1-Wolf and Love 3.32
2-The Barn 1.59
3-The Dream and the Deer 9.15
4-The Moon 5.28
5-Laura Goes to Join Wolf 2.20
6-Laura and Wolf United 1.24
7-First Transition 1.28
8-The Howl and the City 3.21
9-Animals and Encounters 4.37
10-Laura Transformed 3.36
11-Wolf 2.48
12-Second Transition 1.17
13-Will's Final Goodbye 1.31
14-Chase 5.43
15-Confirmed Doubts 3.41
16-The Talisman 3.27
17-Third Transition 0.57
18-A Shock For Laura 2.43
19-Laura and Will 2.26
20-Laura 2.36

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

Columbia CK 64231

Musique orchestrée et conduite par:
Ennio Morricone
Coordinateur musique:
Enrico DeMelis
Monteur musique:
Suzana Peric
Monteur associé:
Nic Ratner
Mixage score:
Dan Wallin

Artwork and pictures (c) 1994 Columbia Pictures Industries, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
WOLF
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
« Wolf » est un long-métrage réalisé par Mike Nichols et sorti en salles en 1994. Le réalisateur, qui compte quelques films célèbres à son actif (« Who’s Afraid of Virginia Woolf ? », « The Graduate », « The Day of the Dolphin », « Working Girl », « Regarding Henry »), s’est lancé dans la conception de « Wolf » grâce à la persistance de Jack Nicholson qui souhaitait faire ce film avec son ami écrivain Jim Harrison depuis près d’une douzaine d’années. Hélas, les choses ne se sont guère passées comme prévu et Harrison décida de quitter la production en raison de différends artistiques l’opposant à Mike Nichols. Le film raconte l’histoire de Will Randall (Jack Nicholson), un éditeur new-yorkais renommé qui est brusquement mordu par un loup renversé en voiture sur une route du Vermont. Peu de temps après, le comportement de Will commence à changer étrangement. Alors qu’il est licencié par son patron Raymond Alden (Christopher Plummer) qui décide de confier l’édition à Stewart Swinton (James Spader), Will découvre que sa femme Charlotte (Kate Nelligan) le trompe avec Stewart et commence à développer d’étonnantes pulsions sauvages et des instincts animaux hérités du loup qui l’a mordu. Will fait ensuite la connaissance de Laura (Michelle Pfeiffer), la fille d’Alden dont il tombera amoureux, et décide de reprendre les choses en main et de récupérer la maison d’édition des griffes de l’opportuniste Stewart. Mais Will réalise qu’il est en train de changer pour de bon. Pour en avoir le coeur net, il rend visite au Dr. Vijav Alzais qui lui offre une amulette capable de le protéger et de l’empêcher de se transformer en loup-garou à la prochaine pleine lune. Sceptique, Will accepte le présent et apprend par la suite que des meurtres sanglants ont eu lieu en ville, incluant celui de sa femme Charlotte. Will est immédiatement soupçonné et rend visite à Laura en lui expliquant qu’il est dangereux et qu’il doit être enfermé afin de s’assurer qu’il ne puisse pas lui faire de mal. Laura refuse de croire le récit de Will jusqu’à ce qu’elle découvre par un coup de fil d’un inspecteur de police que de l’ADN canin a été retrouvé sur le corps de Charlotte Randall, ce qui corrobore le récit inquiétant de Will.

« Wolf » est une énième variation sur le thème de la lycanthropie largement revenu au goût du jour dans le cinéma fantastique américain des années 80/90 avec des classiques tels que « The Howling » (1981), « An American Werewolf in London » (1981), « The Company of Wolves » (1984), « Silver Bullet » (1985), « The Monster Squad » (1987) ou des films plus récents comme « Dog Soldiers » (2002), « Cursed » (2005) ou « The Wolfman » (2010). Mais à l’inverse des autres films, « Wolf » s’avère être davantage une critique virulente du monde de l’édition littéraire à travers le personnage de Jack Nicholson, formidable comme à son accoutumée, un éditeur dont la carrière et la vie personnelle semblent s’écrouler jusqu’à ce qu’il se décide à reprendre du poil de la bête (sans jeu de mot) et à profiter de ses nouveaux instincts de bête sauvage pour dominer à nouveau la situation et remettre de l’ordre dans sa vie. Le film se transforme par la suite en une Love Story maudite entre Jack Nicholson et la belle Michelle Pfeiffer, énième variante de la belle et la bête sur fond d’amour impossible. On appréciera les quelques rebondissements amenés dans le scénario et quelques seconds rôles solides jusqu’à la violente confrontation finale un brin plus sanglante. Le film doit donc beaucoup à la qualité de la mise en scène de Mike Nichols, grand vétéran du cinéma américain qui, en 1994, a déjà plus de 30 ans de carrière derrière lui et sait donc où il va, livrant un film intense dans lequel on assiste à la transformation lente et progressive de son principal protagoniste, incluant quelques effets spéciaux plus discrets et typiques des films fantastiques des années 90. Grand succès à sa sortie en salles en 94, « Wolf » remportera un Saturn Award pour le meilleur scénario et restera l’un des hits majeurs dans la filmographie 90’s de Jack Nicholson.

La partition musicale de « Wolf » a été confiée à Ennio Morricone, le maestro italien ayant travaillé plus particulièrement pour le cinéma américain une bonne quinzaine d’années entre les années 80 et la fin des années 90 (« Mission to Mars » sera l’un de ses derniers films américains en 2000, le compositeur ayant préféré par la suite se concentrer sur le cinéma italien, hormis son retour inattendu en 2015 sur « The Hateful Eights » de Quentin Tarantino). A la première écoute, on retrouve dans « Wolf » toute la quintessence même de l’univers musical d’Ennio Morricone : la partition est un mélange envoûtant de thèmes dramatiques et lyriques, de passages romantiques, de montées de tension/suspense et de parties plus gothiques et ténébreuses. Le score repose avant tout sur un thème principal tragique dévoilé par les vents et les cordes dans « Wolf and Love », évoquant l’amour impossible entre Will Randall et Laura, un thème tragique et torturé où l’on retrouve les harmonies complexes chères à Morricone, avec l’ajout de notes répétitives de clavier électrique qui vont et viennent de manière entêtante. Plus intéressant, « The Barn » dévoile un thème romantique extrêmement poignant dominé par un saxophone langoureux sur fond de cordes et de harpe. Ce thème sublime n’est malheureusement entendu qu’à deux reprises dans le film, essentiellement pour la scène où Laura emmène Will à la grange vers la fin du film. Le fait que ce thème romantique assez exceptionnel n’ait pas été davantage développé est l’un des points les plus frustrants du score de « Wolf », qui aurait certainement gagné en intensité dramatique, d’autant que Morricone tenait pourtant là un thème d’anthologie (le morceau ne dépasse même les 2 minutes !). On retrouve aussi brièvement le thème de saxophone dans « Animals and Encounters ».

Dans « The Dream and the Deer », on retrouve le thème principal dramatique dévoilé par une trompette solitaire. Il y a dans la musique de Morricone une mélancolie envoûtante et sombre qui sied parfaitement à l’ambiance du film de Mike Nichols. On retrouve ici le motif de notes répétées de clavier qui virevoltent, apparaissent puis disparaissent progressivement comme pour rappeler la malédiction qui s’abat sur Will Randall après avoir été mordu par le loup durant la nuit. Ce motif aux sonorités évoquant le son d’un clavecin, sera très présent tout au long du film, répété inlassablement comme une sorte de leitmotiv entêtant et dérangeant. La seconde partie de « The Dream and the Deer » développe des harmonies beaucoup plus sophistiquées aux cordes. A 5:13, Morricone dévoile un autre thème majeur du score de « Wolf », thème harmonique et mystérieux de cordes associé à la transformation progressive de Will en loup-garou. On découvre ensuite la fameuse séquence où Will pourchasse et tue le cerf dans la forêt. Cette séquence permet à Morricone de nous offrir un passage très réussi où il développe intensément le motif répétitif de clavier sur fond de percussions sauvages et primitives et de contrepoint atonal des bois. Il y a une sauvagerie impressionnante dans cette musique qui apporte une tension particulière à cette scène-clé du film, évoquant les instincts animaux de Will qui le poussent alors à agir comme une bête sauvage. Le thème mystérieux de la transformation est repris de manière sombre dans « The Moon », Morricone accentuant ici la tension à travers une écriture plus sombre des cordes et des vents et le retour obsédant du motif répétitif du clavier.

« Laura Goes to Join Wolf » instaure un sentiment de malaise à l’écran avec ses notes hésitantes des cordes/vents sur fond d’accords planants des cuivres en sourdine. De la même façon, « Laura and Wolf United » développe le motif entêtant du clavier et reprend même les harmonies du thème romantique sans la mélodie de saxophone mais avec un mélange de trompette et cordes poignant, malheureusement gâché par l’intervention inopinée du motif de clavier (qui, il faut bien le reconnaître, finit par devenir agaçant à force de revenir constamment d’un bout à l’autre du film !). Plus étonnant, « The Howl and the City » suggère la sauvagerie qui hante Will Randall avec d’étranges effets sonores d’une trompette en sourdine et d’harmonies atonales des cordes et des bois, et le retour du saxophone soliste aux consonances vaguement jazzy. On retrouve ici la science d’écriture moderne et avant-gardiste d’Ennio Morricone. « Animals and Encounters » évoque quand à lui la confrontation finale au détour d’un morceau d’action d’une grande férocité, ponctué de percussions, de cuivres belliqueux et de dissonances agressives. Idem pour « Wolf », dans lequel Morricone nous offre un autre morceau d’action dissonant et brutal entièrement atonal, incluant même quelques notes furtives de saxophone. Le thème principal tragique est repris aux bois à 1:34, sans oublier le superbe « Chase », 5 minutes d’action pure pour l’affrontement final entre Will et Stewart. Morricone met ici l’accent sur des percussions enragés (incluant un piano frénétique martelé dans le grave), des cuivres tonitruants et des bois suraigus et dissonants. On retrouve ici le style thriller typique de la période américaine d’Ennio Morricone dans les années 90.

« Confirmed Doubts » et « The Talisman » viennent apporter une certaine noirceur au film en créant un sentiment de malaise par le biais de l’écriture orchestrale dissonante et atonale de Morricone. La scène où Will récupère le talisman permet au maestro italien d’évoquer la séquence avec une atmosphère occulte assez saisissante, notamment à travers l’emploi de nappes synthétiques étranges, d’effets sonores de cordes et de flûtes mystérieuses. L’électronique est aussi présent au début de « Third Transition » avec ses bois aigus dissonants et ces effets sonores oppressants, tandis que le thème tragique revient dans « A Shock For Laura », lorsque Laura réalise que les affirmations de Will sont vraies et qu’il est réellement en train de se métamorphoser en une bête sauvage incapable de contrôler sa force. Le thème est ensuite repris de façon poignante et élégiaque dans « Laura and Will », où il résonne enfin dans toute sa splendeur grâce à ses harmonies tourmentées et passionnées typiques du maestro italien. « Laura and Will » et « Laura » évoquent clairement l’idée d’un amour impossible au-delà des limites humaines, idée malheureusement encore une fois quelque peu gâchée par l’omniprésence agaçante du motif répétitif du clavier.

Vous l’aurez donc compris, c’est un Ennio Morricone particulièrement sombre et torturé que l’on retrouve sur « Wolf », une partition à suspense mystérieuse, sombre et brutale traversée de quelques notes plus romantiques et lyriques assez caractéristiques de l’art du compositeur italien. La musique apporte une noirceur nécessaire au film de Mike Nichols et constitue une écoute plus déconcertante sur l’album, où les morceaux ne sont malheureusement pas classés selon l’ordre chronologique et empêchent tout sentiment de progression dramatique. Souvent considéré injustement comme un opus mineur de la période 90’s d’Ennio Morricone, « Wolf » est un score somme toute très réussi mais assez dense et quelque peu inégal, difficile d’accès au premier abord et qui mériterait d’être réhabilité et apprécié à sa juste valeur, car, même sur des projets plus mineurs, Morricone a toujours su donner le meilleur de lui-même. « Wolf » ne déroge donc pas à la règle et vaut largement le détour, même s’il est certain que les spécialistes du maestro italien auront bien du mal à le classer au même rang que d’autres oeuvres plus indispensables écrites par le compositeur à la même époque !




---Quentin Billard