The Album

1-Road Trip 1.41
2-Desert Trek 1.01
3-The Train 2.52
4-Grave Stone 1.31
5-Desert Dream 1.51
6-Fatal Fall 0.27
7-Plane Take-Off 6.12
8-Plane Ride 2.23
9-Desert Walk 5.00
10-Fandango (Piano Solo) 1.56
11-Wedding 3.51
12-Dance 2.22
13-Goodbye Friend 2.17

The Extras

14-Spanish Guitar (Duet) 2.01
15-Wild Percussion 0.26
16-Desert Walk (Alternate) 5.01

Musique  composée par:

Alan Silvestri

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 249

Musique conduite par:
Alan Silvestri
CD produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif CD:
Roger Feigelson
Orchestrations:
James B. Campbell
Mixage score:
Dennis Sands
Montage musique:
Kenneth Hall
Assistante de production:
Regina Fake

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 1985 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***
FANDANGO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Silvestri
C’est grâce à son court-métrage « Proof » tourné en 1980 que Kevin Reynolds sera repéré quelques années plus tard par Steven Spielberg qui décidera de produire une adaptation de son film en long-métrage, intitulé « Fandango » (Une bringue d’enfer), qui sortira au cinéma en 1985. Le film marque la première collaboration entre Kevin Reynolds et Kevin Costner : les deux hommes travailleront ensemble sur « Robin Hood : Prince of Thieves » (1991), « Rapa Nui » (sur lequel Costner officiera en tant que producteur en 1994), « Waterworld » (1995) et la mini-série « Hatfields & McCoys » (2012). « Fandango » raconte l’histoire en 1971 d’un groupe de cinq étudiants qui décident de fêter leur diplôme de fin d’année à travers une virée dans le désert du Texas jusqu’au Rio Grande. Gardner Barnes (Kevin Costner) est membre d’une bande nommée les Groovers, incluant Kenneth Waggener (Sam Robards), qui va se marier dans quelques jours, Phil Hicks (Judd Nelson), Lester (Brian Cesak), qui tombera dans les pommes, ainsi que Dorman (Chuck Bush). Kenneth annonce à ses amis qu’il est susceptible d’être appelé par l’armée pour partir au Vietnam et doit renoncer à épouser Debbie (Suzy Amis). De la même façon, Gardner sait qu’il risque à son tour d’être enrôlé pour le Vietnam. Ensemble, les Groovers décident de célébrer leurs derniers jours de liberté pour une dernière aventure sur la route à bord du véhicule de Phil. Objectif de la virée : rejoindre le Rio Grande où ils vont déterrer un certain « Dom ». Mais le véhicule de Phil tombe en panne d’essence et oblige les Groovers à rejoindre à pied la ville la plus proche. C’est le début d’une longue aventure initiatique parsemée d’embûches et de péripéties en tout genre, où chacun va profiter une dernière fois des privilèges de la jeunesse alors que l’avenir s’annonce incertain.

« Fandango » s’avère être un road-movie initiatique assez plaisant qui porte un regard nostalgique sur la jeunesse américaine des années 70, à travers le portrait d’un groupe de jeunes étudiants qui décident d’entamer tous ensemble un dernier voyage censé marquer la fin de la jeunesse et le début des responsabilités d’adultes – et notamment le départ imminent pour le Vietnam – Kevin Reynolds réunit ici une poignée de jeunes acteurs talentueux dominés par l’excellent Kevin Costner, tout juste âgé de 30 ans lorsqu’il tourne le film et encore peu connu du grand public en 1985. Evitant parfaitement une approche mélodramatique trop souvent présente dans les films pour ados, « Fandango » est une comédie dramatique au ton doux-amer qui évoque l’entrée de cinq jeunes hommes dans l’âge adulte. Le voyage initiatique des cinq copains (disons plutôt quatre, l’un des cinq étant perpétuellement dans le coma) prend des allures d’odyssée et se conclura à l’arrivée près du Rio Grande, où les amis déterreront une bouteille de Dom Pérignon qu’ils avaient enterré pour symboliser l’union des Groovers. Le film est un pur festival d’idées saugrenues et d’humour décapant : entre la scène du train où Gardner a l’idée stupide d’accrocher la voiture à l’arrière d’un train, celle où Phil prend des leçons de parachutisme à bord d’un avion piloté par un instructeur hippie défoncé, qui a confondu le sac du parachute avec un sac de vêtements, une bataille de feux d’artifice avec un groupe de jeunes filles dans un cimetière en pleine nuit qui se transforme en une représentation métaphorique de la guerre du Vietnam, ou la scène où les amis dorment près des restes d’une cabane qui servit au tournage de « Giant » avec James Dean, « Fandango » est une vraie réussite qui déborde de bonnes idées et évoque de manière poignante la fin de la jeunesse pour une dernière virée sauvage dans le désert mexicain à la façon d’un western improbable, sauf qu’ici les cow-boys sont remplacés par de jeunes étudiants qui multiplient bière, gueules de bois et costumes sales dans un ultime « carpe diem » purificateur, qui clôt ainsi une amitié d’enfance avant le départ pour le Vietnam.

Surfant sur la vague des films de potes que l’on voyait apparaître au début des années 80 à Hollywood (on pense à « The Big Chill » de Lawrence Kasdan sorti en 1983 ou, plus tard, « Stand By Me » de Rob Reiner en 1987), « Fandango » mélange adroitement humour et émotion avec quelques moments plus touchants et drôles à la fois, comme la séquence finale où Gardner et ses amis improvisent un mariage pour leur ami Kenneth au milieu d’un petit village, et où Gardner se sacrifie par amitié en laissant son ex-fiancée – dont on devine qu’il l’aime encore - épouser son meilleur ami Kenneth. Et lorsque l’aventure touche à sa fin, difficile de ne pas ressentir un pincement au coeur lorsque les copains se séparent et que chacun prend sa route vers un destin qu’on devine peu réjouissant. Film sur l’insouciance et la fin de l’innocence, « Fandango » est une vraie réussite et l’un des premiers films mémorables de Kevin Costner – incluant la scène anthologique du saut en parachute – Malheureusement quelque peu tombé dans l’oubli au fil du temps – on dit que Spielberg aurait été déçu du résultat final et aurait décidé de retirer son nom au générique - « Fandango » mérite d’être largement réhabilité pour ce qu’il est : un vrai film de jeunesse et un ode drôle et émouvant à l’innocence, l’amitié et la liberté.

« Fandango » est aussi l’un des premiers films majeurs d’Alan Silvestri, qui compose l’une de ses premières partitions orchestrales pour le cinéma à tout juste 35 ans. Remarqué en 1984 pour sa musique du film « Romancing the Stone » de Robert Zemeckis, Alan Silvestri fut rapidement engagé par Steven Spielberg et Kevin Reynolds sur « Fandango », pour lequel il dut composer une trentaine de minutes de musique originale – le reste étant constitué de chansons – Curieusement, malgré une durée modeste, le score de Silvestri fut partiellement remonté et remplacé par des musiques préexistantes, et notamment un mouvement d’une Symphonie de Chostakovitch (la scène du baptême de l’air de Phil) ou une pièce de jazz de Keith Jarrett pour le final. L’album publié par Intrada en 2013 nous permet enfin de découvrir le score de Silvestri dans son intégralité, composé juste un an avant le succès colossal de « Back to the Future » (1985). Rappelons qu’au début des années 80, Silvestri était encore peu connu du public cinéphile, après des débuts modestes dans les années 70 sur « The Doberman Gang » (1972) ou sur la série TV « CHIPs » entre 1977 et 1983. « Romancing the Stone » marqua sa première entrée majeure dans le cinéma américain et sa première incursion dans le registre de la musique orchestrale, lui qui était surtout connu à ses débuts pour ses musiques synthétiques. Le score qu’il composa la même année pour le nanar franchouillard « Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir » de Philippe Clair résumait à lui seul tout le style du compositeur dans les années 80, avec son approche disco/synthétique très datée et ses passages d’action orchestraux annonçant ses futures partitions à venir. Pour « Fandango », Silvestri eut l’occasion de renouer avec ce style qu’il venait de mettre en place sur ses deux précédents films.

Le premier morceau, « Road Trip », débute pour la scène où la bande des Groovers s’embarque pour une virée endiablée sur l’autoroute les conduisant à Mexico. Le compositeur met ici l’accent sur les synthétiseurs et les rythmes électroniques qu’il maîtrise parfaitement dans les années 80, avec un basson soliste – une idée que Silvestri reprendra quelques années plus tard sur « Predator 2 » - A noter par ailleurs que le morceau, censé évoquer l’idée du voyage et du road movie, n’est que partiellement utilisé dans le film. Plus intéressant, « Desert Trek » dévoile le premier morceau entièrement orchestral de « Fandango », lorsque la voiture de Phil tombe en panne dans le désert. Le basson soliste est à nouveau présent, puis, très vite, les cuivres et les cordes prennent le relais, incluant une brève fanfare qui semble surgir tout droit d’un péplum des années 50. Silvestri pose ici le ton de l’aventure avec quelques notes sombres annonçant clairement le style de « Back to the Future ». Dans « The Train », le compositeur illustre la scène délirante du train à l’aide de bois bondissants, de cuivres dynamiques et de cordes intenses. On y retrouve les orchestrations habituelles du compositeur, notamment dans l’emploi de la harpe ou du xylophone. « The Train » s’avère être le premier morceau d’action majeur du score, avec ses ponctuations percussives martelées de caisse claire/piano typiques de l’auteur de « Back to the Future » - très clairement, « Fandango » servira de base musicale pour la musique du film de Robert Zemeckis – « Grave Stone » illustre la scène où les gars partent s’amuser avec deux jeunes filles avec des feux d’artifice. Les visions de guerre du Vietnam lorsque Gardner et Waggener observent la tombe d’un jeune soldat de 19 ans mort au combat incite Silvestri à dévoiler un style plus lyrique à l’aide de violoncelles mélancoliques et de bois plus résignés, une façon pour le musicien de rappeler le dur retour à la réalité et ce qui attend les Groovers à leur entrée à l’âge adulte.

« Desert Dream » renoue avec les synthétiseurs new age typiques du Silvestri des 80’s pour la scène du rêve de Gardner avec son ex-fiancée (Suzy Amis). « Fatal Fall » s’avère plus important en ramenant l’esthétique symphonique au cœur de la partition, pour la scène où Phil embarque sur l’avion pour son saut en parachute. La séquence est illustrée massivement durant les 6 minutes intenses de « Plane Take-Off », superbe morceau d’action trépidant malheureusement remplacé dans le film par un extrait du troisième mouvement de la 8ème Symphonie de Chostakovitch – morceau que Kevin Reynolds avait déjà utilisé dans son court-métrage d’origine – Les six minutes de « Plane Take-Off » résument parfaitement toute la personnalité musicale d’Alan Silvestri dans les années 80 et inspireront massivement le score de « Back to the Future » pour l’écriture et certaines idées harmoniques/instrumentales/thématiques. A noter que l’on retrouve des similitudes entre le morceau de Chostakovitch et celui de Silvestri, puisque ce dernier a repris l’idée des traits mélodiques rapides des cordes qui distinguent clairement le morceau du maestro russe dans le film, le tout écrit dans un classicisme d’écriture absolument remarquable où l’orchestre semble s’en donner à coeur joie. La scène se termine enfin sur « Plane Ride » où l’on devine la personnalité plus martiale du compositeur des futurs « Predator » et « Judge Dredd ». « Desert Walk » met l’accent sur des cuivres plus solennels et quasi militaires alors que Gardner, Waggener et Phil évoquent le Vietnam et l’idée de servir leur pays. Silvestri renoue ici avec le lyrisme de « Grave Stone » à l’aide d’une très belle partie de violoncelle soliste avec cors, violons, hautbois, flûtes, clarinettes et piano, pour ce qui reste l’un des plus beaux morceaux de « Fandango ». Une guitare soliste nostalgique aux consonances latino vient évoquer avec douceur l’arrivée au Mexique et la fin du voyage pour les Groovers.

A noter que « Desert Walk » est le dernier morceau d’Alan Silvestri utilisé dans le film, puisque « Fandango (Piano Solo) », pièce intime pour piano censée accompagner la fin du film après le mariage surprise de Waggener et les adieux des Groovers, a été remplacée dans le film par la pièce jazz « September 15th » de Pat Metheny et Lyle Mays, extrait de l’album « As Falls Wichita, So Falls Wichita Falls » datant de 1981. Silvestri a tenté ici d’imiter le temp-track, mais les morceaux originaux ont eu raison de sa partition dans le film. Idem pour le très beau « Wedding » avec ses guitares électriques et ses synthés 80’s réjouissants – incluant une section centrale très romantique - remplacés par « It’s For You » de Pat Metheny et Lyle Mays. Malgré la ressemblance de sa musique aux temp-tracks, Silvestri n’a guère su imposer sa vision de la musique durant les 20 dernières minutes du film, pour lesquelles Kevin Reynolds a préféré conserver les musiques préexistantes. Il faut quand même signaler que « Wedding » est un très beau morceau qui provoque un vrai pincement au coeur alors que les copains se séparent et réalisent que leur jeunesse est terminée pour de bon. Idem pour « Dance », morceau dominé par une guitare électrique clean et un banjo soliste, remplacé là aussi par la musique de Metheny et Mays. Enfin, « Goodbye Friend » devait accompagner à l’origine les adieux des Groovers et s’éloigne considérablement du temp-track d’origine (« Farmer’s Trust » de Pat Metheny extrait de son album « Travels » de 1982) pour une approche résolument plus symphonique, où l’on retrouve la fanfare solennelle de « Desert Walk », alors que les copains réalisent qu’ils devront servir leur pays et partir au Vietnam – on retrouve aussi la guitare latino de « Desert Walk » accompagnée d’un harmonica synthétique et de cuivres plus robustes qui semblent signifier qu’une nouvelle aventure va commencer pour les ex-Groovers : la vie d’adulte –

Sans être une partition majeure dans la filmographie d’Alan Silvestri, « Fandango » est un score intéressant et l’une de ses premières partitions orchestrales qui témoigne d’un savoir-faire remarquable de la part du compositeur, âgé d’une trentaine d’années lorsqu’il oeuvre sur le film de Kevin Reynolds. Restée inédite en CD pendant de nombreuses années, la musique de « Fandango » peut enfin être appréciée dans son intégralité à travers l’excellent album d’Intrada qui dévoile bon nombre de subtilités et annonce clairement les partitions à venir de Silvestri dans les années 80/90. Si « Fandango » est souvent considéré comme un premier essai de jeunesse du compositeur, certaines idées orchestrales, mélodiques ou harmoniques inspireront le musicien par la suite et lui permettront de s’épanouir sur des projets plus ambitieux qui feront sa renommée tout au long de sa carrière. Injustement sous-employée dans le film, la musique d’Alan Silvestri doit être entièrement redécouverte sur l’album d’Intrada, témoignage musical rafraîchissant d’un compositeur de talent qui était alors sur le point de devenir l’un des plus importants musiciens hollywoodiens des années 80/90 – bien avant que Silvestri s’oriente vers d’autres activités et notamment la viticulture dans les années 2000 – Le score semble par moment un brin daté dans son écriture (notamment dans l’emploi des synthétiseurs), mais la prise de son est plutôt bonne et très claire pour l’époque ; l’écoute au casque n’est cependant guère recommandée, la plupart des pistes orchestrales du CD contenant de petits clics parasites, flagrants par exemple tout au long de la piste « Goodbye Friend ». Enfin, le score de « Fandango » parvient à apporter malgré tout une énergie et une émotion au film de Kevin Reynolds, même si cela reste une occasion partiellement ratée pour Alan Silvestri, qui verra une bonne partie de sa musique mise au placard au profit des temp-tracks d’origine du film. Fort heureusement, 1985 pointait le bout de son nez avec le triomphe monumental de « Back to the Future », sur lequel Alan Silvestri allait enfin prendre son envol pour naviguer vers de plus grands horizons !



---Quentin Billard