1-Bad Red 2.21
2-Death Choir 0.34
3-Blood Stone 2.05
4-Surgery 1.33
5-First Love 2.47
6-Lift 1.58
7-Caddie 2.31
8-Perishers 1.01
9-Dry Finger 0.30
10-Lift Orchestra 1.24
11-Dry 1.31
12-Red 0.27
13-Vinyl Memory 1.51
14-Rape 6.29
15-Iggy Burns 1.32
16-Copslove 0.46
17-Terry Hospital 0.50
18-Bad Red Reprise 2.19
19-Last Forest 2.41
20-Lee's Death 4.08
21-Snakes 1.30
22-Iggy's Death 1.32

Musique  composée par:

Rob

Editeur:

Lakeshore Records LKS 346746

Produit par:
Robin Coudert (Rob)
Coordination musique:
Tom Harrison
Monteur musique:
Delphine Measroch, Moritz Reich
Orchestre:
F.A.M.E.'S Project
Producteur score:
Jeanne Trellu
Supervision musique:
Robin Urdang

Artwork and pictures (c) 2014 Red Granite Pictures/Mandalay Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
HORNS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Rob
Trois ans après l’ultra gore « Piranha 3-D », Alexandra Aja, l’enfant terrible du cinéma d’épouvante à la française, est de retour dans son domaine de prédilection, le cinéma d’horreur, avec « Horns ». Le film est adapté du roman éponyme de Joe Hill publié en 2010 et raconte l’histoire terrifiante du jeune Ig Parrish (Daniel Radcliffe), un jeune homme accusé d’avoir assassiné et violé sa fiancée Merrin (Juno Temple) dans une petite ville américaine rurale. Malgré ses déclarations incessantes au sujet de son innocence, Ig est rejeté et conspué violemment par les habitants de la ville toute entière. Pour échapper à la presse, le jeune homme est contraint de se cacher chez ses parents Derrick (James Remar) et Lydia (Kathleen Quinlan) et son grand frère Terry (Joe Anderson), un musicien alcoolique et accroc à la drogue. Une nuit, alors qu’il s’est réfugié dans la cabane en bois au sommet d’un arbre où il retrouvait régulièrement Merrin, Ig entend les déclarations de Dale Williams (David Morse), le père de Merrin, qui l’accuse encore une fois d’être un meurtrier devant toute l’assemblée. Bouleversé, Ig se saoule et urine alors sur le mémorial de Merrin au pied de l’arbre. A son réveil le lendemain, Ig découvre avec effroi que des cornes ont poussé sur le haut de sa tête. Paniqué, le jeune homme tente de tout faire pour retirer les cornes, mais en vain. Il découvre alors que les gens deviennent fous à son contact, révélant leurs fantasmes inavoués et leurs secrets les plus noirs. C’est ainsi qu’Ig réalise qu’il possède un pouvoir surnaturel qui lui permet d’influencer les gens et de découvrir tout ce qu’ils cachent de plus sombres en eux. Bien déterminé à retrouver le meurtrier de Merrin, Ig va utiliser son pouvoir pour traquer le vrai coupable et découvrir une vérité bien horrible, alors même que ses cornes continuent de pousser et qu’il est en train de se transformer en démon.


UN CONTE NOIR MÉLANGEANT HORREUR ET SATIRE


Alexandre Aja n’a rien perdu de sa fougue créatrice et nous le prouve encore une fois avec l’excellent « Horns ». Véritable OVNI, ce film, difficile à classer, oscille entre le drame, l’épouvante, le thriller et la comédie satirique. C’est d’ailleurs ce qui semble avoir attiré ici Aja et son acteur principal, Daniel Radcliffe, qui semble s’évertuer au fil des années à effacer le souvenir de « Harry Potter » en allant toujours plus vers des sujets sombres ou des ambiances gothiques et morbides. « Horns » n’échappe pas à la règle ! Le film repose avant tout sur un scénario absurde où règne une pure folie : accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, Ig Parrish devient le pariât d’une ville toute entière. A force d’être considéré comme le mal absolu, le diable, Ig devient réellement le diable lorsqu’il découvre que des cornes sont en train de pousser sur sa tête. Avec un pitch aussi farfelu, difficile de s’attendre à un autre chose qu’un film étrange, tour à tour drôle et dérangeant, et aussi très violent. L’ambiance de petite ville rurale et d’enquête policière aurait pu faire penser à « Twin Peaks », mais Aja n’est pas David Lynch et préfère se concentrer ici sur la montée de l’horreur et l’irruption du surnaturel dans le quotidien blafard du jeune homme campé à l’écran par l’ex Harry Potter qui se transforme en une sorte de Hellboy.

Dès lors, Aja développe son énigme policière avec brio en multipliant les sous-intrigues, les flashbacks et les jeux de piste, jusqu’au rebondissement final et une très violente confrontation finale où l’on retrouve le génie du cinéaste pour le gore et les effets sanguinolents. Mais ce qui semble avoir davantage intéressé Aja ici, c’est bien l’ambiance gothique de son récit, à travers les transformations progressives d’Ig Parrish, la manière dont il finit par assumer son statut satanique et ses pouvoirs maléfiques, qu’il décide d’utiliser pour traquer ceux qui lui ont fait du tort ou qui cachent la vérité sur la mort de Merrin. L’originalité du pitch vient par ailleurs du fait que les pouvoirs démoniaques d’Ig ne sont pas utilisés pour faire le mal mais bien pour découvrir la vérité sur la mort de la jeune fille. Et c’est là toutes les contradictions du personnage de Daniel Radcliffe qui se voit offrir un rôle taillé sur mesure, teinté de romance, d’ironie morbide et de satire sociale (scène WTF avec sa mère qui lui révèle, sous l’influence des cornes, qu’elle souhaiterait que son fils disparaisse car elle a honte de lui et de l’image qu’il jette sur toute la famille ! A ne pas rater également : la scène où le docteur pète les plombs et révèle à Ig ses fantasmes sexuels inavoués alors qu’il s’apprête à l’opérer !).

Aja réussit à manoeuvrer entre tous ces thèmes curieusement très éloignés les uns des autres et accouche au final d’un film quasiment expérimental et assez unique en son genre. Mention spéciale ici à un casting impeccable teinté de seconds rôles reconnaissables incluant quelques vétérans du cinéma américain (David Morse, James Remar, Kathleen Quinlan) et de têtes bien connues (Heather Graham, Juno Temple, Max Minghella). Le seul véritable problème du film vient en réalité de sa tendance à multiplier les ruptures de ton à profusion. A force de multiplier les thèmes et les ambiances contrastées, le film passe constamment de la romance au thriller en passant par la satire sociale et le film d’épouvante à tel point qu’on a parfois du mal à suivre devant une telle ébauche d’ambiances aussi disparates. Fort heureusement, Alexandre Aja est un cinéaste malin et sait emballer tout ça avec une direction d’acteur impeccable, une photographie de qualité et une mise en scène soignée, à tel point que « Horns » pourrait bien être l’un des meilleurs films de sa filmographie, une oeuvre d’une rare intensité (la séquence où Ig retrouve son frère Terry et utilise ses étranges pouvoirs démoniaques ur lui pendant qu’il se drogue est quasi anthologique !) à ne surtout pas rater !


UNE COMPOSITION ORCHESTRALE INSPIRÉE


« Horns » marque ainsi les retrouvailles entre Alexandre Aja et le compositeur Rob, de son vrai nom Robin Coudert, musicien de pop/rock français qui avait déjà travaillé sur la précédente production d’Aja : le sulfureux « Maniac » de Frank Khalfoun (2012). Plutôt connu pour ses compositions électroniques/pop-rock modernes, Rob crée la surprise sur « Horns » en livrant une partition étonnamment orchestrale et acoustique malgré quelques éléments synthétiques traditionnels. Le film débute avec les accords sombres et mystérieux de « Bad Red » où Rob présente les principaux éléments du score de « Horns » : cordes énigmatiques, harpe, choeurs et bois, l’approche voulue par le compositeur est très classique et fort appréciable, avec le thème principal associé au personnage de Daniel Radcliffe dans le film. Il règne ici un climat sombre où plane une ambiance lugubre avec ces accords de cordes maléfiques accompagnant la trompette dans la dernière partie de « Bad Red », le tout accompagné des sons cristallins d’un harmonica de verre (ce fameux instrument inventé par Benjamin Franklin en 1761). La musique évoque à la fois la mélancolie d’Ig suite au meurtre de Merrin et la malédiction qui s’abat sur lui, le condamnant à se transformer en démon.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Assez étonnamment, on devine ici l’influence de compositeurs spécialiste de l’épouvante et du fantastique comme Christopher Young par exemple. « Death Choir » développe l’utilisation des voix féminines à consonances religieuses sur fond d’harmonica de verre, Rob traitant les sonorités pour les rendre plus mystérieuses, plus sombres. L’harmonica de verre apporte ici un style particulier au film d’Alexandre Aja, une superbe idée qui fait son chemin tout au long du récit. Dans « Blood Stone », Rob évoque le caillou ensanglanté que l’on a retrouvé dans la voiture de Terry qui a probablement servi à tuer Merrin. Le compositeur accentue ici aussi le côté sombre et mélancolique de sa musique avec ses cordes lugubres et ses notes fragiles de piano, avant de céder la place à un style plus angoissant à base de sonorités dissonantes. « Surgery » évoque les cornes qui poussent au sommet du crâne d’Ig Parrish, avec le retour des voix religieuses, d’un jeune garçon soliste et de cordes dissonantes et lugubres.

On a parfois l’impression d’entendre un score tel que « End of Days » de John Debney, du « Rosemary’s Baby » de Krzysztof Komeda ou « Bless the Child » de Chris Young. Clairement, Rob lorgne vers le style des musiques gothiques des films d’épouvante des années 70 aux années 90. Dans « First Love », le compositeur dévoile le thème romantique et mélancolique pour Ig et Merrin avec une mélodie fragile et rêveuse pour piano, cordes, bois et l’omniprésence de l’harmonica de verre, toujours utilisé en fond sonore comme pour rappeler le souvenir obsédant de la jeune fille qui plane sur l’intégralité du film d’Aja. Il règne dans les notes solitaires de piano de « Lift » une douce mélancolie qui évoquerait presque les sonates classiques de Beethoven. Dans « Caddie », Rob illustre l’aspect horrifique du film en mettant l’accent sur les dissonances avec un crescendo angoissant avec ses cordes lugubres et ses voix gothiques, « Caddie » étant l’un des premiers morceaux d’épouvante mémorable du score de « Horns » - il s’agit de la scène du flash-back où Ig se souvient de sa cascade en caddie où il faillit se noyer sous les troncs d’arbre.

Rob propose aussi des variations autour de ses thèmes comme le thème du souvenir de Merrin de « Lift » repris par son piano solitaire dans « Vinyl Memory ». Fidèle à son esthétique électronique moderne, Rob n’hésite pas à retravailler le son pour obtenir des sonorités méconnaissables ou particulières indissociables de l’ambiance étrange et décalée du film d’Alexandre Aja. Dans « Rape », il évoque le flash-back du viol et de la mort de Merrin de manière sombre et agressive. A noter ici ce motif de 5 notes de cordes assez classique d’esprit que Rob développe de manière entêtante comme pour évoquer l’obsession de Lee pour Merrin. La musique devient plus tragique dans « Iggy Burns » où Ig brûle dans sa voiture. Rob met l’accent ici sur le piano et les cordes, reprenant le motif mélancolique et envoûtant du jeune homme dans « Copslove ». Le morceau évoque ici les pouvoirs liés aux cornes d’Ig qui lui permet d’influer sur les fantasmes inavoués des personnes qu’il croise, agissant comme une sorte de sérum de vérité.


UNE CONCLUSION APOCALYPTIQUE ET POIGNANTE


A noter l’emploi très réussi du hautbois et de la flûte soliste dans « Terry Hospital » où l’on retrouve de nouveau cette mélancolie planante et sombre à la fois, typique de la partition de « Horns ». Le thème maléfique lié à Ig-démon revient enfin dans « Bad Red Reprise » dans un arrangement orchestral/choral grandiose et saisissant. - ATTENTION : SPOILER - Dans « Last Forrest », Rob reprend le thème mystérieux de 5 notes de « Death Choir » et « Rape » dans un arrangement pour piano, cordes et bois assez classique d’esprit durant le dernier acte du film dans la forêt, où Ig apprend la vérité sur la mort de Merrin. « Lee’s Death » évoque ensuite l’affrontement final avec le retour du motif de 5 notes de « Rape » pour illustrer le personnage campé par Max Minghella dans le film. Rob met l’accent ici sur les choeurs gothiques aux consonances maléfiques et grandioses avec un ostinato mélodique basé sur le motif entêtant de Lee, à travers un crescendo surpuissant et spectaculaire accompagné de samples de glissandi de cordes tirés de la banque de son EWQLSO (samples qu’on entend partout depuis quelques années dans les musiques de film horrifiques ou à suspense !) –

On a parfois l’impression d’entendre certaines musiques de film fantastique des années 70/80, et pas seulement de Chris Young, puisqu’on pense aussi aux musiques de Fabio Frizzi pour les séries-B italiennes de Lucio Fulci ou même d’Ennio Morricone pour Dario Argento, ou d’autres œuvres d’époque de Piero Umiliani, Claudio Simonetti, Riz Ortolani ou Keith Emerson. Tels ont sûrement été les modèles musicaux qui ont inspirés Robin Coudert sur son excellente partition pour « Horns », même si son approche est somme toute bien moins originale que la plupart des œuvres des compositeurs précédemment cités. Mais à une époque où les musiques de film horrifiques sont essentiellement basées sur du sound design pauvre et insipide, quel plaisir de retrouver enfin une partition musicale gothique et orchestrale, écrite avec un vrai savoir-faire et un travail remarquable d’arrangements musicaux dans le film. Alexandre Aja ne s’est pas trompé en collaborant avec Rob et le résultat à l’écran est impeccable ! Décidément, après la surprise de « Maniac » en 2012, Rob confirme qu’il est un compositeur à suivre, probablement l’un des musiciens français les plus passionnants du moment.



---Quentin Billard