1-Prologue 1.43
2-Main Title/Take Care 4.53
3-A Real Princess/Raid for Ice 3.13
4-Kick That Robot 1.54
5-Jason Abducts Princess Karina 2.39
6-Evasive Tactics 2.03
7-Muzak: The Inspection Room 2.51
8-Rock'n Roll #1: The Party 4.12
9-Motorbike Chase 1.31
10-Space Herpe 1.47
11-Rock'n Roll #2: Pirates' Den 6.29
12-Sweetwater 2.59
13-Big Car Coming/Bounty Hunters 4.40
14-Unicorn Attack 2.31
15-Rock'n Roll #3:
The Pleasure Room 2.19
16-Quick Fight 0.27
17-Omega Robot 1.02
18-The Hologram/Jason's Promise 1.41
19-Innuendo 0.52
20-Passion's Storm 3.47
21-The Seventh World/Big Battle 8.44
22-Out of Business/End Credits 4.05

Musique  composée par:

Bruce Broughton

Editeur:

Film Score Monthly
FSMCD Vol. 11 No. 5

Album produit par:
Douglass Fake, Lukas Kendall
Production exécutive pour
Tuner Entertainment Co.:
George Feltenstein
Mastering digital:
Doug Schwartz
Orchestrations:
Bruce Broughton, Don Nemitz
Arrangements synthétiseurs:
Bruce Miller
Enregistrement et mixage:
Aaron Rochin
Supervision musique:
Harry V. Lojewski
Monteur musique:
William Saracino
Assistance de production:
Jeff Eldridge, Peter Novakovich

Artwork and pictures (c) 1984 Turner Entertainment Co. A Warner Bros Entertainment Company. All rights reserved.

Note: ***
THE ICE PIRATES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bruce Broughton
Le succès retentissant de « Star Wars » en 1977 va lancer la mode des films de science-fiction spatiale qui vont pulluler sur nos écrans et se multiplier à une vitesse phénoménale. Chacun va tenter de surfer à sa façon sur le succès du film de George Lucas et proposer sa propre version pour tenter d’appâter le public : on se souviendra notamment du japonais « Message from Space : Galactic Wars » (1978), du fauché « Battle Beyond the Stars » (1980) produit par Roger Corman, de « Battlestar Galactica » (1978) et sa future série TV, du cheap mais plaisant « Spacehunter : Adventures in the Forbidden Zone » (1983), de l’épique « Krull » (1983), du très geek « The Last Starfighter » (1984) ou du film d’animation « Starchaser : the Legend of Orin » (1985), sans oublier un nombre conséquent de parodies en tout genre (dont le fameux « Spaceballs » de Mel Brooks en 1987). « The Ice Pirates » (Les guerriers de l’espace) s’inscrit par ailleurs dans cette catégorie de film. Produit par la MGM en 1984, le film est confié à Stewart Raffill, un tâcheron qui se fera connaître en signant la même année « Philadelphia Experiment » (1984) ou le nullissime nanar « Mac & Me » (1988). Le film se déroule dans un futur lointain, dans une galaxie ravagée par de grandes guerres interplanétaires où l’eau potable est devenue une substance rare et précieuse. L’eau est conservée dans d’importants cubes de glace par les maléfiques Templiers de la planète Mithra, qui contrôlent l’eau et ont ravagé tous les mondes qui en contenaient. C’est ainsi qu’une poignée de pirates sillonnent la galaxie à la recherche des stocks d’eau et attaquent les vaisseaux cargo pour leur dérober leurs précieuses réserves. Jason (Robert Ulrich) dirige à son tour une bande de pirates de l’espace qui viennent tout juste d’attaquer le vaisseau Meterak, où ils font la connaissance de la belle princesse Karina (Mary Crosby). Jason et ses compagnons Maida (Anjelica Huston), Zeno (Ron Perlman) et Roscoe (Michael D. Roberts) tentent alors de s’enfuir avec Karina mais sont finalement rattrapés par un vaisseau Templier puis capturés. Jason et Roscoe sont envoyés sur la planète Mithra où ils vont devenir des esclaves après avoir été castrés. Mais la princesse Karina décide de les sauver in extremis. Avec l’aide de Killjoy (John Matuszak), un homme qui se fait passer pour un moine afin d’éviter la castration, Jason, Roscoe, Karina et sa servante s’échappent de Mithra à bord d’une navette. La jeune princesse révèle alors ses intentions : elle souhaite recruter Jason pour l’aider à retrouver son père qui a disparu il y a quelques années après avoir recherché une mystérieuse planète contenant de l’eau.

« The Ice Pirates » s’apparente à une variation parodique de « Star Wars », bourrée d’humour, de dérision et d’un second degrés permanent. Le film de Stewart Raffill ne ménage pas ses efforts et mélange idées saugrenues, références cinématographiques et bizarrerie visuelle pour le plus grand plaisir du spectateur. Le film est en grande partie interprété par des acteurs davantage connus à la télévision (Robert Ulrich, Mary Crosby, Michael D. Roberts, etc.) incluant quelques têtes connues comme Ron Perlman, Anjelica Huston ou le vétéran John Carradine, malheureusement réduit à un bref rôle guère valorisant pour l’acteur – qui est un spécialiste des films d’épouvante – Le film se pare d’un humour absurde et décalé qui rappelle les films des productions Z.A.Z. au début des années 80, empruntant les codes des films de pirate, des comédies burlesques et des films de science-fiction pour un résultat assez détonnant. Inégal dans son traitement et réalisé avec des moyens limités (environ 9 millions de dollars tout de même), « The Ice Pirates » mange à tous les râteliers : entre l’attaque introductive du Meterak avec les robots stupides des pirates, la parodie d’Alien – lorsque la petite créature s’échappe d’un oeuf à l’intérieur du vaisseau et que Jason décide de ne pas en informer les autres – la scène des esclaves efféminés en juste-corps blanc, la poursuite avec les bandits dans le désert – calquée sur « Mad Max » - la scène d’amour ultra kitsch ou l’affrontement final totalement fantaisiste à l’intérieur du vaisseau qui voyage dans un portail temporel où le temps s’écoule beaucoup plus vite (ce qui fait que les personnages vieillissent tous de 30 ou 40 ans en seulement quelques minutes : le combat s’achève alors que les personnages deviennent tous des vieillards !), « The Ice Pirates » déborde d’idées et se montre extravagant et délirant avec une véritable folie contagieuse, toujours soucieux de ne jamais trop se prendre au sérieux. Malheureusement, l’ensemble tient davantage du fourre-tout burlesque et écope d’un scénario mal fichu qui semble partir dans tous les sens, sans oublier des décors et des effets visuels ultra kitsch, à la limite du nanar. Le film sera un succès modéré au box-office de 1984 mais n’empêchera pas les ersatz de « Star Wars » de se multiplier tout au long de cette décennie.

« The Ice Pirates » est l’un des premiers long-métrages mis en musique par le compositeur Bruce Broughton, qui s’était surtout fait connaître vers la fin des années 70 en travaillant essentiellement pour la télévision sur des séries TV telles que « Dallas », « Hawaii Five-O », « The Oregon Trail », « Quincy M.E. » ou « Barnaby Jones ». Ses premières productions musicales seront ainsi destinées à des téléfilms tels que « The Paradise Connection » (1979), « Desperate Voyage » (1980), « Desperate Lives » (1982), « The Master of Ballantrae » (1984) ou la prestigieuse mini-série de 4 épisodes « The Blue and the Gray » (1982). Avec un seul long-métrage à son actif en 1983, « The Prodigal », Broughton était donc un choix intéressant sur « The Ice Pirates ». Il faut se souvenir que le compositeur avait déjà abordé le registre de la science-fiction en composant notamment les musiques des séries TV « Logan’s Run » en 1977 et « Buck Rogers in the 25th Century » en 1981. Dans une note du livret de l’album publié par FSM, Bruce Broughton explique que sa principale difficulté sur « The Ice Pirates » fut de trouver le ton de sa musique, étant donné que l’histoire part dans plusieurs directions et s’avère être assez confuse et un peu fourre-tout au niveau du ton et de l’ambiance. C’est pourquoi le compositeur ne pouvait certainement pas se permettre de faire un simple décalque des « Star Wars » de John Williams ou des musiques d’aventure d’Erich Wolfgang Korngold mais a plutôt décidé de mélanger et superposer différents styles musicaux pour parvenir à ses fins. Le score repose essentiellement sur un thème principal, une fanfare héroïque dévoilée dès le « Prologue » à partir de 0:16. La fanfare est juxtaposée ici à une partie pop/rock dominée par guitare électrique, basse et section rythmique, associée dans le film à l’impétueux Jason et ses compagnons d’aventure (à noter que le « Prologue » n’a finalement pas été utilisé dans le film).

Le « Main Title » s’avère plus sombre, avec ses sonorités métalliques étranges et ses flatterzunge de flûtes avec quelques notes de piano, de clarinettes et de synthétiseurs, lorsque Jason et ses pirates s’infiltrent dans le vaisseau des Templiers au début du film. La musique suggère clairement ici une ambiance de suspense avec une instrumentation très hétéroclite et un certain humour, notamment dans l’utilisation des notes furtives de clarinettes ou d’un tuba plus grotesque. Broughton cite ici son thème principal à quelques reprises, pour marquer le début de l’aventure. A noter l’utilisation d’éléments électroniques qui maintiennent la tension dans « Take Care ». « A Real Princess/Raid For Ice » dévoile le Love Theme du film, thème romantique associé à Jason et la princesse Karina, entendu pour la première fois durant la scène où Jason découvre la princesse endormie dans une capsule enfumée. Le Love Theme est partagé ici entre les claviers, la basse, la guitare et quelques synthétiseurs typiques des années 80. A noter entre 1:24 et 1:41 une allusion au thème pop de Jason, fort sympathique mais retiré du film durant cette séquence. Le thème principal est ensuite cité aux cuivres alors que les pirates arrivent dans l’immense cargo où les Templiers entreposent les blocs de glace. Le morceau se conclut sur une reprise héroïque de cette superbe fanfare old school (« Raid for Ice ») qui annonce par moment le style des musiques d’aventure que Broughton composera dans les années 80, et notamment « Young Sherlock Holmes » ou « The Rescuers Down Under ». A noter le retour du thème pop/rock de Jason, le compositeur parvenant à passer rapidement d’un style à un autre avec une facilité déconcertante.

« Kick That Robot » est le premier morceau d’action du score de « The Ice Pirates », bourré d’humour et de rythmes excitants, partagé entre des bois sautillants, des petites percussions, des cuivres robustes et un piano frénétique. L’écriture de Broughton est ici particulièrement riche et colorée, le musicien ne se prenant pas vraiment au sérieux, à l’instar du film, tout en conservant une approche à la fois fun et énergique sur les images. « Jason Abducts Princess Karina » illustre ensuite la scène où Jason et ses pirates s’enfuient du vaisseau en emportant avec eux la princesse Karina. L’action s’intensifie ici entre des cuivres musclés, des rythmes pop du thème de Jason – incluant une guitare électrique très rock - et des synthétiseurs 80’s kitsch. Ici aussi, comme dans « Kick That Robot », il faut apprécier l’habileté avec laquelle Bruce Broughton passe d’un style à un autre avec une facilité déconcertante alors que le mélange pouvait s’avérer hasardeux et délicat sur le papier. Un morceau d’action comme « Evasive Tactics » semble en revanche souffrir d’une interprétation orchestrale assez limitée – on sent clairement que les moyens alloués à Broughton étaient modestes ! – mais le compositeur parvient à contourner cette difficulté en maintenant un rythme et une énergie constante dans sa musique. Non dénuée d’humour, la musique de « The Ice Pirates » s’oriente même vers de la source music incroyablement lounge et kitsch dans « Muzak : The Inspection Room », pour la séquence où Jason et Roscoe ont été capturés et emmenés sur la planète Mithra, où ils sont sur le point d’être castrés et lobotomisés, avant d’être sauvés in extremis par la princesse Karina qui décide alors de les utiliser pour s’enfuir d’ici afin de rechercher son père disparu.

De la même façon, Broughton se fait plaisir avec une autre pièce de source music typique des années 80 : « Rock’n Roll #1 : The Party », pour une scène dans un club Templier vers le milieu du film (cf. aussi l’énergique « Rock’n Roll #2 : Pirates’ Den »). Plus intéressant, « Motorbike Chase » accompagne l’évasion des héros et de Karina, poursuivis en moto à travers les rues de la ville. Le compositeur met ici l’accent sur une écriture virtuose des bois (notamment des clarinettes), du xylophone, des cuivres et du piano avec des variations autour du thème pop/rock de Jason. « Space Herpe » évoque la scène de l’œuf à bord du vaisseau qui donne naissance à une petite créature gluante – une herpe spatiale - qui s’enfuit dans les couloirs du vaisseau. Broughton s’amuse ici à pasticher le « Alien » de Jerry Goldsmith comme la séquence elle-même, avec des effets de col legno des cordes et des sonorités plus dissonantes. « Sweetwater » cite le Love Theme aux synthétiseurs, tandis que « Big Car Coming/Bounty Hunters » évoque la séquence de la poursuite avec les chasseurs de prime. Broughton profite de l’occasion pour nous offrir un morceau d’action guerrier et frénétique dominé par une caisse claire déchaînée, une batterie pop/rock et des cuivres musclés. Les pirates arrivent ensuite sur Tri System et recherchent le dénommé Wendon (Bruce Vilanch) dans « Unicorn Attack », qui possède de précieuses informations sur le père de Karina. Le morceau est dominé ici par des synthétiseurs mystérieux et quelques percussions métalliques utilisées de façon inventive avec les bois, durant la scène où Jason et ses compagnons sont attaqués par des amazones.

« Quick Fight » accompagne une autre scène de bataille vers la fin du film avec une écriture plus frénétique des cuivres, lorsque Roscoe sauve Jason et Karina et neutralise Wendon. « Passion’s Storm » illustre la scène d’amour entre Jason et Karina en reprenant le Love Theme dans sa version la plus passionnée et la plus romantique du film, un morceau dominé ici par la guitare électrique, les claviers, le piano et les rythmes pop (détail instrumental intéressant : les accords de la dernière partie de « Passion’s Storm » sont intégralement joués par les bois avec la basse). Enfin, la bataille finale est illustrée dans les 8 minutes intenses de « The Seventh World/Big Battle » qui reprend plusieurs éléments des précédents morceaux d’action du score, incluant « Evasive Tactics », « Kick That Robot » ou « Jason Abducts the Princess ». Broughton répond à l’extravagance de cette séquence totalement déjantée par une musique d’action frénétique et robuste oscillant entre l’orchestre, l’électronique et les rythmes pop/rock. Détail amusant : le compositeur suggère ici le vieillissement accéléré des personnages en faisant ralentir le tempo durant la dernière minute de « Big Battle », avant une coda triomphante reprenant le thème principal après la victoire finale des héros, qui sont enfin revenus dans le temps présent et ont retrouvé leur âge initial. « Out of Business » reprend le Love Theme en guise de conclusion avant de céder la place au générique de fin (End Credits) qui récapitule les principaux thèmes du score. Bruce Broughton se fait donc plaisir avec « The Ice Pirates » et nous offre une musique divertissante, ultra-vitaminée et débordant d’idées, à l’instar du film lui-même. Le musicien ne se prend guère au sérieux et nous offre une partition décomplexée oscillant entre l’orchestral old school, l’électronique 80’s et les rythmes pop/rock de l’époque pour un résultat hybride assez particulier et très appréciable dans le film comme en écoute isolée. Sans être une oeuvre majeure dans la filmographie de Bruce Broughton, « The Ice Pirates » est un score très attachant qui nous permet de mieux comprendre l’évolution de la musique du compositeur dans la suite de sa carrière, à découvrir sur l’excellent album publié par FSM en 2008 avec un son incroyable pour un enregistrement datant de 1984 !



---Quentin Billard