1-Cambridge, 1963 1.41
2-Rowing 1.42
3-Domestic Pressures 2.37
4-Chalkboard 1.05
5-Cavendish Lab 2.31
6-Collapsing Inwards 2.17
7-A Game Of Croquet 2.45
8-The Origins Of Time 2.21
9-Viva Voce 1.36
10-The Wedding 1.42
11-The Dreams That Stuff Is Made Of 1.51
12-A Spacetime Singularity 2.16
13-The Stairs 1.07
14-A Normal Family 1.41
15-Forces Of Attraction 2.03
16-Rowing (alternate version) 0.37
17-Camping 1.18
18-Coma 1.03
19-The Spelling Board 0.59
20-The Voice Box 0.51
21-A Brief History of Time 2.02
22-Daisy, Daisy 2.21
23-A Model of the Universe 2.52
24-The Theory of Everything 1.08
25-London, 1988 2.52
26-Epilogue 1.49
27-The Whirling Ways Of
Stars That Pass 1.52

Musique  composée par:

Jóhann Jóhannsson

Editeur:

Back Lot Music BLM0280

Album produit par:
Jóhann Jóhannsson
Enregistrement et mixage:
Peter Cobbin
Conduit par:
Ben Foster
Orchestrations:
Nicklas Schmidt, Anthony Weeden,
Peter Readman

Montage musique:
Allan Jenkins

Artwork and pictures (c) 2014 Working Titles/Dentsu Inc/Fuji Television Network. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE THEORY OF EVERYTHING
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jóhann Jóhannsson
Figure emblématique dans le monde de la science moderne du XXe et XXIe siècle, Stephen Hawking reste encore aujourd’hui l’un des plus grands scientifiques de notre époque, récemment décédé à Cambridge en mars 2018. On lui doit de nombreuses découvertes et travaux sur la cosmologie, la gravité quantique et notamment l’étude des trous noirs (la fameuse théorie sur les rayonnements de Hawking). Hélas, le scientifique est aussi connu pour avoir souffert toute sa vie d’une maladie rare, une sclérose latérale amyotrophique connue en France sous le nom de maladie de Charcot, qui le paralysa gravement en affectant les neurones moteurs. Il ne faisait donc aucun doute qu’une figure majeure comme Stephen Hawking verrait un jour sa vie racontée à travers un film. C’est ainsi que le biopic consacré au scientifique sort en 2014, réalisé par le britannique James Marsh (« Shadow Dancer », la trilogie « The Red Riding ») et intitulé « The Theory of Everything » (Une merveilleuse histoire du temps), d’après le titre du roman homonyme de Stephen Hawking. Le rôle-clé est confié à Eddie Redmayne – connu pour sa participation à la saga « Fantastic Beasts » -


UNE HISTOIRE EXCEPTIONNELLE...ET BOULEVERSANTE


Raconter l’histoire de Stephen Hawking au cinéma n’était pas une mince affaire. Le scientifique et physicien théoricien eut une vie mouvementée entre sa vie de famille, son travail et sa maladie. Le film débute en 1963 alors qu’Hawking (Redmayne) étudie d’astrophysique à l’université de Cambridge où il rencontre pour la première fois Jane Wilde (Felicity Jones), jeune étudiante en lettres. Passionné de mathématiques et de physique où il excelle particulièrement, Hawking ne parvient pas encore à définir le sujet de sa thèse. C’est le jour où il assiste à une conférence du mathématicien Roger Penrose sur les trous noirs qu’Hawking trouve enfin le sujet de sa thèse qui traitera finalement du temps. Mais pendant qu’il poursuit ses recherches, Hawking réalise qu’il est atteint d’étranges troubles musculaires et fait une chute violente sur la tête. On lui apprend alors qu’il souffre de sclérose latérale amyotrophique et qu’il ne lui reste que deux ans à vivre. Mais alors qu’Hawking tombe en dépression et s’enferme dans sa chambre d’étudiant, Jane, elle, souhaite se battre contre sa maladie et lui confesse son amour. Le couple se marie peu de temps après et ont un premier enfant, Robert.

Mais pendant que l’état de santé de Stephen se dégrade, ses recherches sur sa thèse se poursuivent jusqu’à sa soutenance où il soutient la théorie que les trous noirs seraient à l’origine de la création de l’univers, une théorie jugée brillante qui lui permet de décrocher son doctorat. Hélas, Stephen réalise qu’il ne pourra plus marcher et devra désormais utiliser un fauteuil roulant. Après la naissance de son second enfant Lucy, Stephen conçoit une nouvelle théorie qui assurera sa renommée mondiale : l’évaporation des trous noirs. Malheureusement, la situation empire et Jane n’arrive plus à tout gérer, entre son mari malade, ses enfants, son travail sur sa propre thèse et sa maison. Suivant les conseils de sa mère, Jane décide de rejoindre la chorale de l’église dirigée par Jonathan Jones (Charlie Cox). Peu de temps après, Jonathan est engagé par Jane pour donner des cours de piano à son fils, puis il décide d’offrir ses services pour aider Jane et Stephen à la maison et veiller sur sa famille.


UN BIO-PIC LARMOYANT MAIS PASSIONNANT


En abordant à la fois la petite et la grande histoire, « The Theory of Everything » réussit le pari insensé de retranscrire les grands moments de la vie exceptionnelle de Stephen Hawking sans jamais en faire des tonnes. Le projet aura tout de même pris près de 10 ans pour se créer, le scénariste et producteur Anthony McCarten ayant étudié plusieurs ouvrages de Stephen Hawking dont « une brève histoire du temps » publié en 1988 et « Travelling to Infinity : My Life with Stephen » de Jane Wilde Hawking publié en 2004. Le film repose avant tout sur les épaules du jeune Eddie Redmayne, confondant de vérité dans le rôle d’Hawking. Sans jamais tomber dans la caricature, l’acteur anglais campe un Stephen absolument prodigieux, sans aucun doute l’un des plus grands rôles de la carrière de Redmayne. A ses côtés, Felicity Jones est sublime, de par sa beauté bien évidemment mais aussi par la force et la conviction que l’actrice a réussi à imposer à son personnage.

Seule ombre au tableau : « The Theory of Everything » s’attarde un peu trop sur la vie privée de Stephen Hawking et délaisse quelque peu l’aspect scientifique des théories du physicien, un aspect pourtant majeur que l’on aurait aimé voir traité avec plus d’ampleur et de passion. Au lieu de cela, le film de James Marsh verse parfois dans le mélo conventionnel avec quelques moments un brin larmoyants dont on se serait passé volontiers. Malgré cela, le film reste un drame bouleversant qui rappelle les découvertes majeures d’Hawking et met l’accent sur la force et la volonté du physicien qui luttera contre sa maladie tout au long de sa vie pour mener à bien ses recherches et ses découvertes, qui bouleverseront à tout jamais la science du XXe et XXIe siècle. Malgré une réalisation assez lisse et impersonnelle, « The Theory of Everything » est un film passionnant sur la figure emblématique de la science de notre époque, récompensé par une multitude de prix et de nominations en tout genre entre 2014 et 2015, dont plusieurs prix du meilleur acteur pour la performance exceptionnelle d’Eddie Redmayne.


UNE MUSIQUE INTIMISTE ET MÉLANCOLIQUE


La partition de « The Theory of Everything » a été confiée à Johann Johannsson, compositeur islandais bien connu pour sa collaboration aux films de Denis Villeneuve (« Prisoners », « Sicario », « Arrival ») mais qui était encore assez peu connu lorsque James Marsh le choisit pour écrire la musique de son film en 2014. Le score de « The Theory of Everything » est écrit pour un orchestre symphonique traditionnel, richement orchestré et éminemment classique d’esprit. La musique adopte l’esthétique des compositeurs minimalistes comme Philip Glass, avec un soupçon de lyrisme et d’émotion en plus, le tout enregistré au prestigieux Abbey Road de Londres.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Dès « Cambridge, 1963 », on devine une certaine exubérance dans les notes rapides et mouvantes du piano sur fond de cordes optimistes et de bois. Cette ambiance se prolonge dans « Rowing » avec l’apport de la harpe en plus du piano et de l’orchestre. Il y a une élégance évidente dans la musique de Johannsson qui transparaît nettement dans « Domestic Pressures », notamment dans le jeu lyrique des cordes sur une mesure à 3 temps proche d’une valse. La musique évoque alors la jeunesse de Stephen Hawking avec l’idée que le jeune étudiant est promis à un bien bel avenir. Niveau thématique, le score de « The Theory of Everything » reste assez discret, mais l’on trouve un thème pour Stephen et Jane dévoilé dans le poignant « A Game of Croquet », et un thème de valse élégant pour la famille d’Hawking dans « Domestic Pressures ». Le compositeur joue ici la carte de la retenue et du minimalisme comme le rappelle « Cavendish Lab » où on ressent la passion évidente du jeune Stephen Hawking pour la science et pour ses illustres prédécesseurs. En revanche, le ton s’obscurcit brutalement dans « Collapsing Inwards » où les cordes deviennent plus sombres et résignées après la première chute d’Hawking et la terrible révélation de sa maladie.

On notera l’emploi très classique du piano dans « A Game of Croquet » qui rappelle là aussi Philip Glass bien que l’on retrouve davantage le lyrisme classique d’Alexandre Desplat ou de Dario Marianelli. L’émotion devient ici palpable, Johannsson nous faisant davantage ressentir une certaine tristesse et une douce mélancolie à fleur de bleue, avec une sensibilité étonnante de la part du compositeur de « Prisoners », peu habitué à ce type de musique. Dans « The Origins of Time », la musique devient plus optimiste en évoquant de nouveau la passion et le génie du jeune Stephen Hawking lorsqu’il choisit de faire sa thèse sur le temps. A noter ici l’élégance et la richesse des orchestrations partagées entre les cordes, les bois et les cuivres, tout en conservant une certaine sobriété et un raffinement fort appréciable dans le film comme sur l’album. On remarquera à 1:15 l’emploi très réussi du célesta pendant que Johannsson reprend le thème qu’il développe dans cette scène aux flûtes et aux cordes.

« The Wedding » est davantage orienté vers l’espoir et l’optimisme pour la scène où Stephen épouse Jane. Johannsson compose ici une valse élégante accompagnée de guitare, cordes et célesta qui apporte une certaine émotion et une poésie gracieuse aux images. « The Dreams That Stuff Is Made Of » développe quand à lui un thème touchant de piano accompagné de l’orchestre à la manière d’un concerto classique. Ici aussi, on apprécie dans le film l’apport émotionnel de cette musique qui ne verse jamais dans le mélodrame ou les excès larmoyants mais conserve un ton pudique et une retenue exemplaire. « A Spacetime Singularity » évoque la scène où Hawking parle de sa théorie sur les trous noirs. Johannsson répond à la scène en mettant ici l’accent sur d’étranges trilles des bois, des cordes et de quelques nappes synthétiques planantes et discrètes (probablement pour évoquer l’immensité de l’espace et le mystère des trous noirs). L’ambiance paraît plus mélancolique avec le piano et le célesta solitaire de « The Stairs », lorsque Hawking réalise qu’il ne pourra plus marcher. Ici aussi, Johann Johannsson ne cherche pas à provoquer les larmes de l’auditeur mais opte davantage pour une ambiance pudique et discrète non dénuée d’émotion, ce qui est tout à son honneur.

« A Normal Family » reprend le thème poignant de cordes mélancolique de « A Game of Croquet » alors que Stephen et Jane tentent de vivre comme une famille normale malgré la maladie du génial physicien. A noter l’emploi de cordes en harmoniques dans « Camping » et d’un violoncelle soliste qui reprend le thème familial de la valse alors que la famille passe du temps au camping avec les enfants. « Coma » assombrit l’ambiance avec ses cordes tragiques lorsque Stephen tombe dans le coma et se retrouve hospitalisé en France. Ici aussi, Johannsson évite toute forme de pathos et choisit de conserver le ton minimaliste du début, tout comme « The Spelling Board » et ses harmonies poignantes de cordes. A noter l’emploi réussi du piano dans « A Brief History of Time » ou du célesta dans « Daisy, Daisy » qui reprend les harmonies du thème familial mais sans la mélodie, suggérant habilement que quelque chose a changé dans le couple, alors que Stephen commence à s’éloigner de Jane. On ne pourra qu’apprécier la douce mélancolie du piano solitaire de « A Model of the Universe », un modèle de finesse et de poésie tout en sobriété, à des années lumières des partitions mélodramatiques hollywoodiennes. « The Theory of Everything » évoque les théories de Stephen Hawking sur l’univers en reprenant le mélange de cordes, guitares, piano et célesta.


UNE CONCLUSION SOUS LE SIGNE DE L’ÉMOTION


« The Theory of Everything » entame son dernier acte dès « London, 1988 » avec ses cordes poignantes, jusqu’au très joli « Epilogue » qui reprend le thème familial de Stephen et Jane pour la fin du film. Malgré le fait que le couple se soit séparé, les deux individus sont restés très proches. Quand à Stephen, il a réussi à vivre sa vie malgré sa terrible maladie et est devenu l’un des plus grands scientifiques de notre époque. Johann Johannsson est encore une fois suffisamment malin pour éviter toute forme de grandiloquence et préfère évoquer le personnage campé par Eddie Redmayne sous un angle purement humain et émotionnel, tout en sobriété et en retenue. C’est aussi le cas dans « The Whirling Ways of Stars That Pass » dominé par un ensemble de guitares. « The Theory of Everything » s’avère être une partition de choix dans la filmographie de Johann Johannsson, à des années lumières de ses musiques plus sombres, froides et expérimentales pour « Sicario », « Prisoners » ou « Arrival ».

Le score apporte une émotion vive au film de James Marsh sans jamais en faire de trop. Elle vient illuminer les images d’un très beau long-métrage dédié à celui qui fut l’un des plus grands esprits scientifiques de notre époque. Le score est teinté d’influences notables (dont notamment Philip Glass) et s’avère être l’un des plus beaux travaux de Johann Johannsson pour le cinéma, à écouter si l’on souhaite découvrir une autre facette du style musical du regretté compositeur islandais.



---Quentin Billard