1-Sleepwalk 2.23*
2-Main Titles 2.06
3-Cop Kabob 2.25
4-This Is Homeland 4.06
5-Is This What You Had In Mind? 2.49
6-Let's Go Upstairs 2.46
7-You Didn't Get It 3.05
8-Run To That Jungle Beat 2.24
9-Do You Love Me 3.00**
10-Am I Beautiful? 1.31
11-Let The Cats Run 4.31
12-I'm Going To Make Us Dim 2.36
13-Fly On The Chicken 2.57
14-Impaling Doom 3.44
15-Speedster 3.39
16-Boadicea 3.30***

*Ecrit par Johnny Farina,
Santo Farina et Ann Farina
Interprété par Richie Valens
**Interprété par The Contours
Ecrit par Berry Gordy
***Interprété par Enya
Ecrit par Enya, Roma Ryan
et Nick Ryan.

Musique  composée par:

Nicholas Pike

Editeur:

Milan Records 10132-2

Produit par:
Nicholas Pike
Orchestrations:
Stuart Balcomb
Montage musique:
Stan Jones, Marty Wereski
Mixage musique:
Shawn Murphy
Producteur musique:
Nicky Ryan

Artwork and pictures (c) 1992 Columbia Pictures Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
SLEEPWALKERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Nicholas Pike
Avec « Sleepwalkers » (La nuit déchirée), le réalisateur Mick Garris mettait un pied dans l’univers des adaptations ciné des livres de Stephen King. Le réalisateur, connu pour ses films d’épouvante (« Critters 2 », « Psycho IV » et la série TV « Freddy’s Nightmares »), collabore avec Stephen King qui signe ici le scénario du film inspiré d’une nouvelle inachevée. « Sleepwalkers » raconte l’histoire de Mary Brady (Alice Krige) et son fils Charles (Brian Krause). Les Brady sont les derniers représentants d’une race de créatures nocturnes et nomades très anciennes connues sous le nom de félidés. Ces êtres ne viennent pas de notre monde mais prennent l’apparence d’humains pour se fondre dans la masse et tenter de survivre. Pour cela, ils doivent régulièrement se nourrir de la force vitale de jeunes vierges. Mary et Charles vivent tous deux dans leur maison de Travis, petite ville sereine de l’Indiana. Les félidés sont constamment menacés par la seule chose susceptible de les tuer : les chats. C’est pourquoi leur maison est entourée de pièges censés faire fuir leurs prédateurs. Un jour, Charles rencontre la jeune Tanya Robertson (Mädchen Amick), qu’il séduit et avec laquelle il entretient une relation amoureuse, en vue de ramener la jeune fille à la maison pour lui permettre de se nourrir, lui et sa mère, qui meurt de faim. Mais un jour alors qu’ils se rendent à un rendez-vous galant lors d’un pique-nique près d’un cimetière, Charles révèle ses véritables intentions et commence à agresser une Tanya terrorisée. Cette dernière blesse gravement Charles et est sauvée in extremis par l’intervention du shérif Andy Simpson (Dan Martin). Ce dernier est tué par Charles mais Clovis, le chat du shérif, saute sur le félidé et le blesse mortellement avec ses griffes. De retour chez lui, Mary découvre son fils au corps ensanglanté et décide de le soigner. Furieuse, la mère prend les choses en main et décide finalement de retrouver Tanya et de la ramener de force chez elle afin d’assurer leur survie coûte que coûte.

Sous ses airs de série-B au budget modeste, « Sleepwalkers » est une production horrifique assez réussie qui vaut surtout par les bonnes idées du scénario de Stephen King, qui n’hésite pas à prendre des directions inattendues. Le film est une variante du mythe des vampires, remplacés ici par des créatures connues sous le nom de félidés – un texte dans le pré-générique nous informe que ces créatures seraient à l’origine du mythe des vampires – Après une introduction moyenne à base de scare jumps où deux policiers retrouvent des cadavres pendus de chats égorgés et le corps exsangue d’une jeune fille (la scène vaut surtout par le caméo de Mark Hamill qui joue l’un des deux policiers), le récit débute par un générique mystérieux et fascinant à base d’illustrations terrifiantes des félidés à l’apparence mi-homme mi-félin, puis le film commence de manière déroutante avec une scène d’inceste entre Mary et Charles, accompagnée par la chanson « Sleepwalk » de Santo & Johnny diffusée sur un vieux 33 tours. Une entrée en matière pour le moins fort ingénieuse et particulièrement osée, l’inceste étant un sujet délicat à traiter au cinéma. Mick Garris a l’idée d’apporter un certain humour noir étrange à cette première scène provocante et subversive, comme si l’acte d’amour des deux félidés était tout naturel dans les coutumes de leur race, le tout accompagné par une chanson typiquement américaine évoquant avec nostalgie l’Amérique d’avant. On devine ici la liberté de ton évidente d’un film qui semble avoir échappé miraculeusement à la censure de la MPAA, d’autant que le reste du film est ponctué de scènes gores particulièrement sanglantes. Une autre scène connue est celle où Tanya, qui travaille le soir comme ouvreuse dans un petit cinéma de quartier, balaie le couloir avec un walkman sur les oreilles et commence à danser de manière sensuelle, avec son uniforme rouge et sa mini-jupette, sur l’air de « Do You Love Me » de The Contours, tube datant de 1962 remis au goût du jour avec le film « Dirty Dancing » en 1987.

La scène est brusquement interrompue par Charles, qui observait la jeune fille se trémousser avec sa danse quasi érotique. Mine de rien, la scène, qui semble plus anodine que la précédente, est révélatrice d’un certain état d’esprit d’une production subversive qui n’a pas peur d’emprunter certains chemins pour mieux dérouter le spectateur. Mädchen Amick campe ici la belle et jeune ingénue, aux yeux pétillants et à la sensualité évidente, face à un Brian Krause plus fade qui campe l’éternel cliché du beau gosse américain qui ne laisse aucune fille indifférente dans son lycée. Mais le vrai atout du film, c’est bien évidemment l’hypnotisante Alice Krige. Spécialiste des rôles de sorcière et de femmes étranges dans le cinéma fantastique – on se souvient de son rôle de la reine des Borg dans « Star Trek First Contact » ou celui de Christabella dans « Silent Hill » - l’actrice sud-africaine apporte à son personnage de Mary une force toute particulière, un mélange inquiétant de séduction et de perversion typique de certains personnages des romans de Stephen King. Après un premier acte d’exposition plutôt ordinaire, le film se transforme rapidement en série-B d’épouvante où l’on devine hélas les limites d’un budget très serré. Les premières scènes gores font leur apparition – le prof qui se fait couper la main par Charles – et le film bascule dans l’horreur pure sans réelle transition. Dommage, d’autant que le thème des félidés est finalement sous-exploité dans le récit : on ne connaît rien de leur monde natal, on ne sait pas ce qui est arrivé à leur espèce et on aurait aimé en connaître davantage (le script aurait nécessité un film d’une durée plus conséquente ou une série TV !). Curieusement, le film frôle le nanar dès la scène où Charles commence à agresser Tanya dans le cimetière. Le jeune lycéen se transforme alors en félidé affamé comme un méchant caricatural de dessin animé, avec des répliques pourries du genre « coucou, me revoilà ! Ha Ha Ha ! » et des dialogues indigents, notamment après que la jeune fille ait planté un tire-bouchon dans l’oeil de son agresseur, ce dernier trouvant quand même le moyen de décocher cette phrase ahurissante : « Tanya, dis-moi à quel instant j’ai perdu ta confiance ? ».

Comme beaucoup d’adaptations cinématographiques de Stephen King dans les années 80/90, « Sleepwalkers » vire à la série-B télévisuelle malheureusement trop limitée par un budget modeste, d’autant que les effets spéciaux se sont pris un gros coup de vieux. A noter que le film est l’un des premiers métrages à utiliser en 1992 la technique du morphing, pour la scène où le visage de Charles se transforme en celui de félidé lorsque le policier l’observe depuis sa voiture. Non seulement la technique n’est clairement pas encore au point à cette époque, mais les maquillages des félidés sont ratés, ressemblant à des costumes en latex bas de gamme façon ‘monster movie’ des années 50. On passera aussi sous silence la scène ridicule où Charles est agressé par le chat du shérif : on remarque clairement que l’acteur tient une peluche animée dans ses mains ! Les fans des vieilleries 80’s apprécieront sans aucun doute le charme suranné et particulier de ce type de production, mais ceux qui ont l’oeil plus critique seront consternés par la piètre qualité visuelle de certaines séquences. On appréciera néanmoins les séquences plus sanglantes de la confrontation finale et l’inventivité des dernières scènes gores du film – la mort d’un policier tué avec un épis de maïs planté dans son dos, la mise à mort de Mary, avec la cinquantaine de chats qui lui sautent dessus et la griffent à mort – Notons pour finir quelques caméos surprises tout au long du film : on remarquera ainsi des petits rôles furtifs de Mark Hamill, Ron Perlman, Stephen King, John Landis, Joe Dante, Clive Barker et Tobe Hooper. Au final, c’est donc un bilan plutôt mitigé pour ce film dans lequel Mick Garris s’impose en bon faiseur de cinéma fantastique/d’épouvante, mais qui ne parvient pas à porter son récit jusqu’au bout, partagé entre un mythe passionnant mais injustement sous-exploité, et un côté série-B horrifique typique des années 80, là où le film aurait mérité quelque chose de bien meilleur (et ce malgré un début prometteur).

« Sleepwalkers » réunit le compositeur Nicholas Pike et le réalisateur Mick Garris après « Critters 2 » en 1988. Le compositeur était principalement connu à la fin des années 80 pour sa participation à quelques films d’épouvante comme « Graveyard Shift » (1987), « Critters 2 » (1988) ou « C.H.U.D. II » (1989), avant de s’orienter par la suite vers des projets plus variés incluant des productions Disney (« Captain Ron », « Blank Check ») ou des films familiaux (« Star Kid »). Plus récemment, Nicholas Pike a renoué avec le genre de l’épouvante dans « FeardotCom » de William Malone en 2002 et retrouvera même Mick Garris sur « Riding the Bullet » en 2004, autre adaptation cinématographique d’un livre de Stephen King. Pour « Sleepwalkers », Nicholas Pike livre une partition orchestrale sombre, mystérieuse et agressive. Le film s’ouvre au son d’un « Main Title » à la fois inquiétant et envoûtant, dominé par l’orchestre et quelques sonorités électroniques énigmatiques : cordes, bois, cuivres, effets sonores synthétiques, on est plongé ici dans une ambiance mystérieuse, renforcée par des orchestrations riches – hautbois, trompettes, flûtes, violons, etc. – un thème de cordes qui évoluera dans le film pour les scènes évoquant les méfaits des félidés et des harmonies complexes qui font parfois penser à Bernard Herrmann ou Christopher Young. Pike évoque un univers musical à la fois inquiétant et sensuel à travers sa musique, concevant une atmosphère envoûtante représentant la mystérieuse race ancestrale des félidés. Nicholas Pike décide de concevoir des sons particuliers pour évoquer les félidés en utilisant le frottement d’un verre de cristal pour créer des sonorités métalliques très particulières et très félines.

« Cop Kabob » accompagne la scène où Charles tue un policier alors qu’il tente d’agresser Tanya dans le cimetière avant d’être attaqué lui-même par le chat du shérif. Le morceau est constitué de sursauts de terreur et d’assauts agressifs et percussifs de cordes et de cuivres. On appréciera ici le classicisme d’écriture de la musique de Pike, avec une écriture très claire et très élaborée de l’orchestre, privilégiant chaque pupitre avec un savoir-faire évident. A noter à 1:11 l’apparition d’un thème clé du score, un motif de 5 notes de cors évoquant les attaques des félidés. Dans « This is Homeland », le compositeur utilise les synthétiseurs dans une ambiance plus mystérieuse à base de voix samplées. Une flûte ethnique fait ensuite son apparition de manière inattendue au milieu des sonorités synthétiques obscures, accompagnant une des premières scènes où Charles fréquente la jeune Tanya. « Is This What You Had in Mind ? » est un énième assaut orchestral brutal et terrifiant très classique d’esprit – on appréciera ici l’emploi des bois plus sournois qui apportent un certain second degré à la musique de « Sleepwalkers » - et le retour des sonorités synthétiques du « Main Titles » liées aux félidés, notamment pour la scène où Tanya observe Charles inconscient au sol, après l’avoir assommé avec son appareil photo - Pike joue ici sur la multiplication de sursauts orchestraux pour la séquence où Charles agresse Tanya dans le cimetière. Le morceau est partagé entre des moments de terreur orchestrale et des passages à la limite du mickey-mousing, comme le musicien le fit d’ailleurs dans « Critters 2 ». « Let’s Go Upstairs » tente d’instaurer une ambiance romantique avec son mélange de cordes, piano, flûte et hautbois pour la relation entre Charles et Mary, mais très vite, les sonorités lugubres de l’ouverture reprennent le dessus dans « You Didn’t Get It » pour lequel Pike reprend le thème de cordes du « Main Titles » pour rappeler dans le film les origines de Charles et Mary. Le compositeur développe ici une atmosphère électronique plus inquiétante à base de sonorités cristallines, métalliques et oppressantes.

« Run to That Jungle Beat » débute avec un violoncelle soliste et évolue rapidement vers une ambiance de traque effrénée pour la scène où Charles attaque et traque son professeur dans les bois. On y retrouve les sonorités cristallines des créatures et aussi quelques influences musicales évidentes probablement dues aux temp-tracks (et notamment à Danny Elfman, flagrant dans l’emploi des cuivres). On appréciera ici l’emploi frénétique des percussions qui accentuent l’idée de la traque, avec le retour du thème de 5 notes des félidés vers 2:00. « Am I Beautiful ? » développe comme dans « Let’s Go Upstairs » une ambiance de romantisme sombre avec ses notes à la fois hésitantes et sensuelles basées sur le thème de 5 notes des félidés. « Lets The Cats Run » suggère la scène où les chats de la ville se réunissent devant la maison de Mary Brady pour la séquence finale. Pike utilise ici des pizzicati synthétiques pour évoquer le rassemblement des chats en accentuant le tempo, avant un énième assaut orchestral virevoltant et agressif, jamais dénuée d’un certain humour. On retrouve aussi le thème principal reconnaissable à sa double partie de cors en tierces mineures parallèles (à 1:25), pour la séquence où Mary tire sur les voitures des policiers et fonce chez elle avec Tanya afin de sauver la vie de Charles qui est en train d’agoniser. Enfin, « Impaling Doom » accompagne la séquence finale de la confrontation contre la survivante félidé et l’attaque mortelle des chats. Le thème principal culmine ici dans un ultime climax orchestral spectaculaire et intense, incluant une reprise puissante du thème aux cuivres à 2:46 alors que Mary meurt brûlée suite aux attaques des chats.

« Sleepwalkers » s’avère donc être une partition orchestrale de grande qualité, écrite avec un classicisme d’écriture typique de ce que produisait Nicholas Pike à la fin des années 80 et dans les années 90. Le score se distingue par son écriture robuste, ses morceaux d’action/terreur techniques et décomplexées mais non dénuées d’humour noir, dans un style à mi-chemin entre Bernard Herrmann et Danny Elfman. Nicholas Pike saisit l’occasion de prolonger son approche orchestrale classique de « Critters 2 » dans ce tonitruant « Sleepwalkers » où il alterne entre assauts de terreur et morceaux plus sensuels et envoûtants, avec un thème principal omniprésent et superbement développé tout au long du film. La musique apporte une énergie particulière aux images et rythme le récit y compris dans les moments les plus violents et les plus gores, sans jamais sombrer dans la cacophonie. Pike rappelle qu’il est un excellent compositeur et qu’il maîtrise les orchestrations classiques à la manière des grands musiciens hollywoodiens de cette décennie. La partition de « Sleepwalkers » rappelle par ailleurs cette période bénie du cinéma U.S. où l’on demandait encore aux compositeurs d’écrire des musiques mélodiques et classiques sans sombrer pour autant dans le sound design pauvre que l’on entend incessamment de nos jours à Hollywood. Il est par ailleurs regrettable que la carrière de Nicholas Pike n’ait jamais vraiment réussi à décoller pleinement, alors que le compositeur a aligné les téléfilms et les séries-B sans envergure en devenant particulièrement discret ces 10 dernières années. On espère que le musicien réussira un jour à se dégotter des projets bien plus ambitieux qui lui permettront enfin d’exploiter pleinement tout le potentiel d’un talent injustement méconnu.




---Quentin Billard