1-Main Title 3.20
2-Murder By The Sea 2.32
3-Too Much Sugar 1.36
4-Frisco Night 2.52
5-Target Practice 1.35
6-The Road To San Paolo 1.46
7-Remembering Terror 6.50
8-Cocktails Of Fire 2.20
9-Robbery Suspect 2.15
10-Ginley's Bar 5.56
11-Another Victim 1.21
12-You've Come A Long Way 3.46
13-Darkness 4.12
14-Crazy 1.44
15-Hot Shot Cop 1.23
16-Alby And Lester Boy 2.03
17-The Automag 1.39
18-Unicorn's Head 3.03
19-A Ray Of Light 1.02
20-Stairway To Hell 1.01
21-San Francisco After Dark
(End Titles) 3.44
22-Main Title (Alternate) 2.49

Musique  composée par:

Lalo Schifrin

Editeur:

Aleph Records 040

Album produit par:
Nick Redman
Producteur exécutif:
Donna Schifrin
Remix score:
Michael Matessino
Mastering et montage:
Daniel Hersch
Monteur musique:
Donald Harris

Artwork and pictures (c) 1983 Warner Bros. Inc. & The Malpaso Company. All rights reserved.

Note: ***1/2
SUDDEN IMPACT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Lalo Schifrin
« Sudden Impact » (Le retour de l’inspecteur Harry) est le quatrième film de la franchise des Inspecteurs Harry, succédant ainsi à « Dirty Harry » (1971), « Magnum Force » (1973) et « The Enforcer » (1976). Sorti en salles en 1983, le film est cette fois-ci réalisé par Clint Eastwood lui-même, qui assume enfin le poste de réalisateur après avoir déjà tourné une partie des trois films précédents (souvent de manière non créditée). L’histoire se déroule à nouveau à San Francisco au début des années 80. Une jeune femme, Jennifer Spencer (Sondra Locke), rencontre un homme au bord d’une plage, George Wilburn (Michael Maurer) et l’abat froidement d’une balle dans les parties génitales et entre les deux yeux avant de quitter les lieux sans laisser de trace. Pendant ce temps, Harry Callahan (Clint Eastwood) voit son principal suspect qu’il vient tout juste d’arrêter, Hawkins (Kevyn Major Howard), être relaxé au tribunal faute d’éléments conséquents. Irrité par la libération d’Hawkins et la lourdeur du système administratif judiciaire, Callahan insulte Hawkins dans l’ascenseur, explique son point de vue à l’avocat du bureau du district attorney et arrête un gang de cambrioleurs dans sa cafétéria favorite, armé de son fidèle .44 Magnum. Le soir, Callahan se rend à une fête organisée dans un grand hôtel luxueux en l’honneur du mariage de la petite fille du mafieux Threlkis (Michael V. Gazzo), qu’il provoque délibérément devant toute l’assemblée, ce qui vaut au vieil homme de souffrir d’une violente attaque cardiaque. Peu de temps après, Callahan est traqué par quatre hommes de main envoyés par Threlkis, échappant de justesse à l’embuscade. Son supérieur, le lieutenant Donnelly (Michael Currie) envoie ensuite Callahan à San Paulo pour enquêter sur la série de meurtres commis par Jennifer Spencer, incluant celui de George Wilburn. Mais Callahan, connu pour ses méthodes particulières et expéditives, s’attire à nouveau la foudre des forces de police de la ville dirigées par le chef Lester Jannings (Pat Hingle) et se voit contraint de mener son enquête tout seul. L’inspecteur Harry comprend alors que les victimes sont toutes liées à un même groupe d’individus, dont Ray Parkins (Audrie J. Neenan), une femme qu’il croise dans un bar et devient très insultante, avec son groupe d’amis liés à Alby Jannings, le fils du chef Jannings. Callahan réalise alors que Jennifer Spencer mène une croisade punitive contre ceux qui l’ont violée lorsqu’elle était plus jeune, elle et sa sœur Elizabeth. Il découvre ainsi que le chef Jannings a tout fait pour protéger son seul et unique fils, tandis que Mick (Paul Drake), l’un des violeurs de Jennifer, cherche à s’en prendre à nouveau à la jeune femme et à supprimer Callahan, devenu trop gênant dans cette affaire.

« Sudden Impact » marque le retour de l’Inspecteur Harry au cinéma de nombreuses années après le précédent film, « The Enforcer » sorti en 1976. Cette longue période de gestation s’explique sans doute par le manque d’attrait du précédent film, trop policé et trop politiquement correct, alors que la franchise s’était pourtant fixé comme cap la subversion réactionnaire et la violence comme principaux ingrédients filmiques. C’est pourquoi Clint Eastwood décidera de reprendre les rennes de ce quatrième épisode qui sort cette fois-ci au début des années 80, à une époque où le cinéma d’action et les films policiers connaissent un nouvel essor à Hollywood. L’acteur/réalisateur enfile à nouveau le vieux costume mité d’un Harry Callahan un brin vieillissant, dont les méthodes semblent surgir d’une autre époque, à l’instar de son costard démodé. Vivement critiqué par sa hiérarchie – comme dans chaque film – Callahan se voit contraint de partir dans une autre ville à San Paulo pour y mener une nouvelle enquête policière. Si toute la première partie de « Sudden Impact » reprend les formules habituelles du genre – Harry qui s’engueule avec ses supérieurs hiérarchiques, Harry qui décoche des répliques cinglantes – le film est connu pour sa célèbre réplique cultissime « Go ahead, make my day ! » ou « Vas-y, allez ! Fais moi plaisir ! » qu’il assène à un gangster à qui il braque son .44 Magnum en plein visage – et bien sûr Harry qui tabasse du voyou et arrête des cambrioleurs lors du traditionnel hold-up récurrent dans tous les films de la saga – la seconde partie, plus intéressante, cède la place à un humour noir et un semblant d’auto-dérision. Conscient du temps qui passe, Clint Eastwood s’auto caricature dans le film avec ces scènes ridicules où Callahan, à qui on vient d’offrir un bouledogue anglais en guise de nouvel équipier, se voit contraint de promener son chien au lieu de partir en ville casser du gangster.

Même chose pour cette séquence improbable durant laquelle Callahan réquisitionne un car rempli de personnes du troisième âge pour stopper la voiture d’un malfaiteur. Le film a l’intelligence de s’adapter à l’esthétique du cinéma d’action des années 80 tout en conservant l’image habituelle de l’inspecteur Harry, un policier aux méthodes expéditives qui semble néanmoins s’adoucir au contact des femmes – un élément qui apparaissait déjà dans « Magnum Force » - et qui se retrouvera à protéger une jeune femme prise dans une vengeance meurtrière contre un groupe de malfaiteurs/violeurs qui n’auront que ce qu’ils méritent, du moins est-ce le message que nous délivre le dernier acte du film, qui prend des allures de western typique de la filmographie de Clint Eastwood. Ajoutons à cela des répliques cinglantes typiques du personnage, parmi lesquelles, cette réplique culte de Callahan à Hawkins dans l’ascenseur : « écoute pouilleux : pour moi, tu n’es qu’une merde de chien qui s’étale sur un trottoir ! Et tu sais ce qu’on fait d’une merde de ce genre ? On peut l’enlever soigneusement avec une pelle, on peut laisser la pluie et le vent la balayer, ou bien on peut l’écraser. Alors, si tu veux un conseil d’ami : choisis bien l’endroit où on te chiera ! ». On pourrait aussi ajouter le célèbre « Go ahead, make my day ! », sans oublier une autre punchline incontournable : « Nous n’allons pas vous laisser partir comme ça ! » affirme Callahan à un malfaiteur, ce dernier ajoutant : « Qui c’est « nous », connard ? », avant que l’inspecteur Harry conclut : « Smith et Wesson…et moi ! ». Réussissant le pari de faire rentrer l’Inspecteur Harry dans le cinéma d’action des années 80, Clint Eastwood réussit un virage bien négocié dans « Sudden Impact », et même si le film est à des années lumières de la subversion de « Dirty Harry », ce quatrième épisode s’interroge à nouveau sur les limites du système judiciaire américain et la lourdeur des procédures administratives, tout en posant la question de l’auto-justice, thème déjà présent dans « Magnum Force ».

Lalo Schifrin reprend à nouveau du service en signant une nouvelle partition musicale pour « Sudden Impact », après avoir écrit les musiques de « Dirty Harry » et de « Magnum Force » (le score de « The Enforcer » est l’oeuvre de Jerry Fielding). Cela faisait 10 ans que Schifrin n’avait pas retrouvé l’univers d’Harry Callahan après « Magnum Force » en 1973, et après l’occasion manquée du troisième film sorti en 1976, Schifrin était enfin disponible pour faire « Sudden Impact » en 1983. Le temps a passé, et le monde a évolué, c’est pourquoi Lalo Schifrin et les concepteurs du film se devaient d’évoluer en même temps, tout comme le personnage de Clint Eastwood qui a vieilli mais reste toujours fidèle à sa vision désabusée et cynique du monde dans lequel il vit. Ainsi donc, aux rythmes funky 70’s de « Dirty Harry » et « Magnum Force », Schifrin a décidé d’aborder ce quatrième film avec des synthétiseurs et des rythmes électro plus typiques du style musical des années 80. C’est notamment le cas dans le « Main Titles », qui débute au son de samples de radio de la police sur fond de boîte à rythme électro/techno kitsch typiquement eighties, avec ses riffs caractéristiques de basse fretless. Le nouveau thème principal est écrit ici pour une section de cuivres vaguement jazzy qui renouent avec l’esprit musical de la saga, la partie électronique en plus. « Murder By The Sea » évoque les premières scènes sur la plage de San Francisco, où Jennifer Spencer abat froidement George Wilburn. Schifrin développe ici un chorus de clavier funky plus proche des années 70 et illustre ensuite le personnage de Jennifer à l’aide d’un thème de flûte mélancolique évoquant les démons du passé de la jeune femme. A noter que, comme dans « Magnum Force », une partie de la musique de Schifrin n’a pas été utilisée pour le film et doit donc être appréciée sur l’album publié par Aleph Records, qui contient l’intégralité du score écrit par Lalo Schifrin pour « Sudden Impact ».

Le thème de Jennifer revient ensuite dans « Too Much Sugar » avec un saxophone langoureux, puis, très vite, on retrouve ici le style plus sombre et dissonant cher à Lalo Schifrin, annonciateur des dangers à venir. « Frisco Night » utilise quand à lui des harmonies de cordes torturées et sombres avant de céder la place à un premier morceau d’action trépidant. On notera ici le recours à un style beaucoup plus orchestral que dans les précédents épisodes de la saga, Schifrin accentuant ici le rôle de l’orchestre avec une inventivité constante dans le choix des couleurs instrumentales. De la même façon, « Target Practice » maintient une tension permanente par le biais de cordes tendues, d’accords de cuivres et de ponctuations de timbales durant la scène où Harry s’entraîne à tirer avec son .44 Automag dans une forêt, avant de recevoir la visite de son ami Horace King. « The Road to San Paolo » nous permet quand à lui de retrouver un thème musical bien connu de la saga, le fameux thème mélancolique d’Harry qui revient tout au long des films de la saga (hormis dans le « Enforcer » de Jerry Fielding). Schifrin choisit cette fois-ci d’offrir un arrangement plus énergique à ce thème qui semble avoir bien évolué en même temps que la saga et le personnage d’Harry Callahan. Plus déterminé, le thème est développé ici à l’orchestre sur fond de batterie funky alors qu’Harry est muté à San Paolo pour enquêter sur le meurtre de George Wilburn, le morceau se concluant par ailleurs de manière très romantique par une écriture de cordes suaves et langoureuses et une variation passionnée autour du thème de Jennifer au saxophone puis aux cordes, lors de sa rencontre avec Callahan.

« Remembering Terror » illustre la séquence où Jennifer se souvient de son agression sexuelle et celle de sa sœur lors d’une fête foraine il y a plusieurs années. Après un passage imitant les musiques de fête foraine traditionnelles, la musique évolue clairement vers une ambiance plus cauchemardesque et poisseuse à l’aide d’étranges notes de cordes et des sonorités glauques du waterphone cristallin. Le morceau introduit par ailleurs un mystérieux motif menaçant de 4 notes de cordes associé aux agresseurs de Jennifer et sa soeur. Schifrin juxtapose ici ces passages dissonants aux musiques de fête foraine pour mieux nous plonger dans une ambiance troublante reflétant la psychologie torturée et les souvenirs qui hantent Jennifer Spencer. A noter la partie finale de « Remembering Terror » qui débouche sur un passage rock assez particulier, à grand renfort de guitares électriques, très rapidement éclipsé par le retour de la musique de fête foraine. « Rembemering Terror » est donc essentiellement constitué d’un étrange collage de différents styles musicaux qui accompagne la scène du flashback de Jennifer lors de son adolescence, sans aucun doute l’un des morceaux les plus particuliers de « Sudden Impact ». « Cocktails of Fire » nous offre un nouveau passage d’action mémorable et particulièrement violent, reposant sur un rythme funky des congas et de la batterie sur fond de riff de piano et de basse, qui maintiennent la tension durant la scène où Callahan est attaqué par quatre hommes de mains de Threlkis à coup de cocktails Molotov. A noter l’accélération finale saisissante du tempo à la fin de « Cocktails of Fire », qui se conclut par ailleurs sur une reprise du thème mélancolique de Callahan.

« Robbery Suspect » intensifie l’action et la tension avec un déchaînement orchestral dominé par des cordes et des cuivres musclés durant la scène où Harry affronte les cambrioleurs et le preneur d’otage. On retrouve les boîtes à rythme 80’s de l’ouverture et la guitare électrique rock dans « Ginley’s Bar », qui cède très vite la place à un autre passage à suspense incluant le thème de saxophone de Jennifer. Idem pour « Another Victim » et ses orchestrations plus sombres et tendues à base de vibraphone, piano et synthétiseurs. « Darkness » développe à nouveau les notes de violons étranges de « Rembembering Terror » pour suggérer les souvenirs et le traumatisme vécu par Jennifer. Son thème revient à la flûte au début de « Crazy », puis l’on renoue avec un autre morceau d’action mémorable, « Hot Shop Cop », dominé par des glissandi de cordes dissonantes avant-gardistes et des effets instrumentaux intenses et agressifs qui renvoient clairement aux expérimentations musicales de Schifrin sur « Dirty Harry » (1971). A noter l’emploi de dissonances accrues dans « Alby and Lester Boy » qui permettent au compositeur d’accentuer le travail sur l’esthétique atonale de sa musique, incluant des effets aléatoires des cordes. « Unicorn’s Head » accompagne alors la confrontation finale avec Mick avec des allusions à la musique de fête foraine aux synthétiseurs et le retour du motif de 4 notes des agresseurs de Jennifer. « A Ray of Light » conclut finalement l’aventure avec une reprise du thème mélancolique d’Harry rendu ici méconnaissable dans son arrangement funky/jazzy aux tonalités majeures qui semblent indiquer la victoire finale de Callahan sur le crime.

« Sudden Impact » se conclut finalement sur « San Francisco After Dark (End Title) », reprenant le thème mélancolique d’Harry dans un très bel arrangement jazzy et nostalgique au saxophone alors que Callahan s’éloigne avec Jennifer à la fin du film. Schifrin se fait d’ailleurs plaisir en développant ce thème à plusieurs reprises dans le film, même si là aussi, l’écoute sur l’album semble indispensable pour pouvoir en apprécier toutes les nuances et découvrir les quelques passages qui n’ont pas été retenus au montage final. « Sudden Impact » s’avère donc être un score de grande qualité marqué par le retour d’un Lalo Schifrin toujours en pleine forme. Changement de décennie oblige, la musique de la saga des inspecteurs Harry a évolué, mais le fond reste toujours le même : on y retrouve le fameux thème mélancolique d’Harry, les quelques passages funky et les mesures orchestrales plus dissonantes et atonales un brin expérimentales, mais l’apport de l’électronique et des rythmes 80’s suggèrent que la musique et la saga viennent de mettre un pied dans les années 80. Lalo Schifrin et Clint Eastwood ont vieilli, certes, mais leur vitalité est restée intacte, ce que nous rappelle fièrement le compositeur argentin sur « Sudden Impact ». Plus sombre et plus dissonante que « Magnum Force », la partition de « Sudden Impact » s’avère être un superbe retour aux sources après un épisode plus jazzy et funky signé Jerry Fielding en 1976 pour « The Enforcer ». Les fans de la saga apprécieront à coup sûr la musique de ce quatrième épisode, quelque peu malmenée dans le film mais superbement présentée sur l’album indispensable d’Aleph Records !




---Quentin Billard