'Chicken Run' marque le retour du père de 'Wallace et Groomit', l'anglais Nick Park, associé ici avec Peter Lord pour un nouveau film d'animation produit par Dreamworks utilisant le fameux procédé de claymation (mouvement image par image à partir de personnages fabriqués en pâte à modeler!). Le résultat: 'Chicken Run' est deux bonnes heures de franche rigolade et de bonne humeur, une animation respectant le style de Nick Park et des situations loufoques parodiant le fameux 'The Great Escape' de John Sturges, sauf que le camp se transforme ici en poulailler et que les prisonniers sont....des poules!!! L'histoire est on ne peut plus simple: dans l'Angleterre de 1950 dans le Yorkshire, des poules vivent tranquillement dans le poulailler de la ferme Tweedy où la vie s'écoule paisiblement. Pourtant, l'une d'entre elle, Ginger, rêve d'évasion et de liberté. Convaincue qu'elle mérite de vivre dans de grands espaces, Ginger organise régulièrement des évasions qui échouent systématiquement. Elle tente alors de convaincre ses consoeurs de la suivre, mais en vain. Un jour, Rocky, un coq américain solitaire et volage atterrit mystérieusement dans la basse-cour. Ginger voit en lui celui qui viendra les sauver et les amènera vers la liberté. Désormais, il faut faire vite, car la tyrannique Mrs. Tweedy envisage de faire passer les poules à la casserole à l'aide d'une nouvelle machine diabolique. Croyant que Rocky sait voler, Ginger lui demande de leur enseigner à voler à leur tour pour qu'elle et ses semblables puissent enfin réussir à s'échapper vers d'autres horizons. Mais elle ignore encore que Rocky cache un secret qu'elle ne tardera pas à découvrir, risquant de mettre en péril leur plan d'évasion.

Dreamwoks a de nouveau fait appel au duo Harry Gregson-Williams/John Powell pour la musique du film, duo qui avait déjà fait des étincelles sur le brillant 'Antz' (FourmiZ). Pour 'Chicken Run', les deux compositeurs sortant de la boîte à Hans Zimmer se sont littéralement éclatés! Pas une minute ne semble ennuyeuse dans ce score tant la musique de 'Chicken Run' dégage un tel sentiment de pêche, d'énergie, de force, etc. Et l'on s'en rend bien compte dès le 'Main Title'. Alors que l'on voit à l'écran toutes les tentatives d'évasion avortées de Ginger, reprenant ironiquement des séquences clin d'oeil à 'The Great Escape', les deux compositeurs énoncent leur thème principal dans toute sa splendeur: ce thème possède un côté populaire, très chantant (d'ailleurs accompagné par des sifflets), sautillant, parodiant à son tour le célèbre thème de 'The Great Escape' d'Elmer Bernstein, enlevant, rythmé par des accents militaires amusants et en aucun cas pompeux. Le thème évoque deux aspects du film: l'espoir d'évasion de Ginger et des autres poules, et l'héroïsme dont elles doivent faire preuve, malgré les difficultés pour monter des plans d'évasion. Véritable leitmotiv vivant et entraînant des poules, on retrouve dans ce superbe morceau particulièrement 'fun' les kazoos, ces espèces de pipeaux aux sons nasillards et franchement bien poilant qui évoquent de par leurs sonorités amusantes les poules. 'Main Titles' développe pendant plus de trois minutes le thème principal sous diverses formes: au piccolo, à la trompette, aux cuivres/cordes dans une envolée triomphante, alors qu'à l'écran on assiste aux échecs successifs de Ginger, un décalage entre les images et la musique qui crée une plus grande pêche et qui nous montre que les compositeurs ne se sont pas pris au sérieux et ont tenu à se marrer un bon coup sur ce film. Le thème se conclut sous la forme d'une petite valse brève, avant que le final se termine sur l'échec de la dernière tentative d'évasion de Ginger. L'Opening Titles et le 'Main Titles' sont donc deux morceaux marquants qui ouvrent le film (et l'album) sur un thème d'une telle pêche dont il est fort à parier qu'il deviendra un classique un de ces quatre, une mélodie marquante que vous ne serez pas prêt d'oublier!

'The Evil Mrs.Tweedy' se déroule dans la scène du rassemblement de toutes les poules dans la basse-cour, alors que Mrs.Tweedy, la méchante fermière, vient inspecter ses "recrues" (l'analogie à une inspection de recrue militaire est vraiment poilante, transposé ici dans le monde des poules! Mrs.Tweedy se comporte avec ses poules comme un sergent de l'armée!). On assiste à une ambiance amusante et légère, autour d'un petit jeu instrumental entre vents, cordes et cuivres, avec ces piccolos toujours sautillants avant que Mrs.Tweedy fasse son entrée solennelle reconnaissable par l'arrivée de choeurs rappelant maint sections de 'Antz'. Alors que l'une des poules est tuée pour ne pas avoir produit assez d'oeufs dans le mois, les autres pleurent leur amie défunte, ce que les deux compositeurs suggèrent par une très belle reprise du thème principal sous une facette plus triste et lente, la présence des choeurs ne faisant que renforcer le désespoir de Ginger de ne pas avoir encore réussi à faire s'évader les poules. Mrs.Tweedy est reconnaissable par une utilisation surprenante d'un motif de mandoline aux sonorités italiennes (peut-être est-ce un clin d'oeil à 'Von Ryan's Express' de Goldsmith, qui parodiait aussi le thème de 'The Great Escap'), puis, un peu plus loin, à un thème de cuivres énergique et menaçant, un thème de 'bad guy' plus espiègle que sombre caractérisant parfaitement l'idée du méchant de l'histoire, comme on peut si bien l'entendre dans le très intense 'Into The Pie Machine', lorsque Ginger et Rocky se retrouvent piégés dans la machine à faire des tourtes au poulet, musique d'action marquant la tentative des deux héros pour s'échapper de cette machine infernale, utilisant toute la puissance orchestrale et sans les gros synthés habituels de Media-Ventures.

Eh oui, 'Chicken Run' est une partition presque orchestrale à 100%, Harry Gregson-Williams et John Powell faisant preuve d'une très grande inventivité et d'une belle maîtrise orchestrale dans leur musique, ce qui prouve que ces deux compositeurs sont bel et bien capable de composer autre chose que des scores d'action synthético-orchestraux à la Hans Zimmer. 'Rats!' fait intervenir quand à lui le thème des deux compères, les rats Nick et Fletcher, deux petits brigands qui aideront bien les poules dans leur gigantesque plan d'évasion. Le thème des deux rats possède un côté populaire, avec un accompagnement de guitare et une mélodie confiée à une clarinette aux accents tziganes, morceau dans lequel on peut réentendre le thème principal suggéré par des vents sautillants, alors que Ginger propose de s'associer avec les deux compères pour réaliser leur plan d'évasion, un thème qui se veut toujours très optimiste, marquant le désir et la détermination tenace des poules à s'évader hors de la basse-cour des Tweedy.

'Flight Training' représente la scène d'entraînement des poules, lorsque Rocky, convaincu par Ginger, décide de faire s'entraîner de manière intensive les poules pour voler et s'évader hors de la cour. Les deux compositeurs installent ici une véritable ambiance d'entrain et de joie de vivre dans un morceau accompagné par des percussions sur un petit thème amusant dans lequel on réentend les sifflets et les hilarants kazoos, avant d'atterrir sur le thème des rats et son côté air populaire alors que les deux compères malicieux observent tranquillement la scène en s'amusant comme des petits fous, le morceau se concluant dans un enthousiasme communicatif rare. Petite idée amusante, celle de l'harmonica qui associe ironiquement un côté cow-boy au personnage de Rocky, caractérisé par un petit motif jazzy de clarinettes suggérant l'univers du cirque d'où il provient. D'ailleurs, le second thème de Rocky est quand à lui plus mélancolique d'esprit. Entendu notamment dans 'Rocky, a Fake Long Along', il évoque la triste vérité que Rocky n'arrivera pas à avouer à Ginger: le fait qu'il ne sache pas voler et que le vol qu'il avait parcouru avant de se crasher dans la cour n'était dû qu'à un canon de cirque qui l'avait propulsé dans les airs pour les besoins de l'attraction. On retrouve le thème du cirque du coq dans 'Rocky and The Circus' sur un motif de clarinettes jazzy entraînant, avec la présence remarquables des choeurs pour évoquer l'optimisme des poules qui idéalisent Rocky, voyant en lui le sauveur de la basse-cour.

En entendant 'Rocky, a Fake Long Along', on ressent toute la déception et l'amertume que peuvent ressentir les poules à ce moment là, tout cela signifiant que l'aspect émotionnel de la partition de 'Chicken Run' est au moins tout aussi puissant que son aspect plus comique et enjoué. Un autre bon exemple reste 'Up On The Roof', pour une scène intime entre Rocky et Ginger sur le toit de l'une des baraques de la cour, utilisant le thème mélancolique de Rocky lorsqu'il essaie de lui dire son secret sans jamais y arriver. Le thème principal revient alors sous une forme douce et tendre, soutenu par une très belle écriture de cordes/vents et un peu de piano intime, une belle réussite pour cette scène! Mention particulière au puissant 'Building The Crate', véritable morceau d'optimisme et de bravoure accompagnant fièrement la scène de la construction de l'avion qui va leur servir à s'évader. Le thème des rats fait son retour, puisque Nick et Fletcher viennent donner un coup de main aux poules avant d'atterrir sur le thème de la construction, mélodie d'une énergie enthousiasmante, évoquant la solidarité et le courage qui unit les poules dans leur effort commun, les kazoos et les choeurs étant eux aussi de la partie.

Finalement, on découvre avec bonheur le puissant 'Lift Off', lorsque l'avion décolle malgré les tentatives de Mr.Tweedy pour l'empêcher de prendre son envol. Mrs.Tweedy, complètement enragée et armée d'une hache, tente alors de stopper l'avion en s'accrochant à une corde resté scotchée à l'appareil. Moment intense: Gregson-Williams et Powell décrivent toute l'intensité de la séquence par une splendide musique d'action massive faisant intervenir le thème principal et celui de Mrs.Tweedy dans un ultime combat final d'une telle intensité et d'une telle énergie que leur musique, qui prend des proportions quasi épiques, nous convie à partager véritablement cette grande aventure, idée qui se poursuit dans la première partie de 'Escape To Paradise'. L'aventure touche finalement à sa fin dans la seconde partie de 'Escape To Paradise', les poules étant finalement tirées d'affaire, pouvant dorénavant vivre libre dans leur paradis mérité. Harry Gregson-Williams et John Powell laissent une dernière fois Mr et Mrs.Tweedy dans leur échec cuisant avec le thème de mandoline qui se retrouve très vite dépassé par le retour triomphant du thème principal pour une conclusion joyeuse et glorieuse: la liberté! Retour du thème donc comme dans le 'Main Titles': piccolo, sifflets, vents, kazoos, cuivres, etc. Toute la musique se penche une dernière fois sur ce superbe thème principal décidément idéal pour vous remonter le moral à toute heure!

Difficile de décrire autrement 'Chicken Run' qu'en disant qu'il s'agit ni plus ni moins d'une pure merveille de la musique de film d'aujourd'hui, une BO qui possède une telle pêche, une telle énergie qu'elle vous donne vraiment envie de partager cette superbe et passionnante aventure. Notons en conclusion les deux chansons, 'Flip Flop And Fly', morceau de rock d'une gaieté absolue pour la scène où les poules dansent, puis l'excellent 'The Wanderer', deux chansons pour une fois très bien choisie pour le film et qui ne coupent pas le score mais renforcent au contraire son incroyable pêche et son 'fun'! Rajoutons à cela le fait que l'album est quasiment complet puisqu'il contient presque tout le score du film ce qui est assez rare dans les enregistrements de musique de film d'aujourd'hui, et vous comprendrez alors pourquoi cette BO est tout bonnement indispensable à tout bon béophile qui se respecte! Inspiré, bourré de bonnes idées, d'une bonne humeur irrésistible et de thèmes mémorables qui conviennent à merveille au film de Nick Park et Peter Lord, 'Chicken Run' reste LA partition de cette fin d'année à connaître absolument et à déguster sans modération: succès assuré! Etant donné que les chef-d'oevres se font rares de nos jours, ne manquez surtout pas 'Chicken Run', vous risqueriez de vous en mordre les doigts!



---Quentin Billard