1-Agitato Dolorosa 5.00
2-Claire's Nocturne 2.38
3-The Pull Of Red 2.08
4-Appelltron 3.32
5-Wraith Loops 3.26
6-Rubber Room Stomp 2.01
7-Pulled By Red 1.11
8-Scytheoplicity 3.25
9-In Dreams 2.49*
10-Rebecca's Abduction 4.31
11-Premonition Lento 1.43
12-While We Sleep 2.36
13-Don't Sit Under
The Apple Tree 2.14**
14-Andante 3.36
15-Elegy Ostinato 4.07
16-Dream Baby 4.30***

*Ecrit et interprété par
Roy Orbison
**Interprété par
The Andrew Sisters,
Ecrit par Lew Brown, Sam Stept
et Charles Tobias
***Interprété par Elizabeth Frase
Ecrit par Elliot Goldenthal
Paroles de Neil Jordan.

Musique  composée par:

Elliot Goldenthal

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-6001

Musique produite par:
Teese Gohl, Elliot Goldenthal
Producteur exécutif:
Robert Townson
Directeur en charge de la musique pour Dream Works:
Todd Homme
Musique éléctronique
produite par:
Richard Martinez
Montage de la musique:
Curtis Roush

Artwork and pictures (c) 1998 Dreamworks L.L.C. All rights reserved.

Note: ***1/2
IN DREAMS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Elliot Goldenthal
« In Dreams » (Prémonitions) est le nouveau film du réalisateur Neil Jordan. Après « The Butcher Boy », « Michael Collins » et « Interview With The Vampire », le réalisateur revient à la charge avec un thriller qui évoque le thème de la folie et de la possession mentale. Claire Cooper (Annette Bening) est illustratrice de livres pour enfants. C’est une femme qui a tout pour être heureuse (une petite fille, un mari gentil). Hélas, cela fait maintenant depuis quelques temps qu’elle est tourmentée chaque nuit par des cauchemars terrifiants. Elle finit par sombrer petit à petit dans la folie alors que ses cauchemars finissent même par la hanter dans la journée et la nuit, des rêves angoissants dans lesquels elle assiste impuissante au meurtre d’une fillette. Le jour où une petite fille disparaît, Claire demande à son mari Paul (Aidan Quinn) de faire appel à l’inspecteur Jack Kay (Paul Guilfoyle) qui refuse alors de la croire. Elle décide ensuite de consulter des médecins qui ne parviendront pas à la guérir. Le jour où Claire découvre que sa propre petite fille a été enlevée, elle comprend que le tueur possède son esprit et cherche à l'attirer progressivement à lui, pour jouer « au papa et à la maman ». Le climat lourd et oppressant du film est plutôt réussi. La mise en scène reste très soignée et assez intense. « In Dreams » est un thriller psychologique plutôt captivant et impressionnant, dans lequel on assiste à la descente aux enfers de Claire, un très sombre voyage psychologique dans les méandres fumeuses de l'esprit humain.

L'univers dérangeant du film de Neil Jordan convenait parfaitement au compositeur Elliot Goldenthal. Après des partitions horrifiques aussi réussies que « Alien 3 », « Sphere » ou « Pet Sematary », Goldenthal retrouve son complice Neil Jordan avec qui il a déjà collaboré sur « Michael Collins », « The Butcher Boy » et « Interview With The Vampire ». Elliot Goldenthal dévoile quelques unes des caractéristiques principales de son style musical dans « In Dreams », un style très personnel privilégiant l'exploration sonore et l'expérimentation musicale, le tout baignant dans un climat sinistre, morbide, oppressant et parfois même dérangeant. « Glauque » semble être le qualificatif qui collerait le mieux à la nouvelle partition d’Elliot Goldenthal pour « In Dreams ». Le compositeur utilise ici l’orchestre symphonique traditionnel, auquel s’ajoutent un groupe de violons solistes minimalistes, sans oublier quelques synthétiseurs tout droit sortis de « Heat » et de « Sphere », avec l’utilisation des guitares du groupe Deaf Elk, qui interprétaient déjà la musique de « Heat ». L'originalité de cette partition vient surtout ici de l’association parfois insolite de ses différentes parties instrumentales, offrant un résultat incomparable à l'écran. Evidemment, le compositeur n'évite pas les redites et certaines pièces plus sinistres rappellent beaucoup « Interview With The Vampire », en particulier dans l'utilisation des violons solistes, chose que Goldenthal avait déjà fait dans « Interview With The Vampire » mais aussi dans « Pet Sematary », qui démontrait déjà le talent du compositeur dans le domaine des musiques torturées et horrifiques. Fan de belles mélodies et de musique gentillette, passez votre chemin ! « In Dreams » ne fait pas dans la dentelle, et s’avère être résolument sombre et oppressant, du début jusqu'à la fin.

Le thème principal du score correspond au « Claire's Nocture », écrit pour piano et cordes, morceau qui rappelle parfois le « Lullaby Elegy » de « Alien 3 ». Ce motif de piano envoûtant typique du compositeur représente très clairement l'esprit de Claire Cooper. On retrouve dans cette partition quelques marques de fabrique essentielles du compositeur. Ainsi donc, « Agitata Doloroso » qui ouvre l'album correspond en réalité à la séquence où Claire, folle de douleur après que la police ait repêché le cadavre de sa fille dans l'eau, se rue dans sa voiture pour se jeter à l'eau. Goldenthal utilise ici le quatuor à cordes de manière plus torturée, voire dérangeante, illustrant à la fois la confusion dans la tête de Claire et son immense douleur qui finit par la faire exploser, une musique torturée mais aussi troublante, dérangeante, une musique tourmentée qui nous incite à partager et à ressentir la douleur et la torture psychologique de Claire.

L'utilisation d’un saxophone grinçant et strident dans plusieurs morceaux du score apporte une sonorité plutôt sinistre et quelque peu dérangeant à la partition de « In Dreams », des sonorités carrément éprouvantes pour les nerfs, une certaine cacophonie sonore qui ne contribuera qu'à plonger plus intensément le spectateur/auditeur dans les péripéties cauchemardesques de Claire (on retrouve par moment ici le climat dérangeant de « Pet Sematary »). Du début jusqu'à la fin, Elliot Goldenthal entretient un climat sombre assez lourd et pesant, multipliant les idées et les trouvailles sonores à un rythme effréné, de la nocturne pour piano à l'andante plus classique, en passant par le quatuor à cordes tortueux de « Agitata Doloroso » pour aboutir sur les saxophones grinçants de « Rubber Room Stomp ». Impossible d’ailleurs de ne pas mentionner « Dream Baby », formidable pièce vocale écrite par Goldenthal, qui ouvre le film et que l'on retrouve vers la fin. Interprété par Elizabeth Fraze, il s'agit bel et bien de l'unique morceau intime et émouvant de la musique du film de Neil Jordan, une sorte de berceuse enfantine innocente qui évoque les fillettes enlevées par le mystérieux serial killer. Dans le générique de début, cette très belle pièce accompagne des plans de la ville engloutie sous l'eau alors que des plongeurs recherchent le cadavre d'une fillette. Difficile de comprendre alors dès le début du film le rapport entre image et musique, l’histoire nous donnant progressivement les clés pour répondre à cette interrogation. Toujours est-il que la musique de cette séquence d'ouverture crée un certain décalage assez troublant avec les images, une musique dont la symbolique deviendra finalement évidente lors de sa réapparition finale, puisque la clé de l’énigme nous sera enfin donnée - magnifique plan de Claire et de sa fille réunis ensemble sous l'eau. Cette ouverture reste en tout cas très intrigante et apporte un certain mystère quand au contenu réel du film - s’agit-il véritablement d’un thriller, d’un drame ou d’un film plus intime ? Dès le début du film, Elliot Goldenthal brouille les pistes, car plutôt que d’ouvrir le film sur une musique sombre et sinistre plus conventionnelle, il préfère introduire l’histoire de façon plus subtile et nuancée. Du très bon travail !

L'orchestre occupe une place importante ici dans plusieurs morceaux du score, avec des cordes intervenant régulièrement dans les passages les plus sombres et les plus atmosphériques. Atmosphérique, voilà un autre qualificatif qui pourrait coller à merveille à la musique de « In Dreams ». Ici, pas de gros thèmes faciles ou de superbes mélodies faciles aisément mémorisables : comme souvent chez Elliot Goldenthal, la musique joue davantage sur des atmosphères oppressantes complexes et savamment élaborées, une atmosphère psychologique et torturée qui apporte une noirceur extrême aux images du film de Neil Jordan, reflétant tout le savoir-faire d’un compositeur savant maîtrisant plus que jamais l’expérimentation et la musique avant-gardiste. Goldenthal nous livre donc une musique extrêmement sombre et éprouvante, qui prend une plus grande ampleur sur les images. Les guitares électriques du groupe Deaf Elk renforcent à leur tour le climat pesant et lourd de la musique et contribue à accentuer davantage l'impact des passages plus agressifs et agités du film, à travers leurs sonorités saturées/hard grinçantes similaires à certains passages de « Heat » ou de « Wreckage and Rape » du score de « Alien 3 ». Encore une fois, Elliot Goldenthal expérimente en mélangeant de façon parfois insolite différentes sonorités entre elles, afin de retranscrire plus fidèlement le climat onirique et cauchemardesque du film de Neil Jordan.

« In Dreams » est donc une musique savamment complexe, torturée, sombre, cauchemardesque, éprouvante, violente, bourrée de trouvailles sonores assez typiques d'un compositeur au style difficile d’accès et parfois aussi très critiqué, l’oeuvre d’un véritable artiste savant comme on en voit rarement de nos jours à Hollywood. « In Dreams » apporte au final une réelle noirceur impressionnante au film de Neil Jordan, une musique sombre et complexe issue du plus profond de l'inconscient humain, de ses pulsions morbides et de sa psychologie complexe et parfois inquiétante. A l’heure actuelle, Elliot Goldenthal est le seul compositeur capable d’écrire une musique comme « In Dreams », qui nous rappelle aussi le goût de ce grand musicien pour les atmosphères torturées, morbide et tourmentées. Un score très difficile d’accès, qui s’avère pourtant être une vraie réussite dans son genre !


---Quentin Billard