1-The Homesman Main Title 3.52
2-On The Plains 1.35
3-Newborn 1.31
4-Picking Up Arrabella Sours 1.33
5-Sod Buster 1.32
6-Bathtime 2.53
7-Pawnee 2.13
8-Bury Doll 1.55
9-River Crossing 2.52
10-Leaving Home Flashback 1.06
11-Are You Crazy? 1.46
12-Travel Montage 0.46
13-It's Abandoned 1.53
14-Cuddy Lost 3.13
15-Where's Cuddy? 1.35
16-I'll Be Back Directly 3.03
17-Entering Town 2.21
18-Briggs Moves On 2.00
19-Onto The Ferry 2.10
20-The Homesman End Credits 3.18
21-Wind Haiku 2.27

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-7317

Score produit par:
Buck Sanders
Producteur exécutif:
Robert Townson
Mixage et enregistrement:
John Kurlander
Assistant ingénieur:
Tyson Lozensky
Orchestrations:
Rossano Galante, Pete Anthony
Orchestre:
The Hollywood Studio Symphony
Préparation musique:
Mark Graham
Montage musique:
Jim Schultz
Supervision musique:
Austin Leonard Jones

Artwork and pictures (c) 2014 The Homesman Limited Partnership. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE HOMESMAN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
« The Homesman » est le nouveau western interprété et réalisé par Tommy Lee Jones, son deuxième long-métrage tourné pour le cinéma 9 ans après l’excellent « The Three Burials of Melquiades Estrada » en 2005. Le film s’inspire du roman éponyme de Glendon Swarthout publié en 1988 et nous plonge dans les grandes plaines du Nebraska en 1855. Mary Bee Cuddy (Hilary Swank), une ‘vieille fille’ de 31 ans originaire de New York et ancienne institutrice s’est installée dans le Nebraska afin de s’occuper d’une ferme et d’un terrain. Isolée et dépressive, Mary cherche à épouser un homme pour entretenir son terrain et fonder une famille, mais les hommes la repoussent en raison d’un physique quelque peu ingrat et de son caractère dur. A la suite d’un hiver difficile, trois jeunes femmes de la communauté deviennent mentalement instable suite à des coups durs de la vie : Arabella Sours (Grace Gummer) a perdu ses trois enfants suite à une épidémie de diphtérie, Theoline Belknap (Miranda Otto) a tué son enfant suite à de mauvaises récoltes, Gro Svendsen (Sonja Richter), une immigrante danoise, est régulièrement violée par son mari et doit affronter le décès de sa mère. Le révérend Dowd (John Lithgow) demande alors à tous les hommes de la communauté d’escorter les trois femmes jusqu’à l’église d’Hebron dans l’Iowa où l’on soigne les maladies mentales. Les hommes refusent d’entamer un voyage aussi difficile qui durera près de 5 semaines, mais Mary Lee Cuddy se propose finalement d’emmener elle-même les trois femmes dans l’Iowa à bord d’une diligence aménagée en fourgon de détention, afin d’éviter que les femmes ne prennent la fuite. Durant son voyage, Cuddy fait la connaissance de George Briggs (Tommy Lee Jones), un vagabond sur le point d’être pendu et à qui elle sauve la vie en échange d’un travail : Briggs devra l’accompagner durant son périple pour la protéger en cas de souci. Le vagabond accepte finalement le job pour 300 dollars. Le voyage à travers les Etats-Unis s’annonce rude et difficile pour Cuddy, Briggs et les trois femmes.

« The Homesman » rappelle fortement le « Three Burials of Melquiades Estrada ». A l’instar de son précédent film, Tommy Lee Jones filme à nouveau l’Ouest américain sans artifice visuel, démystifiant totalement la figure même du western comme il le fit dans son film de 2005. « The Homesman » égratigne le rêve américain et montre la rudesse de la vie des pionniers au milieu du XIXe siècle en plein coeur de l’Ouest sauvage, entre les problèmes de récolte, les difficultés pour se nourrir et les maladies infectieuses. La religion, omniprésente dans ces communautés, conduit même certains membres jusqu’à la folie. Le film est d’ailleurs sans équivoque sur le sujet : seules les femmes sont frappées de folie, les hommes dominent quand à eux la gente féminine à travers des relents de système patriarcal réactionnaire : on y voit ainsi un homme violer sa femme régulièrement (avec sa mère), un autre rejeter de façon mesquine la proposition de mariage de Cuddy, tandis que cette dernière est obligée de prendre la place des hommes de la communauté qui refusent de voyager vers l’Ioawa. Le personnage d’Hilary Swank est intéressant à plus d’un point : jeune pionnière blasée et solitaire, Cuddy cherche en vain à fonder une famille, un rêve impossible qu’elle n’atteindra jamais. En choisissant de conduire les trois femmes vers l’église dans l’Iowa, Cuddy assume ainsi la fonction des hommes et prend sous son aile le rugueux Briggs, autre figure masculine rocailleuse et burinée du film. Le message est donc clair : l’Ouest américain était un monde d’hommes dans lequel les femmes n’avaient pas leur mot à dire.

Le sort que Tommy Lee Jones réserve par la suite au personnage d’Hilary Swank est assez symptomatique de ce fait : la vision de l’Amérique du XIXe siècle est ici très pessimiste, et justifiera la quête de rédemption de Briggs, qui cherchera alors à se racheter en conduisant les femmes jusque dans l’Iowa comme il était convenu, incluant au passage une séquence violente où Briggs affrontera un voleur (Tim Blake Nelson) et se heurtera à l’animosité d’un homme d’affaire sans scrupule propriétaire d’un luxueux hôtel (James Spader). Le film, produit par Luc Besson, est une réussite visuelle, et contribue à la tentative de démystification du western opéré par Tommy Lee Jones depuis quelques années, même si « The Homesman » n’apporte rien de neuf à l’horizon. L’acteur/cinéaste signe ici un film dur et rugueux, reflétant une vision assez sombre de l’Ouest américain sans glamour et sans artifice hollywoodien, tout en abordant le sujet des conditions de vie difficiles des femmes dans l’Amérique des pionniers du XIXe siècle. Avec une réalisation assez sobre et épurée, le film doit beaucoup à un casting prestigieux incluant Tommy Lee Jones, Hilary Swank mais aussi John Lithgow, Miranda Otto, Meryl Streep, Tim Blake Nelson, James Spader, William Fichtner, Hailee Steinfeld, etc. Inégal et un peu longuet, « The Homesman » est donc un western déprimant et mélancolique, bien moins réussi que « Three Burials of Melquiades Estrada » mais superbement réalisé malgré des hauts et des bas.

Le film marque les retrouvailles entre Tommy Lee Jones et Marco Beltrami qui avait déjà signé pour lui la musique de « The Three Burials of Melquiades Estrada » en 2005 ainsi que celle du téléfilm « The Sunset Limited » en 2011. Pour « The Homesman », Beltrami livre une composition atmosphérique et mélancolique qui sied parfaitement à l’ambiance particulière du film. Dans une note du livret de l’album publié par Varèse Sarabande, Beltrami explique que ce qui l’a d’abord frappé en abordant « The Hoseman », c’était l’étrange beauté et l’austérité des images. Les vastes plaines dans le grand Ouest, les conditions de vie modestes des pionniers, la vie dans la nature sauvage et la rudesse qui l’entoure, un mélange entre la beauté et le danger d’une nature intransigeante, implacable, sans compromis, capable aussi bien de nourrir les hommes que de les faire basculer dans la folie. C’est ainsi que Beltrami eut l’idée de refléter l’idée de ces paysages particuliers dans sa musique en expérimentant autour du son d’un instrumentiste, non pas dans son studio mais en extérieur. Pour les besoins du film, Marco Beltrami et son complice Buck Sanders eurent ainsi l’idée de construire une sorte de gigantesque harpe éolienne à partir des cordes d’un piano et de les enregistrer en haut d’une colline derrière leur studio de Malibu, en utilisant le vent comme moyen de transmission du son – l’instrument est officiellement baptisé « Water Tank Piano » - Les cordes du piano situé en haut d’une colline sont reliées et tendues sur de nombreux mètres à des réservoirs d’eau afin de capter le son du vent et d’accorder les notes en frottant les cordes avec un archet ou avec les touches du piano, soit par le biais d’un microphone ou d’hydrophones placés dans les réservoirs d’eau. Buck Sanders élabora aussi une guitare harmonique assez particulière et jouée en slide, puis ajoutèrent enfin un petit orchestre à cordes enregistré avec les musiciens du Hollywood Studio Symphony, incluant un sextuor à cordes (essentiellement enregistré en extérieur) puis l’orchestre constitué de 9 violons, 3 altos, 3 violoncelles et une contrebasse, avec un piano, un harmonium (interprété par Beltrami lui-même en extérieur, comme le Water Tank piano), une percussion, un mélodéon (il s’agit d’une variété d’accordéon diatonique bi-sonore crée vers la fin du XIXe siècle) et quelques guitares regroupant mandoline, guitare, dulcimer et banjo.

Encouragé à expérimenter sur le film, Beltrami a pu opérer en toute liberté sur « The Homesman », une liberté favorisée par le fait que Tommy Lee Jones a l’habitude de ne jamais utiliser de temp-track lors du montage de ses films. Le score repose essentiellement sur un thème principal mémorable, un air populaire et mélancolique associé à Mary Bee dans le film, qui ressemble à ces vieux refrains folk que l’on entendait alors à l’époque des pionniers du far-west au XIXe siècle. Le thème est dévoilé par le water tank piano éolien dès « The Homesman Main Title » accompagné du violon de Belinda Broughton et du sextuor à cordes, avec guitares et harmonium. Le « Main Title » est absolument poignant, imposant le ton doucement mélancolique et nostalgique du film associé au personnage d’Hilary Swank. Beltrami opte ici pour une approche résolument intimiste et minimaliste, épurant sa musique au maximum pour n’en retenir que l’essentiel, à l’instar du train de vie modeste de ces pionniers qui vécurent dans des conditions difficiles. « On the Plains » évoque quand à lui les grandes étendues désertiques du Nebraska grâce aux sonorités particulières des cordes du water tank piano et de la guitare harmonique de Buck Sanders avec l’orchestre à cordes, qui évoquent ici les paysages sauvages du film. « Newborn » capte quand à lui le son du vent pour évoquer la folie des jeunes femmes à travers ces fameux sons enregistrés en extérieur. Beltrami expérimente ici autour de ces différents concepts sonores et ne perd jamais de vue l’émotion particulière du film, concevant un climat de désolation ou de douce mélancolie suivant les situations. « Picking Up Arrabella Sours » reprend le thème principal par le sextuor à cordes et un harmonium solitaire qui représente parfaitement le personnage d’Hilary Swank, perdu dans un monde d’hommes rugueux et difficile.

« Sod Buster » est plus particulier, introduisant un jeu plus staccato des cordes en staccato dans un registre plus atonal/dissonant avec la mandoline et des petites percussions. Beltrami évoque clairement ici le répertoire de la musique de chambre par le biais du sextuor à cordes et n’oublie pas pour autant la partie mélodique grâce aux variations autour du thème principal folk. Dans « Bathtime », la musique semble s’apaiser avec une douce reprise du thème pour Mary Bee, tandis que « Pawnee » rompt le charme avec l’apparition des amérindiens Pawnee qui menacent soudainement le voyage de Mary Bee, Briggs et des trois jeunes femmes. Beltrami opte ici pour une approche beaucoup plus sonore et bruitiste à l’aide de percussions diverses, de pizzicati étranges des cordes, de trémolos de mandoline, de dissonances et des sonorités métalliques du water tank piano. Ici aussi, le compositeur expérimente à profusion avec une liberté de ton typique de sa collaboration avec Tommy Lee Jones, pour un résultat toujours aussi particulier et original à l’écran. « Bury Doll » profite quand à lui des sons du vent captés sur les cordes du water tank piano à travers d’étranges vibratos/glissandi dissonants qui instaurent ici un climat de malaise pour la séquence de la poupée enterrée. « River Crossing » prolonge ce qui a déjà été mis en place au début du film, avec le mélange des cordes éoliennes et de la guitare harmonique. Le thème principal est repris ici de manière poignante par des cordes poignantes évoquant un sentiment de solitude et de douce nostalgie. « Are You Crazy ? » évoque à son tour la folie des trois jeunes femmes avec le son du vent qui, bien que reflétant les grandes étendues désertiques aperçues dans le film, suggère aussi la psychologie torturée des trois femmes que Mary Bee et Briggs emmènent dans l’Iowa.

On notera l’emploi réussi du sextuor à cordes et de la guitare dans « It’s Abandoned » où l’on devine un ton plus ‘americana’ dans l’emploi caractéristique des instruments associés au son de l’Ouest américain, sans pour autant tomber dans le cliché habituel des westerns. Dans « Cuddy Lost », Beltrami accompagne la scène où Briggs s’absente et oblige Mary Lee à continuer seule son périple avant de se perdre dans des grandes plaines désertes. La musique suggère efficacement ici l’idée de l’isolement avec un sentiment de danger à travers une écriture plus sombre et dissonante assez troublante. « I’ll Be Back Directly » nous plonge quand à lui dans une ambiance sinistre et lugubre à travers les effets sonores métalliques étranges du water tank piano et quelques dissonances de cordes, pour la séquence où Briggs se heurte à l’hostilité du propriétaire de l’hôtel. « Entering Town » et « Briggs Moves On » semblent instaurer quand à eux un climat plus paisible avec le retour des sonorités ‘americana’ traditionnelles à l’aide du banjo, des guitares folk et du violon. Le thème principal de Mary Bee semble résonner de manière plus distante dans « Onto the Ferry », dans lequel Beltrami choisit de ne conserver que les harmonies du thème sans jouer la mélodie, suggérant habilement le souvenir de la jeune femme. On retrouve par ailleurs son thème au piano dans le superbe « The Homesman End Credits », tandis que le compositeur nous offre en bonus « Wind Haiku » dans lequel il expérimente une dernière fois autour des cordes éoliennes du water tank piano.

Marco Beltrami signe donc une partition remarquable pour « The Homesman », minimaliste et épurée, versant dans l’expérimental sans jamais pour autant perdre de vue l’apport des mélodies ou des harmonies plus conventionnelles. Le score de « The Homesman » est donc très particulier, un peu conceptuel mais pas forcément difficile d’accès, bien que la musique paraisse assez distante et un peu froide au premier abord. Une écoute plus attentive sur l’album comme dans le film nous permet de mieux apprécier toutes les nuances et les subtilités d’une partition assez remarquable sans être inoubliable pour autant. Rares sont les compositeurs du cinéma à avoir su tirer autant partie des sons de la nature ou des enregistrements en extérieur, et force est de constater que Marco Beltrami reste un musicien talentueux toujours enclin à l’expérimentation, mais qui parvient toujours à éviter l’intellectualisation aride de la musique contemporaine du XXe siècle en apportant une vraie sincérité et une certaine humanité à ses compositions. Les fans de « The Three Burials of Melquiades Estrada » et des musiques plus minimalistes de Marco Beltrami apprécieront donc son nouveau travail sur « The Homesman », un score qui a par ailleurs été récompensé d’un IFMCA Award en 2015, considéré comme la meilleure musique de film de l’année 2014, une oeuvre particulière assez unique en son genre, même s’il paraît évident que « The Homesman » est le genre de partition qui ne pourra pas convaincre tout le monde et risque de rebuter les réfractaires aux musiques minimalistes expérimentales.




---Quentin Billard