Le Love Theme revient une dernière fois dans « The Kiss » avant le générique de fin qui reprend le thème principal du score (« The Public Eye – End Credits »).

Mark Isham signe donc une partition polar plutôt réussie pour « The Public Eye », à la fois minimaliste et judicieusement utilisée dans le film sans jamais en faire de trop. La musique évoque non seulement le suspense mais évite de tomber dans le piège du jazz new-yorkais stéréotypé au profit d’une ambiance plus orchestrale à l’aide de trois thèmes bien distincts et parfaitement agencés sur les images du film (à noter néanmoins que l’album publié par Varèse Sarabande contient de la source music jazz entendue dans le film). La musique de « The Public Eye » se distingue notamment par son utilisation régulièrement métronomique de la batterie ou sa douce mélancolie évoquant un photographe artiste solitaire dont les sentiments pour une belle femme en détresse seront irrémédiablement voués à l’échec. Musique tragique et humaine, « The Public Eye » rappelle l’enfermement du personnage de Joe Pesci dans une passion sans lendemain, et oscille adroitement entre le suspense et le drame avec une pudeur et une retenue constante. Le score n’est pas un hit dans la carrière de Mark Isham mais s’avère être une belle surprise – on se souvient par ailleurs que Jerry Goldsmith devait faire la musique du film d’Howard Franklin à l’origine ! – malgré son caractère un brin monotone et la répétition des mêmes thèmes tout au long du film. Le score de « The Public Eye » devrait néanmoins satisfaire les fans de Mark Isham et ceux qui préfèrent ses musiques orchestrales plus minimalistes des années 90.



---Quentin Billard