1-The Avengers 0.25
2-Travel Delays 2.43
3-Undying Fidelity 5.05
4-He Won't Come Out 2.31
5-We Both Made Promises 2.22
6-Help Arrives 4.21
7-Hand Means Stop 2.37
8-You Go Right 4.26
9-Family Affairs 3.51
10-What More Could I Lose? 3.36
11-A Small Price 3.17
12-Even For You 2.14
13-More Power 4.07
14-Charge! 3.28
15-Forge 4.22
16-Catch 6.04
17-Haircut and Beard 3.02
18-A Lot To Figure Out 2.01
19-The End Game 2.17
20-I Feel You 2.48
21-What Did It Cost? 2.25
22-Porch 0.59
23-Infinity War 2.35

Musique  composée par:

Alan Silvestri

Editeur:

Hollywood Records D002807902

Album produit par:
Alan Silvestri
Orchestrations:
Mark Graham, Andrew Kinney
Mixage et enregistrement:
Peter Cobbin, Dennis Sands
Monteur musique:
Steve Durkee, Kirsty Whalley
Coordination musique:
Shannon Murphy, Trygee Toven
Supervision musique:
Dave Jordan

Artwork and pictures (c) 2018 Marvel Studios. All rights reserved.

Note: ***1/2
AVENGERS : INFINITY WAR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Silvestri
Troisième épisode très attendu de la saga des « Avengers », « Infinity War » est le 19ème film de l’univers cinématographique Marvel et septième opus de la phase III. Le film marque un tournant dans la saga car il met pour la première fois la quasi intégralité des héros de Marvel face à l’ennemi le plus terrible de la franchise : Thanos, que l’on apercevait déjà dans la séquence post-générique à la toute fin du premier « Avengers » (il était le cerveau de l’attaque sur New-York dans le premier film). A noter qu’Ant-Man et Hawkeye ne sont pas de la partie, on espère d’ailleurs les retrouver dans le prochain épisode. L’histoire de « Infinity War » se déroule après les événements de « Captain America : Civil War » et surtout « Thor : Ragnarok ». Le film commence lorsque le vaisseau d’Asgard est détruit par Thanos (Josh Brolin), le puissant despote Titan craint un peu partout dans l’univers. Thanos s’est mis en tête de récupérer les six Pierres d’Infinité : la pierre du pouvoir, la pierre de l’espace, la pierre de la réalité, la pierre de l’âme, la pierre du temps et la pierre de l’esprit. Son objectif : réunir ces six pierres et reforger le monde tout entier à sa façon en détruisant la moitié de la population et rétablir un certain équilibre selon son point de vue. Thanos vient déjà de récupérer la pierre du pouvoir sur Xandar, accompagné de ses enfants adoptifs guerriers. C’est ainsi qu’il met ensuite la main sur la pierre de l’espace contenue dans le Tesseract récupéré sur le vaisseau des Asgardiens. Durant le combat, Thor (Chris Hemsworth) est blessé, Loki (Tom Hiddleston) est tué et Bruce Banner/Hulk (Mark Ruffalo) réussit à s’échapper in extremis. Thanos se dirige ensuite sur la Terre où se trouvent les pierres de l’esprit et du temps. Au même moment, Banner s’écrase sur Terre et révèle l’arrivée imminente de Thanos au Docteur Strange (Benedict Cumberbatch), qui sollicite alors l’aide de Tony Stark/Iron Man (Robert Downey Jr.).

Banner révèle ainsi les plans de Thanos : il convoite les fameuses pierres d’infinité, dont l’une d’entre elle se trouve fixée sur le front de Vision (Paul Bettany). Malgré le fait qu’ils soient en froid depuis deux ans, Tony Stark n’a guère d’autre choix que de contacter Steve Rogers/Captain America (Chris Evans) pour les rejoindre et lutter ensemble contre Thanos. Quand à Strange, il est particulièrement menacé puisqu’il possède sur lui la pierre du temps. Vision, de son côté, tente d’échapper au reste du monde en vivant son idylle cachée avec Wanda Maximoff (Elizabeth Olsen) en Écosse, mais les guerriers de Thanos finissent par les retrouver. Peu de temps après, les Gardiens de la Galaxie, ayant répondu au message de détresse du vaisseau Asgardien, s’apprêtent à rejoindre la Terre lorsqu’ils découvrent avec horreur les restes du vaisseau de Thor et ses amis, qui a néanmoins survécu à la destruction. Désormais il faut faire vite. Pour Thor, l’unique solution pour battre Thanos, c’est de forger une arme surpuissante sur Nidavellir, la forge naine à l’origine de son marteau Mjolnir. Au bout d’un périple intense, Thor finira par obtenir Stormbreaker, une hache mythique et surpuissante. Mais Thanos continue d’avancer dans sa quête et a déjà récupéré une bonne partie des pierres. Cette fois, le monde est plus que jamais en danger et les super-héros pourraient bien connaître des jours funestes.


UN TROISIÈME OPUS DRAMATIQUE ET SOMBRE


Le moins que l’on puisse dire, c’est que « Avengers : Infinity War » ne fait pas dans la dentelle, et ce dès le début. A nouveau confié aux frères Anthony et Joe Russo, ce troisième opus des « Avengers » était déjà annoncé durant la campagne promotionnelle du film comme un opus sombre et tragique, où l’on savait que des personnages allaient mourir d’une façon ou d’une autre, à ce sujet, la bande-annonce ne laissait planer aucun doute quant à l’orientation plus dramatique de ce récit. Premier constat : le film est impressionnant et très réussi. Moins bancal que « Avengers : Age of Ultron », « Infinity War » est dans le prolongement parfait de «  Captain America : Civil War », l’un des meilleurs films Marvel à ce jour. Cette fois, le studio a mis les bouchées doubles et « Infinity War » a battu tous les records : avec son budget gargantuesque de 400 millions de dollars, il est aujourd’hui le film le plus cher de toute l’histoire du cinéma, et son énorme succès en salle à sa sortie en 2018 le fait se placer comme le 4ème plus grand succès cinématographique de tous les temps. Comment expliquer alors la clé d’une telle réussite ? Peut être d’abord parce que le film ne prend pas les spectateurs pour des idiots et offre une histoire intéressante, somme toute assez linéaire mais aux multiples ramifications, grâce à la multitude de personnages et de sous-intrigues en tout genre. Malgré le nombre ahurissant de super-héros et de personnages secondaires dans ce film (du jamais vu dans un Marvel), les scénaristes ont eu la bonne idée de réunir toutes ces histoires autour d’un même fil conducteur, celui de la quête de Thanos pour réunir les six pierres d’infinité.

Objectif atteint : Anthony et Joe Russo réussissent l’exploit d’accoucher d’un film cohérent de bout en bout alors que le risque était que tout ça parte dans tous les sens. Mais le film doit beaucoup au personnage charismatique de Thanos, puissant colosse à la peau violette formidablement incarné en capture motion par Josh Brolin (déjà à l’affiche d’un autre Marvel, « Deadpool 2 » où il jouait le rôle de Cable). Loin d’être un simple super-méchant, Thanos possède une ambiguïté qui fait de lui l’un des bad guys les plus réussis de toute la franchise Marvel. Dans le film, Thanos est réellement convaincu d’oeuvrer pour le bien de l’univers, et sa conviction aveugle digne d’un fanatique en fait un méchant plus terrifiant que les autres. Son attachement à sa fille adoptive Gamora (Zoe Saldana) est aussi l’un des points forts du film et apporte même un semblant d’humanité à Thanos – cf. scène poignante du sacrifice sur Vormir - Naviguant entre ses différentes contradictions, les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely conçoivent à ce jour le méchant le plus passionnant et le plus charismatique de tout l’univers Marvel. Aucun doute possible : la vraie star de « Infinity War », c’est bien Thanos, et c’est en ce sens que ce troisième épisode des « Avengers » se distingue des autres ! Même les super-héros semblent effacés ou inefficaces face à lui tout au long du film.

Enfin, « Infinity War » c’est aussi un festival d’action explosive et d’effets spéciaux dantesques. Avec 400 millions de dollars, le film ne déçoit pas et nous présente différents mondes à une vitesse sidérante, même si l’on frôle parfois l’indigestion. C’est aussi l’occasion de réunir exceptionnellement toutes les grandes franchises Marvel vues au cinéma ces 15 dernières années dans un même film : « Iron Man », « Hulk », « Thor », « Captain American », « Spider-Man », « Doctor Strange », « Black Panther » et « Guardians of the Galaxy », tous sont au rendez-vous à part quelques absents (à noter un bref caméo de Nick Fury et Maria Hill dans la séquence post-générique du film, qui annonce la venue du prochain film : « Captain Marvel ! »). Cela sous-entend donc que si vous n’avez pas vu tous les précédents films, vous risquez d’être un peu largués dans « Infinity War ». Au final, le film d’Anthony et Joe Russo manque parfois de nuances et de ces subtilités qui firent le succès du superbe « Captain America : Civil War », d’autant qu’il y a aussi des incohérences par-ci par-là, mais toujours est il que le verdict est clair : il s’agit sans aucun doute du meilleur film « Avengers » à l’heure actuelle et aussi d’un film majeur de la saga Marvel !


LE RETOUR TRIOMPHANT D’ALAN SILVESTRI


Après avoir composé la musique du premier « Avengers » en 2012, Alan Silvestri est de retour sur « Avengers : Infinity War », l’épisode précédent ayant été confié à Brian Tyler et Danny Elfman. Pour Silvestri, c’est donc l’opportunité de poursuivre son travail sur « Avengers » en intensifiant ses efforts à travers une nouvelle partition symphonique/chorale grandiose et surpuissante, mais sans lien direct avec les anciens thèmes musicaux de la saga – en gros : exit ici les thèmes de Brian Tyler pour « Iron Man 3 », les thèmes de Michael Giacchino pour « Doctor Strange » ou celui de Patrick Doyle pour « Thor », il s’agit d’un choix délibéré de la production - A la première écoute, le score de « Infinity War » va là où on l’attend, sans surprise particulière, mais avec une intensité remarquable. Le score repose avant tout sur le fameux thème principal des « Avengers » que Silvestri développe ici à quelques reprises, dès l’ouverture du film avec son inévitable fanfare héroïque (« The Avengers »). Le deuxième thème-clé du score est celui de Thanos, dévoilé dès le début de « Travel Delays » lors de l’attaque du vaisseau d’Asgard au début du film. Ce motif plutôt protéiforme risque fort de passer inaperçu pour la plupart des auditeurs à la première écoute de la musique dans le film en raison de son caractère quelconque, mais il est bien présent et omniprésent tout au long du film, à l’image de Thanos lui-même.

En se penchant un peu plus près sur la thématique du super méchant, on remarque que Thanos est en réalité accompagné de deux motifs dans le film : une série de 2 notes graves et sombres reprises d’un motif similaire dans le premier « Avengers », entendu dès 0:12 dans « Travel Delays » et que l’on retrouve régulièrement pour évoquer la menace de Thanos et le chaos qu’il répand partout où il passe. Cette idée est aussi bien associée à Thanos qu’à ses serviteurs maléfiques. Curieusement, la thématique autour de Thanos est très timide dans le film comme sur l’album et met beaucoup de temps à réellement décoller dans le score – c’est l’un des principaux points noirs de la musique de Silvestri – Dans une interview accordée à Heat Vision pour le Hollywood Reporter, Silvestri expliquait que « Thanos n’a pas seulement son propre thème musical ; il a aussi sa propre sensibilité. Il mérite clairement cela pour nulle autre raison que le fait qu’il occupe la majeure partie du film ». Le compositeur expliquait ensuite qu’il a voulu relier le colosse avec ses quatre enfants du Black Order, sans établir de lien musical direct avec les pierres d’infinité.


ANALYSE DE LA MUSIQUE

Néanmoins, on remarquera ici que le motif descendant du Tesseract que Silvestri avait écrit pour « Captain America » (2011) et repris dans « Avengers » (2012) est ici de retour, utilisé occasionnellement pour évoquer certaines pierres d’infinité dans le film. Malgré les déclarations du compositeur, le résultat est un peu décevant dans le sens où la thématique de Thanos est très lisse, terne et extrêmement peu mémorable : difficile de percevoir une mélodie réellement forte à la première écoute, et ce n’est qu’au bout de quelques écoutes répétées que l’on pourra enfin commencer à cerner un thème réellement consistant. Fait curieux : puisque Thanos était si important dans le film, pourquoi avoir écrit une thématique aussi faiblarde pour ce personnage capital ? Décevant ! Hélas, c’est un peu le défaut récurrent de la plupart des musiques de film d’Alan Silvestri au cours de ces 10 dernières années. Curieusement, le compositeur qui était connu autrefois pour ses grandes mélodies ultra mémorables est devenu un mélodiste en panne d’inspiration pour une raison inexplicable (on se souvient d’une thématique très timide dans « Captain America », « G.I. Joe » ou « Avengers » en dehors des thèmes principaux!). Toujours est-il que le reste du score est un peu dans le même acabit : énergique, robuste, superbement écrit et orchestré, très classique dans son traitement mais sans surprise et archi fonctionnel.


En y regardant d’un peu plus près, le score de « Infinity War » s’avère malgré tout très généreux, comme ce moment où Silvestri utilise un violon soliste à 1:10 dans « Undying Fidelity » (lorsque Thanos tue Loki), ponctué d’allusions au thème de Thanos. A noter l’envolée chorale puissante et dramatique à la 4ème minute, l’un des moments forts du score évoquant la dimension plus tragique du film. « No More Surprises » calme le jeu avec un style plus intimiste à base de cordes et de clarinette, incluant une brève allusion au thème des Avengers (à la clarinette à 0:28). C’est clairement ici le calme avant la tempête, jusqu’à ce que les notes deviennent plus sombres, plus graves. A noter à 1:40 le retour du thème du Tesseract de « Captain America » et « Avengers », repris ici aux cordes avec un cymbalum pour l’arrivée du Docteur Strange au début du film. A 2:19, le motif menaçant de 2 notes de Thanos est de retour, reconnaissable à ses notes graves et lugubres à base de contrebasses/bassons. Silvestri prépare clairement la deuxième partie du film en faisant monter progressivement la tension avec un sentiment de menace globale assez saisissant à l’écran comme sur l’album.

Dans « He Won’t Come Out », la tension monte d’un cran avec ses cordes survoltées et ses ponctuations de cuivres guerrières. On retrouve ici le style action martial habituel d’Alan Silvestri, hérité de « Predator », « Judge Dredd », « Eraser » ou « The Mummy Returns ». Le morceau est ponctué de quelques brèves envolées héroïques cuivrés et d’allusions au thème menaçant de Thanos pour la première confrontation dans les rues de la ville jusqu’au parc. Dès 1:48, le thème des Avengers tente de faire un come-back progressif, avec la mélodie de cette fameuse fanfare aisément reconnaissable. Silvestri n’a rien perdu de son savoir-faire, bien au contraire, et nous offre un premier morceau d’action robuste et virtuose porté par des orchestrations classiques très solides. « Field Trip » illustre la suite de l’affrontement dans le parc avec une intensité constante et de somptueux passages cuivrés qui nous renvoient aux grandes musiques d’action martiales du compositeur dans les années 80/90 (un peu comme dans le récent « Ready Player One »). Impossible ici de rater la superbe coda triomphante du morceau, du grand Silvestri assurément ! L’action se poursuit aussi dans « Wake Him Up » où Banner tente de réveiller Hulk mais en vain.

Le motif menaçant de Thanos est repris vers 1:19 dans « Wake Him Up », tandis que le thème du Tesseract débute aux cordes vers 1:26, pour une scène où le colosse réussit à s’emparer d’une nouvelle pierre d’infinité. La musique oscille parfaitement ici entre l’action ultra frénétique, les débordements orchestraux apocalyptiques et les moments plus sombres et mystérieux, voire presque plaintifs et élégiaques. Il y a une atmosphère de fin du monde et de fatalité assez lugubre qui plane sur une partie de la musique d’Alan Silvestri dans le film, et ses reprises du motif du Tesseract, souvent dramatiques, semblent en dire long sur le sujet. « We Both Made Promises » reprend à son tour le motif du Tesseract confié ici à un piano fragile accompagné de violoncelles mélancoliques. La musique tente de calmer le jeu pour la scène en Écosse où Vision et Wanda tente d’échapper au reste du monde avant d’être brutalement attaqués par les sbires de Thanos au cours d’un violent combat dans les rues de la ville.

C’est avec plaisir que l’on retrouve enfin la fameuse marche des Avengers dans « Help Arrives », lorsque les super héros arrivent pour prêter main forte à Vision et Wanda en Écosse, l’un des moments forts de la partition de « Infinity War », Silvestri se faisant plaisir en développant ici sa célèbre fanfare héroïque accompagnée du thème B (ses fameuses 4 notes très connues, constamment utilisées dans les bandes annonces du film), suivi du motif en notes graves menaçantes de Thanos à 1:55. Plus intéressant, le thème de Thanos est dévoilé aux cordes à 3:26 sous sa forme plus dramatique que l’on retrouvera notamment dans le somptueux « Even For You ». C’est dans ces moments où l’on comprend enfin ce dont parlait Silvestri par rapport à l’approche émotionnelle du thème de Thanos, reflétant ses sentiments et son humanité dans le film – notamment son lien affectif avec Gamora – Le thème est aussi largement présent et varié de différentes façons dans « Hand Means Stop/You Go Right ».

« Family Affairs » illustre la scène où Thanos torture Nebula pour obtenir les informations liées à la pierre de l’esprit. On retrouve ici aussi le thème du Tesseract au piano pour évoquer la pierre que convoite le tyran, suivi d’une nouvelle variation autour du thème de Thanos et de son motif menaçant (vers 3:30) avec ses ponctuations de timbales meublant les silences entre les notes, motif repris aussi dans « What More Could I Lose ? », ponctué de dissonances brutales. A noter ici à 1:55 une allusion évidente aux flûtes ondulantes du score de « Blown Away » de Stephen Hopkins, Silvestri faisant ici un clin d’oeil à peine déguisé à la musique de son film de 1994 pour la scène où Thor arrive sur Nidavellir. « Even for You » est quand à lui l’un des morceaux clé de la partition de « Avengers Infinity War ». Le morceau est essentiellement structuré autour de la thématique de Thanos, pour la scène sur Volmir où le tyran sacrifie douloureusement Gamora pour obtenir la pierre de l’âme. Le morceau est porté par un souffle tragique choral et grandiose absolument saisissant, à la manière du « Pandora’s Box » de « Tomb Raider II », un très grand moment de la partition de Silvestri (et du film!).


UN DERNIER ACTE ÉPIQUE ET DRAMATIQUE


Dès « Morning After », le thème du Tesseract est repris de manière sombre alors que Thanos a quasiment récupéré toutes les pierres et qu’il s’apprête à obtenir les dernières sur Terre. Les fans des musiques martiales habituelles de Silvestri vont adorer à coup sûr « Is He Always Like This ? » et ses rythmes excitants et frénétiques (incluant des ponctuations de xylophone façon « Back to the Future »). « More Power » nous amène au dernier acte du film pour la longue bataille finale au Wakanda entre les super-héros et le Black Order de Thanos. Silvestri nous offre ici l’un des meilleurs morceaux d’action de « Infinity War », ponctué de brèves envolées héroïques et de choeurs épiques façon « The Mummy Returns » ou « Van Helsing ». La bataille s’intensifie entre les deux troupes ennemies dans le colossal « Charge ! » et ses rythmes guerriers scandés puissamment par des percussions ultra belliqueuses et de nombreux changements de métriques. Idem pour « Forge » alors que Thor s’affaire à forger sa hache surpuissante sur Nidavellir, avec des accords de cuivres grandioses rappelant un thème du film « Volcano » (1997). Ne ratez pas la superbe reprise triomphante du thème des Avengers à 3:46, lorsque Thor débarque sur le champ de bataille avec son Stormbreaker et fait des ravages parmi les troupes ennemies du Black Order.

Le motif menaçant de Thanos est repris au début de l’intense « Catch », qui dévoile quand à lui un thème tragique vers 1:28 annonçant un final bien funeste, thème qui sera repris à plusieurs reprises vers la fin du film. L’action se poursuit dans les déchaînés « Haircut and Beard » et « A Lot to Figure Out » où la musique devient plus tragique, plus mélancolique avant de céder de nouveau la place à un déchaînement d’action débridé et apocalyptique durant les derniers instants de l’affrontement final contre Thanos.« The End Game » et « Get That Arm/I Feel You » concluent l’affrontement entre les super-héros et Thanos, vaincus par le colosse géant, « I Feel You » proposant un adagio déchirant et élégiaque dans l’esprit de « Even for You ». Le motif menaçant de Thanos est ensuite repris au début de « What Did It Cost ? » tandis que « Porch » conclut le film sur le thème tragique de « Catch ! » brillamment interprété ici par un petit groupe de cordes en formation de chambre, une superbe idée qui rappelle l’approche classique voulue par Silvestri, étonnante sur un énorme blockbuster hollywoodien de 2018.

Le bilan est donc sans appel : « Avengers Infinity War » marque le retour en force d’Alan Silvestri dans son genre de prédilection : la grande musique d’action/aventure épique, martiale et belliqueuse comme il sait si bien en faire depuis 30 ans déjà. Seule ombre au tableau : le score s’avère très paresseux au niveau thématique notamment pour Thanos qui se voit attribuer deux thèmes assez difficiles à remarquer à la première écoute et un peu trop lisses pour un personnage aussi charismatique et important. On apprécie de retrouver ici le thème des Avengers et le thème du Tesseract mais force est de constater que « Infinity War » ne tient pas ses promesses jusqu’au bout car malgré les moyens mis en œuvre et les qualités d’écriture indéniables de la partition de Silvestri, le score paraît peu inspiré sur le plan thématique et franchement bien en dessous de ce que le compositeur est capable de faire.

Au final, on a l’impression d’entendre un Silvestri en pilotage automatique, recyclant ses bonnes vieilles formules habituelles avec un punch et une énergie indéniable, mais qui n’exploite jamais le quart du potentiel d’un projet aussi ambitieux. Clairement, le film des frères Russo aurait nécessité une thématique plus large, plus massive et mémorable, au lieu de quoi il faudra se contenter de quelques mélodies maigrichonnes entre deux gros morceaux d’action gargantuesques. Clairement, « Infinity War » remplit parfaitement son boulot dans le film et apporte l’émotion, la noirceur et l’énergie nécessaire aux images sans jamais briller d’une façon ou d’une autre. On se consolera en se disant que Silvestri n’a pourtant rien perdu de ses talents de compositeur et livre une partition symphonique de facture très classique, maîtrisée de bout en bout mais pas vraiment inspirée. On espère que le compositeur saura rectifier le tir dans le 4ème « Avengers » prévu pour 2019 !




---Quentin Billard