« The Baytown Outlaws » (Les Hors-la-loi) est une comédie d’action signée Barry Battles, qui signe là son tout premier long-métrage pour le cinéma en 2012. Le film suit les péripéties mouvementées d’un groupe de frères hors-la-loi, qui acceptent un job consistant à sauver un jeune enfant des griffes de son beau-père, un redoutable baron de la drogue. L’histoire se déroule dans l’Alabama. Brick Oodie (Clayne Crawford), Lincoln (Daniel Cudmore) et McQueen (Travis Fimmel) sont trois frangins qui travaillent pour le compte du shérif Henry Millard (Andre Braugher), qui les a élevés lorsqu’ils étaient enfants. Les frères Oodie sont des justiciers violents qui se débarrassent des criminels, tandis que le shérif s’arrange pour effacer les preuves liées à leurs crimes, permettant ainsi à l’état d’avoir le taux de criminalité le plus bas du sud des Etats-Unis. A la suite d’une mission durant laquelle les frères ont abattu un gang de dealers, une mystérieuse femme nommée Celeste (Eva Longoria), témoin de la fusillade, propose aux Oodie 25.000 dollars en échange d’un job : sauver son filleul Rob (Thomas Sangster) et tuer son beau-père Carlos Lyman (Billy Bob Thornton) qui le retient prisonnier dans sa résidence. La mission s’avère plus dangereuse que prévue, car Carlos est un baron de la drogue et est entouré de nombreux gardes du corps. Néanmoins, les frères Oodie acceptent le job, se rendent chez Carlos dans le Texas et assassinent une bonne partie de ses hommes après avoir seulement blessé le gangster. Ils retrouvent Rob et l’emmènent avec eux, réalisant que le jeune garçon est handicapé et se déplace sur un fauteuil roulant. Au même moment, l’agent Anthony Reese (Paul Wesley) rencontre le shérif Millard au sujet des morts suspectes dans la région, et mène une enquête sur les frères Oodie, mais le shérif tente de lui mettre des bâtons dans les roues afin de l’empêcher de découvrir la vérité. Pendant ce temps, les trois frangins s’enfuient avec le jeune Rob et se retrouvent traqués par les différents hommes (et femmes) de main envoyés par Carlos pour les tuer et récupérer l’enfant.

Tourné à la manière d’un road movie, « The Baytown Outlaws » s’apparente à une virée musclée dans le sud des Etats-Unis, avec son utilisation de filtres et de couleurs jaunâtres accentuant la chaleur des états du sud. Le film nous présente une galerie de personnages hauts en couleur et assez atypiques, à commencer par les trois frangins, sorte de bad boys virils adeptes des flingues, qui se baladent en marcel, les bras tatoués et les cheveux longs, ressemblant clairement à un gang de bikers. Jouant la carte des anti-héros, le film va faire se confronter les trois frères à une longue succession d’adversaires en tout genre : un gang de jeunes femmes aguicheuses habillées en prostituée, qui se révèleront être de redoutables tueuses professionnelles, un gang de pirates afro-américains à bord d’un véhicule blindé et enfin un groupe d’amérindiens armés de tomahawks, d’arcs et de couteaux lors de la confrontation finale, qui prend des allures de vieux western (les indiens armés d’arc, et les héros aux costumes de confédérés du sud). Pour sa première réalisation, Barry Battles rend clairement hommage ici au cinéma de Robert Rodriguez et Quentin Tarantino, avec son lot de héros improbables, de méchants atypiques et de scènes d’action extravagantes, le tout filmé dans le sud des USA. Le casting s’avère fort intéressant – on y retrouve Billy Bob Thornton, Eva Longoria, Travis Fimmel, Andre Braugher ou quelques seconds rôles incluant Michael Rapaport, Natalie Martinez ou Zoë Bell – les scènes d’action sont bien filmées et le film est ponctué d’humour et de violence, malgré un scénario peu original et sans surprise, d’autant que la rédemption finale des trois frères est un peu cliché et très convenue. Au final, « The Baytown Outlaws » s’avère être un divertissement sympathique, sorti directement en DVD dans nos contrées, un film qui devrait surtout séduire les fans du cinéma geek de Rodriguez et Tarantino.

La partition musicale de Christopher Young et Kostas Christides apporte à son tour une énergie et un rythme conséquent au film de Barry Battles. Dans une note du livret de l’album publié par Intrada, Christopher Young explique que « The Baytown Outlaws » est le premier score qu’il a entièrement composé pour un groupe de rock, un fait étonnant de la part d’un compositeur habitué aux musiques symphoniques/expérimentales mais pas si surprenant quand on se souvient du passé de musicien de Young – qui fut batteur de rock et de jazz dans sa jeunesse – Etant donné qu’une bonne partie du film se déroule dans l’Alabama, Young et son complice Christides ont décidé d’opter pour un style de rock/folk évoquant le sud des Etats-Unis. La composition pour « The Baytown Outlaws » s’est ainsi faite en deux temps : Young et Christides co-écrivaient ensemble les morceaux indépendamment du film, puis les retravaillaient ensuite pour les adapter au montage et au rythme des images. Outre l’ensemble instrumental constitué de trois guitares (Tom Rotella, Andy Abad, Nick Stoubis), une basse (Karl Vincent), une batterie et des percussions diverses (M.B. Gordy), le score fait aussi appel à un piano et quelques « cris », interprétés par Chris Young lui-même. Détail amusant : le compositeur mentionne ces fameux cris dans le livret du CD et lance le défi suivant aux auditeurs : retrouver dans quel morceau ont été placés ces cris !

Le film débute ainsi avec « Baytown Outlaws » au son caractéristique des guitares électriques et d’une batterie irrémédiablement rock sur fond de riffs de basse. Young et Christides posent ici les bases de la partition en imposant le ton ‘grunge’ et rock/folk de la musique dans le film de Barry Battles. A noter que pour les besoins de l’album d’Intrada, Young a retravaillé les morceaux pour proposer des développements conséquents sur CD, la musique pouvant ainsi s’écouter aussi bien dans le film qu’en dehors des images. « Sugar Plum Scum » utilise un harmonica avec des guitares plus typiques de certaines musiques de comédie de Young (on pense notamment ici à « Bandits »). Le morceau évoque les frères Oodie, l’accent étant mis ici sur les parties mélodiques des guitares. Dans « Langorioso », les deux compositeurs évoquent le deal passé avec Celeste en utilisant une guitare nylon avec une basse plus apaisée. « Brthr Fckr » (qui est probablement l’un des pires titres d’album de Chris Young !) privilégie quand à lui un mélange entre plusieurs variétés de guitares électriques tout en accentuant le tempo alors que la mission des Oodie commence, lorsque ces derniers entament leur périple pour sauver Rob des griffes du gangster Carlos Lyman. La seconde partie de « Brthr Fckr » fait intervenir les fameux cris de Chris Young (entre 2:08 et 2:18 ou vers 3:00) alors que le rythme s’intensifie avec des guitares rock beaucoup plus nerveuses en grande partie improvisées sur un riff soutenu. Il règne dans « Brthr Fckr » une vraie ambiance de hard-rock du sud des Etats-Unis, reflétant parfaitement l’ambiance chaude si particulière du film de Barry Battles au cours d’une des nombreuses scènes d’action du film.

« When You Wish Upon a Guitar » (jeu de mot avec la chanson de Disney « When You Wish Upon a Star » !) développe un thème de guitares plus intimes et nostalgiques, reflétant le lien entre les trois frères et l’amitié naissante avec le jeune Rob. La musique cède la place ici à une certaine introspection, idéale pour respirer entre deux assauts rock survoltés. Dès « Two Pistol Coffin », on retourne dans l’action après la scène de la fusillade chez Lyman. Les sonorités hard rock de « Brthr Fckr » sont reprises ici en grande pompe de manière plus sombre et agressive, évoquant une autre séquence d’action-clé du film, dominée par des guitares saturées plus nerveuses et frénétiques. « She Is My Shining Island Nympho » accompagne la scène où les Oodie sont séduits par le gang des prostituées tueuses. Young et Christides développent ici une ambiance plus sensuelle avec un riff de guitare/basse caractéristique (avec écho). « Shellac Eyes » est plus intime et mélancolique, dans la continuité de « When You Wish Upon a Guitar ». « Ode to Billy Bob » évoque la contre-attaque de Lyman, qui envoie ses hommes de main pour stopper les Oodie, et notamment le gang des pirates afro-américains. Young et Christides développent ici un rythme quasi militaire des percussions avec des guitares omniprésentes. « Bob à la Babe » nous amène irrémédiablement vers le dernier acte du film, débouchant sur les 4 minutes déchaînées de « Fandango Tango », pour l’affrontement final avec le gang des tueurs amérindiens. « Fandango Tango » est de loin l’un des tours de force musical du score de « The Baytown Outlaws », spectaculaire dans la façon dont le rythme s’intensifie tout au long de la scène avec un travail remarquable autour des guitares rythmiques et des riffs multiples.

Enfin, l’aventure touche à sa fin dans « Searley Insane » avec son piano plus apaisé et ses effets sonores inattendus (les sons d’oiseaux) enregistrés en extérieur. Le morceau prend l’apparence d’une vraie piste bonus non dénuée d’un certain humour typique de Chris Young (qui joue ici sur un piano quelque peu désaccordé). Au final, « The Baytown Outlaws » s’avère être un score rock plutôt réussi, un peu répétitif dans le film mais présenté de manière fort intéressante sur les 40 minutes de l’album d’Intrada, pour lequel le score a été réarrangé afin de proposer un vrai confort d’écoute. Evidemment, le score est un opus totalement mineur dans la filmographie de Christopher Young mais a au moins l’avantage de proposer un style complètement différent de ce que fait habituellement le compositeur sur ses films d’action/suspense ou ses films d’horreur ! « The Baytown Outlaws » rappelle par ailleurs le talent indéniable du musicien américain, décidément à l’aise dans tous les styles de musique, toujours soucieux de donner le meilleur de lui-même sur les projets pour lesquels il compose. Ceux qui souhaiteraient ainsi découvrir une autre facette de la personnalité musicale de Christopher Young apprécieront sans aucun doute son duo avec Kostas Christides sur « The Baytown Outlaws », à découvrir surtout sur l’album d’Intrada, qui s’apprécie autant comme la musique d’un film que comme une oeuvre musicale en soi, indépendante des images.




---Quentin Billard