Making Love (1982)

1-Prelude 6.56
2-Bart 3.49
3-Zack 3.03
4-Zack And Claire 1.40
5-Driving 1.51
6-Claire Sees Zack 1.35
7-Postlude 6.07

Race with the Devil (1975)

8-Main Title 1.40
9-The Alamo 0.57
10-Crossing Bridge 1.45
11-The Campsite 0.26
12-Bike Race 2.16
13-Devil's Note/The Pool 1.08
14-Hanging Dog 0.57
15-The Snake 2.34
16-Dog's Grave 1.10
17-General Store 0.44
18-Gas Man 2.03
19-The Crash 3.57
20-Wizard Reacts 4.16
21-A Tree 1.58
22-Phony Accident 3.29
23-End Title Strings 0.37

Making Love (Extras)

24-Alternate #1 0.46
25-Alternate #2 0.46
26-Alternate #3 1.24
27-Theme-Jazz Version 2.32
28-Theme-Ballad Version 2.49
29-Song Demo ("Making Love") 3.30

Musique  composée par:

Leonard Rosenman

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 379

CD produit par:
Douglass Fake, Nick Redman
Producteur exécutif pour Intrada:
Roger Feigelson
Direction soundtrack pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
"Making Love" par Burt Bacharach,
Carole Bayer Sager, Bruce Roberts
Restauration et mixage:
Mike Matessino
Préparation des pistes:
Neil S. Bulk
Mastering:
Daniel Hersch, D2 Mastering
Manager de production:
Regina Fake

Artwork and pictures (c) 1975/1982/2017 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
RACE WITH THE DEVIL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Leonard Rosenman
« Race with the Devil » (Course contre l’enfer) est un thriller de 1975 réalisé par Jack Starrett, qui était aussi connu en tant qu’acteur, et notamment dans « Blazing Saddles » ou dans le rôle du policier sadique qui tourmente Stallone dans « First Blood ». Starrett passa pour la première fois derrière la caméra en 1969 avec « Run, Angel, Run ! » et s’est intéressé dans les années 70 aux films de blaxploitation en réalisant notamment « Slaughter » (1972) ou l’un des classiques du genre, « Cleopatra Jones », avec Tamara Dobson (1973). Réalisé deux ans plus tard, « Race with the Devil » est un film particulier dans le sens où Jack Starrett mélange l’épouvante, le road-movie et le cinéma d’action avec une certaine originalité. Le film raconte l’histoire de Roger Marsh (Peter Fonda) et Frank Stewart (Warren Oates), deux amis motards qui travaillent comme vendeurs à San Antonio au Texas, et décident de partir en vacances en plein hiver à bord de leur camping-car aux côtés de leurs épouses respectives Kelly (Lara Parker) et Alice (Loretta Swit). Alors qu’ils parcourent les routes de la région d’Amarillo, les deux amis sont témoins du meurtre d’une jeune fille par un groupe de satanistes lors d’un rituel démoniaque. Roger, Frank et leurs épouses se retrouvent alors traqués par les membres de la secte satanique et sont obligés de prendre la fuite après avoir tenté d’alerter en vain la police locale dirigée par le shérif Taylor (R.G. Armstrong). Mais ce dernier semble dubitatif et se montre méfiant envers les deux étrangers. Roger, Frank, Kelly et Alice décident ensuite de reprendre la route et de s’arrêter à la prochaine ville afin de réclamer de l’aide et de trouver quelqu’un qui prendra enfin leur histoire au sérieux. Mais les quatre individus se retrouvent alors harcelés au cours de leur périple par les membres de la secte satanique : messages d’avertissement, meurtre de leur chien et même poursuite sur la route, Frank et Roger vont être obligés de défendre leur vie et celle de leurs épouses en prenant les armes.

Cocktail assez inhabituel de road movie, de cinéma d’épouvante et de film de poursuite, « Race with the Devil » est avant tout l’oeuvre d’un vétéran du cinéma d’action et de la série-B. Jack Starrett sait donc où il va et mène sa barque sans grande surprise, si ce n’est l’intrusion du fantastique dans le quotidien d’individus normaux, un thème récurrent dans le cinéma américain des années 70. Le film se scinde en deux parties : durant les premières 50 minutes, on découvre Roger, Frank et leurs femmes dans leur camping-car et les nombreuses scènes de suspense habilement menées (les menaces sur la porte du camping-car, les attaques à la fenêtre arrière du véhicule, les tentatives d’intimidation, etc.). Starrett parvient à instaurer ici un vrai climat de paranoïa à chaque ville que traversent les héros – les habitants sont-ils normaux ou bien font-ils eux aussi partie de la secte satanique ? – Grâce à sa réalisation très anxiogène, le réalisateur fait habilement monter la tension jusqu’aux 30 dernières minutes apocalyptiques, incluant une incroyable poursuite sur la route et une séquence totalement bad-ass où Peter Fonda monte sur le toit du camping-car et abat ses poursuivants avec sa carabine. Le film met malheureusement pas mal de temps à décoller et il est assez regrettable de devoir attendre les 30 dernières minutes du récit pour voir enfin débouler à l’écran l’action alors que tout le début du film est finalement assez mou et un peu longuet (le film ne dure pourtant qu’1h28 !). On se consolera néanmoins grâce à la qualité du casting (Peter Fonda et Warren Oates sont impeccables), aux scènes choc – la terrifiante confrontation avec les serpents dans le camping-car – et à une bataille finale assez ahurissante et très spectaculaire.

« Race with the Devil » doit aussi beaucoup à l’impressionnante partition musicale de Leonard Rosenman. Le compositeur est devenu à la fin des années 60 un spécialiste des musiques avant-gardistes/expérimentales pour le cinéma, incluant des titres prestigieux comme « Fantastic Voyage » (1966), « Countdown » (1968) ou « Beneath the Planet of the Apes » (1970). La partition de Rosenman pour « Race with the Devil » cristallise à elle seule toutes les préoccupations artistiques et musicales du compositeur : atonalité brutale, mélanges de sonorités denses, pyramides de dissonances, orchestrations complexes, figures rythmiques archétypales, utilisation inventive des instruments, « Race with the Devil » contient déjà les germes des futures partitions à suspense que Rosenman exploitera plus particulièrement sur des films tels que « The Car » et « The Possessed » en 1977 (deux autres thrillers sur une thématique satanique), « The Lord of the Rings » (1978) ou « Prophecy » (1979). Le score de « Race with the Devil » s’avère donc très particulier et assez concis dans le film, puisque Leonard Rosenman n’a écrit qu’une trentaine de minutes de musique pour l’ensemble du métrage de Jack Starrett. Pour les besoins du film, Rosenman convoque un ensemble instrumental particulier dans lequel il délaisse complètement le pupitre des violons – mais il conserve les violoncelles et les contrebasses – en réunissant des bois, des cuivres, une harpe, un vibraphone, un clavecin (instrument fétiche du compositeur), des percussions incluant un piano (dont les cordes sont parfois frottées avec une mailloche de timbales), des lujons, un waterphone et des techniques sonores particulières comme des harmoniques aiguës de contrebasses, la klangfarbenmelodie (jeu de mélodie de timbres, principe mis en place par Hector Berlioz dès 1830 puis théorisé par Arnold Schoenberg dès 1911), une écriture micro tonale ou en quarts de ton comme Rosenman a l’habitude de le faire dans ses pièces les plus expérimentales.

Mais la vraie idée du score, c’est l’utilisation d’un violon électrique qui joue à travers un modulateur en anneau, appareil qui utilise un oscillateur pour concevoir une onde sinusoïdale, multipliée avec le signal de départ pour créer de nouvelles harmoniques. Généralement, le modulateur en anneau est couplé avec une guitare électrique, mais ici, Rosenman s’en sert pour créer de nouveaux effets sonores à partir du violon électrique. L’instrument est employé ici pour évoquer l’aspect satanique du récit, selon une longue tradition musicale ancienne qui associe régulièrement le violon au diable. Le film débute au son du ténébreux « Main Title », entièrement atonal et résolument avant-gardiste. Le violon électrique confère ici à la musique une dimension sonore totalement surréaliste et diabolique avec ses effets sonores cauchemardesques. Rosenman fait ici référence à la musique contemporaine des années 50, celle de Xenakis, Penderecki, Lutoslawski ou Ligeti à l’aide d’une écriture orchestrale extrêmement dissonante à base d’effets aléatoires de clavecin, xylophone ou clusters stridents de cuivres. Après une telle entrée en la matière, difficile de ne pas être enthousiasmé par le reste de la partition. Pourtant, Rosenman change radicalement de registre dès « The Alamo ». La musique accompagne ici Roger, Frank, Alice et Kelly à board de leur camping-car en direction d’Amarillo sur un air insouciant et léger. La musique est ici totalement tonale et mélodique, dominée par les bois, les cuivres, le clavecin, le vibraphone et un étrange ostinato répétitif de caisse claire.

La légèreté bondissante de « The Alamo » et « Crossing Bridge » peut prêter à sourire dans le film et se prolonge dans l’agréable « The Campsite », idéal pour évoquer le calme avant la tempête. Idem pour « Bike Race », morceau non utilisé dans le film mais qui était censé accompagner à l’origine la séquence où Roger et Frank font une course à moto. « Bike Race » évoque une sorte de musique de cirque avec une dimension comique évidente, notamment dans l’emploi des cuivres et du xylophone. Quelques accords plus mystérieux et ambigus des vents au milieu du morceau semblent indiquer que quelque chose de grave est sur le point de se produire, sans qu’une quelconque résolution vienne confirmer cette impression. En revanche, les choses se gâtent réellement dans « Devil’s Note/The Pool », pour la séquence où Roger et Frank découvrent le message de menace sur la porte de leur camping-car. Rosenman renoue ici avec son approche atonale/dissonante habituelle en mettant l’accent sur les bois, les cuivres et les percussions. Idem pour « Hanging Dog » pour la découverte du cadavre du chien. On retrouve les tics d’écriture habituels du compositeur, et notamment dans les pyramides de dissonances ou l’utilisation du clavecin dans un rôle rythmique.

A ce sujet, la séquence de l’attaque des serpents (« The Snake ») est l’un des moments forts de « Race with the Devil ». Le style de Rosenman transparaît pleinement, notamment dans l’emploi complexe et virtuose du clavecin intégré à un orchestre totalement débridé, saturé de dissonances, de pyramides sonores et de clusters en tout genre. A noter un motif rythmique de 4 notes répétées qui deviendra un élément récurrent dans les scores dissonants de Leonard Rosenman par la suite (on retrouvera ce motif dans « The Car », « Lord of the Rings », « Prophecy » ou « Robocop 2 »). Autre élément-clé du morceau : l’emploi des quarts de tons aux bois, qui reflète une autre technique très employée par certains compositeurs de musique contemporaine au milieu du XXe siècle. « Dog’s Grave » tente de calmer brièvement le jeu dans le film pour la scène où Roger et Frank enterrent le chien. Rosenman n’oublie pas pour autant la dimension humaine et émotionnelle du récit avec des harmonies plus torturées et mélancoliques mais néanmoins dégagées de toute forme d’agressivité. Dans « General Store », le musicien évoque une atmosphère de paranoïa et de conspiration alors que les héros soupçonnent les habitants d’être de mèche avec la secte satanique qui les traque inlassablement. De la même façon, « Gas Man » confirme les soupçons avec ses cordes lugubres et ses harmonies dissonantes : on retrouve ici la fameuse klangfarbenmelodie dans la façon dont Rosenman superpose habilement les différents timbres instrumentaux pour concevoir une palette sonore dense et complexe.

« Gas Man » se termine par ailleurs sur une coda brutale et agressive où le motif de 4 notes martelées au clavecin revient encore une fois, annonçant le cauchemar à venir. « The Crash » illustre quand à lui la séquence de la poursuite sur la route. On retrouve les traditionnelles pyramides sonores du compositeur, puis Rosenman enchaîne sur un déchaînement symphonique d’une très grande complexité à base de trompettes stridentes et de martèlements de timbales/clavecins. On notera ici la façon dont Rosenman rejoint astucieusement l’esthétique de son « Main Title » en jouant sur les traits rapides des bois, des cuivres et du xylophone, évacuant au maximum tout aspect mélodique de sa partition. Element intéressant : les cuivres sont ici bâtis selon un schéma antiphonique, à savoir que le pupitre est séparé en plusieurs groupes qui se répondent successivement. « The Crash » évolue vers une dimension quasi apocalyptique avec l’intrusion des effets incongrus du violon électrique. Il ne fait d’ailleurs nul doute que les auditeurs ressortiront essoufflés par la puissance des dissonances extrêmes et la violence sonore de « The Crash ». De la même façon, « Wizard Reacts » illustre la première scène de poursuite du film avec ses nombreux changements rythmiques (on passe d’une métrique à 7 temps à une mesure à 5 puis 3 temps entre autre) et les tics d’écriture habituels de Rosenman – le motif rythmique de 4 notes, les pyramides de dissonances, et les passages expérimentaux avec le violon électrique associé aux membres de la secte satanique, accompagné de waterphone, de la caisse claire et du clavecin. « The Tree » accentue quand à lui le travail autour des dissonances et des quarts de ton avec d’étranges effets de vibratos des bois aléatoires, pour ce qui reste l’un des morceaux les plus dérangeants du score de par son extrême abondance de dissonances.

« Phony Accident » accompagne la séquence où Roger monte sur le toit du camping-car et abat l’un des poursuivants de la secte avec sa carabine. Les clusters dissonants de cuivres se répondent ici incessamment par dessus un tapis sonore de notes de marimba et de percussions déchaînées, incluant les effets distordus et dérangeants du violon électrique. A noter ici l’incroyable complexité de l’écriture rythmique du morceau qui donne du fil à retordre aux musiciens. Autre élément intéressant : certaines combinaisons sonores insolites comme ce mélange entre clarinette et bassons vers 1:50. Ici aussi, comme dans « The Crash », Rosenman rejoint habilement l’esthétique du « Main Titles » pour une coda apocalyptique d’une rare violence. Enfin, « End Title Strings » conclut le film sur un ultime effet sonore du violon électrique aux sons torturés et surréalistes pour la coda lugubre du récit. Leonard Rosenman nous invite donc à une véritable descente aux enfers dans « Race with the Devil », une course contre le mal absolu, avec une partition d’une très grande complexité, atonale et avant-gardiste, puisant dans les techniques musicales contemporaines du XXe siècle pour parvenir à ses fins, comme le musicien le fit précédemment dans « Fantastic Voyage » et surtout « Beneath the Planet of the Apes ». Le score de « Race with the Devil » apporte une violence et une noirceur impressionnante aux images du film de Jack Starrett mais demeure assez hermétique en écoute isolée et très difficile d’accès, en raison de sa très grande complexité et de son écriture brutale et extrême. Les fans de Rosenman adoreront son travail sur « Race with the Devil » et ses expérimentations si singulières et inhabituelles pour l’époque, même si le score n’apporte finalement rien de neuf à tout ce que Rosenman a déjà fait auparavant dans le registre des musiques de film avant-gardistes.




---Quentin Billard