1-Main Title 4.14
2-Angel of Death 1.29
3-Love Theme 2.51
4-The Discovery 1.58
5-Rescue 2.57
6-Infiltration (Suite) 4.30
7-Flight 5.04
8-On The Streets 2.31
9-Run and Hide 2.38
10-Escape to Darkness 3.06
11-Amazing Grace 2.08
12-The Reckoning 5.30
13-Part 1-Getting Hired/
The Crew (interview) 8.52
14-Part 2-Technology (interview) 2.36
15-Part 3-Spotting (interview) 4.21
16-Part 4-Musical
Preparation (interview) 2.41
17-Part 5-Improvisation (interview) 3.43
18-Part 6-Sound Effects (interview) 4.02
19-Part 7-Final Thoughts (interview) 5.51

Musique  composée par:

Denny Zeitlin

Editeur:

Perseverance Records PRD 003

Musique produite par:
Denny Zeitlin
Orchestrations:
Greig McRitchie
Monteur musique:
Ving Hershon
Coordination production score:
Phill Sawyer

Artwork and pictures (c) 1978 MGM. All rights reserved.

Note: ***1/2
INVASION OF THE
BODY SNATCHERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Denny Zeitlin
A l’origine de « Invasion of the Body Snatchers » (L’invasion des profanateurs), il y a un roman éponyme écrit par Jack Finney et publié en 1955. Le livre sera adapté une première fois au cinéma dans un long-métrage réalisé par Don Siegel en 1956, avec Kevin McCarthy et Dana Wynter dans les rôles principaux. C’est en 1978 qu’une seconde version verra le jour sous la caméra de Philip Kaufman, qui se fera connaître quelques années plus tard avec des classiques tels que « The Right Stuff » (1983), « Henry and June » (1990) ou « Rising Sun » (1993). Le film sera suivi de deux autres versions : l’horrifique « Body Snatchers » d’Abel Ferrara en 1993, et le remake insipide « Invasion » d’Oliver Hirschbiegel en 2007, avec Nicole Kidman et Daniel Craig. Mais c’est bien la version de 1978 qui reste l’une des plus connues à ce jour, considérée à juste titre comme un classique du cinéma fantastique américain des 70’s. L’histoire débute alors que d’étranges germes gélatineux quittent leur monde à l’agonie pour partir se réfugier sur Terre, dans la ville de San Francisco. Les germes envahissent les plantes et commencent à les assimiler, produisant d’étranges fleurs rosâtres aux substances inconnues. Elizabeth Driscoll (Brooke Adams) travaille pour le bureau de la santé de San Francisco et ramène l’une de ces fleurs chez elle. Le lendemain, Elizabeth remarque le comportement étrange de son compagnon Geoffrey Howell (Art Hindle). Ce dernier devient mystérieusement distant et semble agir comme un parfait inconnu. Inquiète du comportement de Geoffrey, Elizabeth décide d’en parler à son collègue, l’inspecteur d’hygiène Matthew Bennell (Donald Sutherland), qui lui suggère d’en parler à son ami, le Dr. David Kibner (Leonard Nimoy). Dès lors, les choses commencent à changer dans la ville : un homme hystérique hurle et court dans la rue, prédisant une catastrophe à venir. Des gens se réunissent dans des endroits sans aucune explication, transportant d’étranges convois. Des individus semblent se diriger vers des destinations inconnues de manière froide et mécanique, dénuée de la moindre émotion humaine. Une femme rétorque lors d’une soirée mondaine que son mari n’est plus son mari. Elizabeth réalise ainsi que ce qui est arrivé à son compagnon Geoffrey est en train d’arriver à la ville toute entière. Jack Bellicec (Jeff Goldblum), l’ami écrivain de Matthew, découvre une nuit un corps étrange et difforme dans une cabine de bains publics tenue par sa femme Nancy (Veronica Cartwright), et remarque que le corps lui ressemble étrangement. Mais alors qu’il tente d’alerter Elizabeth, Matthew et la police, le corps a mystérieusement disparu. C’est ainsi que Matthew comprend que les gens sont remplacés progressivement par des copies extra-terrestres pendant leur sommeil. Il tente alors d’alerter les autorités fédérales, mais en vain, personne ne croit à sa théorie d’un complot mondial.

« Invasion of the Body Snatchers » est un film majeur du cinéma fantastique des années 70. Récompensé en 1978 par deux Saturns Awards, plusieurs nominations et l’Antenne d’or au Festival international du film fantastique d’Avoriaz en 1979, « Invasion of the Body Snatchers » a acquit très tôt son statut de film culte. Il faut dire que le film sortait à une période propice au renouveau du cinéma fantastique à Hollywood. Un an auparavant, Spielberg triomphait avec « Close Encounters of the Third Kind », qui évoquait une rencontre extra-terrestre intrigante, terrifiante et finalement pacifique. Le succès phénoménal du « Star Wars » de George Lucas en 1977 prouvait que le public était à nouveau réceptif au genre de la science-fiction. L’épouvante revenait aussi à la mode avec le « Halloween » de John Carpenter et le « Zombie » de George A. Romero, sortis tous deux la même année. C’est pourquoi « Invasion of the Body Snatchers » avait toutes les chances de conquérir le public, réunissant aussi bien le genre du fantastique, de la science-fiction que celui de l’épouvante. Reprenant l’intrigue initiale du classique de 1956, le film de Philip Kaufman est souvent considéré comme l’un des meilleurs remakes de son temps. Le succès sera par ailleurs au rendez-vous puisque le film rapportera plus de 25 millions de dollars et deviendra une référence du genre. Le film doit beaucoup à la réalisation immersive de Philip Kaufman. Majoritairement tourné la nuit dans des ruelles ou des pièces faiblement éclairées, « Invasion of the Body Snatchers » réunit un casting prestigieux et nous plonge dans une atmosphère de paranoïa assez cauchemardesque. Le film rappelle les thrillers conspirationnistes du début des années 70 et y ajoute une bonne dose d’horreur et d’angoisse grâce à quelques scènes choc bien amenées – la scène où Donald Sutherland s’éveille et constate que la plante extra-terrestre est en train de le dupliquer, lui et ses amis – Kaufman livre un film sombre, anxiogène et radicalement pessimiste, comme si cette histoire d’invasion semblait inexorable et sans issue pour les humains en cavale.


UN FILM FANTASTIQUE CULTE !


On notera quelques caméos de personnes liées au film de Don Siegel : l’acteur Kevin McCarthy (l’homme hystérique qui crie dans la rue « They’re coming ! »), et Don Siegel lui-même dans le rôle d’un chauffeur de taxi – à noter que le film de 1956 offrait à son tour un petit rôle pour un autre grand réalisateur américain : Sam Peckinpah, qui officiait par ailleurs sur le film de Siegel en tant qu’assistant réalisateur – A noter par ailleurs que l’acteur Robert Duvall a un petit rôle au début du film, où il interprète un homme d’église. Outre les performances remarquables de Donald Sutherland et Brooke Adams, le film doit aussi beaucoup à Leonard Nimoy, célèbre interprète de Spock dans la série « Star Trek », qui tente ici d’imposer une autre vision à son jeu d’acteur, plus complexe et nuancé. Parfois étrange et décalé, le film de Philip Kaufman s’impose grâce à un ton radicalement plus sombre que dans le film de 1978. Le film dénonce par ailleurs l’uniformité et le formatage des sociétés urbaines modernes où les individus deviennent de vraies machines dont l’unique préoccupation consiste à se lever le matin, partir au travail et revenir chez soi le soir sans jamais broncher. En éradiquant toute forme d’expression ou d’émotion humaine, les envahisseurs parviennent ainsi à détruire l’humanité de l’intérieur, une idéologie fasciste évidente que combattent désespérément les deux héros du film. Quelques idées mémorables viennent pimenter le film, comme cette scène anthologique d’un étrange chien-humain, la scène du corps dans la cabine des bains douches ou la séquence durant laquelle Matthew tente de mettre le feu aux serres vers la fin du film – sans oublier un plan final très célèbre – Ainsi donc, ce « Invasion of the Body Snatchers » version 1978 s’impose grâce à son ton radicalement sombre et pessimiste, sa mise en scène intense et ses nombreuses idées qui font de ce film un vrai classique du genre, absolument incontournable.


L'UNIQUE INCURSION DE DENNY ZEITLIN AU CINEMA...


Le film doit aussi beaucoup à la partition musicale ténébreuse de Denny Zeitlin. Il s’agit par ailleurs de l’unique incursion du compositeur au cinéma, qui est davantage connu en tant que pianiste de jazz et professeur en psychiatrie à l’Université de Californie de San Francisco (il a notamment travaillé avec le psychothérapeute Joseph Weiss sur le concept du « Control Mastery Theory »). La partition de Denny Zeitlin pour « Invasion of the Body Snatchers » est écrite pour une grande formation orchestrale dirigée par Roger Kellaway, incluant un piano et un piano préparé interprété par le compositeur lui-même. Le « Main Title » accompagne la séquence d’ouverture où les entités extraterrestres quittent leur planète pour se diriger vers la terre. Zeitlin conserve ici une approche mélodique à l’aide d’un thème de 5 notes de cordes et de cuivres après une introduction constitué de ponctuations rythmiques agressives des percussions et des cuivres. Le thème du « Main Title » s’avère plutôt grandiose et puissant avant d’être interrompu dès 1:27 par des cordes dissonantes et stridentes. Dès lors, le thème devient menaçant et inquiétant, évoquant la conspiration des envahisseurs. On notera ici la complexité des harmonies qui oscillent entre le tonal, le polytonal et l’atonalité avec un savoir-faire évident, sans oublier des orchestrations particulièrement riches et soutenues. Le morceau se termine par ailleurs sur de nombreux effets sonores électroniques et expérimentaux particulièrement étranges, typiques des musiques expérimentales des années 70, incluant des effets de piano préparé consistant essentiellement à frapper sur les cordes métalliques du piano à l’aide d’objets divers.

Dans « Angel of Death », Denny Zeitlin privilégie le piano soliste qu’il interprète lui-même sur fond de nappes synthétiques inquiétantes. Il y a clairement une ambiance d’étrangeté et de malaise qui se dégage de la musique à l’écran, sans jamais perdre de vue une approche harmonique ambiguë, entre tonal et atonal. Zeitlin nous offre aussi un « Love Theme » censé évoquer la relation entre Matthew et Elizabeth dans le film, une bossa-nova douce et nocturne enregistrée à San Francisco avec Eddie Henderson à la trompette, Mel Martin à la clarinette, George Marsh à la batterie, Mel Graves à la basse et Denny Zeitlin au piano. Le morceau ne sera finalement pas utilisé mais témoigne du savoir-faire du compositeur dans le domaine du jazz. « The Discovery » développe quand à lui l’utilisation de l’électronique et du piano préparé intégré à un orchestre plus sombre, constitué de cordes menaçantes et pesantes. Zeitlin parvient à recréer dans sa musique l’atmosphère de conspiration et de paranoïa du film de Philip Kaufman en expérimentant autour de l’électronique et du piano préparé à la manière des musiques d’avant-garde du milieu du XXe siècle, comme le rappelle l’étrange « Rescue » et ses assauts forcenés de cuivres dissonants et agressifs. A noter ici l’emploi des contrebasses qui nous plongent dans un climat de nervosité et de tension assez impressionnant à l’écran, incluant quelques trémolos stridents des violons. « Infiltration » inclut le thème romantique de Matthew et Elizabeth, repris ici au basson sur fond de sonorités organiques des synthétiseurs, évoquant un étrange son de battement de coeur grotesque associé aux envahisseurs.

Les expérimentations électroniques du compositeur sont ici particulièrement impressionnantes et assez uniques pour un film américain de 1978. Denny Zeitlin s’inspire des expérimentations bruitistes et électroacoustique des années 50/60 pour un résultat hybride assez impressionnant et déroutant. Le compositeur va même jusqu’à superposer son Love Theme jazzy sur une nappe de sonorités dissonantes de synthétiseur, n’hésitant pas à jouer sur la confusion des timbres et de la perception sonore pour mieux dérouter le public et créer un climat anxiogène particulièrement intense à l’écran (même si certains passages du score n’ont pas été utilisés dans le film !). « Flight » s’oriente quand à lui vers une style plus atonal et aléatoire à l’aide de clusters de cordes façon Ligeti, Xenakis ou Penderecki. A noter ici l’emploi des bois de l’orchestre et de multiples percussions (grelots, shakers, caisse claire, woodblocks, tambours, timbales) qui viennent apporter une couleur supplémentaire dans le film, suggérant l’idée que les envahisseurs ont déjà pris l’apparence des êtres humains. Ici aussi, Zeitlin joue sur l’idée de la confusion avec une violence sonore anarchique qui rappelle indéniablement la musique contemporaine du XXe siècle. On retrouve par ailleurs le thème de cordes du « Main Title » en guise de rappel, associé à la tentative désespérée de Matthew et Elizabeth d’empêcher l’invasion du monde. A ce sujet, « On the Streets » évoque la fuite des héros dans les rues de San Francisco à l’aide de rythmes plus nerveux, de ponctuations blues inattendues, de pop 70’s et de cuivres enragés à la limite du free-jazz. Zeitlin dépasse ici le cadre des images et superpose les styles de manière intéressante, créant la surprise à chaque morceau, même si certains passages ne sont pas utilisés dans le film.

« Run & Hide » fait monter davantage la tension avec ses synthétiseurs oppressants et son ambiance résolument dissonante, sombre et pessimiste, tandis que « Escape to Darkness » accentue le travail autour des effets avant-gardistes des cordes : nuages de sons, gargouillis aléatoires de pizzicati, effets de col legno, clusters dissonants, etc. Ici aussi, le compositeur développe un tempo rapide et frénétique à l’aide des bois, du piano et des percussions pour évoquer la fuite de Matthew et Elizabeth, qui se retrouvent isolés dans un monde en perdition. On notera l’utilisation du traditionnel « Amazing Grace » durant la scène où Matthew se rend sur les quais près du navire où sont chargés les cargaisons de plantes aliens. « The Reckoning » accompagne quand à lui la scène de fin où Matthew tente de détruire les plantations extra-terrestres en faisant brûler les serres. « The Reckoning » débute sur une reprise mélancolique du Love Theme (après la mort d’Elizabeth) et s’oriente vers un ultime morceau d’action tonitruant et brutal où les expérimentations électroniques étranges culminent de manière chaotique. A noter ici le rôle des deux pianos employés de manière frénétique, Denny Zeitlin ayant par ailleurs décrit « The Reckoning » comme une sorte de concerto pour deux pianos. On ressort ainsi particulièrement soufflé et impressionné par l’intensité extrême de la musique de « Invasion of the Body Snatchers ».


UN SCORE EXPERIMENTAL ET COMPLEXE !


Dans une interview réalisée pour la ressortie du score chez Perseverance Records en 2003, le compositeur explique que ce projet a été très difficile à concrétiser et s’est avéré véritablement épuisant, ce qui explique le fait que le musicien n’a jamais renoué avec le cinéma par la suite. A l’écoute de la musique sur l’album de Perseverance, on peut aisément comprendre pourquoi ! Le score de Denny Zeitlin est un véritable festival d’expérimentations sonores, de techniques avant-gardistes et de superpositions musicales hors des sentiers battus, typiques d’une certaine liberté de ton que l’on trouvait régulièrement dans la musique de film hollywoodienne des années 70. La musique apporte une ambiance anxiogène et oppressante extrêmement dense et psychologique dans le film, tout en accentuant les montées de tension et les moments de panique et de danger. Très difficile d’accès, le score de « Invasion of the Body Snatchers » séduira essentiellement les amateurs de musiques expérimentales et ceux qui apprécient les partitions particulières qui osent prendre des risques : l’album publié par Perseverance reprend par ailleurs le contenu exact du LP de 1978 avec un son plus propre et propose une interview audio fort intéressante du compositeur qui revient sur les origines et les caractéristiques du projet, et notamment la place accordée à l’improvisation et l’aléatoire dans ce score assez unique dans son genre mais assez hermétique et difficile à encaisser à la première écoute.



---Quentin Billard