1-Space Exploration 4.23
2-Symbiotes Arrive 2.03
3-First Contact 3.29
4-Eddie's Blues 4.50
5-Run, Eddie, Run 1.47
6-What's Wrong With Me? 2.33
7-Panic At The Bistro 1.23
8-Humans...Such Poor Design 2.55
9-Self Defense 3.38
10-Pedal To The Metal 3.50
11-Eyes, Lungs, Pancreas 2.45
12-You Want Up? 1.40
13-Venom Rampage 3.03
14-Annie, I'm Scared 1.47
15-Parasite 2.57
16-Unexpected Ally 0.51
17-Battle On The Launch Pad 8.18
18-You Belong With Us 3.09

Musique  composée par:

Ludwig Göransson

Editeur:

Sony Classical 19075897622

Album produit par:
Ludwig Göransson
Préparation musique:
Bethany Brinton, Luke Flynn,
Mark Graham

Montage score:
John W. Chapman, Joe Lisanti
Supervision musique:
Monica Sonand, Gabe Hilfer
Programmation score:
Joseph Shirley
Coordination score:
Henry van Roden

Artwork and pictures (c) 2018 Avi Arad Productions/Columbia Pictures/Marvel/Matt Tolmach Productions/Pascal Pictures/Sony Pictures Entertainment/Tencent Pictures. All rights reserved.

Note: **1/2
VENOM
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ludwig Göransson
Ceux qui connaissent bien les comic books « The Amazing Spider-Man » publiées dès 1984 connaissent forcément le personnage de Venom. Cet ennemi extra-terrestre de Spider-Man qui occupe le corps d’Eddie Brock à la manière d’un parasite avait déjà fait une apparition peu remarquable dans le moyen « Spider-Man 3 » de Sam Raimi en 2007. L’année d’après, Sony Pictures annonce qu’un projet de spin-off autour du personnage de Venom est envisagé sérieusement mais rien n’aboutit pendant plusieurs années, faute d’accords véritables, et surtout suite à l’échec de « The Amazing Spider-Man 2 » en 2014 qui remet en cause les projets de suites.

« Venom » sort finalement en salles en 2018, réalisé par Ruben Fleischer (Alex Kurtzman était pressenti pour réaliser le film pendant un moment). A la suite d’une expédition spatiale financée par la Life Foundation, un vaisseau spatial revient sur Terre avec quatre échantillons de symbiotes aliens, une mystérieuse race extra-terrestre parasite prenant l’apparence d’une substance maléfique venant recouvrir intégralement le corps de son hôte, comme une sorte de costume vivant. Hélas, le vaisseau finit par s’écraser quelque par en Malaisie. Depuis ses bureaux de San Francisco, Carlton Drake (Riz Ahmed), le PDG de la Life Foundation, dirige les opérations pour retrouver les échantillons mais l’un des quatre symbiotes a réussi à s’échapper.

Eddie Brock (Tom Hardy), modeste journaliste qui travaille à San Francisco, doit interview Carlton Drake au sujet d’une rumeur prétendant que le PDG utilise des cobayes humains pour mener à bien ses expériences scientifiques, ce qui vaut à Brock d’être mis à la porte de son journal et de perdre son boulot, sa fiancée et son appartement. Peu de temps après, Drake entreprend de mélanger les symbiotes et les hôtes animaux et humains, entraînant la mort de ses cobayes. Bouleversée par ce qu’elle vient de voir, le Dr. Dora Skirth (Jenny Slate), l’une des assistantes de Drake, contacte discrètement Eddie Brock pour lui révéler toute la vérité. Un soir, ils décident ensemble de pénétrer le laboratoire de Drake mais Eddie est brusquement infecté par l’un des parasites extra-terrestre qui va contrôler son corps et son esprit. Eddie réalise alors que le symbiote nommé Venom s’est emparé de son corps et qu’il peut utiliser ses pouvoirs gigantesques à tout moment, traqué par les hommes de main de Drake qui cherchent à récupérer le précieux symbiote. Capables d’arrêter les balles, d’escalader les murs ou de dévorer le visage de ses victimes, Venom et Eddie décident de collaborer lorsqu’ils réalisent que Carlton Drake est contaminé par le symbiote nommé Riot, qui menace d’envoyer une fusée pour ramener les autres symbiotes sur Terre et contaminer la population mondiale.

UN FILM D’ACTION DÉCEVANT

Lorsque Sony Pictures annonça vouloir lancer « Venom » sans la participation des studios Marvel et sans lien avec les autres films de la saga, les fans craignaient que le film soit un four, ce qu’il fut finalement ! Clairement, tout cela s’annonçait mal dès le début. Le film est pourtant très réussi d’un point de vue technique : Venom est ici bien plus convaincant qu’il ne l’était dans « Spider-Man 3 » de Sam Raimi. Tom Hardy campe un Eddie Brock très crédible, entouré de quelques seconds rôles solides. Énorme succès au box-office mondial à sa sortie en 2018 avec plus de 855 millions de dollars de recette, « Venom » n’a pourtant pas été épargné par la critique. Certains l’ont trouvé parfaitement ridicule, d’autres l’ont comparé à un nanar similaire au « Catwoman » de Pitof (2004), etc. Parmi les points négatifs souvent reprochés au film, il y a le fait que Venom apparaît très tard dans l’histoire après une longue exposition, des dialogues indigents et des scènes pseudo comiques qui plongent le film dans un ridicule non assumé, sans oublier la réalisation ultra transparente et impersonnelle de Ruben Fleischer.

Clairement, on a été habitué à des films de bien meilleure qualité du côté de Marvel, et le fait que « Venom » soit une production Sony sans la participation de Marvel a certainement contribué à l’échec critique du film. Plus étonnant encore, la relation entre Eddie Brock et Venom dans le film a souvent été comparé à une romance homosexuelle. On remarque par ailleurs que les rapports entre les deux êtres sont parfois ambigus tout au long du récit, à tel point que certains spectateurs ont inventé le terme « Symbrock » après la sortie du film en 2018, incitant même Sony Pictures à vendre son film pour sa sortie en DVD et Blu-Ray sous la forme d’une comédie romantique centrée sur la relation entre l’homme et l’extra-terrestre (il s’agit d’une forme d’auto-dérision bien entendu). Le principal souci de « Venom », c’est surtout son hésitation constante entre un film d’action sombre et violent et une comédie avec des répliques nulles et un scénario mal foutu. Clairement, le caractère lugubre et brutal du film a bien du mal à cohabiter avec les touches d’humour du scénario et le résultat, plutôt casse-gueule, est à des années lumières de ce que l’on est en droit d’attendre d’un film inspiré de l’univers Marvel. Hélas, le film ayant connu un grand succès au cinéma, Sony va mettre très rapidement en chantier un projet de suite et d’autres films en rapport avec le « Sony’s Marvel Universe » et notamment « Nightwatch », « Kraven the Hunter », « Black Cat », « Silver Sable » ou « Sinister Six ».

UNE PARTITION SOMBRE ET CACOPHONIQUE

La musique de « Venom » est confiée à Ludwig Göransson. Le compositeur suédois, révélé en 2015 pour sa partition musicale splendide pour le « Creed » de Ryan Coogler, s’est depuis largement fait remarquer en signant la musique de l’imposant « Black Panther » de Marvel en 2018. Depuis, Göransson est plutôt actif et se voit confier des projets de plus en plus divers (il a écrit une musique hyper fonctionnelle pour le « Death Wish » d’Eli Roth en 2018 et a été choisi par Christopher Nolan pour écrire la musique de « Tenet » en 2020). C’est donc grâce à sa musique de « Black Panther » que Ludwig Göransson s’est retrouvé à travailler sur « Venom », pour lequel il compose une partition électro-orchestrale sombre et brutale, à l’instar du film de Ruben Fleischer. C’est d’ailleurs la seconde fois que Göransson collabore à un film du réalisateur après la comédie noire « 30 Minutes or Less » en 2011.

A la première écoute, on remarque très vite le caractère expérimentale et étrange de nombreux passages de la musique de « Venom », Göransson n’hésitant pas à travailler les masses sonores électroniques jusqu’à frôler dangereusement la cacophonie pure au cours de certains passages. Pour les besoins du film, le compositeur évoque essentiellement le point de vue monstrueux de Venom et ses camarades symbiotes, et applique à sa musique une série de sonorités difformes, grotesques et extrêmement bruyantes, à la limite même du supportable. Étrangement, la partie plus humaine est illustrée par une approche symphonique plus classique à l’aide de cordes, cuivres et bois, « étrangement » car la cohabitation des deux est parfois ici très hasardeuse, notamment à cause de la tendance fâcheuse du compositeur à noyer ses parties orchestrales sous des tonnes d’effets électroniques barbares.

ANALYSE DE LA MUSIQUE

Autant aller à l’essentiel : le ton est immédiatement donné dès « Space Exploration ». Göransson pose les bases de la partition : synthétiseurs glauques, massifs et oppressants, orchestrations robustes et choeurs démesurés. Les symbiotes sont illustrés dans le film par ces masses sonores difformes conçues sur synthétiseurs et mixés généreusement dans la musique, avec une utilisation de samples électro modernes qui font penser à l’écurie Remote Control d’Hans Zimmer (on a parfois l’impression d’entendre ici une musique électro-acoustique de Junkie XL ou Lorne Balfe). Les samples électroniques, traités avec un effet de distorsion sévère, apportent une signature musicale indispensable aux symbiotes dans le métrage, avec une approche bruitiste résolument expérimentale mais pas forcément convaincante en écoute isolée.

Les créatures sont également illustrées de la même façon dans le menaçant « Symbiotes Arrive » où l’on devine le caractère chaotique et pervers de ces substances extra-terrestres. « First Contact » met l’accent sur les dissonances à l’aide des choeurs, de voix déformées et d’un mélange de cordes et de bois. Plus intéressant, le morceau développe également un motif de deux notes ondulantes aux bois qui rappelle vaguement le début de « Saturne » des « Planètes » de Gustav Holst, motif associé à Carlton Drake dans le film. Cette référence classique est bienvenue dans un score somme toute très sombre, moderne et grotesque, mais elle est trop inexistante et n’est pas suffisamment développée ici pour convaincre pleinement, d’autant que « First Contact » se termine dans la cacophonie pure et brutale évoquant les méfaits des symbiotes.

« Eddie’s Blues » introduit le thème d’Eddie Brock, un motif de 6 notes ascendantes interprétées ici par une guitare électrique avant de céder la place à un nouveau passage à suspense brutal et dissonant. « Run, Eddie, Run » est le premier morceau d’action tonitruant de « Venom » (scène où Eddie affronte des tueurs chez lui en utilisant pour la première fois ses nouveaux pouvoirs), un déchaînement orchestral dominé par les cordes, les cuivres, les percussions et les synthés. On retrouve le motif d’Eddie sur fond de pulsations agressives et de sonorités glauques, difformes et stridentes pour les symbiotes. A noter ici la façon dont Göransson mélange efficacement le motif d’Eddie aux sonorités des symbiotes pour suggérer l’idée que Brock et Venom ne font plus qu’un. « What’s Wrong with Me » débute de manière expérimentale sur des samples de voix déformées.

Les sonorités électroniques industrielles du compositeur semblent surgir tout droit ici du fond du corps d’Eddie Brock, une façon astucieuse que Göransson a trouvé pour évoquer la fusion entre l’homme et le symbiote. Le motif mystérieux de deux notes de « First Contact » est également repris dans la dernière partie de « What’s Wrong with Me ». « Panic at the Bistro » confirme l’approche du compositeur avec une fusion perpétuelle entre l’orchestre (Eddie) et les synthétiseurs (Venom). Le motif de deux notes revient aussi dans « Human...Such Poor Design » et devient progressivement associé à Carlton Drake dans le film, on l’entend notamment lors d’une scène où Drake discute avec l’un de ses cobayes humains avant de lâcher sur lui un symbiote.

« Self Defense » développe le thème d’Eddie et les sonorités de Venom dans un autre morceau d’action violent et agressif. Plus intéressant, « Pedal to the Metal » illustre la scène de la poursuite en moto, où Eddie est poursuivit par les véhicules des hommes de Drake. Göransson nous offre ici l’un des rares morceaux d’action fun du score, notamment dans l’emploi d’une guitare électrique rock, de choeurs et de sonorités électroniques plus rythmées et nerveuses – à noter la grande envolée du thème d’Eddie à 2:05 à la guitare – on pense parfois à certains passages du « Matrix Reloaded » de Don Davis, notamment dans l’emploi caractéristique de l’électronique couplée à certains effets orchestraux. Le thème d’Eddie est repris par des choeurs puissants et maléfiques dans « Eyes, Lungs, Pancreas » pour souligner la brutalité de Venom. L’action se poursuit dans le déchaîné « Venom Rampage », 3 minutes d’action intense à base de synthés difformes, de percussions démesurées, de bois aigus et de cuivres dissonants. « Annie, I’m Scared » vient calmer le jeu grâce à une écriture alternant bois, cordes, piano et synthé où l’on devine une tension constante mais toute en retenue. Le très glauque « Parasite » nous amène quand à lui vers l’acte final du film.

UNE CONCLUSION TRES CHAOTIQUE

« Unexpected Ally » apporte un semblant d’espoir avant l’affrontement final qui débouche enfin sur les 8 minutes chaotiques de « Battle on the Launch Pad », alors qu’Eddie/Venom vont tenter d’empêcher Drake/Riot de faire décoller la fusée pour ramener les symbiotes sur Terre. Le thème d’Eddie est développé intensément ici, avec les sonorités chaotiques et grotesques de Riot et celles de Venom. C’est l’occasion pour Ludwig Göransson de nous offrir un dernier morceau d’action massif et intense, totalement démesuré avec ses percussions barbares, ses cuivres/choeurs surpuissants et ses nombreux changements rythmiques assez complexes. Enfin, le film se termine au son d’un « You Belong With Us » où le thème d’Eddie est repris de manière plus légère, avec une certaine insouciance. Vous l’aurez donc compris, c’est un score très particulier que nous offre ici Ludwig Göransson. Soucieux d’expérimenter le plus possible autour de l’électronique et de créer des sonorités nouvelles, le compositeur se lâche sur le film mais l’ensemble est beaucoup trop inégal pour convaincre pleinement.

Il y a de l’idée certes mais il manque à Göransson une certaine maturité pour équilibrer toutes ses masses sonores avec lesquelles il semble jouer comme un apprenti sorcier incapable de maîtriser ses sortilèges. C’est d’autant plus regrettable que l’on devine un rare talent dans l’écriture orchestrale ou certains passages expérimentaux, mais le mélange des deux est trop bancal et difficile à apprécier en écoute isolée, même si la musique remplit parfaitement sa mission sur les images. On aurait par ailleurs souhaiter entendre des idées thématiques plus originales et singulières, au lieu de cela, Göransson nous livre un motif passe-partout pour le héros campé par Tom Hardy dans le film et une série de sons grotesques et vilains pour Venom et ses compagnons symbiotes. Il y a donc de l’idée mais on ressort mitigé à l’écoute d’une musique fonctionnelle et frustrante.


---Quentin Billard