1-The Papers 3.56
2-The Presses Roll 5.01
3-Nixon's Order 1.48
4-The Oak Room, 1971 1.46
5-Setting the Type 2.34
6-Mother and Daughter 3.23
7-Scanning the Papers 2.23
8-Two Martini Lunch 2.35
9-Deciding to Publish 5.43
10-The Court's Decision
and End Credits 11.05

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Sony Classical 19075811342

Album produit par:
John Williams
Enregistrement et mixage:
Shawn Murphy
Montage musique:
Ramiro Belgardt

Artwork and pictures (c) 2017 Amblin Entertainment/DreamWorks. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE POST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
« The Post » (Pentagon Papers) est le nouveau long-métrage de Steven Spielberg qui s’intéresse à nouveau à un sujet historique, celui des pentagon papers, considéré comme le premier grand scoop de l’histoire du journalisme aux Etats-Unis au début des années 70. L’histoire débute en 1965, alors que l’analyste Daniel Ellsberg se rend au Vite-Nam pour observer l’avancement des troupes américaines à la demande du secrétaire à la défense, Robert McNamara. Des années plus tard, en 1971, alors qu’il travaille désormais pour RAND Corporation, Ellsberg décide de photocopier en secret de nombreux rapports évoquant l’évolution du conflit au Vite-Nam, depuis la présidence d’Harry Truman jusqu’à celle de Richard Nixon. Ellsberg envoie ensuite ces photocopies aux bureaux du New York Times, un quotidien majeur américain. La révélation de ces documents fait alors l’effet d’une bombe : les rapports révèlent ainsi que les gouvernements successifs auraient menti au public, cachant la vérité au sujet de l’enlisement du conflit vietnamien que les américains ne peuvent pas gagner. Hélas, le New York Times reçoit un avertissement de la justice qui leur interdit formellement de publier des informations nationales classées secret défense. Au même moment, le Washington Post, dirigée par Katharine Graham (Meryl Streep), récupère à son tour les fameux documents et profite de la mésaventure du New York Times pour publier les fameux Pentagon Papers. Mais malgré la motivation du rédacteur en chef Benjamin Bradlee (Tom Hanks), Graham hésite, car elle doit affronter son conseil d’administration hostile à la publication et la future entrée en bourse du Washington Post, les futurs actionnaires menaçant de se retirer du marché si un scandale venait éclabousser le journal suite à cette publication.


UN THRILLER POLITIQUE SIDÉRANT


Avec « The Post », Steven Spielberg nous propose de revenir à l’époque des thrillers conspirationnistes des années 70 : le film doit certainement beaucoup à « All the President’s Men » d’Alan J. Pakula (1976) qui évoquait déjà certains personnages de « The Post » mais s’attardait davantage sur le scandale qui suivit celui des Pentagon Papers : le Watergate. Néanmoins, Spielberg est suffisamment intelligent pour éviter le piège de la redite et sa mise en scène est suffisamment personnelle pour ne pas sombrer dans l’exercice de style pur : on y retrouve la superbe photographie du vétéran Janusz Kaminski, qui joue beaucoup ici sur la lumière et les décors : couleurs boisées et colorées pour le bureau luxueux de Katharine Graham, lumières sombres et tamisées dans le bureau de Ben Bradlee, lumière plus éblouissante dans la maison de Bradlee vers la fin du film, lorsque l’équipe complète est réunie pour préparer les documents avant la publication finale, etc. Spielberg joue sur le contraste visuel entre ces différents lieux pour mieux suggérer les enjeux dramatiques qui se mettent progressivement en place. Sa reconstitution de l’Amérique des années 70 est parfaite et rappelle incontestablement l’ambiance des thrillers politiques de cette époque.

Mais le film doit beaucoup à la performance remarquable de deux vétérans du cinéma américain : Tom Hanks et Meryl Streep. Si le premier reste fidèle à lui-même et toujours aussi convaincant, la seconde est beaucoup plus radieuse, un superbe portrait de femme qui doit évoluer dans un monde d’hommes où chacun tente de lui dicter sa ligne de conduite ou de la dissuader d’agir à sa façon. Spielberg porte alors dans son film un discours féministe qu’on ne lui connaissait pas mais qui paraît ici évident : l’actrice campe une Katharine Graham plus vraie que nature, à la fois fragile et déterminée à reprendre le dessus et à prouver sa compétence aux yeux de tous. Le film rappelle aussi le devoir sacré du journalisme et suggère la liberté de la presse, enjeu majeur dans toute démocratie et sujet numéro 1 de ce film. Dès lors, la mécanique est en marche et Spielberg va s’attarder sur le travail des journalistes avec un rythme plutôt effréné, bien que largement nuancé par de longues scènes de dialogues parfois un peu longuettes mais nécessaires à la compréhension de l’histoire et des nombreux personnages.

Il y a une certaine exigence dans « The Post » qui nécessite une attention de tous les instants : il y a effectivement beaucoup de personnages et pour comprendre tous les tenants et les aboutissants du récit, il ne faut rater aucun détail. Spielberg a heureusement l’intelligence de ne pas retomber dans les travers de son « Lincoln » et gomme l’aspect académique/pédagogique de son ancien film grâce à un rythme plus soutenu, entre la monotonie de la vie de Katharine Graham et ses nombreux dîners mondains, et la vie trépidante et agitée de Ben Bradlee à la rédaction qui court partout dans les bureaux du Washington Post pour concevoir la publication qui pourrait bien tout changer dans le pays. A ce sujet, Spileberg a l’idée intéressante de filmer le mouvement des rotatives des machines qui conçoivent les journaux comme de simples éléments de mise en scène qui viennent suggérer, musique à l’appui, l’idée d’une course contre la montre. Il y a peut être quelques longueurs par-ci par-là, mais dans l’ensemble, « The Post » est à coup sûr l’un des meilleurs films historiques que Spielberg ait réalisé au cours de ces 15 dernières années, avec « Munich » et « War Horse ».


UNE MUSIQUE SOMBRE ET DYNAMIQUE


« The Post » marque ainsi les retrouvailles entre Steven Spielberg et John Williams pour leur 28ème projet consécutif, et malgré l’absence du maestro sur des films récents comme « Bridge of Spies » ou « Ready Player One ». « The Post » représente l’opportunité pour John Williams de revenir à un style musical plus proche de ce qu’il faisait dans les années 70 ou 90 sur des thrillers tels que « Black Sunday », « Presumed Innocent » ou « Sleepers ». Premier fait notable : il y a très peu de score dans le film, chose plutôt rare dans les films de Spielberg. A la manière de « Saving Private Ryan », le cinéaste a choisi de limiter la musique de Williams au strict minimum : au total, le score de « The Post » avoisine les 44 minutes dans le film, pas plus, pas moins. Le score est écrit pour un ensemble orchestral traditionnel incluant plusieurs percussions et quelques éléments électroniques discrets. Fait rarissime chez Williams, il y a des basses synthétiques et parfois même quelques vagues sonorités de guitare électrique.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Le film débute au son de « The Papers », pièce atmosphérique qui pose clairement le décor : cordes sombres et dissonantes, basse synthétique, sonorités discrètes de guitare électrique, flûtes, on reconnaît ici les harmonies ou l’esthétique de certains scores comme « Minority Report » ou « War of the Worlds ». Williams limite ici les mélodies au maximum, préférant travailler sur des motifs concis et obsédants à partir de ses couleurs orchestrales à base de cordes et flûtes ondoyantes, d’harmonies complexes ou d’accords graves de cuivres, l’ostinato de guitare électrique apportant quelque chose de particulier à « The Papers ». Il règne dans la musique un sentiment d’incertitude, de tension permanente assez obsessionnelle, pour la scène introductive où Daniel Ellsberg photocopie les rapports du gouvernement avec ses complices au début du film. « Nixon’s Order » renforce la tension en créant un climat sombre à base de cordes, de cuivres rampants et de glissandi de harpe. Williams opte ici pour une certaine retenue typique de sa musique de « The Post » : ne vous attendez pas ici à des envolées orchestrales brillantes ou féroces comme dans « War of the Worlds », c’est bien le Williams atmosphérique de « Sleepers », « JFK », « Nixon » ou « Presumed Innocent » auquel on a à faire cette fois-ci.

Le maestro s’essaie même à la source music en livrant deux pièces jazzy assez savoureuses et old school : « The Oak Room, 1971 » et « Two Martini Lunch », à base de piano et contrebasse, à la manière de ses anciennes partitions jazzy des années 60/70. « Setting the Type » nous ramène dans un climat de tension et d’urgence à partir d’un ostinato de cordes de 7 notes développé de manière entêtante. La musique suggère clairement ici l’avancée du travail journalistique et la menace qui pèse sur l’équipe de Ben Bradlee par rapport au gouvernement de Nixon. La musique de Williams est là pour dynamiser le montage mais aussi renforcer le sentiment d’urgence et de course contre la montre que nous fait ressentir Spielberg à l’écran. Le maestro s’écarte ensuite un temps du suspense et des passages plus sombres dans « Mother and Daughter » où, avec un simple piano, des vents et quelques cordes, il évoque la scène touchante où Katherine Graham discute avec sa fille vers le milieu du film. On retrouve ici le Williams plus élégant des musiques intimistes et lyriques avec une touche de douce mélancolie résolument minimaliste et fort appréciable. « Mother and Daughter » développe par ailleurs ici un thème de piano touchant qui rappelle la facette plus sentimentale du style de John Williams.

« Scanning the Papers » reprend les mêmes formules que « Setting the Type » : un ostinato et une montée progressive de tension, cette fois-ci centrée autour d’un motif de flûtes/harpe. « Deciding to Publish » est le premier climax de tension du score, pour la scène où Katherine doit trancher et décide finalement que le Washington Post publiera l’article lié aux Pentagon Papers. La musique devient ici plus sombre, plus dissonante avec un sentiment de menace plus reconnaissable. A noter ici l’emploi fort adroit du piano qui rappelle certains passages de « War of the Worlds ». Encore une fois, Williams joue sur une retenue sournoise, une menace sous-jacente, rampante, qui s’avère très intense à l’écran sans jamais en faire des tonnes ni tomber dans le piège de la grandiloquence. On retrouve ici le motif entêtant de 5 notes de « The Papers » que Williams développe amplement tout au long de « Deciding to Publish » avec le retour de la guitare électrique rythmique, la boucle étant bouclée. « The Presses Roll »et « The Court’s Decision and End Credits » concluent le film de manière absolument magistrale. « The Presses Roll » évoque les rotatives de la presse qui fabriquent les journaux juste avant la publication finale du Washington Post.


UNE CONCLUSION TRÈS « AMERICANA »


Spielberg et Williams jouent adroitement ici sur le mouvement des rotatives et les mouvements rythmiques des ostinatos de cordes avec une adresse appréciable. C’est aussi le premier morceau de « The Post » à introduire des harmonies plus majestueuses et solennelles dans un style « americana » plus proche d’Aaron Copland. L’espoir est enfin permis et la musique apporte dans le dernier acte du film un sentiment de soulagement, de paix retrouvée et de justice. Cette idée est au coeur des 11 minutes magistrales de « The Court’s Decision and End Credits » pour la fin du film. Williams développe une dernière fois son motif de 5 notes entêtant de « The Papers » alors que l’équipe entière du Washington Post attend la décision finale de la justice vis-à-vis de leur publication des Pentagon Papers. La musique nous fait clairement ressentir ici, sans jamais en faire des tonnes, le triomphe de la liberté de la presse et les idéaux américains de démocratie que défendent les journalistes.

Le piano qui intervient à 2:16 vient apporter un éclairage émotionnel vibrant à la musique, en jouant sur une retenue exemplaire mais ô combien touchante, dans un style qui rappelle des partitions comme « Amistad » ou « Lincoln ». Ainsi donc, « The Post » s’avère être une partition thriller minimaliste et tout en retenue, jouant la carte du suspense et des montées de tension avec un thème de piano intime très réussi (repris dans le « End Credits ») et un motif entêtant de cordes, et comme toujours, un travail de symbiose remarquable à l’écran. Chaque note de Williams semble pensée et réfléchie vis-à-vis des images de son complice de toujours Steven Spielberg, et même si « The Post » restera une partition mineure dans l’impressionnante filmographie de Spielberg, force est de constater qu’à 86 ans passés, Williams est toujours en pleine forme et maître de son art : on appelle ça la classe, tout simplement !



---Quentin Billard