1-Main Title 2.11
2-The Cop 2.21
3-Harry's Ostinato 1.01
4-Magnum Force 1.59
5-Stakeout 2.29
6-The Crooks 1.36
7-Harry's New Friend 2.21
8-The Pimp 2.45
9-Rogue Gun 2.34
10-Recreation 2.06
11-Warm Enough? 1.11
12-Palancio 4.20
13-Last Dance In Sausalito 3.37
14-The Faceless Assassin 3.57
15-Portrero Hill 3.07
16-The Bullet 1.47
17-Execution Squad 1.41
18-Mailbox 1.36
19-Early Is Late 1.54
20-Briggs 1.01
21-Confrontation 3.12
22-Finale 2.04

Musique  composée par:

Lalo Schifrin

Editeur:

Aleph Records 033

Album produit par:
Nick Redman
Producteur exécutif:
Donna Schifrin
Remix:
Michael Matessino
Montage et mastering:
Daniel Hersch

Artwork and pictures (c) 1973 Warner Bros. Inc. & The Malpaso Company. All rights reserved.

Note: ***1/2
MAGNUM FORCE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Lalo Schifrin
Après le succès du très controversé « Dirty Harry » en 1971, Clint Eastwood envisagea rapidement une suite aux aventures violentes de l’inspecteur Harry Callahan, suite qui se concrétisera deux ans après avec « Magnum Force », réalisé par Ted Post en 1973. Souvent considéré comme le meilleur film de toute la franchise – il y aura au total cinq films – « Magnum Force » doit beaucoup à sa mise en scène nerveuse et à un scénario malin signé John Milius (co-écrit par Michael Cimino qui acheva le script de Milius), reprenant par ailleurs quelques idées prévues initialement pour le premier film de 1971. Le récit se déroule à San Francisco, où la ville est secouée par une série d’exécutions punitives de criminels, abattus par un groupe de policiers motards ayant décide de rendre la justice eux-même. Le lieutenant Neil Briggs (Hal Holbrook) décide d’assigner un nouveau coéquipier à l’inspecteur Callahan (Clint Eastwood), un jeune flic débutant nommé Early Smith (Felton Perry). Alors que Callahan est placé à un nouveau poste de surveillance, ce dernier désobéit en stoppant les agresseurs lors d’une prise d’otage dans un avion à l’aéroport de San Francisco. Peu de temps après, l’inspecteur fait la connaissance de quatre jeunes policiers, qui s’avèrent être d’excellents tireurs, et qui l’intriguent particulièrement. Mais les meurtres de criminels continuent de sévir dans la ville : un proxénète est abattu, des mafieux sont tués par l’explosion d’une bombe dans une piscine et une fusillade, etc. Les choses se corsent lorsque Charlie McCoy (Mitch Ryan), un ancien collègue de Callahan devenu dépressif, se fait abattre au cours d’une descente policière dans un appartement. C’est lors d’un concours de tir organisé par la police à San Francisco que Callahan, qui défie le jeune John Davis (David Soul), comprend que son rival n’est autre que le motard qui assassine tous ces criminels depuis des mois, et qu’il est aussi l’auteur du meurtre de son collègue McCoy. Refusant de se joindre à la bande des trois jeunes motards, Callahan se retrouve alors aux prises avec l’escadron de policiers et se voit contraint d’affronter ces flics soutenus par un supérieur corrompu.

« Magnum Force » renoue brillamment avec les recettes du film précédent en nous offrant une intrigue plutôt intéressante dans laquelle l’inspecteur Harry n’affronte plus un psychopathe mais des représentants des forces de l’ordre corrompus, une inversion de situation intéressante qui permet au scénario de John Milius de prendre ses distances avec celui du précédent film de Don Siegel. Reprenant le thème de l’auto-justice et des limites du système policier en Amérique, « Magnum Force » impose à nouveau le personnage emblématique de Clint Eastwood comme le représentant d’un système judiciaire malade – le film sort en 1973, dans un pays largement secoué par de nombreux troubles sociaux/politiques et une criminalité grandissante – A ses côtés, on retrouve quelques seconds rôles solides : David Soul (qui deviendra célèbre avec la série cultissime « Starsky & Hutch »), Tim Matheson, Hal Holbrook, Felton Perry (le Johnson de « Robocop »), Albert Popwell (acteur récurrent de la série, qui interprète ici le rôle d’un proxénète violent lors de la séquence très controversée où il tue une prostituée en lui faisant avaler de l’acide), Robert Ulrich, etc. Esthétiquement parlant, le film est dans la continuité du précédent épisode et s’avère toujours aussi radical dans ses ambitions scénaristiques bien que sans réelle surprise particulière, hormis le choix intéressant de mettre en scène des policiers vigilantes, qui s’avèrent finalement bien plus radicaux qu’Harry Callahan lui-même – une brillante idée qui permet au public de retrouver un Clint Eastwood moins réac’ que dans le film précédent, et finalement plus humain (on le voit par exemple s’intéresser à la gente féminine et séduire des femmes).

On y retrouve les scènes habituelles de hold-up – élément récurrent dans les cinq films – au cours desquelles Callahan décoche une réplique assassine (et notamment son célèbre « Do ya feel lucky ? »), même si les dialogues s’avèrent moins mémorables que dans le film de Don Siegel. Rappelons pour finir que si Ted Post est bien crédité à la réalisation du film, c’est Eastwood lui-même qui aurait tourné une bonne partie du métrage avec la complicité de Buddy Van Horn, d’importants différends créatifs ayant constamment opposés Post et Eastwood sur le tournage du film. On raconte par ailleurs que John Milius aurait été très déçu par les choix scénaristiques d’Eastwood dans la version finale et aurait même regretté que Don Siegel n’ait pas rempilé sur le film. Il faut tout de même reconnaître que « Magnum Force » n’a ni le brio ni le génie subversif du premier film de 1971 : l’effet de surprise n’est plus là, les dialogues sont moins percutants, et certaines situations flirtent dangereusement avec le déjà-vu – le retour de la réplique célèbre d’Harry Callahan, les sempiternelles scènes de hold-up, les fusillades un brin répétitives, etc. – Néanmoins, le long-métrage de Ted Post s’impose par sa violence sèche, sa noirceur étonnante pour un polar des années 70 et son scénario astucieux. A sa sortie en salles en 1973, « Magnum Force » a divisé une partie des critiques, certains reprochant le jeu monolithique de Clint Eastwood, d’autres dénonçant la violence brute du film, et notamment la fameuse polémique liée à l’affaire des meurtres Hi-Fi de 1974 dans l’Utah aux Etats-Unis, qui auraient été inspirés par la scène où le proxénète tue la prostituée en lui faisant avaler un liquide corrosif.

Le film de Ted Post offrit l’occasion au compositeur Lalo Schifrin de renouer avec l’univers des « Dirty Harry » en signant une nouvelle partition musicale avant-gardiste, jazzy/funky moderne. Etonnamment, le compositeur choisit de créer une toute nouvelle thématique pour « Magnum Force » sans renier pour autant l’esthétique musicale mise en place dans « Dirty Harry ». C’est pourquoi Schifrin opte pour un tout nouveau thème principal qui rappelle celui de Scorpio dans le premier film tout en proposant une nouvelle approche musicale pour le métrage de Ted Post. A noter par ailleurs que plusieurs morceaux n’ont pas été utilisés pour le film, l’album publié par Aleph Records nous permettant enfin d’apprécier le score de « Magnum Force » dans son intégralité. Le film s’ouvre au son du mémorable « Main Title » introduisant le nouveau thème principal de ce deuxième épisode de l’Inspecteur Harry. A l’instar du film précédent, le thème de « Magnum Force » est entièrement bâti sur une rythmique de batterie funky typique du Schifrin des années 70 avec son thème interprété par un synthétiseur et des cordes sur fond de choeurs sombres accompagnés de riffs de cuivres jazzy et d’un riff de basse/guitare électrique groovy façon « Bullitt ». Le thème accompagne ici les images du générique de début sur fond rouge avec le plan de la main d’Harry Callahan tenant le magnum .44 qui se tourne progressivement vers la caméra pour rappeler la tonalité violente du film. « The Cop » introduit quand à lui le deuxième thème majeur du film, thème sinistre associé aux policiers tueurs qui sévissent en ville et abattent froidement les criminels sans scrupule. Le thème des motards de la police est entendu au synthétiseur vers 1:08 sur fond de percussions martiales et belliqueuses et de nappes sonores plus dissonantes.

On retrouve ici l’inventivité habituelle de Lalo Schifrin dans les orchestrations et une écriture toujours un brin expérimentale et moderne pour l’époque. Le thème des flics corrompus sera très présent tout au long du film et se rapproche là aussi de la mélodie de Scorpio du premier « Dirty Harry ». A noter que « The Cop » n’a pas été utilisé au montage final, Ted Post n’ayant conservé qu’un court passage vers la fin durant la scène où l’on aperçoit les corps des gangsters abattus par l’officier de police de la route au début du récit. « Harry’s Ostinato » est une courte variation d’un motif rythmique de bongos entendu au tout début de « Dirty Harry », et que Schifrin réutilise ici durant la scène où Harry arrive déguisé en pilote de ligne à l’aéroport pour arrêter le terroriste. Le thème des policiers motards revient ensuite dans « Magnum Force » où le compositeur le développe plus intensément avec cette sonorité toujours fort reconnaissable du synthétiseur aigu, sur fond de percussions et de dissonances menaçantes débouchant sur une allusion musclée aux choeurs du « Main Titles » (là aussi, le morceau n’a quasiment pas été utilisé dans le film). On retrouve le Schifrin groovy/jazzy de « Bullitt » et « Mannix » au début de « Stakeout » pour un passage à suspense lorsque Callahan stoppe un criminel dans un magasin (à noter ici l’emploi de la batterie et des congas). Comme dans « Dirty Harry », Lalo Schifrin évoque clairement l’univers urbain du film à travers ses rythmes funky modernes et son emploi d’instruments électriques. L’action pointe ensuite le bout de son nez dans « The Crooks » pour la poursuite avec les criminels, suivi d’une reprise du thème solitaire d’Harry repris du premier film, reconnaissable au clavier électrique à 1:01.

« The Pimp » verse quand à lui dans de l’expérimentation plus avant-gardiste rappelant la musique de Schifrin pour la scène où Callahan torturait Scorpio dans le stade dans « Dirty Harry ». Après un début sombre et quelques rythmes jazzy/funky du clavier, des bongos et de la guitare, le morceau évolue très vite vers un style plus dissonant et agressif alors que J.J. Wilson (Albert Popwell), un maquereau, agresse violemment et tue une prostituée dans un taxi – la fameuse scène controversée où Wilson tue la jeune femme en lui faisant avaler un liquide corrosif – « Rogue Gun » est dans la continuité de « The Pimp », alors que c’est au tour de Wilson de connaître une fin atroce, abattu par l’un des motards de la police. Schifrin fait ici le lien entre cette scène et la précédente en y ajoutant le thème menaçant des motards et ses rythmes martiaux de batterie. Certaines scènes plus intimes comme « Warm Enough ? » permettent au compositeur de tempérer la noirceur ambiante de l’ensemble, « Palancio » développe les rythmes funky/jazzy urbains qui rappellent encore une fois « Bullitt ». Les choses se gâtent dans « The Faceless Assassin » où la tension monte d’un cran lors du meurtre de Charlie McCoy par l’un des policiers corrompus. Le thème des motards est à nouveau présent, baignant ici dans une ambiance atonale résolument tournée vers le suspense et la tension. « The Bullet » reprend quand à lui le thème de « Dawn Discovery » tiré du premier « Dirty Harry ». Il s’agit de l’un des fameux thèmes du premier film qui reviendra régulièrement dans la saga des Inspecteurs Harry, évoquant la mélancolie de Callahan et sa vision désabusée du monde. Le thème de clavier d’Harry revient ensuite vers 1:14.

« Execution Squad » maintient une tension permanente à l’aide de longues notes dissonantes lorsque Callahan est contacté par les motards qui lui offrent un choix clair : se joindre à eux ou bien mourir. On retrouve ensuite le motif rythmique de « Harry’s Ostinato » dans « Mailbox » pour la scène de la boîte aux lettres piégée, sans oublier les riffs funky de basse dans « Early Is Late » où l’on devine un suspense latent pour la scène de la bombe chez Early. « Briggs » nous amène ensuite au dernier acte du film lors de la confrontation finale avec Briggs et les motards de la route. La tension monte encore d’un cran avec une écriture plus syncopée des cuivres, des rythmes belliqueux de la batterie et une écriture résolument dissonante et atonale. « Confrontation » évoque la bataille finale sur un tempo plus rapide et nerveux à l’aide des percussions et des cuivres musclés. La bataille s’intensifie dans l’épave d’un navire déserté où Schifrin évoque le jeu du chat et de la souris en alternant action et suspense avec brio. A noter la superbe reprise du thème des policiers corrompus vers 2:34. « Finale » vient finalement clore cette seconde aventure de l’inspecteur Harry Callahan avec une ultime reprise du thème mélancolique (« Dawn Discovery ») d’Harry en guise de conclusion. « Magnum Force » s’avère donc être une suite très convaincante au premier « Dirty Harry ». Lalo Schifrin prolonge ici l’esthétique musicale mise en place dans le film de Don Siegel en 1971 et nous propose de nouvelles idées intéressantes, même si l’effet de surprise du premier film semble avoir ici disparu. Le score de « Magnum Force » témoigne de la vitalité et de l’inventivité du compositeur argentin dans le registre des polars urbains des années 70 et reste un score assez incontournable dans la saga de l’inspecteur Harry, tout en demeurant un cran en dessous des expériences plus radicales du score de « Dirty Harry ».




---Quentin Billard