1-Une chance sur deux
(Générique) 3.57
2-Le spécialiste 1.31
3-Un petit tour de manège 2.36
4-L'évasion 1.51
5-Il faut réaliser ses rêves 1.24
6-Le bruit de l'avocat bien mûr 1.03
7-Le battant et le professionnel 1.58
8-Pris au piège 3.56
9-Peur sous la pluie 3.59
10-Alice rencontre Mr.Vignal 1.03
11-Recherche père
désespérément 2.45
12-L'imper contre-attaque 1.47
13-Deux pères et une fille 2.07
14-Alice s'endort 1.27
15-Une famille unie 1.51
16-Alice rencontre Mr.Brassac 1.35
17-C'est la dernière fois 2.54
18-Vignal se rebiffe 2.24
19-Félonie en sous-sol 3.38
20-L'assaut 6.24
21-Carella est là (New York Trio) 1.54
22-La mallette russe 2.35
23-Les deux font le père 0.42
24-Runaway Love 4.52*

*Interprété par Carole Fredericks
Ecrit par Carol Fredericks
et Gildas Arzel.

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

RCA Records 570422

"RUN AWAY LOVE" de:
Carole Frederiks/
Gildas Arzel,

Interprété par:
Carole Frederiks
Arrangements et Production:
Eric Benzi,
Editions 1996
JRC/Kevin Organisation

Avec l'aimable autorisation de
Ariola BMG France
Consultation musicale:
Edouard Dubois

Artwork and pictures (c) 1997 Films Christian Fechner/ UGCF/ TF1 Films Productions. All rights reserved.

Note: ****
1 CHANCE SUR 2
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Après le succès commercial de « Ridicule », Patrice Leconte se lance cette fois-ci dans la réalisation d’un film d’action à l’américaine avec « 1 chance sur 2 », film dans lequel il réunit deux monstres sacrés du cinéma français : Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, qui se retrouvent pour la première fois depuis « Borsalino » (1970). La jeune Alice (Vanessa Paradis), 20 ans, vient tout juste de sortir de prison après avoir purgé une peine de huit mois ferme pour vol de voiture. Sa mère, qui vient de décéder récemment, lui a laissé une cassette où elle lui révèle le mystère entourant sa naissance. Alice, qui n’a jamais eu la chance de connaître son père, va retrouver la trace des deux hommes que sa mère a aimés, Léo Brassac (Belmondo), concessionnaire automobile, et Julien Vignal (Delon), restaurateur : l’un de ces deux individus n’est autre que son propre père ! Mais avant qu’elle puisse savoir qui est qui, Alice va devoir entraîner les deux compères dans une aventure mouvementée. Effectivement, afin de venir rendre visite à Julien et Léo, Alice a dû voler la voiture d’un dangereux mafieux russe, voiture qui contenait dans le coffre arrière une précieuse mallette convoitée par un chef de la pègre russe. Désormais, les trois individus se retrouvent poursuivis par la mafia russe et vont devoir tout mettre en œuvre pour tenter de sauver leur peau !

Avec un scénario classique et une mise en scène soignée et efficace, « 1 chance sur 2 » a tout pour être un divertissement efficace et honnête. Le film vaut surtout pour la qualité de son trio de choc : Alain Delon et Jean-Paul Belmondo bien sûr, qui assurent toute la partie action musclée du film - et ce malgré l’âge de notre Bébél national, qui, malgré ses 65 ans, réussit encore à assurer des cascades spectaculaires comme lorsqu’il se retrouve suspendu à un hélicoptère vers le milieu du film ! Quand à Alain Delon, il reste fidèle à lui-même et semble même s’auto-parodier dans le rôle du gros dur de service dans un registre proche de « Flic Story ». Vanessa Paradis apporte quand à elle un peu de fraîcheur et de charme féminin au milieu des deux stars qui se la jouent gros bras tout au long du film, avec un soupçon d’humour, de tendresse et de dérision. Visiblement, les acteurs se sont fait plaisir et cela se voit ! Avec des dialogues de qualité (incluant les traditionnelles répliques choc de Belmondo) et des scènes d’action spectaculaires, « 1 chance sur 2 » possède bon nombre de qualités qui en font un divertissement efficace ! Reste qu’au final, aussi sympathique soit-il, le film de Patrice Leconte ne laissera pas un souvenir impérissable, « 1 chance sur 2 » s’étant d’ailleurs complètement ramassé au box-office français 1998 !

La musique d’Alexandre Desplat demeure indiscutablement l’un des points forts de « 1 chance sur 2 ». Le compositeur, qui déclarait récemment avoir eu une période hollywoodienne entre 15 et 25 ans, a composé une excellente musique pour le film de Patrice Leconte. Arborant un style symphonique « à l’hollywoodienne », entre tradition classique et touches modernes, la musique d’Alexandre Desplat apporte son lot d’action, d’émotion et d’excitation au film de Patrice Leconte. Pour commencer, on notera ici l’excellent thème des deux héros du film, thème exposé dès le générique de début (« 1 chance sur 2 »), une mélodie de cordes/piano assez mystérieuse et très prenante, soutenue par un loop de synthétiseur moderne qui rythme le morceau et lui apporte une énergie toute particulière. Le caractère mystérieux et un peu sombre de ce thème permet au compositeur de souligner habilement l’énigme entourant l’identité du véritable père d'Alice. Alexandre Desplat adopte immédiatement une atmosphère clairement hollywoodienne dans sa partition : interprétée par le prestigieux London Symphony Orchestra - l'un des orchestres les plus réputés dans la musique de film - la partition de « 1 chance sur 2 » utilise quelques clichés typiques des musiques à l’américaine que Desplat a toujours grandement affectionné dans sa jeunesse. Les orchestrations sont larges et amples, l’accent étant mis ici sur le pupitre des cordes et des cuivres. Desplat s'est donné les moyens nécessaires pour réaliser une musique ample et généreuse en adéquation avec la fraîcheur et l’énergie du film de Patrice Leconte.

Desplat conserve sa personnalité musicale européenne, tout en s’imprégnant d’un style hollywoodien très reconnaissable ici. Un morceau comme « Le spécialiste » fait ainsi clairement référence aux musiques de série-B à suspense des années 80 avec son lot de piano « thriller » et de synthétiseurs à la Jerry Goldsmith - l’une des nombreuses influences d’Alexandre Desplat sur la musique de « 1 chance sur 2 » ! Dans « Un petit tour de manège », la musique prend une tournure orchestrale plus ample et majestueuse, avec une introduction très soignée, avant de céder la place à une atmosphère de suspense dominée par des synthétiseurs sombres et obsédants à la Jerry Goldsmith (on pense ici au score de « L.A. Confidential » !), des sonorités électroniques inquiétantes qui, couplées à des orchestrations plus sombres, illustrent dans le film la menace des mafieux russes. La scène de l’évasion permet à Desplat de nous offrir un premier morceau d’action agité, avec une conclusion héroïque de toute beauté, aux orchestrations élégantes et raffinées : bien loin de verser dans la caricature hollywoodienne pure, Alexandre Desplat a préféré opter pour une approche musicale plus personnelle, qui réussit beaucoup au film. Son lyrisme paraît même plus européen d’esprit dans le touchant « Il faut réaliser ses rêves » pour une scène avec Alice, l’accent étant mis ici sur les cordes et la harpe. A contrario, un morceau comme « Le bruit de l’avocat bien mûr » apporte un humour bienvenu à la musique de « 1 chance sur 2 ».

De l’action, Alexandre Desplat nous en offre avec « Pris au piège » et ses quelques touches slaves discrètes évoquant les méchants russes pour une scène d’affrontement avec les mafieux - le tout sur fond de cuivres effrénés et d’orchestrations très classiques d’esprit. Le classicisme d’écriture de certains passages demeure complètement maîtrisé, comme le confirme un morceau comme le très tendu « Peur sous la pluie » et ses notes graves de piano « thriller » à la Jerry Goldsmith. On retrouve ici le loop électronique inquiétant du début et un style qui rappelle beaucoup encore une fois bon nombre de partitions action/suspense de Goldsmith. Desplat maintient ici la tension pour une autre scène d’action du film, l’écriture des cordes n’étant pas sans rappeler Stravinsky par moment. La musique respire avec le très touchant et subtil « Alice rencontre Mr. Vignal », lorsque notre jeune héroïne fait la connaissance de Julien Vignal, qui pourrait être son père. Le morceau possède un lyrisme simple, élégant et émouvant, tout à fait typique du compositeur (cf. « Carella est là »). C’est alors que Desplat choisit de renouer avec un style électronique plus moderne dans « Recherche père désespérément » où il utilise un piano électrique très années 80 pour évoquer la détermination d’Alice à découvrir l’identité de son vrai père. A noter que le compositeur nous offre quelques petites touches d’humour dans les titres de certaines pistes de l’album, en référence à des classiques du cinéma : « L’imper contre-attaque », « Vignal se rebiffe », « Félonie en sous-sol », etc.

Le thème principal revient de façon toujours aussi mystérieuse dans « Deux pères et une fille » (lors de la rencontre entre Julien et Léo vers le milieu du film), tandis que la musique se veut plus douce et intime dans le délicat « Alice s’endort », Julien et Léo passant alors un peu de temps près d’Alice qui dort paisiblement dans son lit. Desplat a écrit pour cette scène un très beau morceau pour piano aux harmonies raffinées, preuve incontestable que le compositeur possède aussi une certaine sensibilité qu’il sait exploiter sans jamais tomber dans les envolées mélodramatiques hollywoodiennes ! Ces passages plus intimes et émouvants font preuve d’une finesse et d’une élégance rare dans le film. L’électronique devient plus présent sur « Alice rencontre Mr. Brassac » et « C’est la dernière fois », morceaux d’action aux orchestrations plus inventives (utilisation de sourdines des cuivres, jeux divers sur les couleurs instrumentales, effets de dialogues entre les instruments, etc.). « C’est la dernière fois » nous permet d’ailleurs d’entendre une superbe envolée héroïque de trompette à la John Williams pour l’un des grands moments de bravoure du film (la scène de l’hélicoptère !). Idem pour le très rythmé « L’assaut » avec ses cuivres plus imposants et son ostinato électronique du plus bel effet !

Au final, Alexandre Desplat nous livre une partition rafraîchissante, énergique et entraînante pour le film de Patrice Leconte. Avec ses orchestrations inventives et soignées, et son alternance entre style classique et passages plus hollywoodiens et modernes, la musique de « 1 chance sur 2 » démontre toute l’étendue d’un compositeur encore relativement jeune à l’époque où il écrit cette musique mais qui possède déjà un certain potentiel qui aboutira quelques années plus tard sur des productions bien plus riches et ambitieuses - et parfois même outre-Atlantique. Avec « 1 chance sur 2 », Alexandre Desplat apporte son lot d’action, d’humour et de tension au film de Patrice Leconte et en profite aussi pour rendre un hommage très habile et personnel à la musique de film hollywoodienne (et plus particulièrement ici à Jerry Goldsmith !). Voilà en tout cas l’une des partitions les plus réussies du compositeur, à ne surtout pas manquer !


---Quentin Billard