1-The Corruptor 2.58
2-Beneath The Streets 3.27
3-Lamp Store Shootout 2.11
4-Panty Raid 1.41
5-Ginza Shooting 2.36
6-The Old Man 1.04
7-Drug Raid 0.48
8-Dumpster 1.35
9-Death Drives Through Chinatown 4.59
10-He Takes The Hook 2.33
11-A Plum 1.52
12-Chen Betrayed 2.28
13-To The Ship 2.42
14-Human Cargo 1.48
15-Chen Shot 2.34
16-Funeral In Chinatown 1.36
17-Oud Happy 3.06
18-Corrupted 2.39

Musique  composée par:

Carter Burwell

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-6014

Score produit par:
Carter Burwell
Producteur exécutif:
Robert Townson
Monteur musique:
Jennifer Nash, Brian Richards
Supervision musique:
Dana Sano
Monteur superviseur musique:
Adam Milo Smalley
Coordination musique:
Bob Bowen

Artwork and pictures (c) 1999 New Line Cinema/Illusion Entertainment Group. All rights reserved.

Note: ***
THE CORRUPTOR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Carter Burwell
Après les thrillers « The Chamber » (1996) et « Fear » (1996), le réalisateur James Foley s’essaie en 1999 au film d’action avec « The Corruptor » (Le Corrupteur), qui met en scène Mark Wahlberg et Chow Yun-fat dans un polar brutal et nerveux évoquant la corruption policière. Nick Chen (Chow Yun-fat) est un policier réputé de la NYPD à la tête de l’unité des gangs asiatiques. Il est chargé de veiller à maintenir la paix dans le quartier de Chinatown où règne une guerre opposant deux gangs rivaux : les Triades chinoises et les Dragons Fankinais. Mais Nick est aussi informateur auprès des Tongs dirigés par « Oncle » Benny Wong (Kim Chan) et son principal lieutenant Henry Lee (Ric Young). Nick se voit alors contraint de faire équipe avec Danny Wallace ( Mark Wahlberg), un jeune bleu fraîchement débarqué à New York mais qui travaille en secret pour les affaires internes. Danny est chargé de surveiller les agissements de Nick et de le coffrer pour corruption une fois qu’il aura réuni des preuves solides. Au cours d’un raid policier au Q.G. des Fankinais, Nick sauve la vie de Danny durant une fusillade et se lie d’amitié avec son nouvel équipier. Peu de temps après, les deux policiers doivent démanteler un trafic de drogue, mais ils ignorent que l’opération est aussi dirigée par un agent infiltré du FBI, ce qui leur vaut d’être sévèrement réprimandé par le FBI pour avoir interagi dans une opération qu’ils menaient depuis des mois. Danny rencontre ensuite Henry Lee et se voit offrir l’opportunité de travailler à son tour comme informateur pour les Tongs d’Oncle Benny en échange d’informations capitales qui lui permettent d’arrêter les dirigeants d’un important réseau secret de prostitution, ce qui lui vaut une recommandation d’honneur officielle des services de police new-yorkais. C’est alors que Nick Chen réalise que Danny est devenu à son tour un informateur pour le compte des Tongs.

« The Corruptor » est une plongée immersive et fascinante dans le monde clos des gangs asiatiques de Chinatown et des policiers corrompus. Le film de James Foley (auteur du film culte « At Close Range » en 1986) est réalisé avec beaucoup d’habileté. Le cinéaste a compris et digéré tous les rouages des films d’action hong-kongais à la manière de John Woo, s’entourant par ailleurs ici d’un casting asiatique de luxe mené d’une main de maître par Chow Fun-fat, acteur fétiche de Woo et de Wong Jing. Dans ce film, Foley fait s’opposer deux visions de la police : l’idéaliste, fraîchement débarqué dans les quartiers chinois de New-York, et le corrupteur, vétéran respecté de l’unité des gangs asiatiques du NYPD et informateur secret pour les Tongs. Dès lors, la question se pose : comment faire respecter les lois si ceux qui sont censés les appliquer les rejettent en bloc par leurs actions pernicieuses ? A cette question morale, « The Corruptor » ne répond que partiellement, préférant montrer le portrait de deux flics obligés de faire équipe, et qui vont finir par se trouver des affinités malgré leurs visions totalement différentes de leur métier. Evidemment, James Foley emprunte ici les codes du buddy movie traditionnel des années 80, mais on pense davantage ici aux classiques de John Woo des années 80/90 et notamment « The Killer », « Le Syndicat du crime », « Bullet in the Head » et « Hard-Boiled ». Chow Yun-fat n’en était d’ailleurs pas à son premier coup d’essai puisqu’il avait déjà tourné un an auparavant dans le film d’action américain « The Replacement Killers » d’Antoine Fuqua en 1998. Etonnamment, « The Corruptor » est un pied de nez évident à l’esbroufe visuelle du cinéma d’action moderne de la fin des années 90 : ici, vous ne verrez pas de ralentis hypnotiques, de gunfights décérébrés ou d’effets spéciaux explosifs ! James Foley opte pour une réalisation plus classique et académique, avec quelques séquences d’action assez violentes et impressionnantes. Hélas, le film aura du mal à convaincre le public à sa sortie en salles en 1999 et reste encore aujourd’hui à redécouvrir, car il s’agit bel et bien de l’un des meilleurs polars où se sont côtoyés la culture américaine et asiatique.

Le compositeur Carter Burwell retrouve à nouveau James Foley après avoir écrit les musiques de ses précédents films, et notamment « Fear » (1996) et « The Chamber » (1996). Pour sa troisième collaboration avec Foley, Carter Burwell signe un score de qualité pour « The Corruptor », sans aucun doute son meilleur travail parmi ses trois participations aux films du cinéaste américain. Le score, entièrement orchestré et dirigé par Carter Burwell lui-même, a été enregistré aux Right Track Studios de New-York, incluant deux grands musiciens chinois originaires de Shanghai : Wang Guo-Wei (l’erhu, violon chinois traditionnel à 2 cordes) et Chen Tao (la flûte), ainsi que les musiciens américains incluant David Torn (guitares), Erik Friedlander (violoncelle) et John Deak (basse), sans oublier John Moses (clarinette), Geoff Gordon (percussions) et Gordon Gottlieb (percussions additionnelles), ainsi qu’une partie électronique habituelle. La musique de « The Corruptor » repose essentiellement sur l’idée de la rencontre entre la culture musicale asiatique et américaine, le tout accompagné d’un thème principal mémorable dévoilé dès l’ouverture du film dans « The Corruptor ». Le thème se distingue par sa mélodie lyrique d’erhu et de flûte sur fond de rythmique électronique moderne et de cordes. Il évoque ici l’amitié entre Nick et Danny qui est au coeur même de la musique de Burwell, qui a préfère se centrer sur les personnages plutôt que d’évoquer la violence même du film.

« Beneath the Streets » développe l’utilisation des instruments asiatiques à l’aide de l’erhu et de la flûte sur fond de nappes sonores sombres des cordes imposant un climat de tension dès le début du film. Burwell développe à nouveau le thème principal de manière mélancolique et touchante, véritable leitmotiv émotionnel de la partition de « The Corruptor », largement porté par le timbre fragile et gracieux de l’erhu. Le morceau se conclut par ailleurs sur le premier passage agressif du score, à l’aide de gongs et de percussions asiatiques sur fond de cordes et de synthétiseurs atmosphériques. La fusillade dans le magasin de luminaire (« Lamp Store Shootout ») est aussi le premier tour de force orchestral que nous propose Carter Burwell dans « The Corruptor ». A la manière des musiques de film hong-kongais, Burwell mélange ici les éléments asiatiques et occidentaux pour mieux parvenir à ses fins, accentuant les rythmes et le travail autour des percussions en tout genre. Idem pour « Panty Raid », dominé ici par l’oud sur fond de rythmes modernes. Le compositeur expérimente ici autour de ses différentes sonorités et intègre les solistes dans chaque morceau de la partition, préférant délaisser une approche symphonique trop hollywoodienne et peu adaptée au film de James Foley.

Même chose pour une autre séquence de fusillade dans « Ginza Shooting », avec le retour de l’erhu, de la flûte et des percussions diverses. La guitare domine « The Old Man » avec un lyrisme et une poésie évidente, notamment dans le jeu de la flûte. La séquence où Nick et Danny interviennent pour stopper un trafic de drogue (« Drug Raid ») est un autre morceau d’action débridé dominé par les solistes, les cordes et les percussions. On devine ensuite une émotion palpable dans « Dumpster » et cette étrange mélancolie qui domine une bonne partie de la partition de Carter Burwell – annonçant l’évolution tragique du récit – « Death Drives Through Chinatown » débute à son tour sur des rythmes rock/électro modernes et un ensemble de percussions – évoquant l’univers urbain du film - dans un style relativement expérimental, typique du compositeur. A noter ici la façon dont Burwell accentue le jeu des percussionnistes, jusqu’à faire monter progressivement la tension vers le milieu du morceau lors de la poursuite en voitures dans les rues de Chinatown. « He Takes the Hook » ramène sur le devant de la scène le thème principal mélancolique, évoquant doublement l’idée d’amitié, de complicité mais aussi de trahison et de désillusion. La musique devient ici plus sombre, plus amère, nous amenant vers le dernier acte du film.

L’approche instrumentale voulue par Carter Burwell sur « The Corruptor » est plutôt originale mais semble très figée tout au long du film et assez répétitive. Le compositeur a bien du mal à faire évoluer sa partition, à tel point qu’on a parfois l’impression d’entendre la même ambiance et le même morceau tourner en boucle d’un bout à l’autre du film. « Chen Betrayed » accentue à son tour le travail des percussions et des instruments asiatiques, puis « To The Ship » nous amène à l’acte final lorsque Nick et Danny débarquent sur le navire pour stopper les gangsters qui sévissent dans la ville. A noter ici l’emploi de la guitare électrique rock juxtaposée aux percussions et à l’erhu chinois. Burwell instaure ici un climat de tension sans jamais verser pour autant dans la surenchère ou la noirceur absolue. Le musicien préfère conserver son approche mélodique par le biais des instruments solistes omniprésents tout au long du film, reflétant les pensées de Nick et Danny tout au long de leur périple. A ce sujet, « Human Cargo » est assez révélateur, avec le retour poignant du thème principal à l’erhu, alors que Nick sait que Danny l’a trahi et ignore s’il peut encore lui faire confiance ou s’il doit l’éliminer.

Burwell expérimente ici autour d’effets sonores de la guitare électrique pour accompagner la fusillade finale, débouchant sur les tragiques « Chen Shot » et « Funeral in Chinatown », marqués par l’omniprésence du thème principal. Le compositeur se fait plaisir en nous offrant en guise de bonus le morceau « Oud Happy » où l’oud soliste s’en donne à coeur joie avec les percussions, l’erhu et la flûte chinoise, sans oublier la reprise du thème principal dans « Corruptoid » sur fond de rythme électro pour le générique de fin du film. Carter Burwell signe donc un score assez intéressant et très particulier pour « The Corruptor », très éloigné des approches orchestrales hollywoodiennes habituelles. Comme à son habitude, le compositeur aime expérimenter autour du mélange des sonorités et des styles (rythmiques occidentales modernes, instruments chinois, utilisation d’un oud oriental, etc.) et nous propose un score assez particulier reflétant la personnalité singulière du musicien. La partition de « The Corruptor » apporte ainsi une émotion et une énergie remarquable au film de James Foley, et notamment grâce à son thème principal mémorable et poétique de toute beauté. Dommage cependant que l’approche musicale voulue par Carter Burwell ait tendance à devenir répétitive et lassante sur la longueur, le score finissant par tourner dangereusement en rond au bout de plusieurs minutes. Néanmoins, les fans de Burwell devraient se laisser tenter par le score de « The Corruptor » qui constitue une écoute intéressante à défaut d’être particulièrement inoubliable.



---Quentin Billard