1-Emoji 4.18
2-Bathroom Life Lesson 2.19
3-Smiler Orientation 1.49
4-Gene 3.07
5-Rooftop 1.36
6-Boardroom Terrors 2.27
7-Blitzkreig Bots 0.52
8-Let's Roll! 1.05
9-The Wallpaper 3.13
10-Mehs and Bots 2.42
11-Candy Rescue 2.15
12-Forest Road Planning 1.24
13-Tunnel to Dance App 2.20
14-Gene Choose Hi-5 2.21
15-Smiler's Illegal Upgrade 1.05
16-Trash and Trolls 0.48
17-Instagram Paris 2.26
18-Seas and Whale Songs 1.28
19-The Trash Escape 2.10
20-Tentacle Chase 3.09
21-The Firewall 2.07
22-Cloud and Confession 3.12
23-A Princess Takes Flight 2.01
24-Delete and Rescue 3.24
25-Desperate Deletion 2.39
26-Gene Saves Textopolis 2.43
27-Emoji Ringtone 0.04
28-Good Vibrations 3.21*

*Interprété par Ricky Reed
Ecrit par Ricky Reed, Jason Derulo,
Clarence Coffee Jr,
Nate Mercereau, Joe London,
Eric Tobias, Tom Peyton
Produit par Ricky Reed.

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

Sony Classical 88985452292

Album produit par:
Patrick Doyle
Assistant supervision score:
Emily Appleton Holley
Montage temp music:
Vicki Hiatt
Assistant du compositeur:
Mike Ladouceur
Monteur musique:
Robin Morrison
Supervision score:
Maggie Rodford, Jojo Villanueva
Programmation:
Will Temlett

Artwork and pictures © 2017 Sony Pictures Animation. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE EMOJI MOVIE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
« The Emoji Movie » (Le monde secret des Emoji) est un film d’animation réalisé par Tony Leondis et sorti au cinéma en 2017. Basé sur l’idée complètement saugrenue que les emojis de nos applications web, tablettes et téléphones portables pourraient avoir une vie cachée, le film se déroule dans la ville imaginaire de Textopolis à l’intérieur du smartphone du jeune Alex. On y suit l’histoire de Gene surnommé « Bof » (T.J. Miller), un emoji multi-expressif qui cherche à devenir un emoji comme les autres, capable de se consacrer à une seule et unique émotion pour laquelle il a été crée. A Textopolis, chacun a une vie bien ordonnée et espère que l’utilisateur du portable le choisira pour ses textos, car chacun possède une seule et unique expression.

Mais Gene n’est pas comme les autres et est capable de faire plusieurs expressions, mais parce qu’il est différent, il est rejeté par la société. Il demande alors de l’aide à son ami Tope-Là et Rebelle, la célèbre chasseuse de codes et s’embarquent ensemble pour une aventure au-delà de Textopolis, en allant d’une application à une autre à la recherche d’un code qui permettra à Gene de devenir « normal » et de pouvoir enfin être accepté parmi les siens. Mais les choses se compliquent lorsque Gene, Tope-Là et Rebelle découvrent qu’Alex est en train d’effacer toutes les applis de son smartphone. Gene doit se battre pour sauver son monde avant qu’il ne soit trop tard.

UN FILM D’ANIMATION DECEVANT

Prétendre que « The Emoji Movie » est un film un peu à part est un euphémisme. En imaginant que les emojis de nos téléphones ou applis web auraient une vie à l’intérieur de nos appareils, le réalisateur Tony Leondis nous propose une aventure complètement improbable et loufoque avec une galerie de personnages attachants et insolites. Sur le papier, l’idée fonctionne mais à l’écran, difficile d’être vraiment convaincu. Le film veut trop en faire et ne sait pas à quel public s’adresser : entre les références très techniques qui ne parleront qu’aux spécialistes d’internet (on mentionne Dropbox, le Cloud, le firewall, les spams ou les chevaux de Troie), l’humour, la dérision et le ton très gamin des scènes d’action ou des dialogues et le caractère caricatural des personnages, « The Emoji Movie » tente clairement de s’adresse à tous les publics sans jamais vraiment y arriver. Le film semble aussi être un énorme placement de produit pour Youtube, Facebook, Twitter, Instagram, Spotify, Just Dance ou Candy Crush, et alors qu’on aurait aimé avoir davantage de second degré dans tout cela et un peu de distance, le réalisateur s’amuse avec toutes ces références en propose une aventure lourdingue dont on se fiche royalement.

Le métrage semble donc être une gigantesque pub ultra matérialiste pour tous ces appareils et applications de nos smartphones, avec un message évident sur l’acceptation de soi, des différences, le courage et l’importance de l’amitié pour franchir les épreuves les plus difficiles. A l’heure où les pédopsychiatres s’interrogent de plus en plus sur les dangers des écrans pour le développement des enfants et des ados, on aurait plutôt préféré avoir une réflexion sur l’omniprésence des appareils ou des réseaux sociaux dans nos sociétés modernes et plus particulièrement pour les ados qui en oublieraient presque de vivre, mais non, surtout pas, on préfère au lieu de cela vanter les mérites d’un monde électronique et virtuel super bien organisé où chacun doit trouver sa place – au final, Gene fait tout ça pour être « comme les autres », du coup quid du message sur la tolérance et de l’acceptation des différences des autres ? - même si au final, à la fin du film, la méchante emoji ridicule est vaincue et la morale est sauve. Malgré son succès au box-office 2017 (hélas), le film est massacré par la critique et reçoit 4 Golden Raspberry Awards et une nomination aux Razzie Awards, certains iront même jusqu’à dire que c’est l’un des pires films sortis cette année là.

UNE COMPOSITION ORCHESTRALE VIREVOLTANTE

Le compositeur Patrick Doyle retrouve Tony Leondis plusieurs années après le film d’animation « Igor » en 2008. Pour « The Emoji Movie », Doyle compose une partition orchestrale énergique et vitaminée agrémenté d’éléments électroniques et semble avoir pris son rôle plutôt au sérieux. Le film débute avec le très sympathique « Emoji », qui fourmille de nombreuses idées et déploie une énergie considérable alors qu’on découvre Textopolis et ses habitants au début du film. Les orchestrations sont ici très riches et généreuses, reflétant le classicisme d’écriture habituel de Patrick Doyle. Le thème principal basé sur une mélodie de 6 notes descendantes est dévoilé aux cordes dès 0:06 et reviendra tout au long du morceau (à 1:20 par exemple), et du film. Il est attaché aussi bien au monde de Textopolis qu’à l’aventure loufoque de Gene. Le compositeur multiplie ici les couleurs sonores avec un enthousiasme débordant (à noter le bref passage amusant de type musique de mariachi à 2:52), reflétant les activités incessantes des emojis dans la ville des textos. L’accent est mis ici sur les cordes, les bois et le piano avec de nombreux éléments électroniques qui rappellent parfois le travail d’Henry Jackman sur le « Wreck-It-Ralph » de Disney.

ANALYSE DE LA MUSIQUE

Après une introduction aussi énergique, la musique s’oriente très clairement vers un style plus mickey-mousing dès « Bathroom Life Lesson », à grand renfort de bois sautillants, de pizz de cordes et d’éléments synthétiques inventifs. Dans « Smiler Orientation », Doyle développe des sonorités synthétiques cristallines et new-age tendance années 80/90. Le thème principal est repris ensuite aux cuivres à 0:56 et se transforme alors en motif d’aventure déterminé sur fond de percussions et rythmes synthétiques analogiques. Le thème principal revient ensuite dans « Gene » où il devient évidemment un leitmotiv d’aventure pour le héros du film. Dès 1:05, la musique se transforme en déchaînement orchestral avec le premier passage d’action solide du score de Patrick Doyle. Cuivres agressifs, cordes dissonantes, éléments synthétiques virevoltants, il y a une puissance évidente dans la musique de Doyle qui rappelle parfois « Eragon » ou « Harry Potter and the Goblet of Fire » mais avec plus d’inventivité dans le choix des couleurs instrumentales et des sons électroniques.  « Rooftop » permet à Doyle de renouer avec son style lyrique et poétique habituel, reprenant le thème principal joué délicatement par une clarinette sur fond de cordes chaleureuses et nostalgiques.

Dans « Blitzkrieg Bots », Doyle évoque les robots qui pourchassent Gene avant que ce dernier soit sauvé in extremis par Tope-Là. On retrouve les touches de mickey-mousing habituelles dès « The Wallpaper » qui s’avère plus fonctionnel et n’apporte pas grand-chose à l’écoute globale en dehors des images. Doyle maintient une énergie constante tout au long du film avec une certaine inventivité mais sans jamais vraiment surprendre par son approche somme toute très prévisible. « Mehs and Bots » souligne une nouvelle attaque des bots à l’aide de synthés et de percussions plus agressives. Doyle nous offre un nouveau morceau d’action tonitruant dans lequel sa partie orchestrale est accompagnée de synthés, percussions et même d’une guitare électrique rock fun – étonnamment, la musique fait ici penser à certains scores d’action de Media Ventures des années 90, comme ceux de Trevor Rabin ou Mark Mancina par exemple -

« Candy Rescue » illustre la scène où les héros tentent de fuir les bots en traversant l’application de Candy Crush. La musique alterne ici entre passages d’action tonitruants et moments plus virevoltants dans lesquels Doyle relâche la tension et permet de ne pas se prendre trop au sérieux. Dans « Forest Road Planning », le compositeur utilise même un rythme lent de batterie pop sympathique qui apporte un petit plus à sa musique. Le ton paraît plus doux et intime avec les bois et les cordes qui introduisent « Tunnel to Dance App », puis très vite, les synthétiseurs viennent assombrir l’ambiance, alors que Gene, Tope-Là et Rebelle doivent se rendre dans l’appli de Just Dance. « Gene Chooses Hi-5 » conclut la scène de Just Dance avec un nouveau morceau d’action démesuré, incluant une superbe reprise triomphante du thème principal à 0:15, l’un des moments forts de la partition de « The Emoji Movie ». La section finale de « Gene Choses Hi-5 » se conclut de manière touchante dans un très beau passage pour piano et cordes typiques du compositeur écossais, incluant une reprise optimiste et déterminée du thème principal. A noter dans « Smiler’s Illegal Upgrade » le retour du passage de type mariachi (comme dans l’ouverture) avec un amoncellement de dissonances menaçantes et même des sons électroniques introductifs imitant le son du theremin dans les films de science-fiction des années 40/50.

La guitare électrique rock revient également dans le bref et intense « Trash and Trolls » pour la scène où certaines applications finissent à la corbeille. Le thème principal est repris ensuite de manière intime et touchante au piano au début de « Instagram Paris » avec son accordéon évoquant de manière cliché Paris, pour la séquence à Instagram, où Gene apprend que son père Mel est aussi un emoji qui mal-fonctionne, ce qui explique pourquoi Gene est comme ça depuis toujours. « Instagram Paris » est réellement l’un des plus beaux passages de la partition de « The Emoji Movie » et rappelle à quel point Patrick Doyle est à l’aise dans le domaine des musiques lyriques/romantiques. L’action reprend ses droits dans « The Trash Escape » où Gene et Rebelle partent sauver Tope-Là dans la corbeille. La guitare associée à Rebelle revient ici pour apporter une ambiance particulière à la séquence, avec l’ajout d’une étrange voix féminine. Il s’agit encore une fois d’un passage d’aventure inventif dans lequel Doyle s’amuse particulièrement, incluant une partie centrale triomphante et héroïque assez savoureuse. Idem pour l’agité « Tentacle Chase », qui reprend le thème principal de manière ultra énergique dès 2:30, sur un arrangement calqué sur l’ouverture « Emoji ».

UNE CONCLUSION PLACÉE SOUS LE SIGNE DE L’AVENTURE

« A Princess Takes Flight » nous amène à l’acte final, débutant sur une jolie reprise du thème principal très rapidement interrompu, mais les choses se gâtent dans « Delete and Rescue » lorsqu’Alex commence à effacer les applications de son smartphone. Doyle fait habilement monter la tension pendant près de 3 minutes, alors que Gene entame une véritable course contre la montre pour poster un texto à Addie (la fiancée d’Alex) avec plusieurs expressions faciales, Alex réalisant ainsi que son téléphone fonctionne toujours et qu’il n’est plus nécessaire de toute réinitialiser. Ne ratez pas à 2:15 la superbe fanfare triomphante quasi shakespearienne, du Patrick Doyle à 100 %. Enfin, l’aventure touche à sa fin dans « Gene Saves Textopolis » qui conclut le film sur une ultime reprise du thème principal, héroïque et triomphant : non seulement Gene a enfin trouvé sa place dans Textopolis en s’acceptant lui-même, mais il a sauvé sa ville et devient le héros de son monde.


Ainsi donc, Patrick Doyle livre une composition orchestrale rafraîchissante et survitaminée pour « The Emoji Movie », bien plus intéressante que le film lui-même. Doyle semble avoir été inspiré par le mélange d’aventure et d’humour du film et s’amuse à multiplier les sonorités instrumentales et électroniques avec une certaine aisance, même si l’ensemble n’a rien de bien surprenant et se rapproche beaucoup du score de « Wreck-It-Ralph » d’Henry Jackman. Force est de constater que Patrick Doyle est décidément un compositeur touche-à-tout à l’aise dans tous les styles, même dans le cinéma d’animation, et il nous le prouve encore une fois avec sa musique fort sympathique pour « The Emoji Movie », pas originale et sans surprise mais plutôt bien troussée et contenant pas mal de bonnes idées !


---Quentin Billard